Alors que l’on ne cesse de dire que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, nos collègues centristes font comme s’ils n’avaient rien entendu.
Il ressort de cet amendement que l’ouverture du capital de La Poste serait aujourd’hui indispensable, et que l’on doit fixer à 51 % au moins la part de son capital détenue par l’État. Si l’on pousse cette logique jusqu’au bout, cela signifierait que les 49 % restants pourraient être détenus par d’autres personnes morales de droit public.
Je précise que tous les sénateurs du groupe de l’Union centriste n’ont pas cosigné cet amendement pour le moins intéressant, qui permettrait à l’État, par le biais d’une étrange opération financière déconnectée de toute logique économique, de se refaire une petite santé financière en cédant une partie du capital de La Poste à la Caisse des dépôts et consignations ou à une autre personne morale de droit public, comme une région ou un département. Cela s’est déjà fait, mais les précédents ne sont guère encourageants de notre point de vue…
En ce qui concerne le rôle dévolu à la Caisse des dépôts et consignations au côté de l’État dans cette opération, vous oubliez un peu vite, mes chers collègues, que cet organisme est aujourd’hui doté d’un comité des investissements et qu’il participe, bon gré mal gré, au Fonds stratégique d’investissement, lequel ne semble d’ailleurs pas vraiment remplir la mission qui lui a été assignée.
La vérité, c’est que le paravent de papier que constitue l’article 1er ne résistera pas longtemps quand le vent de l’ouverture totale à la concurrence des services postaux se lèvera. Il suffira alors, par exemple, d’un amendement déposé de façon impromptue au détour de l’examen d’un projet de loi de finances ou d’un texte économique ou financier « fourre-tout » pour le faire tomber.
Une autre question à prendre à considération est celle de la valeur initiale de La Poste.
En réalité, la valeur de La Poste sera probablement révisée à la baisse, ce qui signifie qu’elle sera naturellement sous-évaluée. Car, s’il fallait déterminer effectivement ce que vaut La Poste, nous ne pourrions sans doute parvenir qu’à un résultat particulièrement spectaculaire, probablement bien éloigné de l’évaluation prétendument indépendante dont nous allons être prochainement informés.
Soyons précis : croyez-vous vraiment que La Poste, en tout cas si l’on considère la place éminemment particulière d’opérateur de service public qu’elle occupe depuis plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles, n’ait qu’une valeur initiale limitée à 2, 258 milliards d’euros ?
La valeur immatérielle de La Poste et la qualité même de son service ne se mesurent pas avec les outils de la comptabilité privée ordinaire.
Dans le même ordre d’idées, par souci d’une parfaite honnêteté, on pourrait fort bien déterminer la valeur de La Poste à partir du volume actualisé, selon les règles en vigueur en la matière, des versements qu’elle a faits au profit du budget de l’État durant tout le temps que l’on a procédé au virement de l’excédent du budget annexe des postes et télécommunications sur le budget général.
Autre aspect de la question : celui des charges indues supportées par La Poste et non prises en compte par l’État, au plus grand mépris des engagements pris dans le cadre du contrat de plan !
Si vous étiez conséquent, monsieur le ministre, avant même de procéder à tout apport en capital à la société anonyme que vous allez porter sur les fonts baptismaux, vous commenceriez par vous acquitter de vos dettes !
Comment oublier que la somme que vous vous apprêtez à mettre dans le capital de La Poste – 1, 5 milliard d’euros - ne représente même pas les 1 871 millions d’euros que l’État doit à l’EPIC de La Poste pour le transport de la presse ?