Mes chers collègues, on peut s'interroger sur les critères qui permettent de déterminer à partir de quel plafond un petit contrat devient un gros contrat. Il s'agit là de considérations relatives, notamment en matière financière.
Le mérite de notre collègue Jean-René Lecerf est d'appeler notre attention sur un aspect sensible du dispositif qui nous est soumis.
Comme l'a indiqué Mme le ministre et comme je l'ai moi-même souligné au nom de la commission des finances, le point d'équilibre qui a été trouvé à l'Assemblée nationale paraît satisfaisant en opportunité.
Pour autant, si la Cour de justice des Communautés européennes devait être saisie, il lui appartiendrait d'exercer le rôle que lui confèrent les institutions de l'Union européenne.
Le droit des marchés financiers comporte des notions qui seraient de nature à résoudre le problème auquel nous sommes ici confrontés. Il prévoit en effet que peuvent exister des investisseurs qualifiés, des investisseurs avertis, qui ont des capacités professionnelles leur permettant de prendre plus de risques que les autres tout en étant moins informés. Le droit financier, d'inspiration notamment anglo-saxonne, reconnaît ainsi la situation variable des acteurs économiques dans une transaction ou dans une opération financière.
Dans le droit des assurances, ces notions n'existent pas. C'est bien la difficulté sur laquelle nous butons : le droit des assurances, en particulier le droit de l'assurance vie, est très protecteur de la personne qui contracte avec la compagnie d'assurance, parce qu'elle est réputée faible.
Certes, on ne peut pas exclure que des acteurs quasi professionnels tirent partie de la dissymétrie protectrice du contrat d'assurance. Pour autant, il ne me paraît ni souhaitable ni opportun de revenir sur le compromis qui a été adopté à l'Assemblée nationale.
Si l'on supprimait le délai de renonciation, on risquerait de mettre la compagnie d'assurance dans une position qui serait à mon sens exagérément garantie par rapport à son cocontractant.
La mauvaise foi peut exister. Des détournements de procédure peuvent se produire. Il nous appartient donc de trouver un point d'équilibre de nature à assurer l'équité.
Dans le droit actuel, en cas de défaut d'information, le délai de renonciation est illimité. En l'absence de prorogation, le droit commun s'applique, et le délai est alors d'un mois. Dans un souci d'équilibre, l'Assemblée nationale a, de façon empirique, fixé, sur proposition de M. Louis Giscard d'Estaing, le délai de renonciation à huit ans.
Je n'ai aucune raison déterminante pour défendre un délai plutôt qu'un autre. Mais il faut bien, à un moment donné, que le fléau de la balance s'immobilise, et je considère que la solution retenue par l'Assemblée nationale n'est pas critiquable dans son principe.
Telles sont les principaux arguments qui motivent la position de la commission des finances. Si des contentieux surgissent, il reviendra à la Cour de justice des Communautés européennes de dire le droit, comme c'est sa mission.
Pour l'heure, la commission des finances invite M. Lecerf à retirer son amendement, tout en le remerciant d'avoir exposé ce problème de manière explicite.