Intervention de Charles Gautier

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h30
Débat sur le rôle de l'état dans les politiques locales de sécurité

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

Les propos tenus par M. Copé aux Assises de la prévention de la délinquance juvénile le 14 octobre dernier, auxquelles nous avons assisté ensemble, s’inscrivent dans le même sens.

Quel aveu ! Les collectivités financent ce qui relève normalement du domaine de l’État, c’est-à-dire la sécurité quotidienne, et ce sans qu’aucune péréquation soit bien évidemment mise en place.

Votre nouvelle solution miracle, c’est la vidéosurveillance, et, dans ce domaine, vous adoptez les mêmes méthodes ! Le budget du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD, est en effet utilisé à hauteur de 75 % pour financer la mise en place de systèmes de vidéosurveillance dans les villes.

Bien sûr, je l’ai dit plus d’une fois, la vidéosurveillance peut être un outil intéressant, si son usage est encadré et son objectif bien défini. Mais qui finance aujourd’hui sa mise en place, son entretien et son encadrement ? Les villes ! Certes, elles reçoivent du FIPD quelques subsides, mais ceux-ci sont issus de taxes qui, de toute façon, leur reviennent : vous prenez aux villes pour donner aux villes !

Vous encouragez la mise en place des personnels de sécurité et des systèmes de vidéo, alors même que votre réforme des collectivités locales entraînera une diminution importante des moyens des collectivités locales. Les maires font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, monsieur le secrétaire d’État, et leurs capacités financières ne sont pas équivalentes.

Il ne s’agit pas ici – bien au contraire ! – d’opposer l’État aux collectivités locales, comme le fait votre collègue Christian Estrosi ou comme vous le faites vous-même, en demandant aux préfets de pointer, parmi les maires, les bons et les mauvais élèves.

Les maires ne vous ont pas attendu pour demander aux autorités compétentes les renseignements utiles concernant les familles en difficulté et pour s’impliquer auprès d’elles. Quand c’est nécessaire, ils procèdent opportunément à des rappels à l’ordre, à la suite d’incivilités ou de faits mineurs susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la salubrité et à la sécurité publiques. Depuis longtemps, ils sont conscients que, dans le domaine de la sécurité, la coproduction est non seulement inévitable et manifeste, mais aussi profitable à tous.

En réalité, il s’agit de bien redéfinir les compétences de chacun, ainsi que les moyens mis à disposition, ni plus ni moins !

Les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, constituent des outils importants de cette coproduction. Ils sont pourtant trop souvent envisagés par l’État comme des contrats lui permettant de négocier son propre retrait. S’il est inutile de les rendre obligatoires, comme le prévoit la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il conviendrait néanmoins de les rendre plus efficaces.

Or les expériences divergent sur ce point. Les CLSPD fonctionnent très bien, ou très mal, souvent même pas du tout. Le facteur humain joue pour beaucoup dans cette situation, car les relations entre, notamment, élus, fonctionnaires de police et de justice, gendarmes, travailleurs sociaux et éducateurs ne sont pas spontanées. Ces mondes se côtoient et travaillent trop souvent sur les mêmes sujets sans parfois se croiser. C’est une culture nouvelle qu’il faut mettre en place, chaque service de l’État ou des collectivités locales ayant intérêt à connaître les actions menées par les autres : tout cela prendra du temps.

Voici donc, en résumé, le rôle que devrait jouer l’État : impulser une politique nationale, la financer à hauteur suffisante pour que les collectivités locales soient en mesure d’assurer l’égalité des citoyens en matière de sécurité et de faire respecter le droit de toute personne à la sûreté, tant celle-ci est au cœur du pacte républicain. Avouez, monsieur le secrétaire d’État, que nous en sommes loin aujourd’hui !

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