La libéralisation des services postaux telle qu’elle a été engagée par la Commission européenne ne peut servir à vous exonérer de vos responsabilités, sauf à dire clairement que la voix de la France n’est pas entendue dans l’enceinte bruxelloise.
Votre Gouvernement est bien engagé dans une politique très libérale de privatisation des services publics aux seules fins de donner au marché une capacité accrue à transformer les services rendus à notre population en dividendes pour des actionnaires.
Je préfère anticiper les réfutations qui ne manqueront pas d’affluer sur certaines de ces travées au prétexte que l’actionnaire resterait l’État. Il suffit de se tourner vers les pratiques qui sont déjà en vigueur entre la SNCF et son actionnaire : 321 millions d’euros de dividendes versés en deux ans. Les salariés en butte à une direction hermétique à tout dialogue social et les usagers abandonnés sur les quais, faute de matériels en ordre de marche ou de personnels en nombre suffisant, apprécient assez peu cette gouvernance censée faire entrer notre pays dans la modernité mercantile.
Et nous-mêmes, avertis par ces précédents, ne souhaitons pas poursuivre avec La Poste cette fuite en avant destructrice du « vivre ensemble » symbolisé par le système social français imaginé par le Conseil national de la Résistance.
Permettez que j’entre maintenant dans le détail des conséquences déjà en cours de ce changement de statut de l’entreprise et de ses personnels.
Des dizaines de tournées de distribution du courrier sont supprimées, ce qui se traduit par une distribution du courrier tous les deux ou trois jours.
On constate des restrictions d’ouverture des bureaux, en particulier dans les quartiers dont les habitants supportent les inégalités les plus criantes en matière de logement, d’emploi, d’accès à des services publics de qualité.
La gestion patrimoniale conduit à abandonner des locaux jugés obsolètes dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise. Dans les faits, il s’agit souvent d’opérations lucratives sur le marché de l’immobilier, s’accompagnant d’une diminution du nombre de bureaux et de l’installation des agents dans des locaux exigus où l’ensemble des services ne peut plus être rendu.
Par ailleurs, il faut savoir que l’augmentation du nombre de points poste dans certains secteurs, que vous évoquiez tout à l’heure, répond à une diminution considérable du nombre de bureaux de poste.
C’est aussi la fermeture des bureaux de poste dans les zones rurales, avec l’obligation pour les maires de devoir choisir entre la disparition pure et simple de la présence postale sur leur territoire ou la création de « maisons des services publics », dans lesquelles seuls certains des services postaux peuvent être rendus par des fonctionnaires territoriaux, en échange d’une dotation de l’entreprise La Poste.
C’est encore le projet avancé de faire payer l’oblitération du courrier en fonction non plus de son volume ou de son poids, mais du trafic.
C’est enfin une gestion des personnels qui, à l’image de celle de France Télécom ou de pôle emploi, est entrée dans une démarche de productivité effrénée, qui nie toute autre dimension qu’industrieuse à ses salariés et qui utilise à cette fin des méthodes que l’on croyait jusqu’ici réservées aux patrons de choc tels que les affectionne Laurence Parisot, voire aux patrons voyous d’ateliers clandestins.
Le résultat, ce sont évidemment les luttes que mènent les postiers avec leurs organisations syndicales, relayées par des collectifs de citoyens.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement.