À l’occasion de ce débat sur l’article 1er du présent projet de loi, il nous semble indispensable de vous rappeler que rien n’oblige à privatiser La Poste. Certes, vous vous en défendez, monsieur le ministre, mais, dans la réalité, vous demandez bien au Parlement de vous signer un chèque en blanc. Rien ne vous empêcherait désormais de diminuer la participation du Gouvernement à l’entreprise publique.
Le risque n’est pas nul. En effet, le 10 juin 2003, M. Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, s’était autorisé à faire cette déclaration aux parlementaires français : « La transformation du statut d’EDF, telle qu’elle est prévue par le projet de loi, va au-delà des exigences de la Commission européenne et répond au libre choix du gouvernement français. »
Il avait également souligné que la Commission ne critiquait pas ce choix, mais qu’elle ne l’imposait pas non plus.
Nous sommes bien dans une situation similaire.
D’ailleurs, la législation européenne, singulièrement la troisième directive postale, n’oblige pas le gouvernement français à privatiser La Poste.
En effet, selon la communication de la Commission européenne sur les services d’intérêt général en Europe du 26 septembre 1996, « la neutralité à l’égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels [est] garantie par l’article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d’intérêt général, et n’impose donc aucune privatisation. » C’est très clair.
M. Mario Monti avait également rappelé un autre élément : l’article 295 du traité instituant l’Union européenne précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n’appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres.
De même, rien dans la nouvelle communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 sur les services d’intérêt général, qui résume la philosophie de la Commission, ne suggère une telle option.
En outre, le rapporteur, conservateur, du Parlement européen, M. Markus Ferber, fervent partisan de la libéralisation totale du secteur postal, a clairement confirmé à l’issue du vote que l’Union européenne avait été capable de garantir à tous les citoyens, y compris aux habitants des régions faiblement peuplées, le maintien du service postal universel dans un environnement libéralisé.
Il s’agit bien d’une « libéralisation » et non d’une « privatisation », a-t-il souligné. Ne soyez donc pas plus libéraux que les ultralibéraux !