L’alinéa 5 de l’article 1er soumet La Poste aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dès le 1er janvier 2010 avec l’ouverture du capital, à hauteur de 3 millions d’euros.
De notre point de vue, c’est la première étape vers une privatisation totale. Et encore, lorsque j’évoque une « première » étape, je devrais sans doute nuancer mon propos.
En effet, la libéralisation du service postal a été préparée par une succession de restructurations, notamment la séparation de l’activité colis, puis de l’activité courrier de l’activité grand public, la réorganisation du tri autour de grandes plateformes automatisées, la fermeture de nombreux bureaux, le tout s’accompagnant de la création d’une véritable nébuleuse de filiales.
Une étape importante de cette privatisation avait déjà été franchie avec la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, qui transposait avec un zèle particulier deux directives communautaires de 1997 et de 2002 visant à instaurer un cadre pour le marché postal dont l’ensemble des activités s’ouvrent à la concurrence, à l’exception d’un petit secteur réservé à l’opérateur historique.
Aujourd’hui, avec cette ouverture du capital, l’État confirme son désengagement : il n’entend plus consacrer de moyens au service public de La Poste.
Pour nous, il s’agit là d’un choix purement idéologique qui s’inscrit dans la droite ligne de la réduction des dépenses publiques. Demain, les actionnaires dicteront leur loi. De plus en plus, il faudra vendre des produits plutôt que d’assurer les missions de service public. Les personnels, quant à eux, seront soumis à l’obsession du rendement, les automates se multiplieront, ainsi que les agences postales communales et les relais postaux chez les commerçants.
Pendant ce temps, les files d’attente s’allongeront – elles sont déjà longues dans les rares bureaux de plein exercice – pour envoyer un mandat, déposer ou retirer de l’argent sur un compte de La Banque postale ou obtenir un conseil personnalisé.
Les usagers, devenus des clients, attendront en vain le facteur dans des communes rurales ou des banlieues exclues du droit à communiquer.
En matière d’emploi et de conditions de travail, la dégradation est déjà très parlante. La « modernisation » a consisté à supprimer 40 000 emplois en cinq ans, à supprimer des tournées de facteurs et à fermer des guichets et des bureaux.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, La Poste et le service rendu aux usagers se dégradent depuis des années. Et c’est justement fait pour préparer la privatisation ! Par conséquent, et contrairement à ce qu’on veut nous expliquer aujourd’hui, il est bien évident que, si La Poste devient une société anonyme où entreront bientôt des capitaux privés, cette « évolution » ne pourra que s’accentuer.
Pour toutes ces raisons, l’amendement que nous vous invitons à adopter vise à conserver à La Poste un régime juridique spécifique au regard de l’importance de ses missions de service public.