Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit des assurances présente le paradoxe à la fois d'être très complexe, pour ne pas dire incompréhensible, et de faire partie pourtant de notre vie quotidienne.
Autrefois, lorsque j'étais étudiante et que l'on parlait d'assurance, il était habituel de rappeler que New York n'existerait pas sans les assureurs. Mais aujourd'hui, l'assurance vie, l'assurance décès, la prévoyance font partie du quotidien du citoyen.
Non seulement ces assurances sont parfois obligatoires pour des actes simples, tels certains achats, mais encore l'assurance vie est maintenant devenue un placement financier et de prévoyance retraite recherché par des consommateurs pas forcément avertis.
La présence de calculs de probabilité relatifs à la notion d'espérance de vie ou aux bénéfices escomptés de tel ou tel produit financier, l'utilisation de ratios ne sont pas étrangers aux difficultés rencontrées par les profanes pour comprendre quelle réalité recouvre les produits proposés. L'assurance vie est compliquée, même parfois pour les assureurs !Mais cette complexité n'est synonyme ni de duplicité ni de tromperie.
Je sais que nos collègues de l'Assemblée nationale se sont émus de l'augmentation du nombre de contentieux portés devant les tribunaux. En ce qui me concerne, je n'y vois pas la preuve que les assureurs sont de mauvaise foi et qu'il faut encadrer encore plus leurs pratiques, déjà très réglementées. Cela signifie tout simplement que des produits, qui étaient autrefois réservés à des initiés, sont devenus tout à coup des produits de consommation. Les assureurs doivent donc mieux communiquer, mieux informer et, éventuellement, simplifier ces produits.
C'est pourquoi, je tiens à féliciter M. Philippe Marini pour le travail qu'il a fait sur ce texte au nom de la commission des finances.
Non seulement il a eu la lourde tâche d'adapter notre législation au droit communautaire en matière d'intermédiation en assurance, mais encore - l'examen des amendements nous le montrera - il a saisi l'occasion d'utiliser l'esprit du droit communautaire pour introduire dans le droit des contrats d'assurance vie plus d'information et de transparence pour les non-initiés, c'est-à-dire pour la majorité des assurés.
J'espère simplement que ces améliorations en faveur de la défense des particuliers de bonne foi ne deviendront pas, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, une exonération de bon sens et de responsabilité des consommateurs avertis. Mais seuls les tribunaux, qui auront à connaître des contentieux en la matière, seront les garants de l'équilibre entre protection et responsabilité des consommateurs.
Monsieur le rapporteur, pour avoir rencontré après vous les représentants de la profession, je sais quel énorme travail de concertation vous avez effectué, tentant d'établir le juste équilibre entre vos convictions profondes, la défense des assurés et les contraintes réelles des assureurs qui peuvent faire évoluer doucement leurs réseaux et leurs produits.
Le texte soumis à l'examen de la Haute Assemblée porte sur deux thèmes essentiels sur lesquels je ne reviendrai pas, puisque Mme le ministre et M. le rapporteur les ont rappelés.
Pour ma part, c'est surtout sur la partie relative à l'information des souscripteurs que je veux intervenir, d'abord en tant qu'élue mais aussi en tant que consommateur et qu'ancienne professionnelle de la communication. J'ai donc déposé quelques amendements, dans l'intérêt à la fois des assurés et des entreprises d'assurance respectueuses, pour la plupart, de leurs clients.
Sur ce sujet, je me permets de dire, à titre tout à fait personnel, que certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale me paraissent relever à la marge du procès d'intention envers les assureurs.
Les entreprises d'assurance françaises respectent le droit fort complexe des assurances ; les organes de contrôle, la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance en tête, ne peuvent pas être traités de coquilles vides.
Certains des amendements que vous avez déposés, mes chers collègues, me semblent relever de cette idée générale et fausse que les assureurs sont des voleurs.
J'ose l'affirmer à cette tribune : il y a selon moi plus d'assurés de mauvaise foi que d'assureurs de mauvaise foi.
Certes, les assureurs ont tendance à se retrancher derrière des alinéas et des articles, mais ces derniers existent réellement. Les assureurs appliquent le droit ; à nous de faire évoluer ce dernier de telle sorte que les assurés s'y retrouvent.
D'une façon générale, le consommateur - en matière d'assurance vie à objectif financier, il s'agit en effet plus, selon moi, d'un consommateur que d'un assuré - ne doit pas se conduire comme un assisté : signant un contrat qui va l'engager, il devrait donc, comme toute personne gérant de bonne foi ses contrats, regarder ce qui y figure. La résiliation d'un contrat d'assurance me paraît parfois plus facile que la résiliation d'un contrat de téléphonie mobile !
L'assureur doit bien entendu apporter à son client des informations. Mais quel consommateur attendrait huit ans avant de réagir et de s'apercevoir qu'il ne dispose pas de tout ce qui est nécessaire à son information ? S'agissant de placements financiers souvent importants, ce serait une attitude très étonnante !
Je suivrai cependant, dans leur sagesse, notre rapporteur, M. Philippe Marini, et Mme la ministre, en estimant, comme eux, que ces cas sont marginaux et ne freineront donc en rien le développement de l'assurance vie auprès des consommateurs.
Mon approche concernant la délicate question des contrats exprimés en unités de compte va encore dans ce sens de la confusion entre assuré et consommateur assisté. Les souscripteurs sont, dans la quasi-totalité des cas, très avertis, et certains d'entre eux jouent avec l'assurance vie comme ils jouent en Bourse. Le montant moyen des affaires contentieuses le prouve. Nous pourrons certainement en débattre entre nous, des approches différentes étant forcément constructives et enrichissantes.
S'agissant du système des contrats à frais précomptés, M. le rapporteur m'a sans grande difficulté convaincue de sa complexité et de ses conséquences préjudiciables pour l'assuré qui voudrait effectuer un rachat trop rapide. Je me permettrai simplement, en le suivant, de demander des délais pour sa mise en oeuvre. Plus de 20 000 personnes distribuent en effet ce type de contrats : il y aura donc 20 000 contrats de travail à résilier, à renégocier, 20 000 personnes à réorienter vers d'autres systèmes de vente d'assurance, et des systèmes informatiques à refondre.
Nous allons, par ce texte, modifier le droit des assurances. Laissons aux directeurs des ressources humaines le temps d'appliquer cette réforme du droit en respectant, quant à eux, le droit du travail !
Enfin, s'agissant des contrats en déshérence, monstres du loch Ness des assureurs et assurés sur la vie et, parfois, des journalistes l'été, je me suis permis, appuyée par plusieurs d'entre vous, mes chers collègues, de déposer un amendement simple qui repose sur la bonne foi des assureurs comme des bénéficiaires. Ainsi que le disait M. le rapporteur, la plupart du temps, le bénéficiaire ne sait pas qu'il peut bénéficier d'un contrat d'assurance décès, et les assureurs n'ont pas forcément connaissance du décès de l'assuré. Cet amendement, même s'il ne soulève pas l'enthousiasme des assureurs, pourrait être appliqué sans trop de difficultés.
Ce projet de loi, certes technique au premier abord, concerne en fait beaucoup de monde : les assurés, bien entendu, qui, une fois ce texte mis en oeuvre, feront sans doute partie des citoyens consommateurs les mieux protégés non seulement de France mais surtout d'Europe, sans oublier les personnels qui travaillent dans le secteur d'activité de l'assurance et auxquels nous devons, en tant que législateurs, apporter notre soutien pour leur permettre de continuer à exercer leur métier, même si le droit de l'assurance doit évoluer dans les années à venir au rythme des mutations de la société.
C'est ce à quoi nous nous employons aujourd'hui. Le groupe de l'UMP votera donc ce projet de loi et les amendements proposés.