La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, vous avez décidé d’inscrire dans le projet de loi de finances la suppression de la taxe professionnelle, annoncée par le Président de la République en février dernier.
Comme vous nous l’avez précisé, les entreprises bénéficieront ainsi d’une capacité de trésorerie supplémentaire de 11 milliards d’euros en 2010, puis de 5, 8 milliards d’euros chaque année suivante. Que peut-on attendre d’une telle décision pour notre économie ? Pourquoi cette mesure aurait-elle des effets positifs ? Une plus grande part de la valeur ajoutée créée par les entreprises sera-t-elle consacrée à l’emploi, à l’investissement ? Le rapport demandé par le Président de la République nous a rappelé dernièrement qu’en vingt ans cette valeur ajoutée a profité aux seuls actionnaires.
Selon vous, madame la ministre, toutes les activités seront gagnantes avec le nouvel impôt. Mais, avec un faible taux de cotisation, fixé à 1, 5 % de la valeur ajoutée, les banques, les assurances, la grande distribution étaient déjà gagnantes depuis de nombreuses années. C’est cet écart avec le secteur industriel qu’il aurait fallu rectifier. Une fois de plus, les grandes perdantes seront les familles, appelées à compenser cette perte de recettes.
Les collectivités territoriales, que le Gouvernement a été bien heureux de trouver pour maintenir un haut niveau d’investissement et conserver ainsi aux entreprises des carnets de commandes suffisamment remplis, sont complètement déstabilisées.
Les budgets pour 2010 se préparent, mais, vous le savez bien, madame la ministre, les projets ne se financent pas sur un seul exercice. L’absence de visibilité est inquiétante pour les collectivités territoriales, pour leurs habitants, mais aussi pour les entreprises concernées par les investissements publics. Je rappelle que 73 % de ceux-ci sont réalisés par les collectivités territoriales.
Pourquoi, une fois de plus, tant de précipitation ? Pourquoi n’écoutez-vous pas les élus locaux ?
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Mme Marie-France Beaufils. Pourquoi refusez-vous d’engager une réflexion sur cet impôt économique, qui prendrait en compte l’ensemble de la fiscalité locale et serait menée parallèlement à la réforme des institutions et à la définition des compétences de chaque niveau, y compris l’État ? Allez-vous retirer le projet de suppression de la taxe professionnelle, dangereux pour notre économie et nos services publics, contraire à l’intérêt général ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame le sénateur, rappelons-nous du contexte dans lequel cette réforme intervient et des objectifs que nous cherchons à atteindre !
Confrontés à une crise économique, nous devons améliorer la situation de l’emploi et la compétitivité de nos entreprises. J’ai noté, madame Beaufils, que vous établissiez très clairement le lien entre emploi et entreprise : nous aussi !
Mme Christine Lagarde, ministre. La réforme que nous engageons doit permettre de restaurer la compétitivité des entreprises, de soutenir l’économie française et, bien évidemment, d’assurer la fiscalité de tous les niveaux de collectivités territoriales, lesquelles ont joué un rôle important dans le cadre du plan de relance.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Tels sont les trois objectifs qui nous guident.
La méthode suivie est la même que pour l’élaboration de la loi de finances : elle repose sur le dialogue, l’écoute, la concertation.
Dans cet esprit, j’ai d’ailleurs eu le plaisir, mesdames, messieurs les sénateurs, de recevoir un certain nombre d’entre vous. Je voudrais tout particulièrement remercier MM. Hervé, Guené et de Montgolfier de leur participation au travail de concertation que nous avons engagé voilà maintenant sept mois, depuis l’ouverture, par le Premier ministre, de la Conférence nationale des exécutifs.
Par conséquent, les objectifs et la méthode sont simples, tout comme le calendrier. La crise n’attend pas : il faut impérativement, pour les entreprises, que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2010.
Pour des raisons constitutionnelles qui ne vous échappent pas, il est indispensable que l’impôt voté soit attribué. Dans ces conditions, il est parfaitement légitime que la contribution économique territoriale, qui se substituera à la taxe professionnelle et sera notamment assise sur la valeur ajoutée, soit mise en place dans un délai suffisant, en 2010.
Mme Christine Lagarde, ministre. Cela nous permettra de réaliser des simulations, de nous assurer que les curseurs sont bien placés et, si nécessaire, de procéder à des ajustements pendant le courant de l’année 2010, afin qu’au 1er janvier 2011 la réforme marche sur deux jambes : une pour les entreprises, une pour les collectivités territoriales.
Très bien ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.
Ma question s'adressait à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, mais je remercie M. le secrétaire d’État chargé des transports de bien vouloir y répondre.
Lundi dernier, les autorités de sûreté nucléaire britannique, française et finlandaise ont émis des réserves sur les systèmes de sûreté des réacteurs nucléaires de type EPR, dont elles demandent aux exploitants et aux fabricants d’améliorer la conception initiale.
Le réacteur pressurisé européen, ou EPR, constitue une avancée considérable en matière énergétique et environnementale, permettant à la France de conserver, au côté des États-Unis, une place de leader mondial dans ce domaine.
Certes, la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables enregistre des progrès importants, mais, aujourd’hui, plus de 78 % de notre électricité est d’origine nucléaire.
En tant que sénateur de Seine-Maritime, je suis d’autant plus sensible à ce sujet que mon département compte deux centrales nucléaires, à Paluel et à Penly, et que le Président de la République a annoncé, le 30 janvier dernier, la construction d’un EPR sur le second de ces sites. Cela confortera considérablement la place de la Normandie dans le secteur nucléaire, sur le plan mondial.
Le début de la construction est prévu en 2012, pour une mise en service en 2017. Au plus fort de son activité, le chantier mobilisera près de 2 500 salariés. L’entrée en service de l’EPR s’accompagnera de la création de 300 emplois directs permanents, au sein d’EDF ou d’entreprises externes, auxquels s’ajouteront de très nombreux emplois induits.
Pour autant, et bien que je sois, comme la majorité des élus de Seine-Maritime, favorable au développement de l’EPR, je suis parfaitement conscient du risque humain d’une telle entreprise, principal enjeu, d’ailleurs, du débat nucléaire. À ce sujet, le fait que le contrôle soit assuré par deux autorités témoigne de la transparence des processus.
Toutefois, la critique actuelle porte sur la trop grande interconnexion entre les deux systèmes de contrôle, supposés être indépendants. Aussi aimerais-je, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous donniez plus de précisions sur les tenants et aboutissants de la controverse portant sur l’EPR. Il est important que nos concitoyens trouvent une réponse aux questions qu’ils peuvent légitimement se poser, suite aux informations diffusées ces jours derniers.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je vous prie, monsieur Revet, de bien vouloir excuser M. Borloo.
Vous avez parfaitement raison de soulever cette question, car l’existence d’une autorité de sûreté nucléaire indépendante est un gage de transparence et de sécurité. Cette autorité est fiable techniquement et libre de sa parole : c’est une condition indispensable au développement de l’industrie nucléaire, en France comme à l’étranger.
Les événements auxquels vous avez fait allusion témoignent d’ailleurs de l’existence d’un dialogue nourri entre l’Autorité de sûreté nucléaire et les exploitants. Ce débat permet de bâtir les solutions les plus sûres.
On ne peut donc que se féliciter, dans un esprit de transparence absolue, que toutes les prises de position de l’Autorité de sûreté nucléaire soient rendues publiques. Que n’entendrait-on pas, d’ailleurs, si ses avis étaient tenus confidentiels ?
La représentation nationale peut également être satisfaite de la bonne coordination entre les autorités de sûreté nucléaires française, britannique et finlandaise. Comme vous le savez, monsieur Revet, la France a souhaité développer les coopérations européennes et internationales dans ce domaine. C’est une manière de faire progresser la sûreté nucléaire dans le monde entier.
Il est normal que des éclaircissements techniques soient demandés par l’Autorité de sûreté nucléaire. Cela montre que notre organisation nucléaire est robuste et que cette autorité joue bien le rôle que le législateur a voulu lui confier.
L’enjeu technique, dans cette affaire, porte sur le système de contrôle et de commande, c’est-à-dire sur le pilotage opérationnel du réacteur. Je tiens à vous dire solennellement que nous avons obtenu l’assurance qu’EDF et Areva s’étaient engagés à fournir toutes les réponses attendues. Nous veillerons, bien sûr, au respect de cet engagement. En tout état de cause, aucun retard ne devrait être enregistré, et les fondamentaux du programme EPR ne sont pas remis en cause.
En conclusion, je voudrais rappeler que notre responsabilité collective porte sur la sûreté, bien sûr, mais aussi sur la performance, qui est un enjeu essentiel compte tenu de la place de l’industrie nucléaire dans notre pays. En renforçant la sûreté et la performance, nous mettons un outil de production électrique de grande qualité au service de nos industries et de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Au moment de la création de la Communauté européenne et dans les négociations ultérieures, la France et l’Allemagne avaient pris le parti de défendre, quelle que soit l’évolution de la situation, l’agriculture et l’industrie, puisque l’espace européen est traditionnellement ordonnancé autour de ces deux activités majeures.
Pourtant, force est de constater aujourd’hui, à l’heure où les effets de la crise mondiale se font lourdement sentir, que si l’industrie paraît relativement protégée, l’agriculture, elle, a le triste sentiment d’être abandonnée des pouvoirs publics. Le discours éloquent prononcé par le Président de la République à Poligny, …
… la semaine dernière, n’y a rien changé et n’a pas convaincu les organisations syndicales agricoles.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à mesurer chaque jour, en tant que sénateurs de ce qu’il est convenu d’appeler la France rurale, la légitime colère des producteurs des différentes filières – éleveurs, céréaliers, producteurs de lait, producteurs de fruits et légumes –, qui constatent, impuissants, que les prix ne permettent plus de couvrir les charges et de dégager le moindre salaire.
Il fut un temps où il ne fallait pas, disait-on, « désespérer Billancourt ». Aujourd’hui, a-t-on véritablement conscience de la détresse des Français chargés de nourrir le pays et de contribuer, sans juste retour, au dynamisme de deux secteurs paradoxalement en pleine expansion, l’agroalimentaire et la grande distribution ? Je ne crois pas que souligner la noblesse de la terre et de ceux qui la travaillent suffira à régler cette crise, tout à la fois structurelle et conjoncturelle, de même qu’annoncer un énième plan si celui-ci n’est doté d’aucun financement sérieux.
Chacun sait bien que l’avenir de l’agriculture se joue désormais à l’échelon européen et au sein de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Or, depuis 1992, la politique agricole commune se démantèle au fil du temps : elle est de moins en moins politique, de moins en moins agricole et de moins en moins commune !
Dans ce contexte, comment le Gouvernement entend-il s’y prendre pour atteindre l’objectif prioritaire que le Président de la République a lui-même fixé : mettre en place une nouvelle régulation des marchés pour l’ensemble des productions ?
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
Madame la sénatrice, comme j’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises ces derniers mois, je suis moi aussi conscient de la détresse du monde agricole. Nous entendons, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, y apporter des réponses concrètes.
Le plan d’aide immédiate à l’ensemble des filières agricoles annoncé par le Président de la République est d’une ampleur sans précédent, …
… puisque son montant s’élèvera à 1, 65 milliard d’euros. Dès la semaine prochaine, une enveloppe de 1 milliard d’euros de prêts bonifiés sera disponible, sur la base de la convention que je signerai avec les banques ce lundi.
M. Bruno Le Maire, ministre. En outre, 650 millions d’euros de crédits budgétaires seront débloqués pour prendre en charge des intérêts d’emprunts, alléger les cotisations à la Mutualité sociale agricole et apporter une aide directe aux exploitants agricoles. Je le répète, c’est un plan sans précédent dans l’histoire de l’agriculture française ! Il s’agit d’une aide concrète à tous les exploitants agricoles, appropriée à la situation.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Par ailleurs, nous entendons, grâce à des mesures structurelles, permettre à l’ensemble des filières de gagner en compétitivité et de retrouver un élan digne de la première agriculture européenne. Tel sera l’objet de la loi de modernisation de l’agriculture, sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois, en liaison étroite avec le président de la commission de l’économie du Sénat, Jean-Paul Emorine.
Enfin, nous œuvrons sans relâche pour obtenir une régulation européenne des marchés agricoles.
Depuis le début du mois de juillet, nous menons bataille, avec l’Allemagne et vingt et un autres États européens, pour mettre sur pied une telle régulation, d’abord pour le marché du lait, puis pour l’ensemble des marchés agricoles.
Aujourd'hui, le Président de la République et le Premier ministre polonais ont signé une déclaration conjointe sur la régulation européenne des marchés agricoles et sur l’avenir de la politique agricole commune.
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ne céderons pas d’un pouce sur la régulation européenne des marchés agricoles, ni sur une redéfinition d’une politique agricole commune dans l’intérêt de l’ensemble des exploitants agricoles français.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, nous avons appris, il y a quelques semaines, que M. Henri Proglio serait proposé à la présidence d’EDF.
Il a manifestement toutes les compétences requises pour exercer une telle responsabilité, mais je suis de ceux qui se sont étonnés d’apprendre que, s’il était nommé, il ne renoncerait pas à la présidence de la société Veolia. Je voudrais faire remarquer que les chiffres d’affaires d’EDF et de Veolia sont respectivement de 64 milliards d’euros et de 36 milliards d’euros, et que ces entreprises comptent 160 000 et 340 000 salariés…
Peut-on exercer simultanément la présidence d’EDF, entreprise contrôlée par l’État, et celle de Veolia, société cotée en bourse ?
Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les risques de conflits d’intérêts.
Certains pourraient penser, à tort selon moi, que l’on envisage la nationalisation de Veolia ou la privatisation d’EDF.
Certes, le Gouvernement a appliqué les nouvelles dispositions de la Constitution, mais les commissions compétentes des assemblées ont entendu les candidats en vain, puisque la loi organique n’a toujours pas été votée.
Madame la ministre, à la lumière de ce cas très particulier, je souhaiterais que vous nous exposiez la doctrine du Gouvernement en matière de gouvernance des entreprises publiques.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Arthuis, votre souci est parfaitement légitime, EDF étant une grande entreprise nationale, qui joue un rôle important dans la vie quotidienne de tous les Français.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Le mandat de son actuel président arrive à échéance le 22 novembre prochain. En vue de la nomination de son successeur, l’État a soutenu la candidature de M. Henri Proglio, qui a été entendu par chacune des deux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale.
À cette occasion, il a pu indiquer dans quelles conditions il envisageait d’exercer les fonctions de président d’EDF. Je sais qu’il a notamment été longuement interrogé sur la compatibilité de celles-ci avec son mandat de président de Veolia.
Trois questions se posent.
La première a trait à d’éventuels conflits d’intérêts. M. Proglio est administrateur d’EDF depuis 2004 : en cinq ans, il n’a jamais eu à en connaître.
Mme Christine Lagarde, ministre. Par ailleurs, le conseil d’administration d’EDF s’est engagé, s’il était nommé président, à éviter toute situation de conflits d’intérêts.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La deuxième question qui se pose est celle du rôle que jouera M. Proglio s’il est choisi. Votre préoccupation, monsieur Arthuis, serait légitime s’il était destiné à présider EDF à mi-temps.
Mme Christine Lagarde, ministre. Bien évidemment, il n’en sera rien. S’il est nommé, il sera un président d’EDF de plein exercice, assumant l’intégralité des fonctions opérationnelles, tandis que l’ensemble des fonctions exécutives, au sein de Veolia, seront dévolues au directeur général.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Christine Lagarde, ministre. Enfin, la troisième question porte sur la rémunération. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat, M. Proglio a indiqué très clairement que sa rémunération actuelle, en tant que président de Veolia, le plaçait au vingt-huitième rang des dirigeants des sociétés du CAC 40.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Christine Lagarde, ministre. … n’écoutez pas, mais arrêtez de hurler, vous empêchez vos collègues d’entendre !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Il n’est pas question de cumul de rémunérations. M. Proglio n’en percevra qu’une, …
… qui sera fixée le 22 novembre prochain, à l’occasion de sa nomination. Il serait raisonnable de tenir compte de sa rémunération chez Veolia, …
… mais en aucun cas – je le précise à l’intention de ceux d’entre vous qui ne semblent être intéressés que par cette seule question – il n’y aura cumul.
Mme Christine Lagarde, ministre. Rémunération unique, exercice des responsabilités exécutives, absence de conflits d’intérêts : telles sont les conditions dans lesquelles M. Proglio pourra réaliser des opérations stratégiques très importantes.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Il faudrait vraiment être sourd et aveugle pour ne pas constater l’émotion considérable que soulèvent actuellement les grands projets du Gouvernement, émotion qui est partagée, au-delà de la seule opposition, par de nombreux élus de la majorité, dont des personnalités de premier plan : à l’instant, M. Arthuis l’a exprimée avec force.
Tous ces élus sont notamment affligés par l’impréparation, l’absence d’anticipation et même de simulations qui président à la suppression de la taxe professionnelle, dont le produit représente tout de même 26 milliards d’euros. Tous savent que c’en sera fini de la libre administration des collectivités locales et de leur autonomie fiscale.
Mais cette émotion a aussi gagné les citoyens, qui ont bien compris que l’allégement de la fiscalité des entreprises, à hauteur de 11 milliards d’euros en 2010 et de 8 milliards d’euros les années suivantes, sera forcément compensé par une augmentation, sans doute de l’ordre de 30 %, des impôts pesant sur les ménages.
C’est considérable !
Monsieur le Premier ministre, vous qui avez déclaré que la France était en faillite, pensez-vous vraiment que la situation catastrophique des comptes publics vous autorise à charger la barque du déficit de 11 milliards d’euros supplémentaires en 2010 ? Le déficit budgétaire s’élève déjà à 140 milliards d’euros en 2009, montant auquel il faut ajouter les 28 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale, et la dette publique du pays sera supérieure en 2010 à 84 % du PIB : comment pouvez-vous, dans ces conditions, justifier les 50 milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis depuis 2002 ?
Demain, c’est nous, mes chers collègues, qui devrons supporter les conséquences de cette asphyxie financière. Nous serons contraints de réduire drastiquement les services publics de proximité, pourtant si nécessaires à ceux qui vivent dans nos territoires, et d’augmenter les impôts locaux pesant sur les ménages.
Monsieur le Premier ministre, les problèmes que vous rencontrez avec votre majorité sont votre affaire, mais soyez attentif aux appels au bon sens qui vous sont adressés. Par exemple, ne mettez pas la charrue devant les bœufs : commencez par définir les compétences des collectivités territoriales et par estimer le coût de leur exercice, avant de régler la question du financement !
Dites-nous si, en ces temps tumultueux, vous resterez « droit dans vos bottes », ou si vous laisserez le temps à la réflexion, à la concertation, en un mot au débat démocratique ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, pour juger de l’efficacité d’une politique économique, il faut la comparer à celle des autres pays développés ou aux politiques alternatives éventuelles.
Je constate qu’en 2009, dans un contexte de récession extrêmement sévère, les résultats de l’économie française seront les meilleurs de la zone euro.
Ainsi, la récession sera deux fois moins forte chez nous : l’Allemagne sera à moins 5 %, le Royaume-Uni à moins 4, 9 %, l’Italie à moins 4 %.
Pour 2010, l’Union européenne nous prédit une croissance supérieure à 1, 2 %, soit le double de ce qu’elle prévoit pour la zone euro.
Ces résultats sont dus aux décisions que nous avons arrêtées depuis le début de la crise pour sauver le système financier puis mettre en œuvre le plan de relance
« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
, et surtout aux décisions structurelles que nous prenons depuis deux ans et demi pour améliorer la compétitivité de l’économie française.
Exclamations sur les mêmes travées.
Monsieur Bel, je croyais que vous souhaitiez parler de l’économie française, de sa compétitivité, de sa capacité à produire de la richesse, mais vous ne parlez en fait que de l’organisation des collectivités locales. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Certes, il s’agit d’une question très importante, mais elle est subordonnée à celle de la création de richesse dans notre pays !
Quelles solutions proposez-vous ?
Depuis le début de la crise, vous avez d’abord suggéré de baisser la TVA.
Le seul pays qui s’est engagé dans cette voie s’en mord aujourd’hui les doigts, car il a les plus mauvais résultats économiques de l’Union européenne.
Par ailleurs, vous ne cessez de préconiser une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises, alors que la compétitivité de celles-ci est précisément le grand problème de notre pays.
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. François Fillon, Premier ministre. Si vous n’écoutez pas, nous ne pourrons pas dialoguer ! Dans ces conditions, ce n’est pas la peine de prôner la concertation ! Pour ma part, j’ai écouté M. Bel respectueusement, et j’ai entendu ses arguments.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Je vais y répondre, si vous me laissez conduire mon raisonnement.
Prenons un exemple. Au début des années quatre-vingt, la part de l’industrie automobile française sur le marché mondial était de 10 % ; aujourd’hui, elle est tombée à 5 %.
Dans le même temps, la part de l’industrie automobile allemande est passée de 11 % à un peu plus de 10 %. Cela montre que nous avons un problème majeur de compétitivité, …
M. François Fillon, Premier ministre. … en particulier face à notre voisin et principal concurrent, l’Allemagne.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous avons donc le devoir d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Comment peut-on y parvenir ? En baissant les charges sociales ? Depuis des années, tous les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, l’ont fait !
La seule possibilité qui subsiste encore, aujourd’hui, est d’abaisser les cotisations retraite et chômage sur les bas salaires. Mais personne, naturellement, ne proposerait de retenir une telle solution !
M. François Fillon, Premier ministre. Il est donc indispensable, si l’on veut favoriser la création de richesse dans notre pays, si l’on veut que les communes, que vous représentez ici, conservent une activité industrielle, de supprimer la taxe professionnelle.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Telle est la politique que nous allons conduire. Nous en profiterons pour appliquer enfin cette fameuse péréquation réclamée de manière unanime depuis des années, mais que personne n’a encore jamais mise en œuvre !
M. François Fillon, Premier ministre. Les collectivités territoriales, notamment les communes et les intercommunalités, bénéficieront finalement de cette réforme. La péréquation permettra de mettre enfin un terme aux injustices que ni vous ni nous n’avions su corriger par le passé.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Alain Vasselle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports, que je souhaite interroger sur le droit à l’image collective.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Madame la ministre, ma messagerie électronique est saturée depuis plusieurs jours. Le monde sportif est en ébullition, et la polémique enfle.
À l’Assemblée nationale, vous avez accepté un amendement tendant à revenir sur une mesure d’exonération de charges sociales prise en 2004. Lors de l’élaboration de la loi de finances de 2009, nous avions déjà décidé de redéployer les moyens en faveur des clubs sportifs et de supprimer l’avantage en question à compter du 1er juillet 2012.
L’amendement que je viens d’évoquer ramène l’échéance au 31 décembre 2009. Dans leur argumentation, les députés ont mis l’accent sur les salaires très élevés versés à certains sportifs et ont fait valoir l’inefficacité du dispositif mis en place en 2004. Ils ont également fait référence aux conclusions très négatives de la Cour des comptes, qui préconisait, dans son rapport de 2009, de supprimer cet avantage.
Néanmoins, certains considèrent qu’adopter cet amendement revient à changer la règle du jeu en cours de partie, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif et pourrait créer une insécurité juridique.
J’aimerais que vous tordiez le cou à ces arguments, madame la ministre, vous dont les attributions recouvrent à la fois le sport et la santé, ce qui vous impose de veiller à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle. Or, en tant que ministre chargée des sports, vous devez environ 10 millions d’euros à la sécurité sociale, tandis que l’exonération de cotisations sociales en question représente un coût de 28 millions d’euros. Il est donc temps, à mon sens, d’y mettre fin. J’ai toutefois déposé un amendement au projet de loi de finances visant à ce que cette suppression ne prenne effet qu’au 1er juillet 2010. Quel est votre sentiment sur ce dossier ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur Vasselle, vous avez, comme à votre habitude, excellemment posé le problème.
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement de M. Yves Bur visant à avancer l’échéance de la suppression de cette exonération partielle de charges sociales sur les salaires des joueurs des clubs professionnels.
En effet, le dispositif s’est révélé inefficace, puisqu’il ne permet pas à nos clubs de résister à la concurrence des clubs étrangers les plus fortunés, qui proposent parfois des salaires de quatre à cinq fois plus élevés.
La mesure est en outre injuste, dans la mesure où elle favorise certains clubs par rapport aux autres. Ainsi, l’Olympique lyonnais…
… économise 6 millions d’euros grâce au DIC, mais le club de Boulogne-sur-Mer 127 000 euros seulement.
De surcroît, le dispositif n’est plus contrôlable, puisque son coût est en train d’exploser. Vous avez rappelé la dette du ministère des sports à l’égard de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale : 28 millions d’euros étaient inscrits au budget au titre du droit à l’image collective, or le coût de cette mesure s’élève à ce jour à 38 millions d’euros, soit 15 % du programme « Sport ». Hier, le président de la Ligue nationale de rugby m’a annoncé qu’il s’apprêtait à me présenter une facture de 10 millions d’euros, au lieu des 3 millions d’euros prévus cette année…
Cela étant, le Premier ministre et moi-même ne méconnaissons évidemment pas les difficultés auxquelles sont confrontés certains clubs sportifs professionnels. Nous cherchons à y remédier de plusieurs façons, et d’abord en rénovant les enceintes sportives, qui sont en général très vétustes dans notre pays, leur durée de vie étant supérieure à soixante ans. Le Premier ministre a ainsi décidé d’y consacrer 150 millions d’euros en vue du championnat d’Europe de football de 2016. Par ailleurs, à l’échelon européen, nous entendons promouvoir, au côté du président de l’UEFA, Michel Platini, des règles de fair play financier.
D’autres solutions peuvent également être envisagées. C’est la raison pour laquelle, à l’instigation du Premier ministre, …
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … nous avons réuni une commission de travail sur ce sujet. Pour faire coïncider notre calendrier avec celui des clubs sportifs, nous sommes bien entendu prêts à reporter la suppression du dispositif au 30 juin 2010.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Les chiffres du chômage ne sont pas bons : septembre 2009 a été marqué par une nouvelle progression du nombre des demandeurs d’emploi, qui a augmenté de 25 % en un an. D’autres indicateurs témoignent de la gravité de la situation. Ainsi, le nombre de chômeurs de moins de vingt-cinq ans a crû de 30 % en un an. Rendez-vous compte : aujourd’hui, près d’un jeune actif sur quatre est sans emploi !
Ce constat recouvre des situations très disparates selon les territoires. Par exemple, ma région, la Franche-Comté, qui est la plus durement touchée, connaît une augmentation dramatique du nombre de ses chômeurs, de 35, 5 % en un an. Corrélativement, on enregistre une chute de 17 % sur un an du nombre des offres d’emploi collectées au plan national par Pôle emploi.
Ces chiffres traduisent la violence de la crise que nous traversons. Comme tout se tient, on enregistre parallèlement une dégradation de nos comptes sociaux, hypothéquant chaque jour un peu plus nos perspectives d’avenir.
Mais surtout, derrière ces chiffres, il y a les visages d’hommes et de femmes qui n’arrivent plus à faire face aux nécessités de la vie quotidienne. Ils ne veulent pas une allocation ; ils veulent un emploi susceptible, tout simplement, de leur permettre de vivre dignement.
Vous avez entendu ce matin, madame la ministre, les constats dressés par le Secours catholique. Ils infirment l’argumentaire que vient de développer M. le Premier ministre, car seuls comptent les résultats.
À mi-parcours du mandat présidentiel, n’est-il pas temps d’engager un plan d’action alternatif ? N’est-il pas temps, comme vous y invite le Bureau international du travail, d’adopter une stratégie en faveur de l’emploi plus ambitieuse que votre trop faible plan de relance ? N’est-il pas temps d’en finir avec les cadeaux fiscaux consentis aux plus favorisés ? Ces avantages, tel le bouclier fiscal, sont devenus insupportables. N’est-il pas temps de sortir d’une politique du coup par coup ? N’est-il pas temps de repenser l’ensemble de notre système fiscal, pour le mettre au service d’une double exigence : l’efficacité économique et l’équité sociale ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir décrit de manière équilibrée la situation actuelle : c’est l’approche qui convient pour un problème de cette gravité.
Revenons sur les chiffres.
Ceux de septembre, comme vous l’avez souligné, dénotent une légère aggravation par rapport au mois d’août. Toutefois, l’examen des données trimestrielles fait apparaître une évolution légèrement favorable. Ce n’est pas une victoire, car il est clair que le nombre des demandeurs d’emploi s’accroîtra au cours de l’année 2010, malgré la reprise évoquée par M. le Premier ministre et la mise en œuvre, prioritaire à nos yeux, d’une politique économique qui soit la plus attentive possible à l’emploi. La nature des crises économiques veut en effet que la reprise doit être amorcée avant que l’on puisse recréer de l’emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre. En 2009, la croissance mensuelle moyenne du nombre des demandeurs d’emploi a été de 81 200 au premier trimestre, de 25 400 au deuxième trimestre et de 16 800 au troisième trimestre.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je n’en tire aucune gloire ! Il s’agit simplement d’un ralentissement tendanciel de l’augmentation du nombre des demandeurs d’emploi.
Nous devons impérativement mobiliser tous les moyens de lutter contre le chômage qui sont à notre disposition.
Premièrement, le Fonds d’investissement social, mis en place avec les partenaires sociaux, a été doté de 1, 4 milliard d’euros supplémentaires afin d’instaurer des mécanismes spécifiques pour maintenir l’emploi.
Deuxièmement, nous devons soutenir l’activité à temps partiel. La comparaison avec l’Allemagne est éclairante à cet égard. Cela signifie mieux indemniser le chômage partiel et durant des périodes plus longues, afin que les entreprises qui, plongées actuellement dans la crise, ne peuvent sauvegarder l’emploi, soient au moins en mesure de maintenir en vigueur les contrats de travail en vue de leur réactivation au moment de la reprise.
Troisièmement, nous devons utiliser les contrats de transition professionnelle, que vous connaissez bien dans votre département, monsieur le sénateur. Au nombre de quarante et un sur l’ensemble du territoire, ils permettent d’assurer une indemnisation à hauteur de 100 % du salaire net pendant douze mois, avec des périodes de formation.
Enfin, s’agissant des jeunes, vous avez raison de souligner qu’ils sont toujours les premiers touchés par le chômage en période de crise.
Nous avons mis en place un plan pour la jeunesse, qui assure le placement de 500 000 jeunes par tous les moyens disponibles, de l’apprentissage à la formation en alternance sous toutes ses formes.
Nous devons impérativement continuer à mettre en œuvre toutes ces mesures et être à l’écoute du marché pour aller chercher les emplois là où ils sont. Dans cette perspective, il est important de renforcer l’attractivité du territoire, et la suppression de la taxe professionnelle jouera un rôle à cet égard.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Lundi dernier, le Président de la République a annoncé à Marseille les principales mesures du plan cancer II. Celui-ci vise à consolider les acquis du premier plan mis en place sous la présidence de M. Chirac, qui avait fait de la lutte contre cette maladie l’un des chantiers prioritaires de son quinquennat.
Le Président Sarkozy, dans un discours à portée sociale, a donné le coup d’envoi de ce second plan, en annonçant la mobilisation de près de 750 millions d’euros supplémentaires sur cinq ans.
Sa volonté est de réduire par tous les moyens les inégalités sociales et géographiques…
… constatées au regard de cette maladie, qui touche 350 000 Français chaque année, l’objectif nouveau étant de mieux préparer la vie des patients.
Comportant cinq axes principaux, trente mesures concrètes et cent dix-huit actions allant du dépistage aux moyens de communication et de la recherche aux soins, ce plan, dans son principe, semble donner entière satisfaction – je le souligne – à la fois aux médecins et aux associations, …
… qui ont salué notamment le montant des moyens alloués et la prise en compte des diverses inégalités face à la maladie.
Ce second plan conforte donc le précédent, principalement fondé sur un volet médical. Il comporte une dimension humaine et sociale, ce dont nous nous félicitons tous.
Élément nouveau, et à mes yeux considérable, ce plan aborde deux points ô combien importants : la vie pendant et après le cancer – une série d’actions tendant à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes et surtout à éviter toute forme d’exclusion est présentée – et le cancer de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte – des mesures pour faciliter la vie après le cancer et une prise en charge spécifique, en particulier psychologique, sont prévues.
Aujourd’hui, un malade sur deux guérit du cancer ; souhaitons qu’un jour prochain ce pourcentage de guérison augmente et que le cancer devienne une maladie chronique.
Il existe donc une vie après le cancer, qui ne doit plus être taboue. C’est pourquoi il faut à la fois tenter de décomplexer la vision du cancer et concevoir un accompagnement des personnes guéries ou en rémission.
M. Alain Milon. Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez conforter mes propos en nous présentant le plan cancer II.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Cher Alain Milon, …
… comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a présenté lundi dernier, à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille, cher à M. Jean-Claude Gaudin, le plan cancer II.
Ce plan extrêmement ambitieux va mobiliser 2 milliards d’euros, dont 750 millions d’euros de mesures nouvelles.
« Où les prenez-vous ? » sur les travées socialistes.
Vous avez appelé mon attention sur deux points particuliers, monsieur le sénateur.
En ce qui concerne le cancer de l’enfant, plusieurs axes du plan sont particulièrement dédiés aux 1 700 enfants âgés de moins de quinze ans atteints chaque année d’un cancer.
Une action spécifique en leur direction est nécessaire, avec tout d’abord un effort de recherche considérable, car ces jeunes ont besoin de traitements innovants. En outre, ils nécessitent une prise en charge personnalisée, particulièrement adaptée à leur cas. Nous sommes enfin en train de mettre en place des consultations pluridisciplinaires ou de les renforcer, afin de mieux assurer le passage de la médecine pédiatrique à la médecine pour adultes.
Par ailleurs, c’est à juste titre que vous avez mis l’accent sur l’amélioration de la vie après le cancer, puisqu’un malade sur deux en guérit. Cette affection ne doit plus déboucher sur une relégation sociale. C’est la raison pour laquelle nous voulons revoir en profondeur la convention d’assurance AERAS – « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » –, dont l’application connaît des difficultés considérables. Mme Hermange est très sensible à cette question.
Certes, il convient de maintenir le remboursement à 100 % des examens de contrôle, mais nous entendons permettre aux personnes qui guérissent du cancer d’échapper à cette forme de relégation sociale que représente la prise en charge au titre des affections de longue durée, ou ALD, …
… afin qu’elles puissent bénéficier d’une meilleure réinsertion sociale et professionnelle, ainsi qu’en matière de logement.
Tels sont les principes au cœur de notre plan cancer.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports et porte sur l’avenir de la sécurité sociale.
Comment ne pas s’interroger, madame la ministre, sur les choix du Gouvernement en matière de santé publique et d’accès aux soins pour nos concitoyens ?
Sur le plan financier, les déficits sont abyssaux, sidérants, terrifiants : 10 milliards d’euros en 2008 pour le régime général, 23, 5 milliards d’euros en 2009.
Toutes les branches sont déficitaires, et la situation ne s’améliorera pas jusqu’en 2013 ; le déficit de la branche maladie a été multiplié par deux et demi ; un plafond historique de 65 milliards d’euros d’emprunts a été atteint pour l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en 2010.
Le déficit a été certes creusé par la crise, mais il est devenu, à ce stade, structurel, comme en témoignent les déclarations du Premier président de la Cour des comptes : « le déficit très important, qui pourrait atteindre 30 milliards d’euros, est de nature à compromettre la pérennité de la protection sociale ».
Vous allez nous présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale d’attente, indigent, surréaliste. À cette passivité étonnante, coupable, vous ajoutez encore l’injustice sociale !
Aujourd’hui, 27 % de nos concitoyens retardent leurs soins ou renoncent même à se soigner, et cinq millions d’entre eux n’ont pas de couverture complémentaire.
Alors que ces renoncements entraînent une aggravation des pathologies, dont la prise en charge coûte très cher à la collectivité, vous entendez, encore et toujours, faire peser sur les ménages et les familles la responsabilité et la charge du déficit : augmentation du forfait hospitalier, nouveaux déremboursements de médicaments, alourdissement du coût des assurances complémentaires.
Vous validez même l’idée de taxer les indemnités versées aux victimes d’accidents du travail, et vous ajouterez aux difficultés financières des inégalités géographiques en généralisant par arrêté les fermetures de blocs opératoires !
De surcroît, vous refusez toujours obstinément, au nom du maintien d’un bouclier fiscal sacralisé, de réintroduire la CRDS dans le droit commun des cotisations, alors même que, dans votre propre camp, certaines voix le réclament.
Madame la ministre, quels sont vos objectifs, quel est votre dessein ? Est-ce d’accompagner l’effondrement financier de la sécurité sociale…
M. Yves Daudigny. … pour liquider définitivement l’héritage du Conseil national de la Résistance ?
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Est-ce de substituer aux valeurs de solidarité et de mutualisme, au contrat social, des principes de concurrence, de rentabilité, d’individualisme ?
M. Yves Daudigny. Est-ce de confier au marché notre protection en matière de santé ? Madame la ministre, quand allez-vous dire enfin la vérité aux Françaises et aux Français quant à l’avenir de leur protection sociale ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le sénateur, vous avez allègrement mélangé les chiffres entre les différentes branches de la sécurité sociale !
Les objectifs que nous avions fixés à la branche maladie pour 2009 ont été tenus. Les dépenses ont pu être contenues, et je tiens à en remercier tous les acteurs de l’assurance maladie.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons décidé, pour l’année 2010, de garantir une progression des dépenses de 3 %. Dans les circonstances que nous connaissons, c’est un effort considérable d’investissement en faveur de notre santé. Nous assurons le taux de prise en charge le plus élevé du monde, et le « reste à charge » le plus faible !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Nous voulons offrir des prises en charge adaptées aux plus faibles d’entre nous, à ceux dont la situation est le plus précaire, en faisant porter nos efforts dans plusieurs directions.
Par exemple, nous entendons élargir l’accès à la couverture complémentaire en matière de santé. Grâce à l’action de M. Méhaignerie, il a été accru de 75 % pour les personnes âgées de cinquante à soixante ans. C’est tout à fait considérable ! Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous avons également inscrit des mesures d’aide aux plus jeunes, qui se verront attribuer 100 euros supplémentaires : leur accès à la couverture complémentaire santé sera doublé.
Nous voulons également lutter contre les dépassements d’honoraires.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Des mesures extrêmement fortes ont été prises à cet égard. Le protocole d’accord signé le 15 octobre dernier permettra, avec la mise en place du secteur optionnel, de contrôler ces dépassements d’honoraires et d’obliger un certain nombre de médecins à offrir des soins aux tarifs opposables.
En outre, nous entendons lutter contre les refus de soins, par des mesures de plus en plus précises, en prévoyant des sanctions à l’encontre des professionnels de santé qui ne respectent pas leurs obligations.
Oui, nous voulons assurer la prise en charge des plus faibles !
À l’hôpital, nous avons également pris des mesures permettant d’orienter la tarification à l’activité vers la prise en charge de ces derniers. C’est ainsi que 100 millions d’euros ont été accordés aux établissements qui accueillent les personnes en situation de précarité.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, monsieur le sénateur, la lutte contre les inégalités sociales est bien le fil rouge de notre politique !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
À la suite des récentes péripéties survenues lors de votes à l’Assemblée nationale, la presse a relancé la polémique sur l’absentéisme parlementaire. §Afin d’y répondre, les commissions de l’Assemblée nationale font dorénavant signer des listes de présence.
À juste titre, de nombreux députés, de droite comme de gauche, ont qualifié cette mesure de « ridicule », la véritable cause de l’absentéisme parlementaire étant selon eux le cumul des mandats.
Ils ont tout à fait raison : l’absentéisme est effectivement la conséquence d’une particularité bien française, à savoir le cumul des mandats. Toutefois, c’est non pas tant le cumul de mandats stricto sensu qui est en cause, que celui de très lourdes fonctions exécutives locales avec un mandat de parlementaire.
La charge de travail d’un simple conseiller municipal ou conseiller général n’a absolument rien à voir avec celle d’un maire ou d’un président de conseil général. Si des avancées peuvent être réalisées en matière de réglementation des cumuls, elles concernent en priorité l’exercice des grandes fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales.
En effet, les fonctions de maire de grande ville, de président de conseil régional, de président de conseil général ou de président de communauté d’agglomération correspondent à des activités à plein temps. Un mandat parlementaire est aussi une activité à plein temps, et nul ne peut assumer correctement deux fonctions correspondant chacune à un plein temps.
Exclamations moqueuses.
M. Jean Louis Masson. Le Président Sarkozy s’est lui-même déclaré hostile aux cumuls excessifs. De son côté, le parti socialiste vient de s’engager très fermement sur le sujet.
M. Alain Gournac rit.
Sourires
Tout le monde est donc d’accord sur le principe et les déclarations de bonnes intentions se multiplient, mais, hélas, rien ne se concrétise dans les faits ! À la veille du débat sur la réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement a-t-il enfin l’intention, monsieur le secrétaire d’État, de proposer des mesures concrètes pour renforcer la limitation du cumul de mandats ?
M. Didier Guillaume. Applaudissements nourris sur l’ensemble des travées !
Rires
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la réponse est non : le Gouvernement n’a pas l’intention de modifier la législation en la matière.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que l’une des dispositions essentielles de la réforme des collectivités territoriales est la création de conseillers territoriaux, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Moins nombreux, ils seront tous élus à l’échelon des cantons, au scrutin majoritaire pour 80 % d’entre eux et par répartition proportionnelle au plus fort reste pour les 20 % restants. Je souligne au passage que les petits départements compteront au minimum quinze élus et seront donc mieux représentés qu’ils ne le sont aujourd’hui au sein des régions.
Brouhaha.
Ces conseillers territoriaux seront titulaires d’un mandat unique, monsieur le sénateur, même si celui-ci les conduit à exercer une double fonction et à siéger dans les deux assemblées, …
… donc à assumer davantage de responsabilités. C’est pourquoi le projet de loi prévoit qu’ils pourront se faire remplacer par leur suppléant, qui sera obligatoirement, je le rappelle, de sexe opposé, …
… pour siéger dans les organismes extérieurs où ils représenteront la région ou le département.
Monsieur le sénateur, je vous précise enfin que ce nouveau mandat s’inscrira dans le cadre de la législation actuelle visant à limiter le cumul des mandats. Je connais votre attachement à un renforcement de cette limitation
Rires sur les travées de l’UMP
D’ailleurs, je ne suis pas certain que les divergences apparues sur cette question entre l’Assemblée nationale et le Sénat aient totalement disparu et qu’un consensus puisse éventuellement émerger.
Nombreux sans doute sont ceux, sur toutes les travées de cette assemblée, qui refuseraient un renforcement de la législation visant à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec la présidence d’un conseil général ou d’un conseil régional.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela pourrait en outre affaiblir le rôle de la Haute Assemblée, dont la fonction est aussi de représenter nos collectivités territoriales. C’est pourquoi le projet de loi dont vous aurez à débattre prochainement ne modifie pas la situation actuelle.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Bernard Frimat.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, aux explications de vote sur l’amendement n° 432.
Après l’article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :
« Art. 1-2. – I. – La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.
« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État.
« Cette transformation n’emporte pas création d’une personne juridique nouvelle. L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. La transformation en société anonyme n’affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique.
« II. – La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.
« Les premier et quatrième alinéas de l’article L. 225-24 du code de commerce s’appliquent en cas de vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.
« Le premier alinéa de l’article L. 228-39 du même code ne s’applique pas à la société La Poste.
« L'article L. 225-40 du même code ne s’applique pas aux conventions conclues entre l’État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »
Je rappelle les termes de l'amendement n° 432, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés :
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dont le capital demeure en totalité public
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
Notre attachement au maintien du statut actuel d’établissement public à caractère industriel et commercial de La Poste s’explique par trois raisons principales.
Premièrement, ce statut est adapté à l’ouverture à la concurrence du secteur postal.
Deuxièmement, aucune législation ou cadre européen n’oblige à le remplacer par le statut de société anonyme.
Troisièmement, le renforcement des fonds propres de La Poste est possible sous ce statut, l’État pouvant parfaitement l’aider chaque année à financer la présence postale, ainsi que le transport et la distribution de la presse. Il pourrait même faire davantage s’agissant de cette seconde mission.
Cela étant, comme cela se pratique couramment, nous avons déposé un certain nombre d’amendements de repli, notamment cet amendement n° 432 prévoyant, en cas de changement de statut, que le capital demeure en totalité public.
En effet, malgré les dénégations tant de M. le rapporteur que de M. le ministre depuis le début de l’examen de ce projet de loi, les débats ont confirmé que l’objectif est en réalité, dans un premier temps, de faire sauter le verrou que représente le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial en créant une société anonyme, avant d’ouvrir le capital de cette dernière lorsque l’occasion s’en présentera, à une échéance que je ne saurais préciser.
D’ailleurs, si vous avez le moindre doute à ce sujet, mes chers collègues, je vous renvoie aux avis défavorables qui ont été émis ce matin sur l’amendement n° 432, tant par M. le rapporteur que par M. le ministre : ce rejet de notre proposition signifie que le Gouvernement n’entend pas se lier les mains et qu’il refuse absolument de s’engager à ce que le capital de La Poste, en cas de changement de statut, soit à 100 % public.
Dans ces conditions, comme nous n’avons aucune confiance dans les intentions affichées par le Gouvernement, …
… nous n’avons aucune raison de maintenir cet amendement de repli. Par conséquent, nous le retirons, comme nous retirerons également d’autres amendements similaires dans la suite de la discussion.
Nous confirmons résolument, bien entendu, notre volonté de maintenir le statut d’EPIC, car cela nous paraît être la seule solution pour garantir l’avenir de La Poste.
L'amendement n° 432 est retiré.
Je suis saisi de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L'intégralité du capital reste la propriété de l'État.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Nous souhaitons rectifier cet amendement de repli, afin d’ajouter que le capital de La Poste sera réputé incessible. Cela permettra de garantir que ce capital restera à 100 % public.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L'intégralité du capital reste la propriété de l'État. Il est réputé incessible.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Cet amendement tend donc à prévoir que l’intégralité du capital de la société anonyme La Poste appartiendra à l’État.
En effet, seule la maîtrise publique peut préserver l’intérêt général, en ignorant les logiques de marchandisation des services promues à l’échelon communautaire.
Non seulement vous souhaitez privatiser La Poste, mais vous mettez fidèlement en œuvre l’ouverture totale à la concurrence du marché postal. Ces deux éléments combinés vont aboutir à une précarisation de la situation du personnel et à une détérioration des services publics.
Dans ces conditions, le risque est grand que la présence postale territoriale ne devienne incomplète et profondément inégalitaire. Cela est d’autant plus inquiétant que les réseaux, une fois détruits, le sont irrémédiablement.
La Commission européenne a très rapidement affirmé sa volonté de voir privatiser tous les services postaux. La Poste a largement entamé cette privatisation. La Commission assure qu’elle ne se prononce pas sur le statut juridique de l’entreprise, qui peut rester public, mais elle exige une mise en concurrence des entreprises incompatible avec un service public moderne de qualité.
Ainsi, la course aux segments de marché les plus rentables impose de différencier le traitement des usagers, devenus clients, en privilégiant les gros opérateurs – les grandes entreprises – au détriment des petits – les particuliers, les artisans, les très petites entreprises. Elle implique également des augmentations de tarifs : hausse des prix des timbres, disparition des colis ordinaires au profit des « colissimo », plus onéreux. Elle entraîne enfin des suppressions de bureaux. Le facteur qui se contente de distribuer le courrier et n’a rien à vendre se fera de plus en plus rare, notamment dans certaines zones rurales, où il assure pourtant un lien essentiel entre les habitants et contribue au maintien à domicile des personnes âgées.
Nous dénonçons avec force la marchandisation des services postaux mise en œuvre avec zèle par la direction de La Poste. Nous désapprouvons la privatisation de la gestion de l’entreprise, qui va se trouver renforcée avec le changement de statut.
Demain, en application de l’article 1er, et sans même avoir à revenir devant le législateur, l’État pourra décider de ne conserver qu’une position minoritaire au sein du capital de La Poste. C’est d’ailleurs ce qui ressort clairement de la modification de la composition du conseil d'administration introduite par la commission. Or nous voulons que l’État garde la pleine maîtrise de l’entreprise publique et que le capital de celle-ci soit réputé incessible.
L'amendement n° 447, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le capital de la société est entièrement détenu par l'État.
La parole est à M. Michel Teston.
Pour les raisons que j’ai indiquées à propos de l’amendement n° 432, nous retirons également cet amendement.
L'amendement n° 447 est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par M. Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Son capital, détenu par l'État, peut-être ouvert à d'autres institutions financières publiques françaises qui exercent des activités d'intérêt général pour le compte de l'État, à l'exception de...
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
Cet amendement vise à garantir que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations puissent entrer au capital de La Poste. Les assurances que j’ai reçues à cet égard depuis lundi soir de la part de M. le ministre, tant au cours du débat que par lettre, m’amènent à le retirer.
L'amendement n° 2 est retiré.
L'amendement n° 431, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Après les mots :
de la société
insérer les mots :
en totalité public
La parole est à M. Michel Teston.
Je vais retirer cet amendement, pour les mêmes motifs que les amendements n° 432 et 447. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous qui sembliez douter de notre volonté de faire avancer le débat, voilà bien une preuve que nous n’entendons absolument pas faire de l’obstruction !
Toutefois, nous aimerions que, de votre côté, vous nous prouviez que le statut d’EPIC ne permet pas d’assurer l’avenir de La Poste, ce que vous n’avez nullement fait jusqu’à présent !
L'amendement n° 431 est retiré.
L'amendement n° 567, présenté par MM. Maurey, Dubois, Détraigne, Amoudry, Deneux, C. Gaudin, Merceron et Biwer, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. Zocchetto et Soulage, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
État
insérer les mots :
, actionnaire majoritaire,
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
Trois jours après le début de la discussion de ce projet de loi, je puis enfin présenter le premier des quatorze amendements déposés par les sénateurs du groupe de l’Union centriste !
Nous ne présenterons que peu d’amendements, parce que nous sommes globalement favorables à ce texte. Ayant privilégié la qualité et veillé au caractère constructif de nos propositions, nous sommes persuadés que leur adoption permettra d’améliorer les dispositions du projet de loi ou d’apporter des garanties rationnelles. C’est donc avec conviction que nous les défendrons.
L’article 1er, tel qu’il nous est soumis, pose le caractère public de l’actionnariat de La Poste. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, il ne permet pas de garantir que l’État, au sein des actionnaires publics, pourra peser d’un poids substantiel dans la gestion du groupe La Poste et l’orientation de ses choix stratégiques.
Or seul l’État peut, à la différence des autres personnes morales de droit public, garantir de façon crédible la bonne réalisation de certaines missions de service public, notamment en matière d’aménagement du territoire. C’est là une de ses compétences, que l’on pourrait qualifier de régalienne.
Il nous semble donc pertinent de poser un garde-fou en prévoyant que l’État sera l’actionnaire majoritaire, afin d’éviter que d’autres personnes morales de droit public puissent prendre, en toute légalité, une part trop importante au capital de La Poste.
L'amendement n° 266, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
et par d'autres personnes morales de droit public.
La parole est à M. Jacques Muller.
Cet amendement de repli vise à clarifier qui sera, au final, propriétaire du capital de La Poste.
En effet, que recouvre la notion de personne morale de droit public ?
Il peut s’agir d’abord de l’État ou des collectivités territoriales. Cependant, l’État, qui ne peut plus, ou plutôt ne veut plus apporter sa contribution au développement du service public de La Poste, recherche pour celle-ci d’autres financements publics, notamment auprès des collectivités territoriales. Mais ces dernières ont déjà bien du mal à faire face aux conséquences d’un transfert continu de compétences en provenance de l’État… Les élus locaux ne cessent d’ailleurs de déplorer cette situation.
Parmi les personnes morales de droit public figurent également les établissements publics, c'est-à-dire les hôpitaux, les établissements culturels, les universités, les lycées. Bien évidemment, ils n’entreront pas au capital de La Poste.
Enfin, il y a la Caisse des dépôts et consignations, établissement public autonome placé sous le contrôle du Parlement. « De par son positionnement historique, sa neutralité et son expérience au service de l’intérêt général, la Caisse des dépôts et consignations joue son rôle de tiers de confiance au service des acteurs publics et du développement local » : elle peut donc investir dans La Poste, cela étant permis tant par le droit national que par les textes européens. Toutefois, si La Poste devient une société anonyme, elle le fera suivant une autre logique et exigera un rendement équivalent à celui qu’espèrent les investisseurs classiques, sa doctrine d’investissement indiquant que « la Caisse des dépôts et consignations peut en effet attendre un retour financier significatif […] de participations substantielles dans des grandes entreprises françaises dont la rentabilité est “indexée” sur la croissance mondiale ».
Voilà qui peut avoir de graves conséquences ! En effet, rien n’empêcherait demain la Caisse des dépôts et consignations de céder tout ou partie de ses actions de la SA La Poste si elle jugeait au final cet investissement insuffisamment rentable.
Pour éviter tout risque de privatisation rampante, il nous semble essentiel d’écarter clairement toute autre personne morale de droit public que l’État du capital de La Poste.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 265 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 441 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Après les mots :
l'État
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l’amendement n° 26.
Par cet amendement, nous souhaitons inscrire dans la loi que l’État sera le seul détenteur du capital de La Poste. Eu égard à la frénésie de privatisations du Gouvernement, nous ne sommes pas assurés que les autres personnes morales de droit public ne céderont pas, à terme, leurs actions.
De plus, le service postal, service public national, doit rester la propriété de la collectivité. Or la collectivité, c’est l’État, et personne d’autre !
Les exemples de promesses non tenues ou de mensonges éhontés ayant précédé le passage d’entreprises publiques sous le contrôle d’intérêts privés ne manquent pas ! Ces entreprises sont alors devenues des machines à produire des centaines de millions d’euros de retour sur investissement pour les actionnaires, au détriment bien sûr des investissements nécessaires à leur développement et à leur performance, voire de la sécurité des usagers et de la population en général. Je pense notamment, à cet instant, à France Télécom, à EDF ou à GDF.
Je ne m’étendrai pas ici, faute de temps, sur les dégâts causés aux entreprises elles-mêmes, affectant leur capacité à exercer leur métier ou l’entretien des équipements, ce qui engendre pannes et accidents. Le service rendu à la population est toujours moindre, à notre avis, et facturé toujours plus cher.
Enfin, j’évoquerai la situation du personnel de La Poste, qui est scindé par de véritables fractures statutaires : certains agents, les plus anciens, ont le statut de fonctionnaire, tandis que d’autres, embauchés sous contrat de droit privé, connaissent souvent la précarité.
Tout cela fait fortement penser à la privatisation de France Télécom, expérience cruelle s’il en fût, en particulier pour les salariés de l’entreprise…
Parce que nous sommes attachés à la défense du service public postal et que les usagers ne doivent pas être sacrifiés, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Puisque vous persistez à croire que le changement de statut juridique reste la meilleure solution pour assurer l’avenir de La Poste, la moindre des choses serait de garantir les missions de service public et les emplois. Or la seule façon d’y parvenir est de garantir que seul l’État aura voix au chapitre, en prévoyant qu’il sera l’unique détenteur du capital de l’entreprise La Poste. Cela permettra de préserver un service public de qualité pour les usagers, tout en protégeant les conditions de travail des agents.
En effet, chacun le sait, ce changement de statut risque de se faire au détriment du personnel, dont l’effectif est passé de 280 000 agents en 2004 à 257 000 en 2008. Plus précisément, cette évolution reflète deux tendances contraires : le nombre des fonctionnaires a diminué de 190 000 en 2004 à 151 000 en 2008, soit une baisse de plus de 20 %, tandis que l’effectif des contractuels a augmenté de 16, 5 %.
Comme nous l’avons déjà dit, la dégradation des services de La Poste est observée partout, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural. Le changement de statut, lié à l’ouverture à une concurrence débridée, fait craindre la poursuite des licenciements et la suppression de bureaux de poste au nom de la sacro-sainte rentabilité.
L’État a une vraie responsabilité dans l’évolution de la gestion de cette entreprise. Le fonctionnement d’un service public de qualité, attentif aux besoins des usagers, ne peut s’accommoder d’une réduction du nombre des fonctionnaires. Il est donc essentiel que La Poste ne quitte pas le giron de l’État.
M. Jean Desessard applaudit.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 441 rectifié.
Le présent amendement vise à réaffirmer notre refus de la transformation de La Poste en société anonyme. Comme nous l’avons déjà précisé, ce refus se fonde sur le constat simple que ce changement de statut ne se justifie pas économiquement. Il représente même une menace au regard du maintien des garanties de service public et risque d’accroître les inégalités territoriales entre les Français.
Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, la menace de privatisation est bel et bien réelle. Vous voulez engager définitivement La Poste dans une course à la rentabilité et à la concurrence, ce qui ne peut se faire, nous le savons, qu’au détriment des citoyens et des usagers du service public.
Pourtant, rien n’oblige le Gouvernement à ouvrir le secteur postal à la concurrence et à le privatiser. En effet, aux termes d’une communication de la Commission européenne du 26 septembre 1996 sur les services d’intérêt général en Europe, « la neutralité à l’égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels [est] garantie par l’article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d’intérêt général, et n’impose donc aucune privatisation. » Il s’agit donc bien d’un choix idéologique de votre part ! Ce choix, vous l’assumez, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons y souscrire, d’autant que le facteur est aujourd'hui moins présent qu’hier sur notre territoire et que les bureaux de poste ont souvent disparu, comme en témoigne la situation de nos campagnes.
Je veux rappeler avec fermeté que La Poste n’est pas et ne peut être une entreprise comme les autres : elle incarne ce service public à la française que les citoyens veulent préserver, comme ils l’ont affirmé avec force lors de la votation citoyenne du 3 octobre dernier.
Vous vous trompez de combat, monsieur le ministre, parce que vous ne tenez pas compte de la nature intrinsèque de La Poste. C’est d’ailleurs également pour cette raison que nous voulons supprimer les dispositions tendant à mettre en place un actionnariat du personnel. Les salariés de La Poste sont animés par les valeurs du service public et guidés par l’intérêt général ; en faire des actionnaires n’est pas compatible avec cette réalité. Ce n’est pas de cette entreprise-là qu’ils veulent, et ce n’est pas en tentant ainsi de les acheter que vous les ferez changer d’avis !
En conclusion, nous pensons que seul le statut actuel de La Poste peut garantir véritablement le maintien du service public territorial qu’assure aujourd'hui cette entreprise.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 267 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 433 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
après les mots :
de droit public
Supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 27.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité offerte aux salariés de participer au capital de l’entreprise La Poste.
En effet, si une partie du capital est détenue par des salariés, comment affirmer que l’entreprise La Poste restera publique, dans la mesure où ces salariés actionnaires ne seront tenus de conserver leurs parts que pendant deux années ?
À l’issue de ce délai, ils pourront donc les céder à qui bon leur semblera, puisque vous n’avez pas jugé utile de prévoir, afin de garantir que l’architecture initialement définie sera conservée, que les salariés ne pourront revendre leurs actions qu’à d’autres salariés ou à l’État. Il est simplement indiqué que cette participation des salariés doit être minoritaire.
On peut donc facilement imaginer le scénario suivant : 49, 9 % des actions sont attribuées dans un premier temps à des salariés, avant d’être revendues, au bout de deux années, à de simples personnes privées, motivées uniquement par le profit réalisé par l’entreprise.
Selon nous, une telle disposition est pernicieuse et ouvre la voie à la privatisation de l’entreprise. D’ailleurs, nous nous sommes toujours prononcés contre ce type de dispositif. En effet, la participation et l’intéressement individualisent un peu plus encore les rémunérations au détriment des salariés, car ils se substituent tout bonnement, le plus souvent, aux augmentations de salaires, lesquels, dans le cas des postiers, ne sont pas mirobolants, c’est le moins que l’on puisse dire !
Quant à l’actionnariat salarié, n’oublions pas qu’il ne concerne, en général, que des cadres dirigeants, qui négocient par ce biais leur rémunération. Pour les autres, l’actionnariat salarié se résume souvent à une forme d’épargne forcée.
En faisant miroiter des gains boursiers à leurs employés, les entreprises leur font accepter de se serrer la ceinture ou de renoncer à certains de leurs acquis. Si l’actionnariat salarié transforme le monde du travail en un univers de petits boursicoteurs, ce seront toujours, au final, les grandes entreprises qui s’y retrouveront. En puisant de la sorte dans l’épargne de leurs salariés, ces entreprises se constituent des sources de financement fiables et peu exigeantes en matière de rentabilité financière.
À nos yeux, non seulement cette disposition ne fera très probablement pas gagner un euro de plus aux salariés, mais, de surcroît, elle aboutira à déconstruire encore un peu plus les relations de travail et les négociations collectives, en particulier en matière de salaires.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression, à l’article 1er, de l’exception relative à la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat du personnel.
Cet amendement vise à ce que le capital de La Poste ne puisse être détenu que par l’État et d’autres personnes morales de droit public, à l’exclusion par conséquent du personnel.
La directive européenne n’impose pas d’ouvrir le capital de La Poste à d’autres entités que l’État. Une telle ouverture n’apportera rien au fonctionnement de l’entreprise ni aux usagers.
En revanche, céder des actions au personnel ne peut que faciliter, à terme, la privatisation partielle de La Poste, par la vente des parts concernées. Seul l’État doit financer le fonctionnement d’un service public par essence comme La Poste.
Par ailleurs, les agents de La Poste sont rémunérés dans le cadre d’un statut de la fonction publique ou dans un cadre contractuel. Ils ne sont pas censés pouvoir boucler ou arrondir leurs fins de mois en fonction de la rentabilité du service public postal ! Cette dérive illustre le dévoiement de l’esprit du service public qu’ils servent. L’objectif premier d’un service public est de répondre aux attentes et aux besoins des usagers, et non de maximiser le profit. Si l’on introduit une telle logique, quid de la présence postale sur l’ensemble du territoire, du prix unique du timbre, de l’accessibilité bancaire, etc. ?
Enfin, à qui seraient destinées ces actions ? Le salaire moyen d’un postier est d’environ 1 200 euros par mois : connaissez-vous beaucoup de personnes qui puissent se permettre de boursicoter avec un tel revenu ?
Cette mesure nous apparaît profondément injuste, car elle ne concernerait que la frange la mieux rémunérée des agents de La Poste, c’est-à-dire ceux qui ne souffrent pas des bas salaires.
Pour ces raisons, nous estimons que si l’objectif caché est de « faire une fleur » aux agents de La Poste, augmenter les salaires serait plus juste que de faire des plus aisés d’entre eux des actionnaires.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 433 rectifié.
Nous le retirons, car il est redondant avec l’amendement n° 441 rectifié, qu’a défendu M. Bérit-Débat.
L’amendement n° 433 rectifié est retiré.
L'amendement n° 268, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À l'exception de la part détenue au titre de l'actionnariat de ses personnels, 100 % du capital de La Poste est public.
La parole est à M. Jacques Muller.
Il s’agit là encore, bien entendu, d’un amendement de repli.
Si l’on doit transformer La Poste en société anonyme, il est essentiel que 100 % de son capital soit public. Comme je l’ai dit précédemment, la directive européenne n’impose nullement d’ouvrir le capital de La Poste à d’autres entités que l’État, et cette ouverture n’apportera rien au fonctionnement de l’entreprise, ni aux usagers.
Ainsi que l’a indiqué récemment Mme Christine Lagarde lors d’une interview, « les acteurs qui vont entrer au capital seront des acteurs publics, notamment la Caisse des dépôts et consignations ». Comme nous ne pouvons pas nous contenter de paroles prononcées par des membres du Gouvernement dans les médias – les Français ne cessent d’ailleurs de constater que nombre d’engagements ne sont pas tenus ! –, nous proposons d’inscrire clairement dans la loi que le capital de La Poste devra rester public à 100 %, à l’exception de la part détenue au titre de l’actionnariat du personnel. Nous essayons de trouver un compromis !
L'amendement n° 269, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les parts du capital de La Poste sont incessibles à d'autres catégories d'acteurs que les trois susnommées.
La parole est à M. Jacques Muller.
Sourires
La sphère publique est mouvante. L’exemple de France Télécom, où la part de capital détenue par l’État s’est progressivement réduite à 27 %, nous l’a montré.
Même si, à la date de publication de ses statuts initiaux, il est prévu que le capital de La Poste soit détenu en totalité par l’État, ces statuts pourront ensuite être modifiés par décret du Conseil d’État. Rien ne garantit donc, en l’état actuel du texte, que l’État, les autres personnes morales de droit public ou les personnels actionnaires conserveront leurs parts.
Cet amendement vise précisément à inscrire dans la loi que seuls ces trois acteurs pourront participer au capital. En effet, en tant qu’actionnaire principal, l’État a un véritable rôle à jouer dans la gestion de l’opérateur historique qu’est La Poste. Pour éviter les graves problèmes rencontrés notamment par la société anonyme France Télécom, il est indispensable que les pouvoirs publics assument pleinement leurs responsabilités économiques, financières, sociales et écologiques. L’État ne doit pas pouvoir se déposséder de ses parts de capital au profit d’acteurs privés.
Si cet amendement n’était pas adopté, nous aurions, une nouvelle fois, la preuve que la voie à la privatisation est largement ouverte.
L'amendement n° 270, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité.
La parole est à M. Jacques Muller.
Sourires
« Je l’affirme, parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés. » Tels étaient les propos, le 15 juin 2004, de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On connaît la réalité d’aujourd’hui !
Monsieur le ministre, nous voulons bien vous faire crédit quant à votre volonté de ne pas privatiser La Poste une fois son nouveau statut adopté. Mais, dans ce cas, vous ne pourrez que soutenir cet amendement de précision, visant à empêcher les futurs actionnaires de la société anonyme La Poste de vendre leurs parts.
Nous avons évoqué le fait que, dans le cadre du régime de droit commun des sociétés anonymes, la nature publique d’un actionnaire n’était en aucun cas une garantie de comportement vertueux de sa part. Le cas de la Caisse des dépôts et consignations est là pour nous le rappeler. Il peut en être de même, ni plus ni moins, pour les salariés de La Poste, qui pourraient ne pas résister à la tentation d’effectuer une plus-value financière en cédant leurs actions.
Dès lors, nous proposons d’inscrire dans la loi une clause d’incessibilité, en vue d’apporter une garantie juridique supplémentaire quant au maintien de La Poste dans le giron public.
Si le Gouvernement est bel est bien déterminé à conserver la nature publique de La Poste, à ne pas se dédire et donc à ne pas laisser se répéter un scénario similaire à celui qui a prévalu pour GDF, il donnera, j’en suis sûr, un avis favorable à cet amendement de précision.
L'amendement n° 272, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité jusqu'en 2020.
La parole est à M. Jacques Muller.
Nous proposons d’assortir l’attribution des actions de la future SA La Poste d’une incessibilité temporaire de près de dix ans. Je présume que l’incessibilité totale de ces actions nous serait refusée…
Ce type de démarche est connu du monde des affaires et du droit des sociétés. À titre d’exemple, Nestlé et la richissime famille Bettencourt ont signé un pacte d’actionnaires concernant la holding L’Oréal, qui inclut des clauses de préemption et d’incessibilité temporaire d’actions. Je dirai, pour paraphraser le slogan fameux de cette marque, que La Poste vaut bien, a minima, une clause d’incessibilité !
L'amendement n° 271, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La cession d'actions de toute autre catégorie d'acteurs que l'État ouvre droit à préemption de celui-ci sur ces actions.
La parole est à M. Jacques Muller.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je suis convaincu que vous allez exprimer un avis favorable sur cet amendement ! En effet, il est sous-tendu par la même idée que le précédent, à savoir garantir le maintien du caractère public de l’actionnariat de la société anonyme La Poste.
Vous allez certainement m’opposer le fait que l’on ne peut interdire aux futurs actionnaires de la SA de céder leurs parts. Mais vous conviendrez tout de même que l’on doit accorder à l’État un droit préférentiel d’acquisition de toute action de La Poste qui serait cédée par son détenteur. Il serait paradoxal que le Gouvernement rejette cet amendement, car il s’agit d’une pratique commune dans le monde des sociétés et des affaires.
Si, demain, la Caisse des dépôts et consignations ou un actionnaire salarié décide de céder des actions, il est impératif que l’État ait la priorité pour les racheter.
L'amendement n° 336, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Après le 1er janvier 2010, les parts du capital de La Poste ne seront cessibles qu'à l'État ou à d'autres personnes morales de droit public.
La parole est à M. Michel Teston.
Pour les raisons que j’ai déjà exposées à propos de l’amendement n° 432, je retire également cet amendement.
L’amendement n° 336 est retiré.
L'amendement n° 582, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La part de l'État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital.
La parole est à M. François Fortassin.
Cet amendement vise à garantir le caractère d’actionnaire majoritaire de l’État parmi les actionnaires publics, précision qui ne figure pas dans le texte.
En effet, tel qu’elle résulte des travaux de la commission, la rédaction du projet de loi prévoit que le capital de La Poste, hormis l’actionnariat du personnel, est détenu intégralement par des personnes publiques, sans pour autant indiquer quelle est la part de l’État dans ce capital.
C’est pourquoi, afin de garantir l’engagement majoritaire de l’État par rapport à d’autres actionnaires publics, le présent amendement vise à préciser que la part de l’État dans le capital ne peut être inférieure à 51 %.
Une telle précision est, selon nous, de nature à prévenir un certain nombre de dérives qui pourraient se faire jour dans un avenir plus ou moins proche.
L’adoption de l’amendement n° 31 rectifié interdirait à d’autres personnes morales de droit public que l’État, telle la Caisse des dépôts et consignations, de venir renforcer les fonds propres de La Poste. Or la participation au capital de ces personnes morales de droit public ne peut en rien être assimilée à une privatisation de La Poste.
La commission demande donc à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 567 tend à préciser que l’État est actionnaire majoritaire de La Poste. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui lui paraît de bon sens.
L’amendement n° 266 vise à limiter la détention du capital de La Poste à l’État et au personnel de la future société anonyme. Son adoption empêcherait l’entreprise de bénéficier des capitaux indispensables à son développement que peut lui apporter la Caisse des dépôts et consignations. La commission demande à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements identiques n° 26, 265 et 441 rectifié, la commission a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet. La Poste a besoin d’autres capitaux que ceux que pourra lui apporter l’État. La commission émet donc un avis défavorable.
La commission est également défavorable aux amendements identiques n° 27 et 267, qui visent à interdire toute participation des personnels de La Poste au capital de leur entreprise. Une telle participation constituera pourtant un moyen efficace de motivation et, partant, d’amélioration de la performance de l’entreprise.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Du reste, cette participation restera minoritaire et ne pourra jamais aboutir à une privatisation de La Poste, d’autant que celle-ci, étant devenue une société anonyme, aura la possibilité d’attribuer à son personnel des actions gratuites, lesquelles pourront, si les salariés le souhaitent, être vendues à l’État actionnaire.
Par conséquent, il me semble dommage d’évoquer un risque qui n’existe pas. §Les salariés, dont la participation est limitée, ne pourront céder éventuellement leurs actions qu’à l’État ou aux personnes morales de droit public. J’en appelle à votre bon sens, mes chers collègues. Nous verrons tout à l’heure que M. Desessard a déposé un amendement intéressant sur ce point.
L’amendement n° 268 est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi, qui prévoit que le capital de La Poste est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public. La commission y est donc défavorable.
L’amendement n° 269 est également satisfait, qui vise à préciser que le capital de La Poste est incessible à d’autres acteurs que l’État, les personnes morales de droit public et les personnels.
L’amendement n° 270 a pour objet de conditionner toute prise de participation au capital de La Poste à l’acceptation d’une clause d’incessibilité. Celle-ci serait parfaitement dérogatoire au droit commun des sociétés, puisqu’elle interdirait tout échange d’actions de La Poste entre l’État et les autres personnes morales de droit public qui participeront à son capital. La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 272 prévoit l’incessibilité des participations au capital de La Poste jusqu’en 2020. Même ainsi limitée dans le temps, une telle clause d’incessibilité n’apparaît pas justifiée.
En ce qui concerne l’amendement n° 271, dans la mesure où l’État cède une partie du capital de La Poste, je ne vois pas pour quelle raison il souhaiterait disposer d’un droit de préemption sur les actions de la future société anonyme. Je le rappelle, le caractère public du capital de La Poste est, en toute hypothèse, garanti.
Enfin, la commission demande au Gouvernement de bien vouloir lui faire connaître son avis sur l’amendement n° 582, dont l’objet est semblable à celui de l’amendement nº 567, puisqu’il prévoit de préciser que l’État sera actionnaire majoritaire.
Les auteurs des amendements n° 31 rectifié, 266, 265 et 441 rectifié souhaitent que seul l’État puisse être actionnaire de La Poste. Selon nous, il serait dommage de priver La Poste de l’apport de la Caisse des dépôts et consignations. Nous sommes donc défavorables à une telle proposition.
L’amendement n° 567, qui prévoit que l’État sera l’actionnaire majoritaire de La Poste, ne paraît pas nécessaire, le capital devant être presque entièrement détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle est le bras armé de l’État. Votre amendement n’apporte rien, monsieur Merceron, le texte étant déjà suffisamment explicite, néanmoins je ne verrais pas d’inconvénient majeur à son adoption. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne les amendements identiques n° 27 et 267, je ne comprends pas, très sincèrement, que l’on puisse vouloir supprimer un droit ouvert aux salariés par le projet de loi, celui de détenir une part du capital. Le Gouvernement est fondamentalement opposé à une telle intention : on ne peut pas à la fois clamer, du matin au soir, sa considération pour le personnel de La Poste et vouloir refuser aux salariés qui le souhaitent la possibilité de devenir actionnaires de leur entreprise !
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
En ce qui concerne l’inscription d’une clause d’incessibilité des parts, je suis en désaccord avec les auteurs des amendements, notamment s’agissant des actions détenues par les salariés. En effet, un salarié de La Poste qui achèterait des parts de son entreprise n’aurait pas le droit de les revendre ensuite à un autre salarié, à l’État ou à la Caisse des dépôts et consignations, seuls actionnaires possibles, je le rappelle. Dans cette hypothèse, que se passerait-il si un salarié avait besoin de céder sa participation parce qu’il traverse de graves difficultés personnelles ? J’émets un avis défavorable sur les amendements n° 269, 270 et 272.
Enfin, l’amendement n° 271, dont je me suis longuement entretenu avec M. le rapporteur, tend à instaurer un droit de préemption de l’État pour toute cession de participation. Dans ces conditions, un salarié qui voudrait acheter un titre à un autre salarié devrait d’abord demander à l’État si celui-ci compte exercer son droit de préemption… Cela étant, cette disposition, marquée par un certain bon sens, ne me pose de problème fondamental. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 31 rectifié.
Il n’est évidemment pas question que nous retirions cet amendement, qui porte sur la détention du capital de La Poste et sur son incessibilité.
Nous souhaitons en effet clairement inscrire dans la loi, même si cela ne représente, je le répète, qu’une position de repli au regard de notre opposition de fond au changement de statut de La Poste, que le capital de l’entreprise ne pourra pas être détenu par une personne morale de droit public autre que l’État et qu’il ne pourra en aucun cas être cédé.
Si vous souhaitez, monsieur le ministre, rendre La Poste « imprivatisable », selon le néologisme que vous utilisez depuis le début de ce débat, nous vous offrons ici la possibilité d’atteindre cet objectif : il vous suffit d’appeler les parlementaires de l’UMP à adopter notre amendement. Sinon, nous serons enclins à penser que telle n’est pas votre intention réelle et que, dans le novlangue sarkozien comme dans celui d’Orwell, les réalités recouvertes par les mots ne correspondent pas à ce qu’ils désignent. Autrement dit, les promesses n’engagent que ceux qui y croient !
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions.
Il est donc prévu que la Caisse des dépôts et consignations prenne une participation dans le capital de la future société anonyme. Or je note que le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui s’est réuni il y a deux jours, n’a été saisi d’aucun projet de cet ordre. Trouvez-vous cela normal, alors que la constitution de la société anonyme devrait intervenir, si ce projet de loi est adopté, à brève échéance ? Certes, le conseil de surveillance se réunira à nouveau dans quinze jours, mais les délais sont courts… Quel est le calendrier prévu pour l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations ?
Le texte initial du projet de loi constituait une provocation, après le succès de la consultation citoyenne, qui a permis de recueillir plus de deux millions de signatures en faveur du maintien du caractère public de La Poste.
« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État », est-il écrit à l’article 1er. Et ensuite ? Je reste dubitatif quant aux intentions réelles du Gouvernement.
En effet, le statut de société anonyme permet la détention de parts par une société d’économie mixte. Cela est tout à fait courant. Par quelle magie pourrait-on garantir qu’il n’en sera jamais ainsi concernant La Poste ? Comment le Gouvernement, dans cette période incertaine de crise, face à l’injonction européenne de tout ouvrir à la concurrence, pourrait-il prévoir et garantir que, à l’avenir, le capital de la société anonyme restera à 100 % public ?
Les déclarations gouvernementales visent à calmer l’opinion publique, hostile à la privatisation de La Poste.
Nous aimerions pouvoir les croire, mais nous éprouvons des doutes, car cette opération n’est pas une première et les précédents changements de statut d’entreprises publiques ont abouti, en dépit des promesses faites, à des privatisations totales, à une dégradation du service rendu, à une hausse des tarifs et à une couverture insatisfaisante du territoire. De surcroît, ce processus suscite un mal-être profond parmi les salariés, qui, attachés au service public, se voient contraints d’adopter une logique de rentabilité à tout prix. Nous avons tous en tête l’exemple dramatique de France Télécom, mais il en va de même pour Gaz de France, pour ERDF ou je ne sais quel autre morceau de ce que l’on appelait naguère EDF.
Pourquoi en irait-il différemment demain avec le secteur public postal ? Tous les personnels ont attiré notre attention sur le fait que La Poste était déjà prête à être dépecée et vendue à la découpe. Les activités non rentables, celles qui faisaient pourtant la qualité du service rendu à celui que l’on appelait l’ « usager », devenu maintenant le « client », seront laissées à la charge de l’État et dotées de moyens drastiquement réduits, avant d’être purement et simplement supprimées. C’en sera alors fini des multiples petits services quotidiens que rendent encore certains résistants, considérés comme des « moutons noirs » par la direction actuelle.
Cette prédiction est malheureusement plus crédible que la promesse du maintien de la propriété publique de l’intégralité du capital de la société anonyme…
Notre groupe apprécie la rectification de l’amendement, visant à rendre incessible le capital de la société anonyme. Toutefois, à l’instar des membres du groupe CRC-SPG, nous ne faisons pas confiance au Gouvernement et redoutons que la transformation du statut de La Poste ne constitue la première étape vers la privatisation.
Dans ces conditions, nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame
Nous discutons du statut d’une entreprise publique qui exerce des missions de service public. À cet instant, il n’est sans doute pas inutile de rappeler le b.a.-ba de la première année de droit.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Tout le monde n’a pas fait de droit, monsieur Portelli ! Restez correct !
Vives protestations sur les mêmes travées.
Premièrement, une entreprise publique peut avoir différents statuts juridiques.
Deuxièmement, La Poste est, au moins depuis 1968, un service public à caractère industriel et commercial, ce qui a des conséquences en termes de missions et de statut des agents. Certes, une grande partie de ces derniers sont des fonctionnaires, pour des raisons historiques, mais rien n’impose qu’il en soit ainsi.
Par ailleurs, les missions de service public de La Poste peuvent varier dans le temps. Ainsi, certaines missions qu’elle exerçait jadis ne relèvent plus aujourd’hui du service public – je pense notamment au secteur des télécommunications.
Le problème est que l’activité postale relève des compétences de l’Union européenne. Une directive a été adoptée.
M. Hugues Portelli. Elle l’a également été par tous vos camarades des partis socialistes européens.
Protestations sur les travées du groupe socialiste
Nous avons obtenu que cette directive consacre la notion de service public universel. N’oubliez pas, mes chers collègues, qu’obtenir la reconnaissance par l’Union européenne du service public tel que nous le concevons traditionnellement en France exige de mener une véritable bataille politique. Or, nous avons remporté des victoires significatives sur ce terrain. Alors que d’aucuns considéraient la libéralisation totale comme l’issue inéluctable, la notion de service public universel a été retenue, et elle peut notamment s’appliquer à La Poste. Certes, le vocabulaire employé ne correspond pas aux termes juridiques français, la plupart des textes communautaires étant d’abord rédigés en anglais, mais nous avons bel et bien obtenu ce résultat. Chaque État membre a ensuite la possibilité d’adapter cette directive comme il l’entend, et c’est d’ailleurs ce que tend à faire le présent projet de loi, dans un sens conforme à notre conception traditionnelle du service public postal.
Cela étant précisé, dans une économie concurrentielle, si nous ne voulons pas que La Poste meure d’asphyxie financière, nous devons changer son statut pour lui permettre de se financer et d’investir. Nous faisons en sorte qu’il s’agisse de capitaux publics, en sollicitant la holding d’État qu’est la Caisse des dépôts et consignations. Tous les États qui ont voulu préserver le statut public de la poste ont procédé de la sorte. C’est une question de bon sens financier et juridique, et même de bon sens tout court.
Prêter au Gouvernement et à la majorité des intentions perverses, en les accusant de vouloir en fait liquider le service public, c’est tout simplement faire preuve d’ignorance. Il existe d’autres statuts, pour une entreprise publique, que celui qui a été fixé au XIXe siècle.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toutefois, je l’ai trouvée hors sujet ! La vraie question est la suivante : la directive européenne nous oblige-t-elle à faire passer La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme ?
« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
La réponse est négative. Depuis lundi, certains essaient de nous faire croire qu’un EPIC ne peut pas recevoir de financements de l’État. Nous leur avons opposé l’exemple de la SNCF, qui est encore un EPIC, quoi qu’en dise l’un de nos collègues, ex-doyen de faculté de droit… De même, les offices de l’habitat, qui sont des EPIC aux termes de la loi Boutin du 25 mars 2009, reçoivent des dotations de l’État.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel est au juste votre objectif dans cette discussion ? Depuis trois jours, vous répétez en boucle les mêmes arguments
Rires sur les travées de l’UMP
Je voudrais répondre à la question posée par M. Jean-Pierre Bel sur l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations.
Dès le mois de décembre 2008, le Président de la République avait très clairement indiqué que la Caisse des dépôts et consignations participerait au capital de la nouvelle société anonyme. Je me suis personnellement entretenu de ce sujet à de nombreuses reprises avec son président, M. de Romanet, ainsi que de la représentation de cet organisme au conseil d’administration de La Poste.
Je sais que M. le rapporteur a participé à des réunions techniques avec la Caisse des dépôts et consignations, dont des responsables ont été auditionnés par la commission de l’économie, à la demande de M. Emorine. En outre, la commission a adopté un amendement, dont nous aurons l’occasion de débattre ultérieurement, qui vise à améliorer la représentation de la Caisse des dépôts et consignations au conseil d’administration de La Poste.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour explication de vote sur l’amendement n° 567.
Nous sommes attachés à cet amendement, visant à garantir l’engagement majoritaire de l’État dans la future société anonyme. Nous souhaitons que cette précision figure dans la loi.
Alors que l’on ne cesse de dire que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, nos collègues centristes font comme s’ils n’avaient rien entendu.
Il ressort de cet amendement que l’ouverture du capital de La Poste serait aujourd’hui indispensable, et que l’on doit fixer à 51 % au moins la part de son capital détenue par l’État. Si l’on pousse cette logique jusqu’au bout, cela signifierait que les 49 % restants pourraient être détenus par d’autres personnes morales de droit public.
Je précise que tous les sénateurs du groupe de l’Union centriste n’ont pas cosigné cet amendement pour le moins intéressant, qui permettrait à l’État, par le biais d’une étrange opération financière déconnectée de toute logique économique, de se refaire une petite santé financière en cédant une partie du capital de La Poste à la Caisse des dépôts et consignations ou à une autre personne morale de droit public, comme une région ou un département. Cela s’est déjà fait, mais les précédents ne sont guère encourageants de notre point de vue…
En ce qui concerne le rôle dévolu à la Caisse des dépôts et consignations au côté de l’État dans cette opération, vous oubliez un peu vite, mes chers collègues, que cet organisme est aujourd’hui doté d’un comité des investissements et qu’il participe, bon gré mal gré, au Fonds stratégique d’investissement, lequel ne semble d’ailleurs pas vraiment remplir la mission qui lui a été assignée.
La vérité, c’est que le paravent de papier que constitue l’article 1er ne résistera pas longtemps quand le vent de l’ouverture totale à la concurrence des services postaux se lèvera. Il suffira alors, par exemple, d’un amendement déposé de façon impromptue au détour de l’examen d’un projet de loi de finances ou d’un texte économique ou financier « fourre-tout » pour le faire tomber.
Une autre question à prendre à considération est celle de la valeur initiale de La Poste.
En réalité, la valeur de La Poste sera probablement révisée à la baisse, ce qui signifie qu’elle sera naturellement sous-évaluée. Car, s’il fallait déterminer effectivement ce que vaut La Poste, nous ne pourrions sans doute parvenir qu’à un résultat particulièrement spectaculaire, probablement bien éloigné de l’évaluation prétendument indépendante dont nous allons être prochainement informés.
Soyons précis : croyez-vous vraiment que La Poste, en tout cas si l’on considère la place éminemment particulière d’opérateur de service public qu’elle occupe depuis plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles, n’ait qu’une valeur initiale limitée à 2, 258 milliards d’euros ?
La valeur immatérielle de La Poste et la qualité même de son service ne se mesurent pas avec les outils de la comptabilité privée ordinaire.
Dans le même ordre d’idées, par souci d’une parfaite honnêteté, on pourrait fort bien déterminer la valeur de La Poste à partir du volume actualisé, selon les règles en vigueur en la matière, des versements qu’elle a faits au profit du budget de l’État durant tout le temps que l’on a procédé au virement de l’excédent du budget annexe des postes et télécommunications sur le budget général.
Autre aspect de la question : celui des charges indues supportées par La Poste et non prises en compte par l’État, au plus grand mépris des engagements pris dans le cadre du contrat de plan !
Si vous étiez conséquent, monsieur le ministre, avant même de procéder à tout apport en capital à la société anonyme que vous allez porter sur les fonts baptismaux, vous commenceriez par vous acquitter de vos dettes !
Comment oublier que la somme que vous vous apprêtez à mettre dans le capital de La Poste – 1, 5 milliard d’euros - ne représente même pas les 1 871 millions d’euros que l’État doit à l’EPIC de La Poste pour le transport de la presse ?
Comment oublier que le déficit d’au moins 150 millions d’euros que connaît la prise en charge du service universel se répète tous les ans depuis dix-neuf ans et que cet argent, qui représente des montants importants, a manqué et manque encore au développement de ce service public ?
C’est tout cela qu’il faut rappeler, ici encore, au moment de rejeter sans ambiguïté cet amendement de la minorité de nos collègues du groupe centriste.
Les auteurs de cet amendement vont plus loin que le Gouvernement lui-même puisque, si leur rédaction était adoptée, on admettrait que l’État ne puisse plus détenir, dans un délai relativement rapide, que 51 % du capital de l’entreprise.
Comme nos collègues du groupe CRC-SPG, nous sommes totalement opposés à cet amendement, qui, se voulant protecteur, pourrait en réalité être un accélérateur du processus de privatisation progressive de La Poste.
Cet amendement est sensiblement identique à l’amendement n° 582, que j’ai déposé avec plusieurs collègues de mon groupe et dont, à titre personnel, je préfère le libellé.
En effet, poser que « la part de l’État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital », c’est envisager qu’elle puisse être supérieure. Pour moi, c’est une garantie.
En outre, je ne suis pas choqué que des collectivités locales, communes, départements et même régions, puissent être actionnaires de La Poste. Après tout, dès lors que l’on est très attaché au service public postal, cette possibilité est, somme toute, assez logique. Cela constituera d’ailleurs une garantie supplémentaire contre la privatisation.
L'amendement est adopté.
C’est un amendement fondamental que vous venez d’adopter, chers collègues de la majorité !
En conséquence, l’amendement n° 582 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 266.
L'amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 26, 265 et 441 rectifié.
Ces trois amendements identiques de repli, qui visent à préciser que l’État est l’unique actionnaire de la société anonyme à créer, sont essentiels au regard des missions de service public de La Poste exploitant d’un service public national.
Ces amendements sont également importants, car ils réservent du même coup la propriété du patrimoine de l’exploitant public à l’État. Or l’entreprise publique possède un beau patrimoine immobilier.
D’ailleurs, elle a déjà réalisé des transactions, notamment des ventes d’immeubles, tout à fait intéressantes financièrement compte tenu de la flambée des prix qu’a connue Paris.
On se souvient que La Poste avait vendu un immeuble de 17 000 mètres carrés, situé avenue d’Italie, à Captiva Capital Partners II, société créée par Nexity et Ixis Capital Partners. La Poste, via sa filiale Locaposte, est restée locataire d’un tiers de la surface, laquelle comprend le bureau de poste...
Bien sûr, on peut s’interroger sur la pertinence de ce genre de transaction. Toujours est-il que le produit de telles ventes reste la propriété de l’État à travers son exploitant public.
Dans la nouvelle société, l’argent servira à rémunérer les actionnaires.
De plus, actuellement, de source syndicale, selon « les textes en vigueur, le conseil d’administration doit avaliser toute cession immobilière dont le montant est supérieur à 25 millions d’euros et toute vente de filiale dont le prix de vente dépasse 12 millions d’euros ».
Dans la nouvelle configuration, le risque est que l’État ne soit plus suffisamment fort pour faire entendre sa voix.
Enfin, il est inadmissible de transférer l’ensemble du patrimoine de La Poste à la nouvelle société anonyme sans une identification et une évaluation de ce patrimoine.
L’unique parole du Gouvernement comme garantie que ces biens resteront la propriété d’une société détenue majoritairement par des personnes publiques est un faible gage.
Et, quand bien même il en serait ainsi, il reste que l’exploitant public sera dissous et que ses biens appartiendront désormais non plus uniquement à l’État, mais aussi aux actionnaires de la nouvelle société.
Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à voter ces amendements identiques.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 26, 265 et 441 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 27 et 267.
En dépit de vos arguments respectifs, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous persistons à penser que le dispositif qui nous est proposé est dangereux, car non seulement il fragilise la protection sociale en créant des exonérations de cotisations sociales, mais aussi et surtout il contrevient tout simplement au principe de la rémunération par les salaires.
Or ce type de rémunération sert fondamentalement de prétexte pour ne pas augmenter les salaires. Une telle pratique serait pourtant encore plus dommageable dans une entreprise de main-d’œuvre comme La Poste, qui compte de nombreux bas salaires. Je rappelle qu’un facteur perçoit au maximum 1 200 euros par mois.
Les syndicats considèrent qu’il s’agit d’une déformation du partage de la valeur ajoutée. En effet, offrir une telle opportunité aux salariés ne règle pas le problème, que nous dénonçons continuellement, du déséquilibre entre les revenus du travail et les revenus du capital.
Il s’agit d’une réponse tronquée à un véritable problème. Comment ne pas voir que cet argument de la participation des salariés au capital de l’entreprise est utilisé de manière récurrente à chaque privatisation depuis le milieu des années quatre-vingt ?
De plus, que se passera-t-il si le cours de ces actions baisse ? Les salariés subiront alors une « double peine » : premièrement, l’actionnariat pourra justifier l’impossibilité de toute augmentation des salaires ; deuxièmement, le capital que les salariés auront investi aura diminué.
Je vous rappelle, à titre d’exemple, que la poste allemande a perdu 20 % de sa valeur depuis son entrée en bourse, en 2000.
Enfin, les dispositifs d’épargne salariale existent déjà au sein de l’entreprise depuis 2007, mais ils n’ont séduit que 40 000 personnes, soit 13 % du personnel. L’actionnariat salarié ne bénéficiera donc qu’à celles et à ceux qui ont déjà les moyens d’épargner, soit une minorité.
Je profiterai de cette explication de vote pour répondre à notre collègue Hugues Portelli.
Je suis d’accord avec lui sur un point : il existe différentes conceptions des missions de service public.
Pour leur part, les Verts défendent une vision aussi globale et large que possible du service public.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Eh oui ! Ce qui nous différencie de vous, c’est que nous ne sommes pas d’accord avec le mode de management actuellement pratiqué par La Poste, lequel consiste à assigner des objectifs et à vérifier, au terme d’un pointilleux comptage de petites croix, ce que chacun fait quotidiennement.
Nous ne voulons pas d’un service public asservi aux critères de rentabilité, nous ne voulons pas que La Poste recoure aux mêmes méthodes que le privé.
Vous persistez à vouloir motiver les salariés de La Poste pour que celle-ci fasse du profit.
Or que veut dire « mission de service public », sinon rendre service aux gens, même quand cela prend du temps, même quand cela n’est pas rentable ?
M. Jean Desessard. C’est cela, le service public, rendre service aux gens même lorsque ce n’est pas rentable.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Vous voulez nous faire croire, en plus, que vous allez augmenter la rémunération des postiers ? Monsieur le rapporteur, savez-vous combien gagne un postier, aujourd’hui ?
Savez-vous quelle est la différence de rémunération entre un postier fonctionnaire et un postier titulaire d’un contrat de droit privé à durée déterminée ou indéterminée ? Plus de 20 % !
Depuis que La Poste recrute des salariés sur des contrats de droit privé, salariés qui n’ont donc pas le statut de fonctionnaire, les rémunérations ont baissé. D’ailleurs, M. le ministre le sait bien, puisqu’une grève a éclaté à Nice, à l’issue de laquelle les postiers ont obtenu une prime pour le logement de 50 euros. Il est vrai que, avec un salaire de 1 100 euros, il leur était très difficile de se loger dans cette ville trop chère.
Et à Paris, comment voulez-vous vous loger quand vous gagnez 1 100 euros ?
Et comme les gens sont contraints d’habiter à cent kilomètres ou plus de leur lieu de travail, il faut construire des lignes de tramway ou de RER !
Comment vivre, dans ces conditions ?
Assurer un service public, c’est donc rendre service, bien évidemment, mais c’est aussi garantir la sérénité sociale, c’est-à-dire donner aux salariés les moyens de vivre décemment.
La mission de service public doit être vue sous cet angle.
La transformation de La Poste en société anonyme ne fera qu’accentuer le mouvement de précarisation, de baisse des salaires, de fixation d’objectifs de travail, un peu comme à France Télécom. Dans quelques années, il ne faudra pas s’étonner que les salariés de La Poste souffrent au travail.
Il ne faudra pas s’étonner non plus des suicides, et il sera bien temps, alors, de convoquer M. Bailly pour lui demander ce qu’il compte faire. Mais c’est aujourd’hui que nous créons les conditions de la souffrance au travail et du stress que ne manquera pas de connaître La Poste dans quelques années !
Enfin, si, avec nos camarades communistes, nous défendons, à travers ces amendements identiques, une même proposition, c’est que nous considérons la possibilité pour les postiers d’acquérir des actions de leur entreprise comme le prélude à la privatisation. Dans quelques années, une fois partis à la retraite, ces actionnaires anciens salariés de La Poste céderont leurs titres et on aura beau jeu d’en tirer argument pour poursuivre le processus.
Nous nous opposons formellement à l’actionnariat salarié.
En revanche, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous sommes tout à fait prêts à voter une augmentation des rémunérations des postiers et de l’ensemble des personnels !
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'amendement n° 272.
Afin de ne pas abuser du temps du Sénat, mon explication de vote vaudra également pour les amendements n° 266, 265, 267, 268, 269, 270 et 272.
M. le président. Monsieur Muller, sur le plan de la méthode, mieux vaut éviter les explications de vote post mortem.
Sourires
M. Jean Desessard. Les socialistes sont pour la vie, monsieur le président !
Sourires
Vous aurez constaté que les Verts sont bien présents dans cet hémicycle et témoignent ainsi de leur attachement au service public de La Poste.
Nous refusons la privatisation rampante qui se profile, comme 90 % des Français qui se sont exprimés lors de la votation citoyenne.
Pour autant, nous n’avons pas adopté de posture d’obstruction.
M. le président de la commission de l’économie s’exclame.
Les nombreux amendements de repli que nous avons déposés sont constructifs et destinés à éviter le pire.
Je constate que tous ces amendements ont donné lieu à un avis défavorable tant de la commission que du Gouvernement. Pourtant, leur objet était d’éviter la dilution du capital de La Poste, notamment par la clause d’incessibilité.
Notre objectif était très clair : empêcher l’adoption de dispositions dangereuses et injustes, dangereuses parce qu’elles risqueraient de réduire la capacité de La Poste d’assurer correctement sa mission de service public, injustes socialement puisque l’on veut rémunérer les acteurs du service public au moyen d’actions.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le rejet de nos amendements traduit clairement votre refus d’écouter la voix qui monte du terrain.
En fait, vous avez fait la preuve que vous refusez tout ce qui est susceptible d’atténuer la privatisation rampante qui est en cours.
Vous avez décidé d’imposer l’évolution de La Poste aux forceps. Vous manifestez ainsi une posture strictement idéologique. Nos concitoyens le verront et ils en tiendront compte pour la suite.
Mon intervention s’inscrit dans le même registre que celle de M. Michel Teston.
Remarquons au passage que nos collègues Verts sont sans doute un peu plus naïfs que nous.
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mais la détermination du ministre et du rapporteur est telle que, même sur ce point, ils refusent la moindre concession.
Au-delà des pensées, on trouve des arrière-pensées récurrentes. On ne peut donc pas s’empêcher d’imaginer que les incertitudes qui pèsent sur les conditions dans lesquelles s’effectuera l’actionnariat de la Caisse des dépôts et consignations, voire des salariés, pourraient tenter certains de faire entrer dans le dispositif un cheval de Troie afin d’engager, dans un second temps, une privatisation, la privatisation annoncée.
M. Jean Desessard. Je me félicite que la naïveté des Verts ait permis aux socialistes de souligner le machiavélisme du Gouvernement et du rapporteur.
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ma foi, si notre naïveté peut être utile au progrès du monde, tant mieux ! À nous d’en garder l’expression dans notre idéologie et dans notre utopie.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Toujours sur l’article 1er, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 579 est présenté par M. Retailleau.
L'amendement n° 580 est présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mme Laborde, MM. Mézard et Milhau et Mme Escoffier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour défendre l’amendement n° 579.
Il convient de lever toute ambiguïté : la modernisation de La Poste, oui, sa privatisation, non !
Cet amendement vise à inscrire très explicitement dans le projet de loi un second verrou contre la privatisation. Après la première garantie que nous a apportée la commission de l’économie par la voix de son rapporteur sur la nature publique du capital social de la future SA, cet amendement reprend une jurisprudence du Conseil constitutionnel, récente puisqu’elle date de 2006, qui affirme, pour la première fois, que le législateur ne peut pas privatiser un service public national, sauf à lui faire perdre son caractère de service public national.
En d’autres termes, cet amendement vise à inscrire dans le projet de loi le caractère de service public national de La Poste.
Depuis quelques jours, certains collègues qui siègent à gauche de cet hémicycle se réfèrent à cette jurisprudence. Toutefois, ils ne lisent qu’un membre de la phrase intéressante. Permettez-moi de vous donner lecture du second membre de cette phrase : « le transfert [au secteur privé] suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».
J’attends avec impatience les objections que nos collègues socialistes et communistes ne manqueront pas de m’opposer.
Nos collègues prennent par ailleurs deux autres exemples : France Télécom, que je connais un peu, et Gaz de France. Quels enseignements nous apportent ces deux exemples au regard de ce que nous voulons faire en inscrivant le caractère de service public national dans la loi ?
France Télécom n’a pu être privatisée qu’après qu’une loi lui a fait perdre son caractère de service public national. Nous pourrons nous expliquer sur ce sujet si vous le souhaitez dans quelques instants.
Pour Gaz de France, la démonstration est plus flagrante encore parce que le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence de 2006, avait posé une réserve d’interprétation en indiquant que l’on ne pouvait pas privatiser cette entreprise avant le 1er juillet 2007, car, jusqu’à cette date, elle conservait son caractère de service public national. Elle n’a pu être en effet privatisée qu’à partir du moment où on lui a fait perdre cette caractéristique.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans le projet de loi, et de la façon la plus claire possible, le caractère de service public national de La Poste.
Cet amendement est utile. En explicitant la volonté du législateur, on évite au Conseil constitutionnel d’avoir à reconstituer le faisceau d’indices qui peuvent l’amener à décider qu’il s’agit, ou non, d’un service public national.
J’en apporte une illustration.
Dans le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel figurant aux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 22, publiés en 2007, la question est posée de savoir « comment reconnaître la volonté du législateur de confier à une entreprise un service public national, à défaut [...] de trouver dans les textes une qualification explicite en ce sens ».
Autrement dit, lorsque le législateur explicite le caractère de service public national, le Conseil constitutionnel en prend acte aussitôt.
Si, demain, un gouvernement de gauche, par exemple, voulait privatiser La Poste
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
... il lui faudrait au préalable déposer un nouveau texte de loi pour supprimer la mention du caractère de service public de La Poste.
Alors, mes chers collègues, cessons les procès d’intention. Ce projet de loi est-il, oui ou non, un projet de loi de privatisation ? La réponse est sans ambiguïté négative, car il y a deux garanties : celle de la commission et celle qu’apporte cet amendement.
M. Bruno Retailleau. Les choses doivent être carrées. Mais, en tout état de cause, reconnaître à La Poste son caractère de service public national est un geste juridique extrêmement fort.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste et du RDSE.
La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 580.
Je n’ai rien à ajouter aux propos de M. Retailleau. Il est bien évident que cet amendement apporte à nos yeux une garantie supplémentaire.
J’ajoute que, pour l’opinion publique, d’un point de vue sémantique, il y a quelque chose de fort dans l’expression « service public national de La Poste ».
Cet amendement porte sur la réaffirmation du caractère de service public national de La Poste.
M. Retailleau avait présenté un amendement analogue lors de la première réunion de la commission. Nous en avions alors demandé le retrait dans l’attente d’un complément d’expertise juridique.
Il nous apparaît en fin de compte qu’il s’agit d’une très bonne idée. En affirmant le caractère de service public national de La Poste, on confirme l’impossibilité de sa privatisation, conformément au préambule de la Constitution de 1946.
La commission a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
L’amendement n° 579, qui se situe au cœur du débat, a fait beaucoup parler de lui et m’a amené à prendre position. J’ai même utilisé un néologisme, qui a été caricaturé par certains alors que d’autres y ont vu au contraire une forme d’originalité destinée à bien faire comprendre quel était l’état d’esprit du Gouvernement et ainsi apaiser les inquiétudes d’un certain nombre de parlementaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la première fois que je me suis présenté devant vous en commission, je vous ai indiqué que j’étais déterminé à accepter un certain nombre de garanties supplémentaires, même si le texte initial du Gouvernement me paraissait suffisamment explicite, pour confirmer à chacun que la modification statutaire de La Poste n’entraînerait à aucun moment la perte de son caractère à 100 % public.
C’est ce qui m’a conduit, pour renforcer encore cette position, à accepter en commission un amendement du rapporteur visant à ce que soit bien prévue la mention de ce caractère à 100 % public, ce qui a été fait.
Je tiens à souligner que, lorsque M. Retailleau a déposé son amendement en commission, j’avais dit très clairement que sa proposition me paraissait particulièrement intéressante. Cependant, ne disposant pas de toutes les analyses juridiques nécessaires à ce moment-là, j’avais demandé à son auteur de bien vouloir retirer l’amendement, quitte à le redéposer, le cas échéant, en séance publique. Je tiens à remercier M. Retailleau d’avoir accepté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous suffit de vous référer au compte rendu de la réunion de la commission pour vérifier que les choses se sont passées dans ces conditions.
Entre-temps, nous avons poussé plus avant notre analyse. Je ne reviendrai pas sur l’éloquent et remarquable plaidoyer de M. Retailleau. Je dirai simplement que si, dans quelques instants, les amendements identiques n° 579 et 580 sont adoptés, La Poste sera rendue « imprivatisable », pour reprendre ce néologisme, que j’assume.
Pour que toutes les conditions soient réunies afin que La Poste soit privatisable, il faudrait d’abord un changement de majorité.
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Des bouleversements importants sont possibles dans notre pays, mais je ne vois pas comment une majorité qui, lors de l’examen d’un amendement, prend toutes les mesures nécessaires pour renforcer ce caractère à 100 % public, se renierait demain.
Comme l’a dit Bruno Retailleau, pour qu’une entreprise puisse être qualifiée de service public à caractère national, elle doit répondre à trois critères : l’entreprise doit être chargée d’une mission de service public ; cette mission doit être décrite dans la loi et elle doit être exercée sur l’ensemble du territoire.
C’est clairement le cas de La Poste, qui exerce, sur l’ensemble du territoire, quatre missions de service public définies dans la loi : la distribution du courrier, l’aménagement du territoire, le transport de la presse et l’accessibilité bancaire, notamment le livret A.
Autrement dit, pour rendre demain La Poste privatisable, il faudrait que les deux assemblées votent en termes identiques la suppression par la loi des quatre missions de service public.
Sincèrement, je ne pense pas que cette majorité, qui s’apprête à voter ce texte avec l’inscription de ces quatre missions de service public, serait prête demain à en sacrifier ne serait-ce qu’une seule, encore moins les quatre. Or c’est pourtant la seule condition requise pour que l’ouverture de La Poste à des capitaux privés soit de nouveau en débat. Sans la suppression de ces missions, La Poste ne peut être privatisée.
La Poste peut donc être qualifiée de service public à caractère national, ce qui, en application du préambule de la Constitution de 1946, la rend insusceptible d’être privatisée.
Je me permets de réaffirmer, en émettant un avis plus que favorable sur les deux amendements identiques de MM. Retailleau et Fortassin, …
M. Christian Estrosi, ministre. … que, si vous adoptez ces amendements en l’état, mesdames, messieurs les sénateurs, La Poste deviendra « imprivatisable » !
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Nous avons déjà eu ce débat.
M. Retailleau brandit la décision du Conseil constitutionnel, mais nous avons une autre interprétation que lui, celle de M. Henri Guaino... Ceux qui défendent la libéralisation des services publics devraient au moins se mettre d’accord !
Que dit le Conseil constitutionnel, en 2006 ? « Considérant [...] que le fait qu’une activité ait été érigée en service public national sans que la Constitution l’ait exigé ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l’entreprise qui en est chargée ; que, toutefois, ce transfert suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».
Les explications de M. le ministre, ne nous ont pas convaincus. En effet, avec l’ouverture à la concurrence des activités postales, on sort du cadre du préambule de la Constitution de 1946, qui faisait des services publics des monopoles.
Il y a fort à parier que La Poste n’exercera plus exclusivement le service public national et qu’elle perdra son monopole, y compris au regard de la continuité des services publics sur le territoire, qui est pourtant une condition essentielle.
Le Conseil constitutionnel a posé un certain nombre de conditions, et, selon lui, elles étaient remplies. Gaz de France a donc été privatisée par la loi !
La loi que vous allez voter, chers collègues, pourra être défaite demain par une loi simple : le capital pourra passer de 100 % à 51 %, comme le prévoit déjà M. Merceron, puis à 30 % ou même à 0, 1 % !
Par ailleurs, la loi qui fait qu’aujourd’hui La Poste exerce un monopole au titre du service public de la distribution du courrier sur l’ensemble du territoire sera amendée lorsque les activités postales seront ouvertes à la concurrence en vertu de la directive européenne. Dans ce cas, nous ne serons plus dans une situation de service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946.
M. Bruno Retailleau proteste.
Vous avez beau vous agiter, monsieur Retailleau, ces arguments ne sont pas du tout convaincants, et surtout pas au regard du préambule de la Constitution de 1946 !
Je tiens à signaler que nous avions déposé un amendement de repli avant l’article 1er pour préciser les missions de service public que devait exercer un service public national. Or vous avez voté contre ! Cela prouve que vous ne voulez absolument pas garantir que La Poste restera un service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur Retailleau, vous voudriez nous faire croire que le fait d’inscrire à l’article 1er la phrase suivante : « Cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste » nous apporterait toutes les garanties.
Mon cher collègue, vous vous appuyez sur une décision du Conseil constitutionnel de 2006 relative au service public de l’énergie. Je ne reviens pas sur le considérant principal, puisque Nicole Borvo Cohen-Seat vient de l’évoquer, mais, en tout cas, la référence est explicite au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Qu’en est-il réellement ?
Pour notre part, nous considérons qu’il existe en droit public français une hiérarchie des normes : la Constitution, la loi et les actes réglementaires. Je l’ai dit lundi soir, il n’y a pas de « supra-légalité », il n’y a pas de lois intouchables auxquelles on ne pourrait plus à l’avenir apporter la moindre modification. C’est le principe juridique du parallélisme des formes qui s’applique : ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire.
Donc, sur le plan strictement juridique, et s’agissant des pouvoirs du Parlement, on ne peut pas dire que le présent amendement rendrait La Poste « imprivatisable ».
Si l’on voulait introduire une garantie plus forte en la matière, il faudrait que cette disposition figure dans la Constitution, beaucoup plus difficile à modifier que la loi. Or tel n’est pas le cas, et je ne vois pas, d’ailleurs, comment justifier cette inscription dans la Constitution.
Un conseiller très proche du Président de la République a repris exactement les mêmes arguments, sans que nous ne nous soyons concertés.
Sourires
J’en viens à un autre argument, qui a été évoqué à l’instant par Nicole Borvo Cohen-Seat. Si nous lisons bien le considérant 14 de la décision du Conseil constitutionnel de 2006 relative au service public de l’énergie, cité par Bruno Retailleau et Nicole Borvo Cohen-Seat, le fait, pour le législateur, de modifier le statut de La Poste priverait l’entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public.
Avec cette disposition et la suppression du secteur réservé au 1er janvier 2011, qui est imposée par la troisième directive postale, le monopole de La Poste sera écarté et d’autres opérateurs de services postaux arriveront sur le marché. Rien n’empêchera donc par la suite d’amener la participation publique en deçà des 50 % et de s’engager dans une privatisation progressive du capital de La Poste.
Donc, je le répète, en raison tout à la fois de l’évolution législative imposée par l’Europe et des décisions imposées par le Gouvernement – et elles risquent d’être actées par le Parlement -, La Poste va être privée des caractéristiques qui en faisaient un service public.
C’est la raison pour laquelle la formule retenue dans ces amendements ne nous paraît absolument pas opportune et que nous n’approuvons pas son inscription dans le projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue Bruno Retailleau de ses efforts de pédagogie. Je pense qu’il souhaite de bonne foi verrouiller le système, mais ses arguments ne sont pas convaincants.
Selon un éminent constitutionnaliste, spécialiste des services publics, le service public national avait autrefois un sens organique. Notre collègue Mme Nicole Borvo Cohen-Seat l’a d’ailleurs expliqué.
Mais, depuis plus de vingt ans, il est acquis qu’une entreprise nationale assurant plusieurs activités dont certaines sont concurrentielles peut être privatisée tout en conservant de par la loi l’obligation d’assurer une activité de service public.
Votre argument, mon cher collègue, ne tient donc pas, ainsi que le montre cet avis de M. Guglielmi, éminent spécialiste et constitutionnaliste.
Cela étant, je tiens à vous remercier de vos efforts.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais d’abord remercier à mon tour Bariza Khiari. Bien sûr, j’aurais préféré la convaincre, mais je ne désespère pas...
Sourires
M. le ministre a rappelé les conditions dans lesquelles j’avais déposé cet amendement : je voulais m’assurer que l’on ne pourrait pas, à travers cette loi, privatiser La Poste. C’était ma conviction, et vous m’accorderez au moins, mes chers collègues, où que vous siégiez dans cet hémicycle, que je tiens une ligne quand j’estime devoir la tenir.
M. Bruno Retailleau. Souvenez-vous par exemple des lois HADOPI : j’avais mis en garde bien avant que l’Assemblée nationale ne se saisisse du premier texte de son caractère difficilement conciliable avec les principes constitutionnels.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Cette indépendance, je crois, me permet d’échapper à toute suspicion de collusion.
Je pense que l’amendement, qui a été accepté par le Gouvernement, éclaire la volonté du Gouvernement. À mes yeux, monsieur le ministre, ce point est fondamental, et je vous remercie de l’avoir rappelé tout à l’heure.
J’en reviens à la question, complexe, du critère organique, abordée par Mme Borvo et M. Teston. Un monopole suffit-il à qualifier un service public national ? Tout service public national est-il un monopole ?
Ce critère n’est pas suffisant, comme je voudrais le montrer à travers deux exemples.
La Française des jeux est un monopole, mais n’est pas un service public national. À l’inverse, l’éducation nationale – je pourrais aussi citer les hôpitaux – est un service public national sans être un monopole. Nous voilà bien avancés !
Pour écarter donc toute ambiguïté, il faut que le législateur inscrive explicitement dans la loi qu’il entend conférer à La Poste le caractère de service public national. Tel est l’objet de cet amendement.
Par ailleurs, vous avez cité un collaborateur du Président de la République, M. Guaino, pour qui j’ai une profonde estime. M. Guaino est un bon républicain, il ne croit pas en l’éternité législative. Je vous rassure, moi non plus !
Sourires
Cependant, mes chers collègues, soyez bien conscients du fait que, en vous appuyant sur l’argument qu’une loi peut en changer une autre, vous levez vous-mêmes toute ambiguïté. En effet, vous reconnaissez ainsi que le statu quo actuel n’est pas plus protecteur que ce que nous vous proposons puisque lui aussi peut être modifié par une loi.
C’est la première fragilité de votre position.
Vous reconnaissez également, seconde fragilité, que, s’il faut à l’avenir en passer par une autre loi pour privatiser La Poste, c’est que celle dont nous débattons aujourd’hui n’est pas une loi de privatisation !
Mon but était, par une démonstration simple, de m’assurer, en posant un verrou juridiquement clair et incontestable, qu’il n’entrait pas dans les intentions du Gouvernement, aujourd’hui, de privatiser La Poste. Et si, mes chers collègues, nous devions, dans la logique de votre raisonnement, refuser chaque projet de loi parce que demain peut-être un nouveau gouvernement, une nouvelle majorité, le modifiera par une nouvelle loi, nous ne pourrions plus rien faire !
M. Bruno Retailleau. Les choses sont claires : mon amendement apporte une garantie « béton ». Si vous la refusez, vous affaiblissez vos positions !
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Les amendements sont adoptés.
Mme Catherine Procaccia. La gauche vote contre ? Curieuse manière de défendre les postiers !
Exclamations sur les mêmes travées.
M. Martial Bourquin. Nous militons pour garder le statut d’EPIC ! Ce serait tellement plus simple !
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
M. Rémy Pointereau. On va dire aux postiers que vous avez voté contre !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Mes chers collègues, vous avez encore du temps devant vous ... Échangez donc dans le calme !
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements n° 30 et 435 rectifié bis sont identiques.
L’amendement n° 30 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 435 rectifié bis est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 30.
L’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi est présenté par le Gouvernement et le rapporteur comme une garantie du maintien du contrôle de l’État. Nous réaffirmons qu’il n’en est rien : ce texte est l’un des premiers pas qui conduiront inexorablement à la privatisation.
Ainsi, la politique du Gouvernement s’inscrit fidèlement dans les politiques communautaires successives.
Le changement de statut de La Poste, qui, d’établissement public, deviendrait société anonyme, est clairement demandé depuis un an par ses dirigeants et validé dans le rapport Ailleret ainsi que par le Président de la République. Chacun, dans le rôle qui est le sien, veut profiter de la mise en concurrence totale décidée par les instances communautaires pour imposer cette réforme.
Dix-sept ans après le traité de Maastricht et quatre ans après le refus de notre peuple d’accorder sa confiance au traité européen et de cautionner la stratégie de Lisbonne, le Gouvernement engage une nouvelle fois une réforme qui sera fatale au service public français.
Chacun aura pu mesurer la précipitation qui a présidé à l’organisation de ce débat, qui concerne pourtant nos concitoyens, nos élus et les salariés de cet établissement public. Vraiment, la question méritait que l’on organise le référendum que nous ne cessons de réclamer !
Face à cette précipitation, nous affirmons qu’il y a lieu au contraire de recourir à la réflexion, au raisonnement, afin de ne pas céder devant les décisions prises au pas cadencé par le Président de la République et par le Gouvernement, et de légiférer dans la plus grande sagesse.
Autre époque, autres mœurs politiques ! Voilà quelques années encore, notre philosophie consistait à « donner du temps au temps ». Il faut désormais décider vite pour ne pas entraver le développement effréné de l’ultralibéralisme dans tous les secteurs de notre existence. Aujourd’hui, La Poste, demain, la SNCF, après-demain, EDF… Les voies sont ouvertes !
Voilà de quoi il s’agit !
On va donc brader les joyaux du Conseil national de la Résistance ! Pourtant, nos concitoyens sont plus que réticents sur ce sujet, et les résistances se développent.
Ce projet de loi répond à la volonté d’ouvrir à la concurrence une activité économique considérée comme un monopole, monopole qui pourtant, nous le savons, est déjà battu en brèche par diverses sociétés. Je ne citerai que l’exemple d’Adrexo, une société spécialisée notamment dans la distribution des paquets et qui est basée dans ma ville.
En visant à réaliser dès le 31 décembre 2010 la transposition de la directive européenne relative à la libéralisation totale des marchés postaux, le projet de loi de transformation du statut de La Poste qui nous est présenté répond parfaitement aux dogmes du libéralisme.
Chaque fois qu’il s’agit de livrer un service public à la concurrence « libre et non faussée », on invoque la nécessité de s’adapter à l’environnement économique, d’encourager l’innovation, la qualité des services et la baisse des coûts pour les « clients ». Ce seul mot de « clients », qui s’est progressivement substitué au terme d’« usagers », en dit long sur les motivations réelles du libéralisme !
La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 435 rectifié bis
Par cet amendement, nous souhaitons également manifester notre opposition à la suppression du secteur réservé telle qu’elle a été décidée dans la troisième directive postale.
Cette directive est contestable, mais elle est implacable. On peut y lire : « Il convient de mettre un terme au maintien d’un secteur réservé et de droits spéciaux comme moyen de garantir le financement du service universel. » Ou encore, un peu plus loin : « Les États membres n’accordent pas ou ne maintiennent pas en vigueur de droits exclusifs ou spéciaux pour la mise en place et la prestation de services postaux. » Désormais, la possibilité de financer le service universel grâce au secteur réservé n’existe plus et, du fait de l’application de la clause de réciprocité, ceux qui subsistent encore sont systématiquement stigmatisés.
Nous ne comprenons pas et nous ne comprendrons jamais pourquoi le gouvernement de l’époque, au cours de la négociation de cette directive – négociation qui s’est étirée, écoutez bien les dates, mes chers collègues, de 2006 à 2008 –, a renoncé à défendre le secteur réservé, au maintien duquel était subordonné le vote positif de la France – du moins c’est ce qui avait été affiché !
Pourquoi le gouvernement de la France a-t-il voté la proposition de directive, alors qu’il n’avait pas obtenu les garanties nécessaires ? La question est essentielle !
Le bilan de cette négociation est absolument négatif, car la directive supprime effectivement le financement par le secteur réservé. Elle n’apporte aucune assurance, d’aucune sorte, si ce n’est qu’elle précise les coûts qui relèvent des obligations du service universel et ceux qui n’en relèvent pas.
Deux ans nous sont accordés pour que nous puissions nous mettre en accord avec la directive européenne. C’est un délai tout à fait cosmétique !
Il est bien tard pour fournir des explications, et le Gouvernement aurait dû se rendre compte de la tournure prise par les négociations longtemps avant d’être conduit à signer cette directive européenne. Mais les citoyens doivent savoir pourquoi, aujourd’hui, nous sommes en train de sacrifier le service universel postal.
Pourquoi, monsieur le ministre, la France a-t-elle aussi mal négocié cette directive européenne ? À moins qu’au contraire celle-ci n’ait été bien négociée et que le but n’ait été de transformer le service postal pour le privatiser !
L’amendement n° 434, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
À la date de publication de ses statuts initiaux,
L’amendement n° 434 est retiré.
L’amendement n° 29, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
À la date
par le mot :
Après
et le mot :
est
par le mot :
demeurera
La parole est à Mme Odette Terrade.
Pour éclairer l’objet de notre amendement, que certainement vous allez considérer comme provocateur, je voudrais citer la motion que l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, a adoptée très récemment, le 25 octobre dernier : « L’AMRF entend le besoin de financement de l’entreprise pour assurer son développement dans un contexte concurrentiel. Pour autant, ayant conscience que le changement de statut est une nouvelle étape d’un long processus engagé dès 1990, l’AMRF sait que le risque est grand de voir à terme l’entrée de fonds privés dans le capital de La Poste dont la privatisation serait l’aboutissement. »
L’Association des maires ruraux de France aurait-elle fait elle aussi l’objet d’une désinformation ? d’une manipulation ? Peut-elle être taxée d’être partisane ? Non ! Elle est simplement lucide.
En réalité, monsieur le ministre, personne – et les élus moins que quiconque – n’est dupe de votre manège, qui consiste à affirmer que l’on ferait sauter le verrou que représente le statut de La Poste mais que bien évidemment l’entreprise resterait définitivement fermée aux capitaux privés.
Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer en quoi cela était faux, comme le montre très explicitement, dans ce texte même, la possibilité donnée aux salariés de participer au capital.
Nous avons également eu l’occasion de vous rappeler que ce raisonnement ne convainc pas au regard de l’histoire des services publics en France et en Europe. L’expérience montre bien que, une fois le changement de statut opéré, la privatisation n’est plus très loin.
Pourtant, d’autres choix étaient possibles. Nous pourrions notamment rapprocher le service public postal des besoins de la collectivité nationale, ouvrir et démocratiser sa gestion, tenir compte de la dimension européenne par des coopérations adaptées. Toutes ces propositions pourraient servir de base à la construction d’une alternative à la privatisation.
L’État devrait être en mesure d’assurer les financements indispensables pour accompagner cette évolution. On trouve bien des centaines de milliards d’euros pour les institutions financières, ne pourrait-on pas trouver 3, 5 milliards d’euros pour La Poste, sans recourir à l’ouverture du capital et à la privatisation ?
Nous pensons qu’il était possible d’apporter une réponse positive à cette question.
Nous pensons également que toute réflexion sur la modernisation de La Poste imposait de prendre en compte les objectifs de création d’un pôle public bancaire permettant de garantir à tous un véritable service public et d’engager la réorientation de l’épargne populaire, notamment par le biais du livret A, vers les investissements en faveur de la cohésion sociale et du développement.
Pour finir, nous pensons que la constitution d’un pôle public des télécommunications et des activités postales aurait pu être envisagée afin d’établir une complémentarité des offres conforme à la complémentarité des usages. Le réseau postal est un formidable atout pour lutter contre la fracture numérique. La Poste et Internet sont deux sujets qui ne peuvent être séparés.
Ainsi, alors que d’autres choix étaient possibles, vous proposez la pire des solutions, la plus simple, aussi : vous bradez le patrimoine !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement de repli.
M. Guy Fischer remplace M. Bernard Frimat au fauteuil de la présidence.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Les amendements identiques n° 30 et 435 rectifié bis visent à supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er.
Cet alinéa ne fait que constater logiquement l’état de fait résultant du passage de La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme. La commission prie donc leurs auteurs de bien vouloir retirer leurs amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 29 vise à préciser que le capital de La Poste demeurera, dans sa totalité, détenu par l’État. J’ai déjà eu l’occasion d’intervenir sur ce point.
Il faut réaffirmer que l’ouverture du capital de La Poste à d’autres acteurs que l’État ne constitue en rien une privatisation, car il s’agit de personnes morales de droit public.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements identiques n° 30 et 435 rectifié bis tendent en effet à supprimer un alinéa qui définit les conditions initiales de détention du capital de La Poste. Cette suppression introduirait un vide juridique potentiellement déstabilisateur pour La Poste.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
L’amendement n° 29, qui vise à empêcher un nouvel investisseur public, en l’occurrence la Caisse des dépôts et consignations, d’entrer au capital de La Poste, suscite, bien évidemment, le même avis défavorable.
La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 30 et 435 rectifié bis.
En ce qui me concerne, j’insisterai sur l’une des raisons avancées par le Gouvernement pour justifier la transformation de La Poste, EPIC, en société anonyme.
À longueur de discours officiels, on nous présente ce changement de statut comme étant évident et surtout obligatoire afin de nous mettre en conformité avec la législation européenne. Le Gouvernement et les autres promoteurs du présent projet de loi nous affirment en effet que « ce changement de statut permettra de disposer des moyens nécessaires pour affronter la libéralisation totale du marché du courrier en 2011 et de respecter ainsi la réglementation européenne ».
Or il n’en est rien.
Cet argument ne résiste pas à l’examen des textes européens eux-mêmes. Il faut rétablir la vérité : textes à l’appui, j’affirme que ni les directives, ni les normes communautaires ne comportent d’obligations juridiques concernant le statut des opérateurs. De même, ils n’obligent en rien à privatiser lesdits opérateurs.
Pour notre part, nous n’avons eu de cesse de dénoncer les dispositions ultralibérales contenues dans tous les traités européens depuis le traité de Rome, acte fondateur de la Communauté européenne. Nous avons également combattu, pour n’en citer que quelques-uns, le traité de Maastricht de 1992, qui, comme l’a rappelé mon ami Jean-Claude Danglot, est passé de justesse, et, dans la même logique, le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe qui, lui, a été largement rejeté par les électeurs lors du référendum de 2005.
À cet égard, nous pensons que le revers subi par les élites en 2005 n’est sans doute pas étranger au refus du Président de la République d’organiser un débat suivi d’un référendum sur l’avenir de La Poste dans notre pays.
Consulter le peuple devient en effet de plus en plus risqué pour le Président de la République et pour son Gouvernement, car les effets d’annonce largement médiatisés et la communication officielle ne suffisent plus à abuser l’opinion publique.
Revenons-en aux textes européens qui, nous dit-on, régiraient le présent projet de loi.
La directive européenne de 2008 complète les directives européennes de 1997 et de 2002. Ces directives avaient commencé à libéraliser le secteur postal. La petite dernière, la directive de 2008, vise « à l’achèvement du marché intérieur postal en procédant à la libéralisation totale du courrier en 2011 ».
Voilà pour le contexte général.
Si l’on examine cependant de manière plus précise les dispositions spécifiques propres au secteur postal, force est de constater que ce secteur est traité différemment des autres, par exemple les télécommunications, l’énergie ou les transports. En effet, les textes communautaires comportent une définition ambitieuse et exigeante du service universel garanti à chaque habitant-usager de l’Union au plan communautaire.
Il s’agit précisément de définir un plan ambitieux de présence postale afin de « tenir compte des besoins des utilisateurs » ; de permettre d’assurer la gratuité pour les aveugles ; d’assurer, et ce au moins cinq jours ouvrables par semaine – contre six actuellement – au minimum la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes, des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes, ce poids pouvant atteindre 20 kilogrammes, les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée ; de définir précisément les normes de qualité de service – délais de distribution, temps d’attente aux guichets, réactivité des demandes, traitement des plaintes ou des litiges pour les utilisateurs.
Est-il utile de rappeler que les textes communautaires ne parlent en aucun cas de « clients » dans ce domaine ?
Pour utiliser l’intégralité du temps de parole qui m’est imparti, je rappelle également que les textes communautaires prévoient la garantie « d’exigences essentielles » : respect des conditions de travail du personnel et des conventions collectives, aménagement du territoire, protection de l’environnement, obligation de décider d’un tarif unique sur tout le territoire national, pour ne citer que ces exemples.
Je comprends l’embarras de la commission de l’économie qui, alors qu’elle ne peut ignorer le contenu de ces textes, doit tenir ses engagements et faire respecter la parole gouvernementale.
Nous voterons donc ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.
Nous le répétons depuis le début des débats : de notre point de vue, le projet de loi qui nous est soumis ne garantit en rien un avenir public pour La Poste. Nous souhaitons donc que soit très clairement inscrit dans le texte que, après la date de publication des statuts initiaux de La Poste, le capital demeurera, dans sa totalité, détenu par l’État.
En effet, nous pensons que l'intervention en faveur de la modernisation de La Poste peut se faire autrement : soit dans d'autres formes plus traditionnelles, je parle ici de la Caisse des dépôts et consignations, qui intervient dans de nombreux EPIC sans prendre part à leur capital – voir l’exemple d’OSEO -, soit, concernant les salariés, par une augmentation de salaires à la hauteur d'un renforcement des missions de service public.
L’État peut également financer La Poste sans que cela soit pour autant considéré comme une aide d’État. Si l’État rembourse ce qu’il doit à La Poste au titre de ses missions de service public pour la seule année 2009, l’entreprise publique disposera déjà de 1 milliard d’euros.
Fondamentalement, nous considérons que La Poste doit rester un EPIC, car cette forme est adaptée à ses missions.
En effet, on ne le répétera jamais assez, si La Poste change de statut, elle ne sera plus liée par le principe de spécialité qui encadre aujourd’hui ses activités et auquel nous sommes, pour notre part, très attachés. Elle pourra, dans cette hypothèse, diversifier ses activités comme n’importe quelle société anonyme, au gré des desiderata des actionnaires ou pour occuper une niche que ceux-ci jugeront particulièrement rentable.
Or nous estimons au contraire qu’une entreprise de service public a une finalité bien précise – servir l’intérêt général –, qui requiert compétences et savoir-faire. On ne peut donc transformer les agents du service public en commerciaux, alors même que leur mission est aujourd'hui déjà de plus en plus complexe, entre activités financières et activités postales.
Par ailleurs, comment interpréter votre volonté de faire entrer la Caisse des dépôts et consignations au capital de La Poste, alors même que, nous dit-on, la privatisation de la Caisse est, elle aussi, envisagée ? À vouloir tout privatiser, peut-être ne savez-vous plus par où commencer, monsieur le ministre ?
Vous l’avez maintenant compris, nous refusons la transformation de La Poste en société anonyme, non parce que nous en serions restés à l’âge de pierre, comme l’affirment certains de nos collègues, mais, au contraire, parce que nous souhaitons que La Poste se modernise. Or La Poste ne pourra se moderniser que si ses missions de service public sont réaffirmées, voire étendues pour répondre à de nouveaux besoins. Sa modernisation ne peut donc résulter d’une rationalisation de ses coûts et de ses personnels destinée uniquement à limiter l’investissement public à long terme.
Nous estimons que seul l’État, garant de l’intérêt général et de la cohésion sociale et territoriale, peut diriger une telle modernisation de l’établissement public.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement, comme nous allons le faire.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 442, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 4, 5, 6, 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
Cet amendement vise à réaffirmer notre opposition au changement de statut de La Poste.
Avec raison, nous continuons de penser que, en dépit de tout ce qui a été dit sur cette question jusqu’à présent, l’abandon du statut d’EPIC et la transformation de La Poste en société anonyme conduiront à terme à l’ouverture de son capital à des intérêts privés. Pourquoi en irait-il autrement ?
M. le rapporteur a d’ailleurs repris à son compte les arguments avancés par le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, notamment dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien La Tribune le 30 octobre dernier, en affirmant que le changement de statut « résulte avant tout d’une demande forte du président de La Poste et de son conseil d’administration », avant d’ajouter que La Poste souhaitait « se battre à armes égales avec la concurrence ».
Je rappelle que le président de La Poste n’avait pas hésité, à la fin de l’été 2008, à demander non seulement le changement de statut de La Poste pour en faire une société anonyme, mais également l’ouverture de son capital à hauteur de 20 % en 2011.
Pour quelles raisons s’arrêterait-on en si bon chemin ? Pourquoi le sort de La Poste serait-il différent de celui de France Télécom, d’EDF ou de GDF ?
Vous nous affirmez aujourd’hui, monsieur le ministre, que le capital de La Poste demeurera public à 100 %. Excusez-moi de rappeler une fois encore les propos que tenait Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, mais je ne résiste pas à la tentation : « Il est en effet clair qu’EDF et GDF doivent pouvoir lutter à armes égales avec la concurrence. Pour cela, nous devons les transformer d’établissements publics en sociétés anonymes. » Le même jour, il ajoutait : « Je l’affirme, parce que c’est un engagement du Gouvernement, EDF et GDF ne seront pas privatisées ».
Aujourd’hui, chacun le sait, l’État ne détient que 35 % du capital de GDF, …
… qui a fusionné avec Suez pour donner naissance à la société anonyme GDF-Suez.
Pour quelles raisons devrions-nous donc croire aujourd'hui à des promesses semblables ?
Par ailleurs, pour justifier le changement de statut, on nous explique que La Poste a impérieusement besoin de nouveaux capitaux. L’État contribuerait à l’augmentation du capital de La Poste à hauteur de 1, 5 milliard d’euros et la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, soit un apport total de 2, 7 milliards d’euros, le changement de statut devant intervenir pour le 1er janvier 2010.
Dans quelle mesure ces fonds seront-ils pérennes ? Que dire des fonds de la Caisse des dépôts et consignations si elle entre au capital de La Poste ? Ces fonds ne sont-ils pas généralement destinés à être transitoires ?
Tout cela nous amène à nous interroger.
La transformation de La Poste en société anonyme constitue déjà un transfert de droit de propriété d’un EPIC, c'est-à-dire d’un établissement public propriété collective de la nation, à une société. Nous sommes opposés à cette proposition.
M. Bernard Frimat remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.
Les amendements n° 32 et 437 sont identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 437 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l’amendement n° 32.
Avec l’alinéa de l’article 1er, vous transférez l’ensemble du patrimoine national détenu par La Poste à l’entreprise privée nouvellement créée.
D’une certaine manière, c’est à une véritable spoliation des intérêts et des biens de la nation que vous vous livrez. Et le patrimoine de La Poste est considérable !
Il s’agit avant tout d’une mission, d’une relation, d’une organisation, d’un savoir-faire, d’un savoir-être, d’un métier, d’une logistique et d’un capital humain uniques en France. Il s’agit même sans doute de la plus importante entreprise de notre pays.
À travers l’histoire, l’intelligence de ses agents, mais également de notre peuple et de ses élus, a façonné, adapté et développé ce formidable outil économique, indispensable à la bonne marche de notre société.
Aussi, en offrant cet outil à une société privée, vous l’offrez à ses actionnaires d’aujourd’hui et de demain, quels qu’ils soient, sans même en demander la valeur.
Plusieurs siècles d’investissement public ne valent rien à vos yeux ! C’est scandaleux !
C’est en cela que nous pouvons bien parler de spoliation et que chacun d’entre nous peut se sentir atteint.
N’oubliez jamais que, si vous êtes à la direction des affaires publiques, vous n’êtes pas les propriétaires du pays ! Vous n’êtes pas à la tête d’un conseil d’administration ! La nation appartient à son peuple !
Faut-il rappeler ici que les biens de la nation appartiennent à l’ensemble de la population et donc, d’une certaine manière, à chacun d’entre nous ?
Vous prétendez rêver d’une France de propriétaires ? Alors, n’oubliez jamais que nous sommes tous propriétaires des services et des biens de la nation ! Et cela donne des droits à tous les citoyens !
Certes, la gestion de ces biens publics vous est confiée aujourd’hui, mais vous ne pouvez que les vendre ou les louer, pas en réduire la valeur à zéro !
C’est pourquoi nous vous demandons de supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er, qui brade le patrimoine de la nation.
Le présent projet de loi est l’aboutissement d’une logique défendue depuis maintenant près de quinze ans.
Au pouvoir, la gauche comme la droite ont demandé des reports pour l’ouverture à la concurrence du secteur postal, mais chacune pour des raisons différentes.
Depuis la négociation de la première directive postale, les socialistes ont toujours défendu un report au nom de la défense du service public et du renforcement du service universel postal, dont le rôle en matière de cohésion économique, sociale et territoriale a toujours été très particulier.
Mais à droite, qu’il s’agisse du Sénat ou du Gouvernement, la stratégie du report n’a toujours eu qu’une seule fin : préparer La Poste à être une entreprise comme les autres, quitte à réduire le service universel comme une peau de chagrin.
Pour preuve, dans une proposition de résolution du 1er décembre 2000, déposée en application de l’article 88-4 de la Constitution sur la deuxième directive postale, M. Gérard Larcher reprochait au gouvernement socialiste de n’avoir « pas mis à profit le délai obtenu au Conseil européen de Dublin pour mener les réformes de structure indispensables afin de rendre La Poste compétitive dans ce nouveau contexte européen : adaptation de son statut, […] identification et financement des missions d’intérêt général étrangères aux métiers postaux proprement dits... »
Ainsi, le changement de statut était déjà accepté et programmé !
Aujourd’hui, selon le rapport de M. Pierre Hérisson, La Poste doit se préparer à affronter « la menace représentée par les grands opérateurs historiques nationaux » désormais privatisés d’autres États membres, comme Deutsche Post et le néerlandais TNT, et à relever de nouveaux défis, comme le développement du courrier à l’international.
Effectivement, si le secteur réservé n’existe plus et si le service universel est réduit aux zones rentables, il y a de quoi se faire du souci !
Une telle stratégie ferait le jeu des objectifs ultralibéraux qui figurent dans le rapport de la Commission européenne du 22 décembre 2008 sur l’application de la directive postale. Ce document fait bien ressortir que le secteur réservé gêne les opérateurs privés dans leur démarche d’expansion. Il y est notamment écrit : « Le développement généralement lent de la concurrence peut être imputé aux obstacles juridiques, c’est-à-dire au fait que dans la plupart des États membres les secteurs réservés représentent encore la plus grande partie des volumes postaux. Vu que les économies d’échelle jouent un rôle important dans les activités postales, la réservation des services aux opérateurs postaux historiques fait qu’il est difficile pour les nouveaux entrants d’atteindre des volumes suffisants pour profiter aussi des économies d’échelle et d’être compétitifs sur le marché postal. »
Pour la Commission européenne, le secteur réservé constitue bien un obstacle à une « concurrence libre et non faussée » et est source de distorsion du marché lorsqu’il fonctionne bien, comme c’est le cas en France.
Faut-il donc lui offrir La Poste sur un plateau ? Souhaitez-vous vraiment jeter cet établissement dans la gueule des loups et fragiliser le secteur public, comme c’est le cas au Royaume-Uni, face à des opérateurs redoutables, mais dont les conditions de service sont discutables ?
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous demandons la suppression du quatrième alinéa de l’article 1er de ce projet de loi.
L'amendement n° 438, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 6, 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Teston.
Cet amendement est la conséquence logique de notre opposition au basculement de La Poste dans le droit commun des sociétés anonymes.
En effet, nous considérons que La Poste n’a pas à être soumise à des dispositions de cette nature. C’est tout à fait cohérent par rapport à la position que nous défendons depuis déjà plusieurs mois ; moi-même et d’autres collègues avons d’ailleurs déjà eu l’occasion de le faire ici même à plusieurs reprises.
Nous sommes pour le maintien du statut actuel.
Les amendements n° 34 et 444 sont identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 444 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5.
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 34.
L’alinéa 5 de l’article 1er soumet La Poste aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dès le 1er janvier 2010 avec l’ouverture du capital, à hauteur de 3 millions d’euros.
De notre point de vue, c’est la première étape vers une privatisation totale. Et encore, lorsque j’évoque une « première » étape, je devrais sans doute nuancer mon propos.
En effet, la libéralisation du service postal a été préparée par une succession de restructurations, notamment la séparation de l’activité colis, puis de l’activité courrier de l’activité grand public, la réorganisation du tri autour de grandes plateformes automatisées, la fermeture de nombreux bureaux, le tout s’accompagnant de la création d’une véritable nébuleuse de filiales.
Une étape importante de cette privatisation avait déjà été franchie avec la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, qui transposait avec un zèle particulier deux directives communautaires de 1997 et de 2002 visant à instaurer un cadre pour le marché postal dont l’ensemble des activités s’ouvrent à la concurrence, à l’exception d’un petit secteur réservé à l’opérateur historique.
Aujourd’hui, avec cette ouverture du capital, l’État confirme son désengagement : il n’entend plus consacrer de moyens au service public de La Poste.
Pour nous, il s’agit là d’un choix purement idéologique qui s’inscrit dans la droite ligne de la réduction des dépenses publiques. Demain, les actionnaires dicteront leur loi. De plus en plus, il faudra vendre des produits plutôt que d’assurer les missions de service public. Les personnels, quant à eux, seront soumis à l’obsession du rendement, les automates se multiplieront, ainsi que les agences postales communales et les relais postaux chez les commerçants.
Pendant ce temps, les files d’attente s’allongeront – elles sont déjà longues dans les rares bureaux de plein exercice – pour envoyer un mandat, déposer ou retirer de l’argent sur un compte de La Banque postale ou obtenir un conseil personnalisé.
Les usagers, devenus des clients, attendront en vain le facteur dans des communes rurales ou des banlieues exclues du droit à communiquer.
En matière d’emploi et de conditions de travail, la dégradation est déjà très parlante. La « modernisation » a consisté à supprimer 40 000 emplois en cinq ans, à supprimer des tournées de facteurs et à fermer des guichets et des bureaux.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, La Poste et le service rendu aux usagers se dégradent depuis des années. Et c’est justement fait pour préparer la privatisation ! Par conséquent, et contrairement à ce qu’on veut nous expliquer aujourd’hui, il est bien évident que, si La Poste devient une société anonyme où entreront bientôt des capitaux privés, cette « évolution » ne pourra que s’accentuer.
Pour toutes ces raisons, l’amendement que nous vous invitons à adopter vise à conserver à La Poste un régime juridique spécifique au regard de l’importance de ses missions de service public.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 444.
À l’occasion de ce débat sur l’article 1er du présent projet de loi, il nous semble indispensable de vous rappeler que rien n’oblige à privatiser La Poste. Certes, vous vous en défendez, monsieur le ministre, mais, dans la réalité, vous demandez bien au Parlement de vous signer un chèque en blanc. Rien ne vous empêcherait désormais de diminuer la participation du Gouvernement à l’entreprise publique.
Le risque n’est pas nul. En effet, le 10 juin 2003, M. Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, s’était autorisé à faire cette déclaration aux parlementaires français : « La transformation du statut d’EDF, telle qu’elle est prévue par le projet de loi, va au-delà des exigences de la Commission européenne et répond au libre choix du gouvernement français. »
Il avait également souligné que la Commission ne critiquait pas ce choix, mais qu’elle ne l’imposait pas non plus.
Nous sommes bien dans une situation similaire.
D’ailleurs, la législation européenne, singulièrement la troisième directive postale, n’oblige pas le gouvernement français à privatiser La Poste.
En effet, selon la communication de la Commission européenne sur les services d’intérêt général en Europe du 26 septembre 1996, « la neutralité à l’égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels [est] garantie par l’article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d’intérêt général, et n’impose donc aucune privatisation. » C’est très clair.
M. Mario Monti avait également rappelé un autre élément : l’article 295 du traité instituant l’Union européenne précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n’appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres.
De même, rien dans la nouvelle communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 sur les services d’intérêt général, qui résume la philosophie de la Commission, ne suggère une telle option.
En outre, le rapporteur, conservateur, du Parlement européen, M. Markus Ferber, fervent partisan de la libéralisation totale du secteur postal, a clairement confirmé à l’issue du vote que l’Union européenne avait été capable de garantir à tous les citoyens, y compris aux habitants des régions faiblement peuplées, le maintien du service postal universel dans un environnement libéralisé.
Il s’agit bien d’une « libéralisation » et non d’une « privatisation », a-t-il souligné. Ne soyez donc pas plus libéraux que les ultralibéraux !
Je conclus, monsieur le président.
En tout état de cause, si nous voulons empêcher que La Poste ne soit un jour privatisée, nous ne pouvons pas accepter la modification du statut proposée dans ce projet de loi.
Les amendements n° 33 et 446 rectifié bis sont identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 446 rectifié bis est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 33.
Le secteur postal constitue un immense potentiel économique. La Commission européenne l’a bien compris, tout comme les acteurs privés qui sont déjà présents sur le marché du service postal.
En 2007, les vingt-sept gouvernements de l’Union européenne ont trouvé un accord sur l’ouverture totale à la concurrence, repoussée certes de 2009 à 2011, mais néanmoins actée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement propose de transposer la directive du 20 février 2008 dans ce projet de loi, afin de parvenir à la libéralisation totale du secteur postal.
C’est pourquoi nous sommes plus que sceptiques lorsque le Gouvernement explique que La Poste, même transformée en société anonyme, restera entièrement publique, alors qu’il défend dans le même temps la libéralisation du secteur postal devant ses partenaires européens.
Le Gouvernement et La Poste n’ont pas hésité à anticiper la future ouverture à la concurrence bien en amont de la présentation de ce projet de loi.
Déjà La Poste a accéléré les restructurations et les fermetures de bureaux de poste afin de les remplacer par des « points de contact » proposant un service minimal, et elle a multiplié les contrats de droit privé afin d’aligner les coûts salariaux sur ceux de ses concurrents.
C’est dans ce contexte déjà fortement inspiré de la logique libérale européenne que le Gouvernement propose aujourd’hui de transformer l’établissement public à caractère industriel et commercial de La Poste en une société anonyme.
Suivant cette logique, le projet de loi soumet désormais La Poste aux règles de droit commun des sociétés, et donc au code de commerce, en particulier en ce qui concerne la vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.
La Poste n’est cependant pas une entreprise comme les autres. Prétendre le contraire, comme le fait le Gouvernement, revient à remettre en cause les missions de service public de La Poste et à abandonner un service simple et efficace, fondé sur la solidarité grâce à la péréquation tarifaire, pour un autre service, opaque et coûteux pour la collectivité et les usagers.
Une société anonyme n’a pas pour objet de garantir le principe de la péréquation tarifaire : elle abandonne les services les moins rentables au profit de ceux qui le sont plus afin de réaliser le maximum de profit et de distribuer des dividendes à ses actionnaires.
C’est ainsi que l’on se trouve confronté, comme en Suède, à l’apparition d’un véritable désert postal : les trois quarts des établissements de l’opérateur historique ont disparu et le prix des timbres a littéralement flambé.
Nous refusons que La Poste connaisse le même sort. Les usagers ne veulent pas devenir de simples clients.
Conscients de certains dysfonctionnements actuels, nos concitoyens réclament au contraire davantage de moyens, en termes de guichetiers, notamment, mais ne souhaitent pas que l’on modifie l’organisation d’une entreprise publique qui a démontré son efficacité et son utilité sur l’ensemble du territoire.
Par conséquent, nous refusons tout changement de statut de l’entreprise publique La Poste et nous refusons que cette dernière soit soumise au code de commerce.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour présenter l'amendement n° 446 rectifié bis.
La logique du passage au statut de société anonyme prédispose à l’application des dispositions du code du commerce. Restant attachés au statut de l’EPIC, largement indépendant du code du commerce, nous préconisons la suppression de cet alinéa qui vise à soumettre La Poste aux dispositions de ce code.
Les amendements n° 35 et 275 sont identiques.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 275 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l’amendement n° 35.
Il s’agit d’un amendement de conséquence.
En effet, le septième alinéa de l’article 1er tire les conséquences du changement de statut de La Poste puisqu’il prévoit de dispenser La Poste du respect de la condition posée par le premier alinéa de l’article L. 228-39 du code du commerce aux sociétés par actions qui souhaitent émettre des obligations.
Or nous refusons, vous l’aurez compris, ce changement de statut.
La distribution du courrier sera totalement libéralisée en 2011. C’est pour préparer la mise en concurrence que le Gouvernement défend opiniâtrement le changement de statut de La Poste en société anonyme. Comme vous avez pu le dire récemment, monsieur le ministre, « donner sa chance à La Poste », c’est-à-dire aux 7 000 cadres de La Poste, c’est en réalité organiser la réduction de la qualité du service, permettre les suppressions massives d’emplois, les augmentations tarifaires, et donner, à terme, la priorité à la rentabilité et à la satisfaction des actionnaires.
En tout état de cause, ce n’est certainement pas donner leur chance aux usagers et aux élus de conserver un service public postal de proximité, eux qui ont déjà vu fermer leur trésorerie et qui verront prochainement fermer leur tribunal d’instance, leur conseil de prud’hommes, leur sous-préfecture et, enfin, leur bureau de poste !
Ce projet de loi comporte donc des enjeux très concrets pour nos concitoyens. Comme ils l’ont massivement exprimé lors de la votation citoyenne du 3 octobre dernier, tous craignent la désertification rurale, qui a malheureusement tendance à s’accélérer.
La préservation d’un service public postal de qualité, à même de répondre en tout point du territoire aux besoins des usagers, y compris en matière de nouvelles technologies de communication, est aussi la condition sine qua non d’un aménagement équilibré et cohérent.
Nous demandons par conséquent la suppression de l’alinéa 7 de l’article 1er, qui vise à inscrire un peu plus La Poste dans un statut de société anonyme
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 275.
Nous avions envisagé un temps de retirer cet amendement, mais nous nous sommes rendu compte que nous avions besoin d’explications complémentaires avant de pouvoir prendre une telle décision.
Malgré sa transformation en société anonyme, La Poste profiterait de dérogations à certaines dispositions du code du commerce.
Si La Poste est une société anonyme comme les autres, pourquoi envisagez-vous un régime dérogatoire au code de commerce ?
Si La Poste ne se transforme pas une société anonyme comme les autres, de quelle dérogation s’agit-il ?
Notre crainte est que cette dérogation soit un moyen de s’affranchir de certaines obligations, sociales ou comptables.
En tout état de cause, nous avons vraiment besoin d’être rassurés avant, le cas échéant, de retirer cet amendement.
L'amendement n° 36, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
Il s’agit d’un amendement de cohérence tendant à supprimer le dernier alinéa de l’article 1er, qui vise à transformer l’entreprise publique La Poste en société anonyme.
Il faut souligner que la transformation du statut de La Poste se situe dans un mouvement déjà acté de désengagement territorial de La Poste, que ce soit par le biais de la fermeture des bureaux de poste ou de la diminution du nombre des levées et des tournées.
Ce projet de loi aggravera incontestablement le désengagement en défaveur des bureaux de poste dans les communes rurales et accentuera ainsi la fracture postale territoriale.
Si l’on y ajoute l’ouverture totale à la concurrence au 1er janvier 2011, force est de constater que c’est le principe même d’accessibilité au service public postal qui sera remis en cause.
Aujourd’hui, les usagers bénéficient d’un prix unique du timbre sur tout le territoire grâce au principe de péréquation.
L’ouverture à la concurrence et la logique de rentabilité propre aux sociétés anonymes sonneront la fin du mécanisme de péréquation qui permet, grâce aux excédents dégagés par les segments les plus rentables, de financer les activités déficitaires et d’assurer ainsi, par exemple, la distribution du courrier en zone rurale ou – j’en ai déjà parlé –, de garantir le prix unique du timbre.
Le Gouvernement saisit d’ailleurs l’occasion offerte par ce projet de loi pour ouvrir une brèche dans le principe du prix unique du timbre, puisqu’il opère une distinction entre la France métropolitaine et les départements d’outre-mer. La voie est ainsi ouverte à une remise en cause générale de ce principe sur l’ensemble du territoire national.
La qualité de société anonyme ne permettra plus à La Poste d’assurer ses missions de service public. Comment pourra-t-elle garantir une présence postale dans nos communes alors que, dans le même temps, elle devra atteindre des objectifs de rentabilité ?
Aujourd’hui, la péréquation entre les différentes activités que sont le courrier, les colis, et j’en passe, permettent à La Poste de faire face à ses obligations de service public.
Le Gouvernement, avec ce projet de loi, casse une complémentarité qui jusqu’à présent a fait ses preuves. Ce sont les usagers qui en paieront les conséquences.
Nous demandons donc la suppression de toutes les dispositions qui tendent à appliquer le droit commun des sociétés à l’entreprise La Poste.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
Quel est l’avis de la commission sur ces onze amendements en discussion commune ?
Nous nous trouvons face à une série d’amendements de suppression partielle, identiques pour un certain nombre d’entre eux.
Les sénateurs qui les ont présentés défendent avec constance la logique du maintien de l’EPIC.
Vous comprendrez donc que l’avis de la commission soit globalement défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Je tire les mêmes conclusions que M. le rapporteur.
Je comprends parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, que vous restiez dans la logique qui est la vôtre, et que je respecte.
Ces amendements visent à supprimer les dispositions tirant les conséquences du changement de statut de La Poste, par exemple quand il s’agit de prévoir que l’entreprise, en tant que société anonyme, sera soumise au droit des sociétés.
Ces dispositions techniques sont pourtant indispensables, si l’on accepte le changement de statut de l’entreprise.
Voilà pourquoi je suis défavorable aux amendements visant à supprimer les alinéas 4, 5, 6, 7 et 8 de l’article 1er.
L'amendement n'est pas adopté.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 32 et 437.
Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.
Nous avons assez dénoncé, en défendant l’amendement n° 32, la véritable spoliation d’un service et d’un bien de la nation dont il s’agit ici. Je n’y reviens donc pas, préférant, dans cette explication de vote, m’élever cette fois conte le véritable détournement du droit du travail dont se rend également coupable l’alinéa 4 de l’article 1er.
En effet, d’une simple phrase, vous décidez que la transformation du statut de La Poste n’a aucune incidence sur ses biens, ses droits, ses obligations, ses contrats et conventions, donc sur les contrats de travail.
Oser une telle affirmation et décider d’une telle mesure, c’est considérer qu’il ne faut pas accorder au personnel plus de valeur qu’à une boîte aux lettres ou qu’à une bicyclette. C’est inacceptable !
Une telle disposition est aussi contraire au droit. Tout salarié dispose de droits quand une entreprise est transférée, d’une façon ou d’une autre, à une nouvelle personne morale.
C’est l’une des raisons qui motivent notre vote en faveur de la suppression de cet alinéa
Pour motiver mon vote en faveur la suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er, je reviendrai sur la spoliation dont vient de parler mon collègue, en considérant un élément du patrimoine de la nation, je veux parler des biens immobiliers de La Poste.
Ce patrimoine immobilier s’est construit au fil du temps grâce à l’investissement de chaque citoyen qui, par ses impôts et ses taxes, a participé à la réalisation de nos milliers de bureaux de poste.
Au-delà des équipements propres au travail, il s’agit également de biens immobiliers répartis sur l’ensemble du territoire, souvent des maisons, mais aussi des bâtiments, acquis directement par La Poste ou bien cédés gracieusement par les communes pour installer une administration, puis pour assurer le maintien et le développement du service public.
Les surfaces construites pour l’activité du bureau de poste comprennent, en général, au moins un appartement, qui était auparavant consacré au receveur. Souvent, les plus importants d’entre eux comptent un ensemble de chambres, qui servait à accueillir les facteurs mutés d’une autre région.
À l’heure de la bulle immobilière, la valeur de ces biens est immense. Certains d’entre eux deviennent vacants.
Or, loin de vous contenter d’autoriser seulement la jouissance de ces lieux par la future entreprise privée, vous transférez également les titres de propriété, sans même réclamer l’euro symbolique.
Faut-il rappeler que les biens de la nation appartiennent à l’ensemble de la population, donc, en somme, à chacun d’entre nous ? Si l’autorité administrative, qui peut vendre ou louer ces biens, en assure la gestion, elle ne saurait pour autant en réduire la valeur à zéro en les cédant sans aucune contrepartie.
C’est également en cela que nous pouvons parler de spoliation.
Pour ces raisons, je voterai en faveur des amendements identiques de suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 35 et 275.
Ma collègue s’interrogeait précédemment sur certaines dérogations au code de commerce dont pourrait bénéficier la future société anonyme La Poste. Je souhaiterais lui fournir quelques explications, puisqu’elle ne les a obtenues ni de la commission ni du ministre.
Le Gouvernement défend avec obstination le principe de la transformation de La Poste en société anonyme, et ce malgré l’hostilité de l’ensemble des organisations syndicales de La Poste, de nombreux partis politiques et d’associations réunies au sein du comité national contre la privatisation de La Poste. Il ne fait surtout aucun cas des 2, 3 millions de personnes qui se sont exprimées, le 3 octobre dernier, contre le projet de loi et contre tout projet de privatisation de La Poste.
Or l’évolution juridique que l’on nous propose laisse entrevoir, à plus ou moins brève échéance, une privatisation de l’opérateur public postal.
Cette crainte ne résulte pas d’une quelconque certitude idéologique. Elle est le fruit de l’expérience des privatisations précédentes de services publics nationaux majeurs, comme France Télécom, EDF et GDF !
Par ailleurs, ce projet est contraire à l’intérêt général. Le changement de statut de La Poste en société anonyme conduira inéluctablement à privilégier une logique financière, c’est-à-dire à faire primer la rentabilité et non la satisfaction de l’intérêt général !
Certes, les petits bureaux de poste de nos campagnes ne sont pas rentables, mais c’est parce qu’ils assurent des missions de service public qui, par nature, n’ont pas vocation à répondre à une logique de rentabilité.
La logique de solidarité nationale et de maillage territorial qui est celle du service public postal est en effet remise en cause par ce projet de loi !
Nous refusons le changement de statut de La Poste et la transformation de l’EPIC en société anonyme et voterons par conséquent ces amendements identiques.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 36.
Ce projet de loi ne répond à aucune attente de la population, ni des élus, ni des postiers.
En témoignent la mobilisation des Français lors de la votation citoyenne, mais aussi celle des communes, surtout les communes rurales, déjà fortement touchées par un désengagement de La Poste.
Contrairement à ce qu’assure le Gouvernement depuis le début de l’examen de ce texte, rien ne rend obligatoire le changement de statut de La Poste. En particulier, l’ouverture à la concurrence des plis de moins de 50 grammes en 2011 ne rend nullement nécessaire une telle modification.
Par ailleurs, ce changement de statut n’apporte aucune garantie en termes de service rendu aux usagers, bien au contraire.
Le 3 octobre dernier, ces usagers ont pu faire part de leur attachement à un service public qu’ils considèrent comme essentiel. Ils ont ainsi exprimé leur souhait de voir assuré un service public postal moderne et rénové, garantissant l’avenir de La Poste et l’emploi de ses personnels.
En effet, le service public national de La Poste ne saurait se réduire à de simples points de contact, insusceptibles de garantir l’accessibilité et l’égalité de traitement des citoyens.
Nous refusons de voir La Poste soumise à un droit des sociétés parfaitement étranger à ses missions d’intérêt général ! C’est pourquoi nous voterons cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'article 1er.
Protestations sur les travées de l ’ UMP
M. Jean-Claude Danglot. Je vois que la majorité se réveille, il était temps !
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Personne ne vous empêche de prendre à votre tour la parole, chers collègues !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Brouhaha sur les mêmes travées.
Merci, monsieur le président. J’ai en effet la parole, et moi seul !
Beaucoup de choses ont été dites sur cet article 1er, si bien que nous avons pu, nous, sénateurs du groupe CRC - SPG et de l’ensemble de l’opposition sénatoriale, dissiper le brouillard savamment diffusé par le Gouvernement pour masquer les desseins réels des auteurs de ce projet de loi.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Je souhaiterais, pour expliquer notre vote sur cet article 1er, revenir sur un point essentiel, la confiance.
En effet, comme il a été démontré par A plus B depuis lundi, il n’est rien qui puisse entraver la poursuite de la privatisation de La Poste, malgré les déclarations de M. Estrosi
Le concept d’entreprise « imprivatisable » a fait long feu !
Chacun sait, et vous-même devriez le savoir, monsieur le ministre, que la loi peut toujours défaire la loi et que toute entreprise publique peut être privatisée. M. Henri Guaino, que vous connaissez bien, vous l’a d’ailleurs rappelé.
Puisque ce concept, pour le moins étonnant, « d’entreprise imprivatisable » a volé en éclats, ne demeure donc aujourd’hui que celui de la confiance pour prévenir la privatisation de La Poste.
Aucune garantie ne pourra provenir d’une virtualité juridique créée de toutes pièces dans le seul but de nous faire accepter un changement de statut frayant la voie à la privatisation. Il ne dépend que de notre volonté commune que La Poste reste publique à l’avenir.
Mais comment vous accorder une telle confiance, à vous en particulier, monsieur le ministre, mais aussi à l’ensemble du Gouvernement, au Président de la République et à sa majorité ?
Je ne reviendrai pas sur la tromperie bien connue d’EDF-GDF.
Je suis cependant étonné de ne pas avoir entendu, au cours des débats, de référence au passionnant rapport relatif à l’avenir de La Poste publié en octobre 1997 par M. Gérard Larcher, alors grand spécialiste de la majorité sénatoriale en matière de poste et de télécommunications.
Mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, a pourtant rappelé aux bons souvenirs du Sénat des éléments de ce rapport dans le cadre de la discussion générale.
M. Larcher s’opposait alors à la transformation en société anonyme de La Poste, transformation qu’il nommait « sociétarisation ».
Je vous rappelle ses propos : « Est-ce à dire que tout comme pour France Télécom, une sociétarisation présenterait un intérêt pour les postiers, pour La Poste et pour la nation ? Il ne le semble pas. »
Pourquoi une telle évolution depuis ? Pour respecter les exigences européennes ? Les directives communautaires n’exigent pas de changement de statut. Pour pouvoir recevoir les aides de l’État, ce que ne permettrait pas le statut d’EPIC ? Cette ineptie a été ravalée au rang qu’elle méritait.
Je crains malheureusement que ce ne soit la mondialisation financière et l’émergence croissante de l’argent-roi qui aiguisent les appétits.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
La crise ne change pas la donne. Les centaines de milliards envolés, les dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires n’y font rien, le capital a besoin de nourriture pour croître !
La Poste est en ligne de mire et la multiplication de ces contre-vérités grossières ne pourra dissimuler cette vérité : pour Nicolas Sarkozy et ses amis, les services publics sont à vendre, et il y a beaucoup de clients !
Nous voterons donc résolument contre cet article 1er, car nous voulons que La Poste demeure un bien commun. Nous rejetons la nouvelle société chère à M. Estrosi, celle où les intérêts privés prennent le pas sur l’intérêt général !
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article.
Depuis lundi, nous nous sommes efforcés de faire prendre conscience à nos collègues de la majorité sénatoriale du danger que représente l’adoption de l’article 1er de ce projet de loi.
Le statut d’EPIC de La Poste est le dernier garde-fou à éliminer. La transformation de l’établissement public en société anonyme fera sauter un verrou, ce qui permettra par la suite, bien que le Gouvernement ainsi que M. le rapporteur s’en défendent, d’ouvrir, par une autre loi, le capital de La Poste à des intérêts privés.
La Poste est privatisable, et c’est d’ailleurs l’objet de l’article 1er que d’ouvrir une telle possibilité !
Nous y sommes totalement opposés, comme nous n’avons cessé de le dire depuis plusieurs mois déjà.
De plus, vous n’avez pas apporté la preuve que La Poste était dans l’incapacité de se développer dans le cadre juridique actuel.
Je rappelle également qu’aucune législation-cadre européenne n’oblige la France à changer le statut de La Poste. Ce n’est pas parce que les autres États européens ont mis en place des sociétés anonymes que nous devons obligatoirement faire de même !
En outre, si la question des fonds propres et de leur amélioration mérite d’être soulevée, la solution ne réside pas nécessairement dans un changement de statut.
En effet, l’Union européenne autorise les États membres à apporter des aides aux postes, dès lors qu’il s’agit de compenser leurs obligations de service public dans deux domaines particuliers : la présence postale, d’une part, le transport et la distribution de la presse, d’autre part.
Jusqu’à présent, nous constatons que l’État n’a jamais apporté, en loi de finances, les sommes nécessaires pour que La Poste exerce la première mission et que celles qu’il consacre, en loi de finances initiale, au transport et à la distribution de la presse sont insuffisantes.
Des crédits plus importants devraient être votés dans le cadre de la loi de finances initiale. Mais L’État s’y refuse, alors qu’une telle décision serait conforme à la législation européenne et que nous le réclamons chaque année à l’occasion de l’examen des crédits des missions !
Le changement de statut correspond donc à une volonté politique du Gouvernement français, et non pas à une demande de l’Union Européenne ! Ce choix dogmatique repose sur l’idéologie selon laquelle il n’y a de salut pour la poste française que dans le cadre d’une société anonyme !
Nous sommes parfaitement opposés à cette orientation et voterons donc contre l’article 1er.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'article.
On crie « Parlez sans papier ! » sur de nombreuses travées de l ’ UMP.
Il me semble judicieux de revenir sur ce que le Gouvernement perçoit comme une nécessité.
La Poste pourrait-elle, en demeurant un EPIC, trouver les ressources internes et externes nécessaires à son développement ? Le parallèle avec l’évolution du cadre juridique d’autres EPIC est ici éclairant.
Un texte en particulier me semble pertinent dans le cadre du débat qui nous occupe : la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, qui a notamment transformé la SNCF, alors société d’économie mixte, en EPIC.
Il me semble opportun de rappeler, pour l’information de tous, que RFF et la SNCF sont bien des EPIC, et non pas des sociétés anonymes, contrairement à ce qu’affirmait hier au soir M. Patrice Gélard.
De plus, les directives européennes, si libérales soient-elles, n’ont jamais imposé à un opérateur du service universel, dans quelque domaine que ce soit, d’adopter à tout coup le statut de société anonyme par actions !
Les directives européennes visant à mettre en œuvre la fameuse « concurrence libre et non faussée » n’ont jamais porté sur la nature juridique des entreprises intervenant en matière de services publics !
L’article 24 de la LOTI dispose d’ailleurs que « la Société nationale des chemins de fer français reçoit des concours financiers de la part de l’État au titre des charges résultant des missions de service public qui lui sont confiées en raison du rôle qui est imparti au transport ferroviaire dans la mise en œuvre du droit au transport et de ses avantages en ce qui concerne la sécurité et l’énergie. Elle reçoit également des concours des collectivités territoriales, notamment en application des dispositions de l’article 22 de la présente loi ainsi que de l’article 67 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ».
La SNCF remplit des missions d’aménagement du territoire, et les points de contact de La Poste participent de cette même obligation !
Rien n’empêche La Poste de bénéficier de ressources publiques pour adapter ses structures, moderniser ses activités et améliorer constamment la qualité du service rendu.
Et rien n’empêche d’inscrire ces principes dans la loi, où ils ne figurent d’ailleurs peut-être pas encore avec la précision nécessaire, contrairement à la loi d’orientation des transports intérieurs qui, elle, les affirme expressément.
Enfin, La Poste, quand elle ne dégage pas suffisamment de marge pour autofinancer ses investissements, et donc son développement – Dieu sait qu’elle le fait, notamment quand elle ferme des centres de tri départementaux pour les remplacer par les fameux centres « Cap Qualité Courrier » ! –, fait appel à l’endettement.
Cet endettement reste mesuré, soit dit en passant, puisqu’il ne représente, pour le coup, que quelques mois d’activité de l’ensemble du groupe ! En effet, la dette de La Poste s’élève à près de 6 milliards d’euros : à la fin de 2008, elle se décomposait en une dette obligataire de 5, 591 milliards d’euros et une dette liée à la situation des personnels – correspondant à la provision pour les retraites des fonctionnaires de La Poste – d’un montant de 1, 384 million d’euros. En regard, le chiffre d’affaires du seul secteur courrier s’élève à 11, 53 milliards d’euros et le chiffre d’affaires de l’ensemble du groupe La Poste atteint les 20, 8 milliards d’euros !
Cette dette présente donc un coût apparent relativement faible, aux alentours de 5 % rapportée à l’encours. Nous ne sommes donc même pas convaincus, dans les faits, que le choix de La Poste de s’endetter pour investir ne soit pas moins onéreux, dans la pratique, que celui qui résulterait de l’attribution de dividendes fondés sur la diffusion d’un capital démembré en actions.
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à voter contre cet article 1er.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l’article.
Nous arrivons au terme d’un débat qui s’est manifestement apaisé par rapport à hier soir. Cependant, malgré les efforts des uns et des autres, nous devons faire le constat que les lignes n’ont pas bougé !
D’un côté, M. le ministre, en s’appuyant sur les options gouvernementales, essaie de nous faire croire que le changement de statut de La Poste a une portée purement technique, affirmant vouloir garantir avant tout l’efficacité économique. De l’autre côté, dans les rangs de la gauche, nous constatons, derrière ce « changement technique », un véritablement changement de nature politique. J’emploie cette épithète dans son sens le plus élevé, car il s’agit bien ici de la gestion de la cité.
Vous prenez donc inévitablement le risque de rompre avec une conception du service public qui est la nôtre, bien sûr, mais qui est aussi partagée par d’autres sensibilités politiques, rompant du même coup ce lien indéfectible que cette conception entretient avec l’histoire de notre peuple et de la République.
Si ce changement de statut est adopté, nous sommes persuadés – peut-être nous trompons-nous – que nous mettons le doigt dans un engrenage : à terme, par souci de rentabilité, comme nous l’avons expliqué ce matin, La Poste risque de se voir en quelque sorte aspirée vers le bas. C’est ainsi que le bureau de plein exercice devient une agence postale communale, qui devient ensuite un point relais commercial, qui lui-même devient...on ne sait quoi !
Au-delà de l’altération du service rendu à la population, il est intéressant de constater que la recherche du profit aura inévitablement des conséquences directes, non seulement sur les conditions de travail, mais également sur l’effectif considérable des postiers, ces femmes et ces hommes qui, aujourd’hui, travaillent au service de l’immense majorité des Français.
Ces deux dérives représentent une altération de notre conception du service public. Or, c’est précisément la raison pour laquelle vous voulez prendre ce risque ; quant à nous, nous nous y refusons.
Nous sommes donc fermement opposés au changement de statut de La Poste, et nous voterons mécaniquement, mais avec beaucoup de conviction, contre cet article 1er.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l’article.
À aucun moment, durant ces deux jours de débats, je n’ai perçu de volonté de « pourrir la semaine ». Bien au contraire, le débat est sérieux : parce qu’il est idéologique, il est caractérisé, comme il se doit, par des désaccords. Quand on n’est pas d’accord, on échange des arguments, on essaie de convaincre l’autre partie, on essaie de l’écouter.
J’ignore si le vote qui va suivre montrera que nous avons été compris, mais je tiens à souligner que ce temps consacré à La Poste ne saurait se résumer à un « pourrissement » de la semaine. Mes chers collègues, si on aime La Poste, on peut lui consacrer du temps. La Poste le vaut bien, comme le dit la publicité !
Je regrette que, sur ce dossier, le Gouvernement avance masqué, car je pense que le passage au statut de société anonyme est la première étape d’une privatisation ultérieure, une privatisation annoncée.
Je sais que, lorsque M. le ministre, tout comme le précédent ministre des finances, dit que La Poste sera publique à 100 %, il le pense vraiment. Mais peut-être ne sera-t-il plus en fonction dans quelques mois, alors que La Poste, elle, sera devenue une société anonyme. Son successeur ne se sentira pas forcément lié par les engagements pris aujourd’hui. Après tout, le passé est le passé !
C’est précisément pour cela que nous avons voté l’amendement Retailleau !
M. Martial Bourquin. Cette transformation en société anonyme, vous allez le voir, va entraîner, dans les semaines qui viennent, une accélération des fermetures de bureaux de poste
Protestations sur les travées de l ’ UMP- Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG.
... et une accélération des suppressions d’emplois.
Tout à l’heure, M. le ministre nous a cité des statistiques sur les suppressions d’emplois, mais sur une période longue – voilà une preuve d’habileté rhétorique ! Ses chiffres étaient justes sur la durée, mais, si l’on examine les deux dernières années, les statistiques sont catastrophiques : 17 000 suppressions d’emplois, un plan social terrible !
Chers collègues de la majorité, vous qui allez voter cet article, soyez certains que vos électeurs, c’est-à-dire des élus, ne manqueront pas de vous reprocher à la première occasion d’avoir approuvé le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme, parce que le déménagement du territoire est en route et va s’accélérer ! Mais chacun prendra ses responsabilités !
L’EPIC, comme l’a remarquablement expliqué Michel Teston, offre une protection aux salariés, à la société, aux usagers de La Poste, dans ce monde libéral où le chacun-pour-soi est la règle, où les services publics sont dévorés. En un vote, cette protection va partir en fumée !
Après le temps de la distribution de l’argent que l’État n’a pas, viendra celui de la résorption des déficits. À ce moment-là, vous le verrez, on vendra au mont-de-piété les bijoux de famille !
Peut-être La Poste en fera-t-elle partie, mais cela ne suffira pas à régler la question des déficits, comme nous l’avons dit lors de la séance des questions d’actualité. C’est aussi pour cette raison que nous devons être lucides : vous verrez que les engagements pris aujourd’hui ne seront pas tenus. Comme l’a dit Michel Teston, le respect du parallélisme des formes fera qu’une loi viendra en démentir une autre.
Le statut d’EPIC a fait ses preuves à la SNCF, à la RATP ! On peut donc moderniser des entreprises sous ce statut : si le Gouvernement veut passer au statut de société anonyme, c’est bien qu’il y a anguille sous roche ! On nous prépare une privatisation ultérieure de La Poste, une purge libérale des services publics. Nous devons nous y opposer, et nous nous y opposons en votant contre ce changement de statut.
Non, nous n’avons pas voulu « pourrir » la semaine, mais nous sommes pleins de passion : nous aimons ce service public, nous avons envie de le conserver !
Nous pensons à ces facteurs qui, par tous les temps, portent le courrier de maison en maison, …
M. Martial Bourquin. … à ces agents qui, derrière les guichets, accueillent sans distinction l’ensemble des Français. Si, demain, ce service public n’existe plus, comme il n’existe déjà plus en Allemagne et dans les autres pays qui ont privatisé leur service postal, le peuple sera en droit de vous demander des comptes !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe socialiste, la deuxième, de la commission de l’économie, la troisième, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32 :
Le Sénat a adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 276, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’engagent à prendre en compte dans l’ensemble de leurs activités, les préoccupations environnementales. La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’efforcent de développer l’usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l’utilisation du courriel. Ils veillent à limiter leurs émissions de déchets. La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’engagent à financer la recherche en matière de développement durable.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 277.
J’appelle en effet l’amendement n° 277, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le groupe La Poste s’engage à prendre en compte, dans l’ensemble de ses activités, les préoccupations environnementales. Le groupe La Poste s’efforce de développer l’usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l’utilisation du courriel. Il veille à limiter ses émissions de déchets. Le groupe La Poste s’engage à financer la recherche en matière de développement durable.
Veuillez poursuive, madame Boumediene-Thiery, et présenter ces deux amendements.
L’un des deux principaux concurrents de La Poste, le hollandais TNT, compte 120 sites et affirme expédier chaque jour plus de 350 000 colis en France et à l’étranger.
Avec sa nouvelle stratégie de développement durable, La Poste a déjà pris de nombreuses décisions en faveur du développement soutenable et de la prise en compte de l’environnement.
Cependant, ces mesures ne suffisent pas. Il convient d’aller beaucoup plus loin et de faire en sorte que chaque décision des opérateurs du secteur postal puisse s’accompagner d’une véritable révolution des pratiques et des cultures d’entreprise, en plaçant l’écologie et la soutenabilité au cœur de ces décisions.
Comme je le disais plus tôt, il est impératif que cette exigence ne se limite pas à La Poste qui, en tant que prestataire du service postal universel, doit déjà répondre à de très nombreuses autres exigences. Il convient donc de l’étendre à l’ensemble des opérateurs du secteur, afin de ne pas voir la concurrence également faussée à ce niveau.
En clair, vous l’avez compris, mes chers collègues, il s’agit de permettre une réduction maximale des nécessités de transport et de livraison. Il n’y a pas besoin de livrer plusieurs fois par jour, au motif que plusieurs sociétés interviennent ! Il s’agit également de s’intéresser aux conditions de travail des hommes et des femmes de ce secteur. Pour nous, sénateurs Verts, soucieux de l’environnement, ces conditions de travail participent aussi de l’amélioration de la qualité de vie.
La Poste a pleinement pris conscience de l’objectif lié à la préservation de l’environnement, à laquelle le code des postes et des communications électroniques contraint tous les opérateurs postaux. Par ailleurs, ces derniers sont soumis, comme toutes les entreprises de notre pays, aux lois relatives à la protection de l’environnement et aux principes de la Charte de l’environnement. Leur activité ne justifie pas un régime particulier et le dispositif est déjà assez complexe.
Notre avis est défavorable sur les deux amendements.
Tout prestataire de services postaux doit respecter l’objectif de préservation de l’environnement. Cette disposition fournit un cadre suffisant pour pleinement prendre en compte les préoccupations environnementales.
À titre d’exemple, La Poste a mis en œuvre plusieurs mesures destinées à réduire les émissions de gaz carbonique, comme l’éco-conduite, le développement des véhicules électriques et le recours au TGV fret. D’ailleurs, dois-je le rappeler, 50 000 agents ont déjà bénéficié d’une formation à l’éco-conduite.
Je note également que les deux amendements visent à demander à La Poste de développer l’usage des courriels, ce qui, vous en conviendrez, madame Boumediene-Thiery, est en décalage avec son métier historique.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur les amendements n° 276 et 277.
Ces amendements, présentés par notre collègue Jean Desessard et les autres sénateurs Verts, posent des questions intéressantes, ayant toute leur place dans le débat qui nous occupe depuis quelques jours et semble devoir encore nous retenir un certain temps.
Comme nous sommes soucieux de ménager des conditions normales au débat parlementaire, cette explication de vote vaudra pour les deux amendements, chers collègues.
Les préoccupations environnementales sont au cœur de la démarche des entreprises publiques. De toute évidence, cette affirmation, pratiquement de l’ordre du principe, ne peut, dans une société légitimement préoccupée par les questions d’environnement, qu’appeler quelques observations.
Depuis fort longtemps, La Poste montre l’exemple.
Ainsi, les enveloppes des services financiers sont désormais réalisées en papier recyclé et l’on a décidé de donner un « signal prix » fort aux détenteurs de comptes chèques postaux en facturant l’envoi des relevés hebdomadaires d’opérations sur formule papier. Le souci écologique s’est parfaitement doublé d’un effort de liaison entre les coûts et le prix des prestations, puisque, désormais, seule la délivrance de relevés mensuels d’opérations bancaires est gratuite.
C’est autant de papier consommé en moins, autant de bois et de forêts préservés, et c’est, pour les récalcitrants qui continuent de recevoir des relevés hebdomadaires, autant de frais bancaires à payer ! D’ailleurs, pourquoi continuer de s’attacher à la délivrance de relevés bancaires sur papier quand il est si simple, pour une personne habitant dans l’une des « zones blanches » de notre territoire numérique, de consulter l’état de son compte postal sur Internet ?
Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Cela étant dit, plus généralement, La Poste a effectivement accompli des efforts importants en matière de protection de l’environnement.
Elle a ainsi décidé de mettre en place un intéressant plan intitulé « Cap Qualité Courrier », ou CQC, qui consiste à mettre un terme à l’existence de centres de tri départementaux et à regrouper les opérations de tri sur des sites industrialisés en nombre plus limité – une quarantaine sur l’ensemble du territoire national –, mais, bien entendu, plus performants.
Le problème vient du fait que les centres de tri départementaux avaient comme particularité, pour le moins étonnante, d’être généralement situés à proximité immédiate des principales gares SNCF du pays. Ainsi, on trouvait des centres de tri postal dans les gares de Paris, …
… à Toulouse Matabiau, Marseille Saint-Charles, Bordeaux Saint-Jean, Montpellier Saint-Roch, Angers Saint-Laud ou Limoges Bénédictins, pour ne citer que quelques exemples.
La Poste a, depuis, abandonné cette synergie naturelle avec la SNCF et déplacé ces nouveaux centres industriels de tri « Cap Qualité Courrier » dans des localités en général non desservies par le train. Résultat écologiquement compatible ? Ces centres CQC étant plus éloignés des gares, le tri du courrier exige aujourd’hui l’utilisation massive de véhicules de transport routier, dont l’impact environnemental n’est évidemment pas si positif que cela...
Par ailleurs, même si les bâtiments, conçus au-delà de l’échelle humaine, qui abritent les centres CQC sont parfois primés pour leur usage de matériaux recyclés, le reste n’est manifestement pas écologique. Je pense notamment à la gestion des personnels, qui sont en permanence soumis à des horaires atypiques et décalés au seul motif de tenir les objectifs de qualité affichés par le groupe. De plus, comme ces centres de tri de nouvelle génération ne sont généralement pas situés à proximité de transports en commun adaptés, les mêmes agents sont contraints d’utiliser leur véhicule personnel.
La logique économique qui anime la conception générale du traitement du courrier – c’est le cœur de métier de La Poste – et qui, pour reprendre la délicieuse expression de Jean Paul Bailly, consiste à faire du service public « le meilleur service pour chacun » est, de notre point de vue, parfaitement incompatible avec la responsabilité environnementale et le respect des engagements tant du Grenelle de l’environnement que des termes de la Charte de l’environnement.
Pour tous ces motifs, nous voterons évidemment ces deux amendements de nos collègues, amendements qui devraient au demeurant, si tant est que le Sénat soit conséquent avec lui-même, recueillir l’assentiment général.
L'amendement n'est pas adopté. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roger Romani.