L'article 55 de la loi SRU posait le principe de l'existence, dans l'ensemble des localités urbaines, d'un parc locatif social constituant 20 % des résidences principales. Les années quatre-vingt-dix avaient en effet été marquées par la dérive croissante d'un mode de production de logements frappé de plein fouet par l'augmentation du coût du foncier et l'obstination d'un certain nombre d'élus locaux à refuser de répondre à la demande sociale.
Les années quatre-vingt-dix ont également été marquées par la quasi-disparition de tout dispositif d'accession sociale à la propriété, tandis que la poussée du niveau des loyers créait des difficultés majeures et renouvelées à de nombreuses familles pour se loger. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains visait, dans sa philosophie, et notamment par son article 55, à remédier à ces difficultés.
On peut craindre au demeurant que l'adoption de la loi portant engagement national pour le logement ne remette en question les objectifs de cette loi fondatrice du droit à la ville en intégrant la programmation de logements sociaux dans un cadre supposé plus large, celui des plans locaux d'urbanisme. Elle tend, de fait, à faire de ce besoin socialement impérieux de construction de logements locatifs sociaux un objectif secondaire au regard des politiques d'urbanisme menées par les collectivités territoriales. Elle risque même de créer les conditions d'une forme d'inversion des priorités, en qualifiant de fait la réalisation de logements sociaux de « supplément d'âme » des politiques urbaines.
Notre amendement pose concrètement la question essentielle qui devrait animer toute réflexion sur le logement. En effet, la loi doit-elle faire place aux seules préoccupations urbanistiques des élus, à leur capacité d'élaborer des plans locaux d'urbanisme, ou doit-elle les mettre en situation de respecter le cadre législatif fixé depuis cinq ans, afin de répondre aux besoins de la population ?
Comment peut-on aujourd'hui concevoir une politique d'aménagement urbain sans prendre en compte le fait que les revenus de la majorité des demandeurs de logement sont largement inférieurs aux plafonds de ressources - le plus souvent, même, en dessous de 60 % -, que près d'un ménage français sur deux n'est pas imposable au titre de l'impôt sur le revenu, et que le salaire moyen dans notre pays avoisine les 1 600 euros mensuels ?
La situation présente, d'ailleurs, un caractère de plus en plus insoutenable. Ainsi, dans une région comme l'Île-de-France, qui compte 20 % de la population nationale et où l'on ne construit aujourd'hui que 10 % des logements de l'ensemble du pays, chaque jour qui passe voit s'aggraver les discriminations dont souffrent les demandeurs de logement.
Notre amendement vise, en fait, à revenir à la rédaction de l'article 55 de la loi SRU moyennant quelques aménagements, le principal d'entre eux consistant à accroître sensiblement la pénalité exigée des communes qui ne respectent pas les principes édictés dans cet article.
Sous le bénéfice de ces observations, nous ne pouvons que vous inviter, chers collègues, à adopter cet amendement.