Il s’agit d’un amendement de repli visant à reporter la date à laquelle La Poste devrait être privatisée.
L’article 1er du projet de loi revient sur la loi Quilès et prévoit la transformation de l’établissement public à caractère industriel ou commercial La Poste en société anonyme. Ce faisant, le Gouvernement, malgré les minces garde-fous proposés par le rapporteur, entend bien privatiser La Poste. Il le fait contre la volonté du peuple et sans que cela soit imposé par le droit communautaire.
Mais peut-être devrais-je parler de « sociétisation », terme cher à certains membres de la majorité et utilisé à propos de France Télécom, pour ne pas employer le vilain mot de « privatisation » et ne pas affoler les foules.
Ainsi, dans le rapport d’information intitulé Le bilan de la loi n° 96-660 relative à l’entreprise nationale France-Télécom, M. Gérard Larcher nous explique ce néologisme : la « sociétisation » de France Télécom est la « transformation en société anonyme détenue majoritairement par l’État […], dans des conditions garantissant […] de manière pérenne le statut et l’emploi des personnels de l’entreprise publique, tout en leur ouvrant de nouveaux droits ». Bref, il n’y a pas de quoi s’inquiéter pour le service public et les personnels.
Plus de dix ans après les lois de déréglementation et d’ouverture à la concurrence, et après la privatisation de France Télécom, où en sommes-nous ?
Alors que France Télécom totalisait 165 000 agents fonctionnaires en 1997, elle n’en comptait plus que 95 000 en 2008, dont 25 000 salariés de droit privé. Pour supprimer massivement l’emploi sans provoquer trop de remous social, la direction a mis en place une préretraite maison, le « congé de fin de carrière », ouverte aux fonctionnaires dès l’âge de cinquante-cinq ans, avec des conditions financières quasi équivalentes au salaire.
En dix ans, fortement inquiets pour leur l’avenir, 40 000 agents ont utilisé, de gré ou de force, cette porte de sortie. À la fin de l’année 2006, la direction a mis fin à ce dispositif pour des raisons financières, sans pour autant renoncer à la saignée des effectifs. Elle a ainsi annoncé son objectif de supprimer 22 000 postes sur 2006-2008. Du coup, les méthodes d’incitation au départ se sont « musclées ». Les pressions sur les agents se multiplient pour les pousser à trouver un emploi dans la fonction publique ou à créer leur propre entreprise. À la fin de l’année, l’opérateur devrait ainsi afficher 90 000 salariés au compteur.
Ces pertes d’emploi entraînent une explosion de la précarité au travers du développement de la sous-traitance. L’ouverture à la concurrence a déclenché une guerre tarifaire au détriment des usagers : les opérateurs s’entendent pour maintenir des tarifs élevés ; de nombreux services sont devenus payants ou plus chers ; la couverture de l’ensemble du territoire n’est pas assurée.
Seuls les actionnaires et les banques se frottent les mains. Si le bilan est catastrophique pour le service public et pour les droits et garanties des salariés, il est en revanche positif, en termes de résultats financiers, pour l’entreprise.
Parce que nous ne souhaitons pas que La Poste connaisse de telles dérives, nous vous demandons de repousser la date du changement de statut de cette entreprise. Bien sûr, un tel report ne vaut pas acceptation de la privatisation.