Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la première fois, le Sénat va débattre des suites données à une mission de contrôle budgétaire menée par la commission des finances. Cela va dans le sens d'un renforcement de l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement souhaité par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, et les membres du groupe UC-UDF s'en félicitent.
Le rapport d'information de MM. Joël Bourdin et Marc Massion nous donne l'occasion de débattre de l'avenir de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, dite « SOPEXA ». Le devenir de cette société, créée en 1962 dans le cadre de l'application de loi d'orientation agricole, est capital pour l'économie de notre pays.
En effet, l'industrie agroalimentaire française est le leader mondial pour les exportations de produits agroalimentaires transformés avec 30 millions d'euros par an, soit près de 10 % du total des exportations françaises. Ce résultat, nous le devons non seulement au dynamisme de nos entreprises agroalimentaires et de notre agriculture, mais aussi à la SOPEXA.
La France a longtemps été le seul pays à disposer d'une structure destinée à promouvoir les produits agricoles et alimentaires nationaux sur le marché domestique et à l'étranger. Notre pays a été un exemple en la matière. D'ailleurs le « modèle SOPEXA » a été copié et exporté. Nous ne devons pas affaiblir cet outil au moment où d'autres structures équivalentes étrangères sont créées et où la concurrence se durcit encore plus.
Les compétences et la qualité des actions de promotion menées par la SOPEXA sont unanimement reconnues et cette société a pleinement rempli les missions qui avaient conduit les pouvoirs publics à sa création, à savoir accompagner le développement de notre agriculture et l'aider à s'adapter aux nouvelles techniques de marketing afin d'être présente sur le plus grand nombre possible de marchés.
Le rôle de nos rapporteurs, dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire menée par la commission des finances, était de vérifier l'utilisation des fonds publics par la SOPEXA et d'étudier les relations financières entre l'Etat et la SOPEXA. Si l'Etat finançait, directement et indirectement, presque en totalité la SOPEXA à sa création et pendant les premières années, il a procédé rapidement à un rééquilibrage de sa participation.
En 1999, la dotation du ministère de l'agriculture ne représentait plus que 21 % du chiffre d'affaires de la société alors qu'elle s'établissait à 41 % en 1990. Parallèlement, la SOPEXA a su s'adapter. Par la facturation de ses prestations, elle a pu non seulement compenser cette baisse d'aide publique, mais aussi continuer à accroître son chiffre d'affaires. En effet, l'activité pour le compte des entreprises, notamment des PME, ne cesse de se développer et représentait plus du quart du chiffre d'affaires de la société en 2004.
La SOPEXA a su faire face à une autre évolution nécessaire, à savoir la mise en concurrence. Les offices et les interprofessions sont désormais obligés de mettre leurs prestataires en concurrence. Il est à souligner que la SOPEXA a remarquablement relevé ce défi et a gagné trente-deux appels d'offres sur quarante-sept en 2004, soit 68 %.
Venons-en aux relations financières entre l'Etat et la SOPEXA.
Les normes communautaires, plus restrictives que celles de l'OMC, nous obligent à repenser l'intervention financière de l'Etat dans cet outil indispensable de promotion de nos produits agricoles et alimentaires. A ce sujet, il nous faut absolument agir pour que les normes communautaires ne ferment pas la porte à des dispositifs d'aides encore acceptés au niveau mondial.
Deux visions de l'avenir de la SOPEXA nous sont proposées : celle de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et celle du ministère de l'agriculture.
Les rapporteurs ont fait des propositions alternatives en la matière qui vont dans le sens d'un meilleur contrôle des fonds publics, en conditionnant la participation financière de l'Etat à un contrat de prestations pluriannuel centré sur le financement d'actions d'intérêt général menées par la société pour le compte de l'Etat.
Ce contrat doit permettre à l'entreprise de mener à bien ses actions qui souvent s'étalent sur le long terme ; s'implanter sur un marché nécessite de la ténacité et de la patience. C'est pourquoi un contrat d'une durée minimale de cinq ans est un instrument indispensable pour que la société se développe dans de bonnes conditions.
II est également primordial que nous puissions continuer à utiliser les aides publiques nationales en faveur de la promotion des produits agroalimentaires, comme cela est autorisé dans le cadre de la « boîte verte » de l'OMC. Nous disposons là d'un outil prépondérant pour maintenir la place de nos produits agroalimentaires sur le marché mondial. Nous ne pouvons nous passer de cette action au moment où d'autres pays mettent en place des structures sur le modèle de celui de la SOPEXA.
Face aux Etats-Unis, qui subventionnent largement la promotion de leurs produits et ne souhaitent pas, logiquement, que ce type d'aides sorte de la « boîte verte », il faut qu'au niveau européen nous ayons une politique qui ne handicape pas la promotion de nos produits tant au sein de notre marché que sur le marché mondial. Les normes européennes doivent être assouplies et être cohérentes avec les règles de l'OMC.
Pour ce qui concerne la recomposition du capital de la société, les propositions de nos deux rapporteurs vont également dans le bon sens. D'une part, l'Etat est présent dans le capital de la SOPEXA par le biais des offices et d'UBIFRANCE et il serait plus souhaitable, la SOPEXA étant une société anonyme de droit privé, que ces structures sortent du capital. De plus, cette sortie permettrait d'éviter de potentiels conflits d'intérêts entre des actionnaires qui sont également des clients de la société.
D'autre part, augmenter le capital de la SOPEXA ainsi que le nombre d'actionnaires est primordial pour qu'elle continue son expansion face à de nouveaux concurrents. En effet, la structure de la SOPEXA, créée dans le contexte spécifique des années soixante, n'a pas évolué et son capital social est resté tel quel.
Si l'Etat sort du capital, il ne doit pas se désengager de l'avenir de cette structure. Nous ne devons ni permettre à la SOPEXA d'échapper à sa mission initiale, qui est de promouvoir des produits français, ni l'autoriser à défendre des intérêts contraires aux intérêts français.
A cet égard, le système de l'action préférentielle donne à l'Etat un pouvoir de contrôle non négligeable dans une société à capital ouvert qui pourrait être récupéré par des intérêts étrangers.
Il est inconcevable que nous laissions à d'autres le bénéfice de ce que nous avons créé pour nous et qui nous donne pleinement satisfaction.
Voyons, enfin, le périmètre des missions confiées à la SOPEXA.
Les compétences et l'efficacité de la SOPEXA sur les marchés étrangers font l'unanimité.
Conquérir un marché étranger ne se fait pas en un an ou en deux ans : c'est le fruit d'un long travail. Pour qu'il soit bien fait, il faut promouvoir l'image de la France à travers ses produits.
Le Premier ministre le rappelait la semaine dernière, en déclarant devant le ministre de l'agriculture et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat : « Nous avons besoin d'une agriculture forte, puissante et exportatrice », et il ajoutait que, si nous sommes leader aujourd'hui, il faut que nous le restions demain.
Depuis quelques années, la SOPEXA se positionne sur les marchés indiens et chinois : deux nouvelles agences vont ouvrir à New Delhi et à Canton. La SOPEXA a restructuré ses zones de marché pour accroître leur cohérence.
Tout cela montre la volonté de la SOPEXA de se réformer pour mieux s'adapter aux nouvelles donnes nationales et internationales. Cela conforte également la nécessité de signer un contrat pluriannuel entre elle et l'Etat afin de répondre aux contraintes que suppose l'implantation sur un marché.
Une convention a été signée entre les trois organismes - UBIFRANCE, SOPEXA et ADEPTA - qui sont chargés, à différents niveaux, d'assurer la place de la France sur les marchés étrangers. C'est effectivement par une coopération renforcée et une cohérence accrue au niveau des actions de ces différentes sociétés que nous arriverons à développer les exportations françaises.
Il est important que tous les acteurs de la filière agroalimentaire puissent choisir une société française pour promouvoir leurs produits. Ce n'est pas être chauvin que de dire que la SOPEXA a su s'entourer de personnes de qualité, qui ont vraiment à coeur d'agir pour assurer la promotion de la France et de son image. C'est une qualité que nous ne retrouvons pas dans d'autres entreprises étrangères qui, tout en étant aussi compétentes, n'ont pas cette fibre-là.
Enfin, le maintien de l'activité de SOPEXA sur le marché domestique est complémentaire de son activité au niveau international.
A l'heure actuelle, le marché domestique ne représente que 20 % de son activité totale : il est donc nécessaire que nous encouragions la SOPEXA à maintenir ce niveau. N'oublions pas que l'internationalisation des échanges favorise l'interpénétration des marchés : assurer de bonnes bases nationales aux acteurs de l'agroalimentaire me semble à la fois primordial et nécessaire dans le contexte actuel.
Pour conclure, je suis heureux de constater qu'un certain consensus s'est dégagé sur la manière dont est envisagé l'avenir de la SOPEXA.
Maintenir une dynamique forte à l'export est vital pour notre économie. Face à une concurrence accrue et multiple, la France doit non seulement défendre ses parts de marché dans les pays où elle est déjà implantée, notamment en Europe, mais être également conquérante sur des marchés émergents à fort potentiel comme l'Inde et la Chine, où la SOPEXA installe son quatrième bureau.
Ce débat est utile puisqu'il va permettre au Gouvernement de se positionner sur les propositions de nos rapporteurs. De plus, M. Forissier va pouvoir exposer les mesures gouvernementales envisagées, dans un avenir proche, pour la SOPEXA. Nous attendons en particulier des éléments de réponse concrets quant au choix des nouveaux actionnaires. Chacun d'eux devra être conscient de l'intérêt général.
De même, en matière de contrat pluriannuel, il faut avancer rapidement : l'incertitude en la matière empêche la société de se positionner sur le long terme.
Sur bien des marchés, notamment sur celui du vin, du lait, des fruits et légumes, ce n'est pas le moment de baisser les bras.
Il faut donc agir vite et donner à la SOPEXA les moyens de poursuivre et de développer son action pour le bénéfice de la France.