Mais il est impossible d’échapper au moulin à prières tournant pour la disparition de l’impôt « stupide ». Nous en avons encore eu quelques démonstrations tout à l’heure.
Pourtant, nous savons tous – cela a d’ailleurs été rappelé par un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires – que le taux de taxe professionnelle arrive en queue de liste des critères déterminant les décisions d’implantation des chefs d’entreprises. En outre, la baisse de la taxe professionnelle n’affectera que marginalement les entreprises les plus soumises à la concurrence internationale.
En 2008, seulement 95 500 entreprises françaises, soit 3, 2 % des entreprises qui paient la taxe professionnelle, ont été exportatrices. Les exportations ont représenté 410 milliards d’euros, soit presque cent fois plus que la baisse de taxe professionnelle dont bénéficieront la totalité des entreprises ! En d’autres termes, vous réduisez la contribution économique de toutes les entreprises pour améliorer, à la marge, la compétitivité de 3, 2 % d’entre elles. Avouez qu’il y a tout de même de quoi douter de la pertinence de la méthode !
L’observation de l’évolution de l’indice des prix industriels en sortie d’usine à l’exportation ne montre pas non plus de sensibilité particulière de ces prix aux baisses de taxe professionnelle, qu’il s’agisse de la suppression progressive de la part salariale décidée entre 1999 à 2002 ou du plafonnement à 3, 5 % de la valeur ajoutée mis en place à partir de 2007 ; je tiens les graphiques à votre disposition.
Selon l’étude d’impact annexée au projet, « la réforme cible les secteurs économiquement exposés à la concurrence économique internationale : la minoration de 15 % des valeurs locatives foncières des établissements industriels bénéficie par nature au secteur industriel, tandis que le passage d’une assiette constituée des EBM à une assiette valeur ajoutée est favorable à l’investissement ; à l’inverse, la proposition de maintien de l’assiette des bénéfices non commerciaux, qui ne sont pas soumis à la concurrence internationale, procède de la même volonté de cibler les effets de la réforme sur les secteurs exposés ». C’est du pur verbiage !
Toujours selon le Conseil des prélèvements obligatoires, la valeur ajoutée « particulièrement élevée dans le secteur industriel, qui est le plus affecté par la concurrence internationale […], ne permettrait pas d’alléger les coûts de production ».
D’ailleurs, à la lecture du tableau de l’étude d’impact, il est assez amusant de constater que, malgré la minoration des bases, la baisse de l’impôt économique bénéficie essentiellement non pas au secteur industriel, mais à la construction, à l’agriculture ou aux services aux particuliers, c'est-à-dire à des secteurs qui ne sont pas spécialement exposés à la concurrence internationale ! En outre, on se demande bien ce que les bénéfices non commerciaux viennent faire là-dedans…
La « compétitivité internationale » n’est qu’un cache-misère, invoqué pour faire payer les promesses électorales du candidat Nicolas Sarkozy par les collectivités locales.
On procède en diminuant le poids de l’impôt économique, comme nous l’avons vu, et en corsetant l’autonomie fiscale des collectivités par l’étatisation des taux de l’essentiel de la contribution économique, c'est-à-dire la cotisation complémentaire, par l’augmentation de la part des dotations et des impôts sous maîtrise étatique dans les recettes des collectivités, par le rétablissement de la liaison des taux entre impôts sur les ménages et contribution économique, enfin, par le transfert, à terme, sur les ménages de l’ajustement budgétaire des collectivités.
Plus encore que la recherche d’une spécialisation des impôts par collectivité – c’est le type même de la fausse bonne idée –, la complexe « plomberie » de redistribution de l’impôt local qui nous est proposée, avec ses vases d’expansion, ses siphons, sa tuyauterie et ses by-pass, trouve là son origine.