Cet amendement porte sur la question de la construction de logements sociaux, plus particulièrement sur leur présence dans le patrimoine locatif des trois communes les plus importantes de notre pays, communes qui, chacun le sait, sont aujourd'hui partagées entre arrondissements de tailles et de populations fort diverses.
Cette réalité spécifique, prise en compte par la loi PLM et par la législation électorale en particulier, est clairement connue : Paris est divisé en vingt arrondissements, tandis que Lyon en compte neuf et Marseille, seize.
Ces arrondissements sont le résultat, de manière propre à chacune de ces villes, des conditions historiques de la création et du développement des trois agglomérations. Mes chers collègues, ce serait faire injure à chacun des membres de la Haute Assemblée que de rappeler dans le détail, par exemple, les conditions dans lesquelles le territoire de la ville de Paris s'est constitué, dépassant au fil du temps les limites des fortifications et des enceintes pour finir par annexer les communes situées dans les faubourgs immédiats.
À Marseille, au-delà du centre historique, la ville s'est construite sur la base de cent dix noyaux villageois.
Ces différences historiques de développement ont également influé sur la sociologie et la composition du parc de logements de chacun des arrondissements concernés.
Il est en effet connu que le VIe arrondissement de Paris a quelques points communs avec le VIe arrondissement de Lyon ou celui de Marseille en termes de sociologie ou de composition de son parc de logements, tandis que le XVIe arrondissement de Paris n'a qu'un rapport assez lointain avec le XVIe arrondissement de Marseille, Auteuil n'accueillant pas la même population que l'Estaque Gare. S'il en était autrement, cela se saurait !
De manière générale, le parc locatif social de chacune des trois villes n'atteint pas 20 %, à l'exception de celui de Marseille, qui s'en approche. Pour autant, l'importance de ce parc est fort variable d'un arrondissement à l'autre et, parfois, d'un quartier à l'autre, ce qui pose d'incontestables problèmes. Par exemple, à Marseille, trois arrondissements sur seize accueillent près de 70 % du parc locatif social, dans les quartiers nord de la ville.
De surcroît - cela est notamment vrai pour Paris -, on constate d'ores et déjà que le territoire susceptible d'être urbanisé n'est pas extensible, compte tenu de la densité déjà très élevée des logements existants.
Monsieur le ministre, l'objectif de 20 % de logements sociaux doit donc, de notre point de vue, être appréhendé de manière dynamique. C'est l'un des premiers objectifs de cet amendement. Il nous semble donc nécessaire d'être plus précis qu'aujourd'hui dans la définition des choses. Des réponses adaptées doivent être trouvées.
Compte tenu notamment de la problématique foncière, il faut s'interroger sur les politiques de restauration immobilière ou de résorption de l'habitat insalubre qui peuvent être menées. Un développement des opérations d'acquisition et d'amélioration doit être mis en oeuvre pour permettre de préserver la diversité sociale.
Prévoir des opérations de rénovation dans le cadre de cette procédure permettrait, en dernière instance, de répondre aux besoins en logements des habitants actuels de ces villes, contrairement aux trop nombreuses opérations de restauration. Celles-ci, en effet, sont fréquemment coûteuses pour les deniers publics, car elles sont souvent soumises au régime particulier de la loi Malraux, qui conduit à l'exclusion des couches les plus populaires et à leur relégation dans des communes périphériques.
Paris et Lyon ont d'ores et déjà largement souffert de ces orientations, qui ont permis leur recomposition sociale.
Marseille est à son tour aujourd'hui directement concernée par ce processus qui aboutit, sous prétexte de résorber l'habitat insalubre patent dans certains quartiers, à l'exclusion progressive des occupants actuels, au mépris de leur droit au maintien dans les lieux dans des conditions de confort dignes de notre époque.
Cette recomposition sociale intervient notamment dans le périmètre de l'opération de l'établissement public Euroméditerranée conduite autour du Vieux Port, dans les quartiers du Panier et de la Belle de Mai.
La politique de réalisation de logements sociaux doit donc clairement préserver - cette dimension est indispensable - la diversité des habitants de chacun des arrondissements de nos trois grandes cités. Cela passe par la fixation d'objectifs de réalisation de logements plus adaptés à la situation, permettant notamment la mise en oeuvre d'une véritable dynamique.
Cette dynamique passe, selon nous, par la fixation complémentaire, monsieur le ministre, d'un seuil minimal précis et d'un objectif à atteindre pour chacun des arrondissements.
On notera d'ailleurs que cette politique de réalisation de logements sociaux s'est développée tant sur Paris que sur Lyon ces dernières années, mais qu'elle continue de se heurter à des difficultés qu'une politique foncière de l'État plus adaptée aux besoins permettrait de surmonter, monsieur le ministre.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, chers collègues, à adopter cet amendement.