Intervention de Alain Anziani

Réunion du 20 janvier 2011 à 9h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Article 32 ter A

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Cet article, qui concerne l’évacuation des campements illicites, est l’un des articles les plus emblématiques de ce texte.

Il faut en rappeler l’origine : dans les chaleurs de l’été, le Président de la République a fait plusieurs déclarations incendiaires ; l’une d’elles, en particulier, a mis le feu à toute une communauté, la communauté des Roms et celle des gens du voyage.

Même si l’Élysée a dû baisser d’un cran ses prétentions, le texte qui nous est soumis aujourd’hui en est la traduction législative, qui vise, cette fois-ci, les plus mal lotis et les plus mal logés, ceux qui vivent dans des habitations de quatre sous ou dans des bidonvilles.

Sans doute faut-il reconnaître que, en première lecture, le Sénat a une nouvelle fois fait preuve de sa hauteur de vue habituelle en s’efforçant d’encadrer ces dispositions. Pour autant, le résultat définitif n’est pas fameux, parce que les raisons qui ont motivé ces dispositions ne sont elles-mêmes guère fameuses.

Ce texte déroge au droit commun sur tous les points.

Ainsi, il déroge au droit commun en matière d’expulsion. En principe, une expulsion est ordonnée par un tribunal ; là, le tribunal ne décidera rien, l’expulsion aura lieu. Certes, celle-ci pourra faire l’objet d’un recours, mais encore faut-il que les personnes concernées en soient informées et sachent comment l’introduire.

Donc, je le répète, le droit commun est modifié, qui exige en principe une décision judiciaire préalable.

Pareillement, le doit commun interdit habituellement toute expulsion en période hivernale. Les dispositions prévues dans le présent texte, alors même qu’elles visent l’une des populations les plus défavorisées qui soient, s’affranchissent de ces règles.

Ce projet de loi déroge également au droit commun puisque, en principe, une expulsion suit une procédure bien précise dont même le préfet doit être averti de manière qu’il puisse prévoir des solutions de relogement. Tel ne sera pas le cas ici. En outre, la destruction des biens pourra être ordonnée, autre manquement au droit commun.

Surtout, un point nous choque particulièrement dans ce texte : la loi se veut dure avec ces personnes sans logis, cependant que la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale n’est pas appliquée. C’est une drôle de situation, si j’ose dire : nous avons voté un principe, celui du droit au logement opposable, principe à valeur constitutionnel, selon tous les commentateurs, mais un principe qui reste lettre morte. Voilà ce qui est choquant !

Deux poids, deux mesures, dit-on. Dans le cas d’espèce, il faudrait plutôt dire : deux lois, deux mesures.

En conclusion, ce qui rend sans doute ce projet de loi inadmissible, c’est que, selon que vous serez puissant ou misérable, la loi vous sera dure ou favorable. Voilà ce que nous ne pouvons accepter en République !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion