Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 10 février 2009 à 16h00
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Discussion générale

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur :

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes heureux de vous accueillir et nous nous félicitons d’avoir toujours travaillé avec vous dans la transparence et la plus grande cordialité. Je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, de nous faciliter la tâche.

Le projet de loi organique qui nous est soumis aurait pu apparaître d’une simplicité telle que ses quatorze articles, ou plutôt treize d’entre eux, n’auraient pas dû susciter tant de débats, de tentatives d’obstruction et d’anathèmes lors de son examen par l’Assemblée nationale. Pour avoir tenté de suivre le cheminement un peu chaotique – vous l’avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d'État –, de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale, on ne peut pas affirmer qu’il en est ressorti, ni sur la forme ni sur le fond, avec plus de lisibilité que le projet initial.

Bien entendu, c’est l’article 13, instituant facultativement la fixation de délais pour l’examen d’un texte, qui a été le plus débattu, car il a pour conséquence la mise aux voix sans discussion des amendements parlementaires. J’y reviendrai en reprenant dans l’ordre les articles de la Constitution nécessitant une loi organique.

En ce qui concerne les résolutions visées à l’article 34-1, on peut être en accord avec le dispositif prévu par l’Assemblée nationale, mais il a semblé à la commission des lois que l’interdiction de déposer des amendements sur les résolutions n’empêchait pas les commissions de s’en saisir, le cas échéant, pour éclairer le débat.

Sous cette réserve, et quand nous aurons aussi disserté sur le fait de savoir si une proposition de résolution ne peut être inscrite au cours de la même session si elle a le même objet qu’une proposition antérieure et si l’irrecevabilité doit être motivée, examinons l’application de l’article 39 de la Constitution.

Sans être fanatique, comme certains, des études d’impact que sous-entend cet article, quels sont les éléments nécessaires pour la présentation des projets de loi ?

Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, les expériences passées ont largement démontré leur vacuité, les études d’impact ayant le plus souvent été réalisées après l’élaboration des projets de loi, et ayant finalement été abandonnées.

Le projet de loi organique a été très enrichi par l’Assemblée nationale, allant jusqu’à viser certaines catégories professionnelles. Nous vous proposerons une clarification de ce dispositif, les documents joints au projet de loi devant définir les objectifs visés, recenser les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposer les motifs du recours à une nouvelle législation.

Souhaitons que ces dispositions, qui pourront être vérifiées sur l’initiative de la conférence des présidents de la première assemblée saisie par le Conseil constitutionnel, conduisent à une déflation législative.

L’Assemblée nationale a ajouté, notammentque devraient être fournis la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaire, leurs orientations principales et le délai prévisionnel de leur publication, oserais-je dire dans le respect des articles 34 et 37 de la Constitution ?

Si, curieusement, aucune étude d’impact n’est envisagée pour les propositions de loi, l’Assemblée nationale en a prévu pour les dispositions non exclusives des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, sans d’ailleurs, pour des raisons de délais, en sanctionner l’insuffisance ou l’absence. Cela nous a paru contraire à l’exclusion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale telles qu’elles résultent de l’article 39 de la Constitution. En revanche, rien n’interdit de le prévoir dans la loi organique relative aux lois de finances, et nous vous le proposerons par un article additionnel.

Nous vous proposerons également de compléter la liste des documents devant améliorer l’information du Parlement pour les traités et accords internationaux visés à l’article 53 de la Constitution. Il en est de même pour les ordonnances, en distinguant bienle stade de l’habilitation et celui de la ratification qui, je le rappelle, ne peut plus être implicite.

Enfin, et pour éviter les amendements du Gouvernement qui ont parfois constitué de véritables projets de loi, des études d’impact peuvent être demandées, avec desrisques réels de blocage du débat, et même pour ceux des parlementaires Souhaitons que ces articles soient utilisés avec modération.

D’une manière générale, si les études d’impact constituent incontestablement un progrès et une garantie de meilleure information du Parlement, soyons attentifs – je pense aux rapports de certains grands corps de l'État ces dernières années – à ce qu’elles ne délivrent pas une vérité « univoque », qui renforcerait la technocratie et qui empêcherait, en définitive, de vrais choix politiques.

Mais il est temps d’en venir au chapitre III du projet de loi organique, qui concerne le droit d’amendement, en application de l’article 44 de la Constitution, qui dispose, dans son premier alinéa – il faut toujours rappeler les textes, même si nous les avons tous en tête ! – : « Les membres du Parlement et du Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

L’objectif du constituant, en permettant l’exercice de ce droit en séance ou en commission, visait, d’abord, la procédure d’examen simplifié de certains textes, comme cela se pratique pour certains accords internationaux, et pourquoi pas, demain, pour les lois de codification ou pour la ratification de certaines ordonnances, telles que celles concernant l’application de la législation outre-mer ; c’est l’article 12 du projet de loi.

Mais, en dehors de ce cas, le droit d’amendement s’exerce en séance, ce qui ne peut en aucun cas impliquer que l’expression orale sur les amendements soit illimitée. D’ailleurs, les règlements des assemblées prévoient une limitation, ainsi que la procédure de clôture et le vote bloqué.

L’article 13 du projet de loi, complété par les articles 13 et 13 ter, prévoit que les règlements des assemblées puissent instituer une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte et déterminant les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les parlementaires peuvent être mis aux voix sans discussion.

Vous l’avez dit, jusqu’en 1969 et elle est la règle dans presque tous les parlements d’Europe ; je vous renvoie à l’excellent rapport de nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet. Cette mesure a cependant cristallisé les oppositions.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs complété ce dispositif par un article prévoyant que soit garanti le droit d’expression de tous les groupes parlementaires, en particulier celui des groupes d’opposition et des groupes minoritaires. Cela signifie que l’on ne peut pas limiter strictement les temps de parole, puisque les groupes d’opposition ainsi que les groupes minoritaires disposent d’un certain nombre de droits prévus par la Constitution.

L’Assemblée nationale a ajouté la possibilité d’une explication de vote personnelle sur l’ensemble pour chaque parlementaire, ce qui n’est pas le cas, à l’heure actuelle, à l’Assemblée nationale selon la procédure ordinaire, qui prévoitgénéralement une explication de vote par groupe.

Si l’Assemblée nationale – laissons la établir son règlement comme elle l’entend –, trouve le moyen d’acclimater cette procédure, nous ne saurions nous y opposer, ce qui n’implique nullement que nous y soyons contraints nous-mêmes.

En conséquence, les conclusions du groupe de travail présidé par le président du Sénat conduisent la commission des lois à ne proposer aucune modification des articles 13, 13 bis et 13, que nous n’avons pas l’intention de mettre en œuvre dans la révision de notre règlement.

Monsieur le secrétaire d'État, j’ai gardé pour la fin un alinéa de l’article 11 qui, dans la rédaction de l’Assemblée nationale, prévoit ceci : « Le Gouvernement, à sa demande ou en réponse à l’invitation d’une commission, peut-être présent lors de l’examen et du vote des amendements en commission. »

Il s’agit d’une construction intellectuelle sympathique,

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