Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi. Les débats ont été longs, mais fructueux. Ce projet de loi a été largement enrichi par le Sénat puisque plus de 260 amendements, issus de tous les groupes politiques, ont été adoptés. Je me réjouis également que les amendements du rapporteur visant à revenir à une véritable loi de programmation aient été adoptés. Il était en effet indispensable de clarifier, d’épurer et de préciser les objectifs qui sous-tendaient ce texte.
C’est d’autant plus important que ce texte est fondateur pour les temps à venir. Nous sommes aujourd’hui engagés dans une période d’évolution où nous devons faire preuve d’une forte dose de pédagogie. Il faut réussir à faire passer l’idée que, pour l’avenir de la planète, les problèmes environnementaux, au sens large, sont prioritaires et doivent progressivement être traités comme tels dans tous les secteurs où les décisions engagent de manière irréversible.
Il faut le dire, nous devons désormais envisager un développement économique et des créations d’emplois obtenus grâce à une véritable croissance nouvelle, fondée sur la promotion de technologies émergentes plus respectueuses de l’environnement ; des études réalisées par différentes instances le confirment, je n’y insisterai pas. Pour convaincre les plus réticents, il faut mettre en valeur les conclusions du rapport de sir Nicholas Stern, qui démontrent que l’inaction coûtera, à terme, largement plus cher que l’action, et que conduire une politique de développement durable en y consacrant une part du PIB raisonnable est à notre portée.
En déclenchant une réelle prise de conscience de l’urgence environnementale chez l’ensemble de nos concitoyens, le Grenelle a été un véritable succès. Il est indispensable que nous soyons tous convaincus que nous devons agir pour protéger notre environnement. On a tendance à oublier que, chaque année, la consommation d’énergie des ménages continue de croître, alors que le secteur industriel a déjà entrepris, depuis plusieurs années, sa mue énergétique.
Le projet de loi a été considérablement enrichi par le Sénat. Il est impossible d’être exhaustif et c’est pourquoi je me limiterai à citer quelques points, à mon sens essentiels.
En ce qui concerne la performance énergétique des logements neufs, nous n’avons pas modifié l’amendement « Ollier » voté à l’Assemblée nationale. En revanche, le Sénat a adopté plusieurs amendements visant à la réalisation d’une étude par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur le niveau pertinent de la modulation du seuil de 50 kilowattheures, prenant également en compte les questions liées aux facteurs de conversion d’énergie finale en énergie primaire.
Il est indispensable de poursuivre la réflexion sur ce point. Du fait du coefficient de conversion de 2, 58 appliqué à l’énergie électrique, le seuil de 50 kilowattheures est saturé sous le seul effet de la consommation d’énergie liée à un ballon d’eau chaude à accumulation. Cette disposition met en danger l’ensemble des constructions de logements sociaux neufs en zone rurale, où il n’existe pas de possibilité de chauffage au gaz. Il est indispensable, monsieur le ministre d’État, de poursuivre la réflexion sur ce sujet sensible.
En ce qui concerne les transports, de nombreuses avancées ont été réalisées, tant sur le fret que sur le transport de personnes. Je me réjouis particulièrement que le Sénat ait choisi de privilégier les lignes ferroviaires qui jouent un rôle de désenclavement. Une réflexion doit par ailleurs être engagée sur la généralisation de l’autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes, ainsi que sur la réduction de la vitesse à 80 kilomètres à l’heure et l’interdiction de dépassement sur autoroute pour l’ensemble des poids lourds, mesures qui toutes vont dans le sens d’une plus grande sécurité sur les routes et d’une réduction du trafic des poids lourds.
À l’article 26, nous avons adopté à la quasi-unanimité un amendement visant à supprimer une disposition prévoyant l’effacement des ouvrages les plus problématiques. Cette suppression est conforme à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui dispose que la gestion équilibrée de la ressource en eau doit permettre de satisfaire les exigences : « De l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées ». Comme vous pouvez le constater, cet article est complexe !
J’en viens à la problématique agricole. L’agriculteur que je suis regrette que l’image de l’activité agricole donnée par ce projet de loi soit quelque peu caricaturale, se réduisant à une opposition entre l’agriculture intensive, qui détruit notre environnement, et l’agriculture biologique.
Cette présentation ne reflète pas, à mon sens, la réalité agricole. Elle est d’autant plus dommageable que l’agriculture que nous avons aujourd’hui résulte directement de la mission qui lui a été confiée, à savoir nourrir les hommes. Plus de 900 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde aujourd’hui, et ce n’est pas avec la seule agriculture biologique que l’on pourra nourrir la planète. J’ai toujours défendu l’agriculture biologique, mais il convient d’être réaliste sur les rendements que l’on peut en attendre.
Si nous voulons que la France reste la grande puissance agricole qu’elle est aujourd’hui, nous ne pouvons pas totalement remettre en cause le modèle que nous avons porté jusqu’ici, et ce d’autant plus que les agriculteurs français n’ont pas attendu le Grenelle pour s’occuper de l’environnement. J’avais déposé un amendement visant à inscrire dans ce texte l’agriculture raisonnée ; il n’a pas été accepté. Il aurait pourtant permis de rendre hommage à ceux qui, avant le Grenelle, s’étaient engagés dans une démarche environnementale utile, différente et complémentaire de l’agriculture biologique.
Je me félicite aussi de l’adoption de l’amendement que j’avais présenté prévoyant une modulation de la réduction des intrants pour les filières de production qui ne disposent d’aucune molécule de substitution pour remplacer celles qui seront interdites. Les petites productions, telles que certaines cultures légumières et fruitières, ne sont pas rentables pour les sociétés privées. Néanmoins, ce sont des productions qui comptent beaucoup au niveau local. Elles assurent une véritable vitalité économique des territoires.
Nous avons également adopté des amendements visant à préserver les terres agricoles de l’artificialisation. L’agriculture doit en effet faire face à une raréfaction du foncier agricole, avec la perte de 60 000 hectares de terre cultivable chaque année.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’aggrave chaque jour un peu plus, parce que l’artificialisation est difficilement réversible.
Enfin, je me réjouis que mon amendement visant au développement des ressources en eau par la création de retenues ait été adopté. Nous avions déjà eu l’occasion de débattre de cette problématique lors de l’examen de la loi sur l’eau. La rédaction que nous avons adoptée est parfaitement conforme au code de l’environnement, qui prévoit à son article L.211-1 que la gestion durable et équilibrée de l’eau vise au développement, à la mobilisation, à la création et à la protection de la ressource en eau. Il me semblait primordial que cet objectif soit rappelé dans le texte fondateur qu’est le Grenelle I. Stocker l’eau quand elle est abondante, en prévision des périodes plus sèches, est une mesure de bon sens répondant au principe de précaution.
Cette problématique n’est pas seulement agricole. Ainsi, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies a prévenu, le 24 janvier dernier, au forum économique de Davos, que les ressources en eau étaient en train de s’épuiser. Les organisateurs du forum ont d’ailleurs publié pour la première fois un rapport consacré à cette question. En introduction, ils soulignent ceci : Nous ne pouvons tout simplement pas continuer à gérer l’eau comme nous l’avons fait par le passé, ou la sphère économique s’effondrera. Les perspectives des deux prochaines décennies, si rien ne change, donnent la chair de poule. La rareté de l’eau aura des conséquences sur la croissance économique, la sécurité humaine, l’environnement et la stabilité géopolitique.
II est donc urgent d’agir, et j’espère que la disposition adoptée par le Sénat permettra dès à présent d’anticiper sur la pénurie à venir.
En conclusion, je tenais à vous remercier, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, de la qualité de votre écoute et de votre esprit de conciliation, et à vous assurer du soutien du groupe centriste, qui votera à la quasi-unanimité votre texte.