Intervention de Dominique Braye

Réunion du 31 janvier 2007 à 10h20
Droit opposable au logement — Article 3

Photo de Dominique BrayeDominique Braye, rapporteur pour avis :

Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer au cours de la discussion générale, la démarche présentée au travers du projet de loi pourrait se heurter à des problèmes de mise en oeuvre. En effet, le calendrier retenu suppose à mon sens, madame la ministre, un volontarisme forcené.

Dès le 1er décembre 2008, cinq catégories de personnes éprouvant des difficultés particulières de logement pourront faire valoir leur droit au logement devant les juridictions administratives. Cette faculté sera étendue, à compter du 1er janvier 2012, à tous les demandeurs se trouvant toujours en attente d'un logement à l'issue d'un délai anormalement long.

Un tel calendrier, que je qualifie de marche forcée, n'était même pas préconisé par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées dans le rapport qu'il a remis le 3 janvier dernier au Gouvernement.

En tout état de cause, personne n'est aujourd'hui en mesure de nous dire avec précision combien de ménages seraient concernés par ces dispositions. Or, pour nous engager résolument et efficacement dans la mise en oeuvre d'un plan de rattrapage de l'offre de logement conforme aux besoins de la population, il me semble qu'il nous faudrait connaître précisément l'ampleur des besoins.

L'échéance du 1er janvier 2008 arrivera bien vite : c'est presque demain. L'État risque, en quelque sorte, d'être dépassé par les événements, car il ne sera pas en mesure de répondre aux nombreuses demandes de logement. Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, nous verrons dans quelques années qui aura eu raison.

Notre objectif, madame la ministre, n'est pas de faire condamner l'État par la justice administrative ; il est de donner un logement décent à tous ceux qui en ont besoin dans notre pays. Il convient de ne pas favoriser une certaine « judiciarisation » des rapports sociaux dans notre pays, que personne n'a envisagé jusqu'à ce jour et qui n'est pas dans notre culture.

Notre objectif, partagé par tous, je l'espère, est bien d'apporter une solution durable aux personnes qui souffrent de leurs conditions de logement.

Enfin, au risque de me répéter, je souhaite réaffirmer solennellement que la reconnaissance de nouveaux publics prioritaires pour l'accès au parc de logements sociaux ne doit pas se faire au détriment d'autres catégories de la population, que je qualifierai de frange la plus riche des pauvres et qui, elles aussi, éprouvent de graves difficultés pour se loger et dont les demandes de logement ne sont pas moins légitimes.

Je considère donc que les échéances prévues dans le projet de loi demandent, dans une France encore confrontée à une grave pénurie de logements à loyers accessibles au plus grand nombre, une volonté politique de longue durée, d'un caractère exceptionnel, dont tous, nous l'avons bien vu, ne sont pas capables : il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter à un passé pas si lointain, à savoir la période 1997-2002.

Comme le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées l'a toujours affirmé, la reconnaissance de l'opposabilité du droit au logement dans notre pays ne peut résulter que de la mise en oeuvre d'une stratégie progressive, comportant nécessairement un certain nombre d'étapes.

À cet égard, je relève que certains de nos collègues ont pris l'exemple de l'Écosse. Or l'Écosse a consacré deux années à la concertation avant de mettre en place, sur une période de dix ans, un droit au logement, dans un pays qui connaît beaucoup moins de difficultés dans ce domaine que le nôtre et où les tensions sont beaucoup moins fortes.

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