Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 31 janvier 2007 à 15h00
Droit opposable au logement — Article 3

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Au terme de la discussion de cet article 3, nous sommes parvenus au bout de la définition, telle que préconisée par MM. les rapporteurs, de l'opposabilité du droit au logement, prise du point de vue des demandeurs.

Lors de la discussion générale, nous avions dit que le droit au logement opposable risquait fort de devenir « impraticable ». Force est de constater que c'est bien ce qui ressort du contenu des amendements adoptés à l'occasion de l'examen de ces premiers articles.

Tout se passe comme si, devant l'émotion suscitée par la situation de « mal-logement », après avoir fait quelque publicité à un projet de loi d'apparence généreuse, écrit avec le concours des acteurs du droit au logement, en l'occurrence le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, après avoir produit un peu de battage médiatique sur cette procédure, on laissait aux parlementaires de la majorité le soin de vider consciencieusement le texte de toute portée réelle.

Le droit au logement opposable, avec l'ensemble des conditions et des verrous que vous venez de proposer au fil de l'article 1er et des articles 2 et 3 du présent projet de loi, a de moins en moins de sens et de portée pour ceux à qui il s'adresse, c'est-à-dire les demandeurs d'emploi, surtout après avoir refusé pratiquement tous les amendements de l'opposition.

La liste des déboutés du droit au logement opposable risque d'être fort longue, car elle comprendra notamment : les travailleurs étrangers des nouveaux pays de l'Union européenne ; les travailleurs étrangers de pays tiers non titulaires de titres de résident d'au moins cinq ans, si ce n'est dix ; les sans-abri ayant dans leur parcours résidentiel un contentieux locatif irrésolu ; les déboutés du droit d'asile hébergés temporairement en CHRS, ou centres d'hébergement et de réinsertion sociale ; les très nombreuses personnes dont la situation administrative n'est ni régularisable ni susceptible de conduire à leur expulsion du territoire national. Et je pourrais multiplier encore les exemples !

En outre, n'oublions pas que l'invocation de la bonne foi, l'impossibilité de se faire représenter en justice par un avocat rémunéré avec l'aide juridictionnelle et bien d'autres raisons encore conduiront nombre de personnes à devoir renoncer purement et simplement à l'exercice de toutes procédures d'affirmation et d'effectivité du droit.

En définitive, le droit au logement opposable, selon votre conception et tel qu'il découle des différents amendements que nous venons d'examiner sur ces trois premiers articles, s'apparentera à un véritable parcours du combattant !

La raison en est toute simple : vous continuez à y être opposés, mais sans pouvoir le dire publiquement. À l'occasion de ce débat, on retrouve finalement en filigrane le climat qui a toujours prévalu au sein de cette assemblée sur tous les textes relatifs au logement, et que je peux résumer ainsi : « Tout, mais pas pour les pauvres ! »

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