Intervention de François Patriat

Réunion du 19 novembre 2009 à 22h15
Loi de finances pour 2010 — Débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Quels péchés ont-elles commis ?

Celui d’avoir trop embauché pour prendre le relais de l’État qui leur a transféré des emplois précaires : les TOS de l’éducation nationale, le personnel chargé de la mise en œuvre de l’inventaire, et, aujourd’hui, celui des voies navigables et des canaux secondaires ? C’est vrai, elles sont coupables d’avoir respecté les indices, les salaires et les déroulements de carrière !

Celui d’avoir augmenté la TIPP pour mettre en place le plan climat ?

Pour les punir, vous allez vous y prendre en trois temps : en « cantonalisant » les régions, en instaurant un scrutin inique et en les asphyxiant.

On a beaucoup parlé de l’autonomie des communes et des intercommunalités, mais quid de l’autonomie des régions ? Aujourd’hui, leur autonomie fiscale est de 30 % environ. Que leur restera-t-il demain ? Rien, à part une dotation de l’État, qui occupe déjà une place importante ! M. Séguin lui-même, Premier président de la Cour des comptes, le dit : quand l’État verse 93 milliards d’euros de subventions d’investissement, les collectivités versent 427 milliards d’euros.

Chaque année, on investit dans le budget de l’État 12 ou 13 milliards d’euros. L’État consacre 10 milliards d’euros à la défense et 2 milliards d’euros seulement à l’investissement civil !

Qu’allez-vous leur laisser ? Une dotation et deux ressources : la cotisation complémentaire, dont le taux sera voté par le Gouvernement et par l’État, et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, dont le taux sera également voté par l’État et par le Gouvernement. Autrement dit, rien !

À partir de 2011, les régions n’auront plus à voter que deux impôts : d’une part, la taxe sur les permis de conduire, qu’elles ont réduite à zéro pour ne pas pénaliser les jeunes, surtout les plus en difficulté, et les sept millions de précaires que compte notre pays ; d’autre part, la TIPP. Mais à quoi servira celle-ci ? À payer des lignes à grande vitesse, ou LGV, que l’État devrait financer lui-même ! Sur les 15 milliards d’euros de la future LGV Paris-Lyon via Clermont-Ferrand, les collectivités devront débourser 50 %. Nous ne souhaitons pas les assumer !

Plutôt que de nous demander d’augmenter la TIPP et de nous reprocher ensuite d’avoir alourdi les impôts, prenez en charge l’augmentation de l’essence et celle de la TIPP et payez la LGV ! Après tout, c’est de la compétence de l’État !

L’État nous demande de financer la A 77, la RCEA, la future route Centre-Europe-Atlantique, ou le contournement de grandes villes, dans le cadre du plan de relance ou autres. Or ce n’est pas non plus de la compétence de la région. Pourtant, le préfet de région me dit : si vous n’intervenez pas, l’État ne le fera pas. Et après, on nous reproche de trop dépenser, de trop prélever et de ne pas rester dans le cadre de nos compétences ! Ce cynisme va-t-il durer encore longtemps ? Sachez-le, nous n’augmenterons pas la TIPP !

Que restera-t-il de l’autonomie fiscale ? Plus rien ! Nous allons en revenir à l’EPR, l’établissement public régional, doté d’un budget affecté, les régions n’ayant plus de ressources à voter.

Vous voulez punir les régions de gauche, parce qu’elles représentent pour vous des féodalités. Leurs présidents, je vous le rappelle, ont été élus avec 300 000, 400 000, 500 000 ou 600 000 voix. Quel mépris à leur égard ! Quel recul dans la décentralisation !

On ne peut pas, d’un côté, dire que l’on va engager une nouvelle étape de la décentralisation et, de l’autre, museler, la région, la plus jeune collectivité, la plus moderne, celle qui répond aujourd’hui aux aspirations de l’aménagement du territoire de nos compatriotes.

Vous nous dites que vous compenserez demain la taxe carbone. Pour la région Bourgogne, la taxe carbone, ce sera 650 000 euros. Existera-t-il demain un fonds de compensation ? De toute façon, sur quelle ressource la région la financera-t-elle ? Sans autonomie, elle ne pourra plus faire face à ses charges.

Il en va de même pour la hausse mécanique des salaires. Pour l’année 2010, la région Bourgogne dépensera 79 millions d’euros, contre 75 millions d’euros cette année. Eh oui ! nous appliquons la loi, nous respectons notre personnel ! Sans ressource nouvelle, comment allons-nous financer cette hausse, sinon au détriment des investissements dans les lycées, les trains, la formation professionnelle, l’économie ?

Madame la ministre, vous qui avez reçu le titre de meilleure ministre de l’économie, savez-vous que, entre la mi-2008 et la fin de cette année, la Bourgogne aura perdu 20 000 emplois, dont 10 000 emplois industriels, dans l’indifférence totale des pouvoirs publics ?

La région, les départements et les communes rencontrent les chefs d’entreprise, les salariés. Ces collectivités vont sur le terrain pour tenter de trouver des repreneurs, de pallier au plus pressé. Je pense à Michelin, à LCC, à Fruehauf ; cette semaine encore, des entreprises comme Fulmen ont fermé leur porte sur le territoire bourguignon. Que fait l’État ? Il est aux abonnés absents !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion