Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 19 novembre 2009 à 22h15
Loi de finances pour 2010 — Débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Cet investissement contribue à la compétitivité du territoire français, à la qualité de vie et même à notre bon taux de natalité, notamment au travers des maternelles, des crèches et des haltes garderies.

La suppression de la taxe professionnelle ne sera pas intégralement compensée, pour un ensemble de raisons que je n’ai pas besoin de développer. M. Juppé vient de le confirmer ; je m’abrite donc derrière son autorité.

L’intercommunalité, en mettant en commun les compétences stratégiques des communes, a donné à ces dernières les moyens d’exercer ces compétences. Le Président de la République s’est étonné, dans son discours de Saint-Dizier, que les effectifs des EPCI aient crû de 64 % depuis dix ans, c’est-à-dire depuis le vote de la loi de 1999. Mais c’est une preuve de succès, parce que, à l’époque, l’intercommunalité urbaine n’existait quasiment pas, en dehors d’une douzaine de communautés urbaines et de cinq communautés de ville. Depuis cette date, se sont créées pas moins de 174 communautés d’agglomération et trois communautés urbaines de plus de 500 000 habitants : Marseille, Nantes et Nice.

Ces communautés exercent aujourd’hui dans des domaines stratégiques – le développement économique, l’habitat, les transports – des compétences que les communes adhérentes n’exerçaient pas ou exerçaient mal. Simplement, vous allez les priver de la ressource correspondante, la taxe professionnelle unique, qui représentait la quasi-totalité des ressources des intercommunalités très intégrées. Le dispositif qui va la remplacer – c'est-à-dire la cotisation foncière et 20 % de la cotisation sur la valeur ajoutée – représentera une recette notablement inférieure. Comment imaginer que les dynamiques engagées puissent se poursuivre, sinon par le recours accru à la fiscalité additionnelle pesant sur les ménages ? Ils seront les grands perdants de la réforme !

Il est donc tout à fait légitime de s’interroger sur la pertinence de certains cadeaux supplémentaires octroyés aux entreprises. Pourquoi avoir voulu substituer au taux unique de la taxe professionnelle, dans le ressort de l’intercommunalité, un taux progressif qui laissera 90 % des entreprises en dehors du champ d’application du nouvel impôt ? Pourquoi ne pas vouloir abaisser, comme l’avait proposé l'Assemblée nationale, le seuil d’exonération de cotisation complémentaire à 152 000 euros pour élargir l’assiette du nouvel impôt ? Pourquoi vouloir plafonner le montant de la cotisation économique à 3 % de la valeur ajoutée et l’assiette taxable à 80 % du chiffre d’affaires ? Et pour la taxe foncière, pourquoi la commission des finances veut-elle diminuer, par amendement, de 15 % la valeur locative des immobilisations industrielles ?

Toutes ces dispositions devraient être supprimées, car elles sont autant de cadeaux fiscaux arbitraires faits à certaines catégories. Oui à l’effort, madame la ministre, monsieur le ministre, à condition qu’il soit équitablement partagé !

La suppression de la taxe professionnelle n’est pas opportune, pour toutes les raisons qu’a fort bien développées Yvon Collin. En début d’année, le Gouvernement a lancé un plan de relance de l’économie et, maintenant, c’est un formidable coup de frein qui est donné !

Il est paradoxal de voir le Gouvernement et sa majorité proposer à la fois un budget en déséquilibre massif, bouclier fiscal et exonérations abusives aidant, et prononcer des vœux de continence à perpétuité à l’usage des collectivités locales. Il faut vous en rendre sinon hommage, du moins témoignage : seule la droite peut agir ainsi ; la gauche ne pourrait procéder de cette façon, et je parle d’expérience.

Le péché et la contrition se donnent en spectacle simultané ; les prédications en chaire de MM. Arthuis et Marini couvrent les affreux dérèglements au regard de l’orthodoxie de Mme Lagarde et de M. Woerth. C’est vraiment du grand Mauriac !

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