Vous avez davantage d’exigences lorsqu’il s’agit des collectivités et de leurs élus !
Aides aux banques et à la finance et destruction de nos services publics : tout cela va de pair. La suppression de la taxe professionnelle est, en fait, un des instruments que vous utilisez pour mettre fin aux services publics locaux.
Tout le monde reconnaît pourtant que les services publics sont de véritables amortisseurs sociaux, en particulier dans cette période de crise. Les services publics prônent des principes de solidarité. Votre politique est aux antipodes de ces principes.
C’est l’intérêt privé contre l’intérêt général ; c’est la rentabilité financière contre l’efficacité sociale ; c’est le choix de la loi du marché contre celui d’une organisation politique et sociale démocratique et planifiée.
Nous n’assistons pas à la mise en place d’une réforme supplémentaire, mais nous sommes bien face à un bouleversement profond de notre société, ce bouleversement qu’appellent de leurs vœux les représentants du grand patronat.
Les élus sont, dans leur très large majorité, très inquiets. Je citerai quelques propos glanés ici et là, à droite comme à gauche : « La gestion fiscale est extrêmement risquée et on ne peut pas l’improviser » ; « Nous n’avons pas de visibilité dans le temps sur les moyens d’assumer nos compétences. Et il serait bon de se doter d’un délai pour que toutes les simulations aient pu être fournies ».
Tout cela vous ne l’entendez pas ! Votre seule réponse est qu’il faut restaurer la compétitivité des entreprises.
Pourquoi ce cadeau fiscal supplémentaire serait-il efficace ? On le sait, et le rapport Cotis l’a confirmé, sur les vingt dernières années, il y a eu stabilité de la part salariale, baisse des investissements et augmentation sensible des dividendes pour les actionnaires dans l’utilisation de la valeur ajoutée.
Cela montre bien que les exonérations de taxe professionnelle sur la part « salaire », aussi bien que celles sur les cotisations sociales, n’ont pas eu l’effet escompté sur la compétitivité ou sur l’emploi.
Si certains représentants des PME pris à la gorge espèrent que cette baisse de fiscalité améliorera leur quotidien, d’autres s’interrogent davantage sur l’attitude des banques qui leur refusent des crédits.
Les entreprises, en particulier celles du bâtiment, ont bénéficié jusqu’à présent de la dynamique des collectivités locales, qui sont les premiers investisseurs publics de ce pays avec plus de 80 % des investissements.
Vouloir ignorer que les collectivités sont les premières pourvoyeuses d’emplois et tabler sur un allégement fiscal pour renforcer ces entreprises répond essentiellement à une analyse à courte vue.
Lorsqu’une entreprise s’installe dans une commune, elle ne le fait pas en fonction de la fiscalité locale. J’ai pu le constater en tant que maire, et je pourrais vous donner de nombreux exemples. Ce sont les services offerts dans la ville ou le département – les infrastructures, les écoles, l’université, la vie culturelle – qui déterminent les installations.
Le lien économique entre les collectivités et les entreprises est indispensable. Il a forgé pendant des décennies le développement de notre territoire. Les collectivités locales sont des partenaires essentiels du développement économique, des partenaires privilégiés du monde de l’entreprise.
En supprimant la taxe professionnelle, vous allez rompre ce lien au détriment de l’économie et de l’emploi. Vous allez transférer sur les ménages les impôts dus par les entreprises puisque toute marge de manœuvre sera supprimée pour que les collectivités modulent la fiscalité en direction des entreprises. Je rappelle que cette modulation est relativement faible aujourd'hui, puisqu’elle est encadrée.
On peut réellement craindre pour le maintien des services qui sont rendus à la population jusqu’à présent. Tous les élus savent pertinemment que la taxe professionnelle reste un instrument dynamique, avec des progressions notables chaque année. Qu’en sera-t-il de la nouvelle contribution économique territoriale ? On peut fort justement craindre qu’elle sera beaucoup moins dynamique, le barème progressif n’étant pas un modèle d’efficacité dans ce domaine.
Les élus locaux ne peuvent comprendre le peu de cas que vous faites de leurs remarques, de leurs attentes. Ils le comprennent d’autant moins que devant l’accroissement indécent des profits des banques vous proposez de laisser faire. Elles peuvent même tranquillement continuer à provoquer les faillites des PME.
Nous pensons, pour notre part, qu’une réforme de la taxe professionnelle est indispensable. En étendant les bases d’imposition de la taxe professionnelle aux actifs financiers des entreprises, des banques, des assurances, des groupes de la grande distribution, nous la rendrions plus efficace.
Vous avez accordé des milliards d’euros au secteur bancaire au cours de la dernière période, et leurs profits ont quadruplé. Plutôt que de financer la reprise économique, les liquidités accumulées retournent à la spéculation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, beaucoup d’économistes craignent fort justement que la crise ne soit relancée, et non l’économie.
Il est vrai que la taxe professionnelle pèse plus sur les industries et beaucoup moins sur les secteurs financiers et bancaires, moins sur les services et la grande distribution. Le rapport est bien souvent du simple au double.
Comme je l’ai dit à maintes reprises, n’est-il pas préférable de réfléchir à l’évolution de l’assiette de la taxe, à l’importance et à la pertinence des correctifs à lui apporter, et trouver les voies d’une réforme permettant d’assurer aux collectivités locales les moyens financiers de leur action et de rétablir entre les entreprises contribuables un traitement équitable au regard de l’impôt ?
L’intégration de la richesse financière dans les bases d’imposition rétablirait l’équité face à l’impôt pour les entreprises et serait bénéfique à notre économie.
Une taxation des actifs financiers qui permettrait d’alimenter un fonds de péréquation national supprimerait tout risque de perte de recettes, situation que l’on connaît bien avec les dotations de compensation de l’État.
Les collectivités y gagneraient en visibilité sur leurs ressources. En effet, ce que vous leur proposez, avec votre projet de suppression de la taxe professionnelle, c’est une navigation dans le brouillard.
Les seuls qui y verront vraiment clair, ce sont les grandes entreprises, en particulier du secteur financier. Vous leur offrez sur un plateau 11 milliards d’euros en 2010 et 5, 8 milliards en vitesse de croisière pour les prochaines années.
L’argent dégagé retournera à la spéculation. L’investissement stagnera de nouveau. Les effectifs des entreprises se réduiront également. Vous contribuerez ainsi à relancer la crise.
La suppression de la taxe professionnelle est symbolique d’orientations aventureuses sur le plan économique et social.
Vous n’écoutez pas les élus de terrain qui savent de façon concrète ce que représente dans la gestion d’une collectivité l’intérêt de la population.
Ce projet est dangereux pour les collectivités, il est inquiétant pour l’emploi et pour les entreprises, et il est facteur d’inégalités entre nos territoires, entre nos habitants, puisque nous ne pourrons plus assurer les services publics.
Par votre proposition, vous préemptez tout le débat sur la réforme des collectivités. Quand vous aurez asséché les ressources de ces dernières, elles n’auront plus beaucoup de choix. Nous sommes loin de l’amélioration de la démocratie dont vous parliez, monsieur le ministre.
Vous avez pu le constater, nous ne rejetons pas purement et simplement votre projet puisque nous vous proposons une autre réponse dont nous pensons, avec mes collègues du groupe CRC-SPG, qu’elle apportera aux collectivités territoriales les moyens de satisfaire les besoins de nos concitoyens tout en gagnant en efficacité économique.