D’autres pays européens ont déjà franchi le cap de la privatisation, et les résultats, bien que prévisibles, sont catastrophiques.
Permettez-moi de citer quelques exemples. Ainsi, la poste néerlandaise, groupe TPG, a été privatisée à 66 % en 1989. Elle a, depuis, procédé à des licenciements massifs. En octobre 2003, alors qu’elle souhaitait racheter la poste belge, son directeur exécutif déclarait : « Nous sommes une entreprise cotée en bourse, nous devons montrer tous les ans à nos actionnaires que nous avançons ». TPG s’intéresse à la poste belge « pour occuper le marché avant les concurrents – allemands et français. Car demain ne resteront en Europe que quelques grands acteurs. »
Le PDG du groupe précisait que « la poste belge devra subir une sévère rationalisation […] en quatre ans, avant la libéralisation complète du marché. Ce ne sera pas possible avec des départs naturels [...] et les restructurations nécessaires, nous voulons bien les faire nous-mêmes, nous en avons l’expérience ».
En Suède, la libéralisation du courrier postal date de 1993. Depuis, les effectifs ont baissé de 25 %, mais les prix des services postaux ont augmenté de 7 % entre 1993 et 2003, en monnaie courante et hors taxe, selon un rapport gouvernemental.
Au Royaume Uni, Royal Mail est devenue en 2001 une société anonyme à capitaux d’État. Elle renoue avec les bénéfices cette année, après avoir lancé en 2002 un plan de licenciement concernant 30 000 de ses 200 000 employés. Le nombre de bureaux de poste a également été réduit.
Les usagers se plaignent de la dégradation du service : rapidité, ponctualité, qualité.
Le 31 août 2009, le président du conseil de surveillance de la poste, Peter Carr, déclarait : « Lors des trois dernières années, les clients ont payé plus cher des services qui se dégradent ». Royal Mail devra donc verser à ses clients un dédommagement estimé par l’entreprise à 50 millions de livres, une somme que devrait prendre en charge son actionnaire unique, le gouvernement britannique.
La Deutsche Post illustre parfaitement le passage d’une entreprise publique à une entreprise internationale à vocation commerciale. En quelques années, la Deutsche Bundespost, poste publique allemande, est devenue la Deutsche Post World Net, une compagnie internationale dont le bénéfice a atteint 1, 31 milliard d’euros en 2003. Quelques dates marquent cette transformation. Vous verrez que l’analogie avec le cas français est particulièrement intéressante.
En 1989, le parlement allemand votait la loi régissant la structure des postes et des télécommunications. La loi, entrée en vigueur le 1er janvier 1990, précise alors que la nouvelle entreprise doit rester publique. En 1997, une nouvelle loi transforme la Deutsche Post en une société par actions. Le gouvernement s’engage à conserver l’intégralité des actions dans un premier temps, et à rester l’actionnaire majoritaire pendant au moins cinq ans.
La loi supprime également le recrutement de nouveaux fonctionnaires et introduit la concurrence en deux étapes, ainsi que la notion de service postal universel. Elle crée en même temps l’Agence fédérale de la poste et des télécommunications, qui assume des fonctions de surveillance et de coordination.
En 2000, la Deutsche Post est introduite en bourse : 29 % de son capital est vendu, puis 2 % supplémentaires en 2001. En 2003, le patron de la Deutsche Post prévoit une privatisation totale de son entreprise en quatre ans. Dans le magazine Capital, il déclare : « Je m’imagine bien que l’État fédéral réduira à zéro sa part d’ici à 2007 ». Pendant ce temps, l’entreprise s’est lancée dans une politique d’expansion internationale.
Le bilan social est sévère. Selon la direction, entre 1990 et 1996, les restructurations ont réduit les effectifs de 95 000 emplois : ils sont passés de 380 000 à 285 000. Le nombre de bureaux de poste est passé de 26 000 à 13 000, dont 7 000 sont devenus des points de contacts : stations-service, papeteries...