L’argument de la compétitivité avancée par le Président de la République dans son discours de Saint-Dizier ne tient pas la route. Vous le savez si bien, madame la ministre, que vous avez déclaré qu’il fallait enlever aux entreprises qui délocalisent cet alibi selon lequel la taxe professionnelle handicaperait la compétitivité. Faites leur confiance, elles en trouveront d’autres !
Vous nous dites également qu’il ne faut pas décourager l’investissement des entreprises. Mais le montant de la taxe professionnelle n’est pas la principale motivation de l’investissement ; toutes les enquêtes ont démontré que la taxe venait en septième ou huitième position dans les motivations des chefs d’entreprises.
L’allègement au bénéfice des entreprises s’élèvera, si j’ai bien compris, à un peu plus de 4 milliards d’euros, quand nos exportations annuelles atteignent 400 milliards d’euros. Le regain de compétitivité ainsi obtenu est donc vraiment minime. Que représente-t-il au regard des dévaluations compétitives du dollar, du yuan accroché au dollar, de la livre britannique ? Plus de 30 % de dévaluation et on crie au protectionnisme ! Mais le protectionnisme monétaire existe !
Je crains donc que prétendre lutter ainsi contre les délocalisations industrielles ne soit qu’un effet de manche. L’entreprise mondialisée investit dans les pays à bas coûts, là où se trouvent les marchés du futur, et la France fait de moins en moins partie de son horizon. Voyez Renault, qui fabrique plus des deux tiers de ses voitures à l’étranger, et Peugeot, qui en réalise encore la moitié en France, mais qui vient d’annoncer la suppression de 6 000 emplois. Est-ce là la contrepartie du plan de soutien à l’automobile qui a alloué 3 milliards d’euros de crédits publics à ces deux entreprises, soit plus que la taxe professionnelle ?
Seul le rétablissement d’une concurrence équitable entre l’Europe et ses concurrents américain et asiatique est de nature à restaurer la compétitivité de nos entreprises et à redynamiser notre économie, par une réforme du système monétaire international et par des clauses anti-dumping en matière sociale et environnementale.
Cette suppression de la taxe professionnelle est revendiquée comme une décision personnelle par le Président de la République. Mais, depuis très longtemps, j’entends que cette revendication émane du MEDEF. Or, même du point de vue des entreprises, elle n’est pas très judicieuse.
La cotisation territoriale constituera un lien beaucoup plus ténu entre l’entreprise et le territoire que ne l’était la taxe professionnelle. Les entreprises ont besoin de services publics de qualité. Est-il bien opportun de pénaliser les entreprises de service et le développement du secteur tertiaire, qui est le plus créateur d’emplois ?
Il n’est pas convenable, madame la ministre, monsieur le ministre, de vouloir supprimer la taxe professionnelle sans avoir au préalable assuré aux collectivités territoriales un juste système de remplacement. Il est trop facile de remettre à plus tard la définition précise des règles fiscales en fonction des compétences qui seront ou non transférées et de laisser au Parlement le soin de préciser les mécanismes de répartition entre les différents niveaux de collectivités.
Vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, que la répartition entre niveaux de collectivité n’est pas, à compétences inchangées, arrivée à son terme.