Mais prenez garde, car notre histoire électorale récente nous apprend que les Françaises et les Français apprécient les contre-pouvoirs. Or la droite ne sera pas toujours au pouvoir au niveau national, de cela, je suis sûr.
Deuxième exemple, le Parlement. Il ne suffit pas au Président de la République d’exercer tous les pouvoirs, qu’il s’agisse du droit de dissolution, du droit de s’exprimer quand bon lui semble devant le Parlement, sans même que celui-ci ait le droit de répondre, ni au Gouvernement de disposer de la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, qui est maintenue. Ce que le président Hyest a dit tout à l’heure – je l’ai écouté avec un grand intérêt – est vrai : le droit d’amendement est encadré dans d’autres démocraties européennes, mais elles n’accordent pas les mêmes pouvoirs personnels au chef de l’exécutif, notamment le droit de dissolution.
Aujourd’hui, le Gouvernement veut limiter les droits de l’opposition, le droit de s’exprimer et le droit d’amender. Ce quinquennat a deux ans, et déjà Napoléon perce sous Bonaparte !
Il n’aura échappé à personne que les modifications de la Constitution débattues aujourd’hui – nous parlons ici pour tous les parlementaires, et pas uniquement pour le Sénat – ont fait grand bruit à l’Assemblée nationale, même si visiblement le Gouvernement a souhaité faire la sourde oreille. Après un Président de la République quasi aveugle, qui ne voit pas les grèves, voilà un Gouvernement qui n’entend pas les revendications !
Ce texte est largement et ouvertement critiqué par nos collègues députés, car il est incomplet et ne répond pas à l’ambition affichée de rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement. Comble de l’ironie, il revient même sur un droit fondamental du parlementaire et affiche des dispositions qui reviennent, ou pourraient revenir, sur l’autonomie de notre assemblée !
L’équilibre des pouvoirs est un élément fondamental de notre démocratie. Pourtant, ce projet de loi organique contient des dispositions qui menacent cet équilibre fragile ! Je vous renvoie ici à ce que notre rapporteur écrit lui-même à ce sujet.
S’agissant du respect de l’équilibre des pouvoirs, le Gouvernement marche visiblement sur un fil, car la frontière est ténue qui nous sépare encore d’un régime que je qualifierais de « césariste ». Cela relève de notre responsabilité à tous, nous parlementaires siégeant au sein d’une assemblée qui a su par le passé s’opposer à des projets contraires à l’intérêt général.
Si le « Président de la parole » veut imposer le silence au Parlement, il faut le dire clairement.
Pourtant, et nous le démontrerons, il est possible, dans le cadre de ce projet de loi organique, de conforter les droits du Parlement, la sincérité des débats et l’expression de tous en évitant que les débats ne se prolongent excessivement, par exemple, à l’article 11, en interdisant au Gouvernement de déposer sur ses propres projets de loi des amendements tendant à insérer des articles additionnels. Voilà une manière de rationaliser le temps du débat parlementaire ! On pourrait aussi bien ne pas laisser le Gouvernement assister aux votes qui ont lieu en commission.
Il y va d’un intérêt supérieur, celui de la capacité de débattre et de la liberté de voter, pour nous tous, qui représentons ici la nation !
Je ne voudrais pas m’étendre trop longtemps sur les différents articles, mais je ne peux que contester le contenu de l’article 12, qui nous semble avoir pour objectif finalement d’interdire l’exercice du droit d’amendement en séance publique, sous prétexte qu’il faudrait gagner du temps !