Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte, d'apparence technique, est composé de seulement six articles, auxquels s'ajoutent deux articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale. Toutefois, en étudiant les dispositions qu'il contient, nous avons pu observer qu'elles portent sur un sujet touchant de près à la vie de nombre de nos concitoyens, tant est grande la place de l'assurance vie dans notre système financier et dans notre système d'épargne.
Pour l'essentiel, il s'agit ici de procéder à la transposition, d'une part, de la directive du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance et, d'autre part, de la directive du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie.
A cet égard, il convient de rappeler en quelques mots les enjeux macroéconomiques de l'assurance vie.
Tout d'abord, ce dispositif représente un stock d'épargne qui est estimé à plus de 840 milliards d'euros. Un tel montant est à mettre en rapport avec celui de la dette des administrations publiques, qui n'est finalement pas si éloigné !
Ce dispositif correspond, ensuite, à des habitudes très ancrées dans les comportements d'épargne de nos concitoyens.
La souscription d'un contrat d'assurance vie, au-delà du volume quantitatif du secteur, n'est pas un placement comme les autres : il s'agit là d'un comportement très personnel, qui exprime des choix de vie ; c'est particulièrement apparent pour ce qui concerne les modalités de transmission des patrimoines.
Nombre de nos compatriotes ont une vision très « affective » de l'assurance vie. De ce point de vue, c'est un ensemble de mécanismes auquel il ne faut toucher qu'avec beaucoup de précautions. J'ajouterai, mais c'est un point qui sera abordé dans la discussion des articles, que cette nature souvent très privée de la souscription de contrats d'assurance vie est notamment constatée pour les contrats avec désignation d'un bénéficiaire. Nous avons ainsi tous pu observer que ce type de contrats a récemment suscité un intérêt renouvelé, de la part des médias comme du public.
Pour autant, malgré les indications quantitatives et la nature spécifique des comportements en assurance vie que je viens de rappeler, je ne crois pas qu'il faille faire de l'assurance vie un « monde à part ».
Les règles en termes notamment de transparence et de bonne gouvernance, qui s'appliquent aux marchés financiers, ont vocation à être transposées dans le domaine de l'assurance. Certes, celui qui acquiert des parts d'un OPCVM se livre purement et simplement à un achat ; celui qui souscrit une assurance vie devient le partenaire d'une compagnie d'assurance dans un contrat qui les lie pour une assez longue période de temps. De cette différence juridique procèdent, bien sûr, des spécificités, dans l'un comme dans l'autre cas.
Toutefois, lorsqu'il s'agit de transparence, lorsqu'il s'agit de s'assurer d'un bon fonctionnement de la concurrence entre professionnels, lorsqu'il s'agit de la comparabilité des offres faites au public, le droit doit être rendu aussi harmonieux et homogène que possible, entre, d'une part, l'épargne financière et les marchés financiers et, d'autre part, les contrats d'assurance, plus spécifiquement les contrats d'assurance vie.
C'est en fonction de cette orientation générale que la commission des finances a abordé ce texte. C'est notamment pour cette raison qu'elle a souhaité faire quelques avancées supplémentaires en vue de confirmer la place et les compétences de l'autorité de contrôle du secteur, à savoir la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, dont le rôle était à l'origine essentiellement « prudentiel ».
Elle proposera symboliquement de rebaptiser cette autorité et d'en faire une autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, qui se pose ainsi, toutes proportions gardées, comme le symétrique de l'Autorité des marchés financiers, pour ce qui est de l'épargne financière.
Le texte dont nous traitons comporte donc deux volets : un volet « harmonisation européenne », d'une part, et un volet « protection de l'épargnant », d'autre part, ce dernier étant le plus apte à susciter notre intérêt et nos débats.
Je ne rappellerai que de manière très cursive le contenu du texte, car je ne voudrais pas répéter la présentation qui en a été faite par Mme la ministre. Un renforcement du contrôle des intermédiaires en assurance, une meilleure information du souscripteur des contrats d'assurance vie et une meilleure protection du consentement de ce dernier sont bien entendu des orientations auxquelles la commission des finances souscrit.
De même, elle souscrit à une cote mal taillée trouvée opportunément à l'Assemblée nationale, à savoir le choix du délai limite pour le droit de renonciation en cas de défaut d'information du souscripteur. Comme vous-même, madame le ministre, la commission estime que l'amendement de compromis substituant à un délai illimité un délai de huit ans est un bon texte qui instaure un équilibre satisfaisant sur lequel il ne convient pas de revenir.
J'en viens aux propositions de la commission, qui visent trois objectifs.
Tout d'abord, les membres de la commission, partageant le souci du Gouvernement, voudraient aller encore plus loin s'agissant de l'explicitation des conditions de souscription des contrats : ils souhaiteraient ainsi que l'on se dirige vers une vraie normalisation de l'information permettant à l'épargnant de mieux se déterminer en toute connaissance de cause et de faire jouer la concurrence.
C'est pourquoi ils souhaitent que la nouvelle autorité de contrôle des assurances et des mutuelles reçoive compétence pour élaborer, pour vérifier les modèles de notes d'information. Par conséquent, ils estiment que ces notes doivent comporter des éléments personnalisés clairs et lisibles. Ils considèrent aussi que ces documents doivent être structurés méthodiquement en rubriques comportant notamment la présentation explicite de tous les frais d'intermédiation, frais de gestion, commissions de toute espèce. En quelque sorte, l'explicitation de ces frais d'intermédiation doit se faire à l'image de ce qui prévaut en matière de crédit avec la notion de taux effectif global, le TEG, qui s'applique de manière complètement horizontale à toutes les offres de crédit faites aux particuliers.
Les membres de la commission se situent dans la logique de nos collègues de l'Assemblée nationale qui ont souhaité faire prévaloir cette notion de notes d'information. A la vérité, et nous le verrons au cours du débat, nous avons une divergence purement technique, et non de fond, avec le Gouvernement qui raisonne, lui, en termes de « préambule », d'« encadré », comme vous l'avez dit, madame le ministre, inséré dans le contrat, faisant partie intégrante de celui-ci et précédant ses clauses techniques.
L'essentiel est sans doute que l'on s'entende bien sur l'orientation, sur le caractère standardisé de l'information. Il faut que la loi soit claire, qu'elle prescrive les rubriques, mais à mon avis sans entrer dans leur détail, qui relève plutôt du domaine réglementaire ; en effet, aller trop loin dans le descriptif de ce que chaque rubrique doit comporter reviendrait à prendre le risque d'avoir à remettre souvent ce texte sur le métier. L'essentiel est donc que l'information soit normée et qu'un même épargnant puisse comparer, dès la première lecture, les offres faites par différents intermédiaires et par différentes compagnies d'assurance.
Il semble logique aux membres de la commission d'introduire l'autorité de contrôle dans ce processus. Cette disposition induit certes - ils en sont bien conscients - une évolution du rôle de l'autorité de contrôle, ce qui impliquera qu'elle s'adapte en termes de compétences, qu'elle s'équipe en moyens de personnel pour prolonger les fonctions dont elle dispose actuellement.
Par ailleurs, toujours dans ce souci d'une meilleure information, les membres de la commission pensent que certaines pratiques traditionnelles du marché de l'assurance français doivent être adaptées, mieux encadrées. Je vise en l'espèce plus spécialement les contrats dits « à frais précomptés », pratique professionnelle selon laquelle les premiers versements de l'assuré incorporent la totalité des frais de gestion afférents à l'ensemble de la période du contrat. Ce n'est sans doute pas une situation optimale ; en tout cas, ce n'est pas toujours bien compris par les souscripteurs de contrats. Selon les membres de la commission, ces spécificités doivent venir rapidement à extinction.
La commission des finances ne sous-estime pas les difficultés qui peuvent, le cas échéant, apparaître pour redéployer les moyens ; mais il résulte de toutes les consultations auxquelles elle a procédé que l'intérêt tout à la fois des épargnants et du marché français de l'assurance est de réaliser cette modernisation.
Le deuxième objectif qui sous-tend certains amendements déposés par la commission vise à permettre au souscripteur de prendre ses responsabilités. Cela suppose que ce dernier soit suffisamment averti.
Ici, intervient la fameuse question de la clause bénéficiaire, à laquelle je faisais allusion en introduction. Il existerait, nous dit-on, parmi le stock considérable de contrats d'assurance un volume non négligeable de contrats en déshérence, contrats dont les bénéficiaires n'ont pas été retrouvés, voire, dans certains cas, n'ont pas été vraiment recherchés. Le montant de ces contrats pourrait représenter plusieurs milliards d'euros.
Il faut savoir que le souscripteur d'un contrat d'assurance vie peut désigner un tiers comme bénéficiaire sans le lui faire savoir. Dans le cas contraire, il ne peut plus modifier la personne du bénéficiaire. Chacun peut imaginer des situations de vie privée ou de vie familiale telles que des cas de figure de ce genre puissent se produire. Dans l'intérêt de la paix des familles, mieux vaut parfois que certains dispositifs assurant la discrétion puissent exister dans le cadre de notre droit. Encore faut-il que le souscripteur soit conscient de ce qu'il fait, des risques qu'il prend et des solutions qui existent en droit civil français pour qu'il puisse être assuré que le bénéficiaire désigné par le contrat recevra le moment venu - le plus tard possible bien entendu - ce qu'il souhaite lui transférer.
Enfin, toujours pour permettre au souscripteur de prendre ses responsabilités, les membres de la commission souhaitent - Mme le ministre y a fait allusion - que l'organisation du secteur associatif soit améliorée.
Les associations qui souscrivent des contrats d'assurance jouent un rôle économique fort utile mais à condition qu'elles soient réellement indépendantes de l'entreprise d'assurance avec laquelle elles contractent. C'est pourquoi les membres de la commission estiment que des précisions, des garanties doivent être apportées dans la législation : il convient de faire en sorte, d'une part, que la majorité des membres du conseil d'administration soit sans liens, sans conflits d'intérêt avec la compagnie d'assurance, et, d'autre part, que les adhérents puissent s'exprimer et voter en assemblée générale.
Enfin, les membres de la commission ont pour objectif de renforcer l'autorité de régulation, de la rebaptiser, de faire en sorte qu'elle affirme son rôle. Ils souhaitent que soit établie une situation pleinement satisfaisante sur le marché français de l'assurance, en tout cas que ce dernier repose sur un système d'information et de contrôle qui soit parmi les plus complets et les plus sûrs de l'Union européenne, en plein accord avec les textes de droit communautaire qui doivent être adaptés comme il convient à notre droit national.
Telle est, en résumé, madame le ministre, mes chers collègues, l'approche de la commission des finances sur ce projet de loi.