Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 5 décembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Action extérieure de l'état

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient au nom du groupe socialiste de me livrer à l’examen critique de la politique internationale de notre pays.

Qu’il me soit permis de rappeler à quel point le budget que nous avons examiné contraint et oriente la politique internationale effectivement menée. Année du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques, 2008 a été de notre point de vue l’occasion manquée d’un vrai choix, celui qu’a fait avec succès voilà quelques années la Grande Bretagne : donner la priorité budgétaire aux capacités d’intervention, d’analyse et d’influence dans des pays clés et mettre fin à la chimère du réseau diplomatique universel. Au lieu de faire de vrais choix, on a fait des demi-choix, des tiers de choix, qu’on n’a pas fini de payer.

Le résultat est que votre ministère perd de sa capacité à agir d’une façon ordonnée et sur le long terme, parce qu’il sacrifie ses hommes, leur intelligence, leur énergie et leur dévouement, au profit des apparences de la puissance et des coups médiatiques.

En réalité, on brade l’action culturelle, on asphyxie l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et l’on triche sur les chiffres de l’aide publique au développement. L’écart s’accroît entre les discours de la France sur la scène internationale et sa capacité à agir conformément aux engagements pris. Face à la mondialisation, la France a besoin d’une diplomatie solide, mise en œuvre par un ministère des affaires étrangères fort de toutes ses richesses humaines, celles de ses diplomates dont on peut louer le professionnalisme, et fort de moyens financiers dignes d’un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Or, après dix ans d’hémorragie, en hommes et en moyens, vos capacités d’action seront encore plus faibles en 2009 qu’en 2008. Il est vrai que, du fait de la centralisation du pouvoir entre les mains de l’hyper président, le Quai d’Orsay pilote de moins en moins la politique étrangère.

De ce fait, plus que les ruptures annoncées par le candidat pendant sa campagne, nous assistons à des renoncements. Le premier est celui de notre politique en Afrique. Je cite ce que proclamait M. Sarkozy le 7 février 2007 : « L’Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l’Afrique. Jusqu’à quand l’Europe attendra-t-elle pour construire l’Afrique de demain ?»

La politique africaine de la France est un bon révélateur de la valse-hésitation et des volte-face du Président de la République depuis son élection. Il avait parlé de « rupture » avec les pratiques d’autrefois, avec les réseaux, les amitiés douteuses, en bref avec la Françafrique. L’Afrique allait voir ce qu’elle allait voir !

Mais on a vite vu qu’il n’en était rien. Dès le soir de son élection, parmi les amis du Président de la République invités au Fouquet’s, on trouvait de puissants financiers bien implantés en Afrique, et qui ne sont pas forcément connus pour leur souci du développement. On a vu ensuite une politique dite « d’identité nationale » et plus certainement d’anti-immigration, notamment envers les populations venant d’Afrique.

Ainsi, après avoir lancé aux Africains « un appel fraternel pour leur dire que nous voulons les aider à vaincre la maladie, la famine et la pauvreté », le Gouvernement est revenu bien vite à une politique « d’immigration maîtrisée », réduisant sa politique de soutien au développement. Et, de plus en plus, la politique française en Afrique relève désormais du ministre de l’identité nationale.

Je ne parlerai pas de Jean-Marie Bockel et de ses propos imprudents, qui lui ont valu d’être renvoyé à la demande des autocrates africains.

J’en viens maintenant au second renoncement grave du Président de la République que nous dénonçons et qui concerne notre rôle dans l’OTAN. Le candidat à la présidence avait affirmé : « L’OTAN n’a pas vocation à devenir une organisation concurrente de l’ONU. L’Europe a des intérêts de sécurité qui lui sont propres. Le renforcement de la défense européenne doit donc rester une priorité. ». Là aussi la rupture avec la promesse est pratiquement consommée. Si nos informations sont justes, la France s’apprête à revenir rapidement dans le commandement intégré de l’OTAN.

Qu’y gagnera la France ? Qu’adviendra-il de la politique européenne de sécurité et de défense, que nous sommes pratiquement les seuls à défendre dans l’Union européenne ? Plus grave encore, la France s’est-elle assurée que les perspectives, les contours et les modalités de fonctionnement de l’OTAN seront redéfinis conformément aux intérêts de la France et de l’Union européenne ?

J’en viens à l’Afghanistan, où nous sommes engagés avec force dans le cadre de l’OTAN. Deux opérations coexistent : Enduring freedom et International security assistance force, ISAF Cette coexistence entraîne des incohérences dont nos soldats sont les premiers à pâtir. Je souhaiterais savoir si notre pays œuvre concrètement pour aboutir à un commandement commun, ou au moins à une véritable coordination des actions.

Nous devrions aussi peser fortement sur le commandement américain pour que cessent les bombardements dont sont victimes en majorité les civils. Il n’y a rien de tel pour renforcer une guérilla, comme le montrent les expériences du Vietnam et de l’Algérie. Enfin, je regrette que le montant de notre aide bilatérale en Afghanistan n’ait été que de deux millions d’euros en 2007, quand celle de la Grande-Bretagne s’élevait à 171 millions d’euros. Nous avons le même PIB et l’engagement militaire britannique est aussi important que le nôtre. La disproportion de l’engagement civil est donc frappante.

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