Intervention de Odette Terrade

Réunion du 5 novembre 2009 à 22h00
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 2

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Cet article 2 a pour objet de définir les missions de service public dont La Poste est chargée. Loin de constituer une avancée, cet article est une simple compilation de dispositions existantes dont l’unique objectif est d’afficher que La Poste, même transformée en société anonyme, sera chargée de missions de service public.

Ces missions sont au nombre de quatre : fourniture du service universel postal, aménagement du territoire – c'est-à-dire présence de La Poste sur l’ensemble du territoire national –, distribution de la presse et accessibilité bancaire.

Monsieur le ministre, vous nous garantissez que ces missions, telles qu’elles sont reconnues par le projet de loi, seront préservées, et qu’elles seront même renforcées. Permettez-nous d’en douter, pour une simple et unique raison : elles ne seront plus financées.

En effet, alors que l’existence d’un secteur réservé permettait de financer l’accomplissement du service universel, celui-ci est purement et simplement supprimé par ce texte, au nom des impératifs communautaires de concurrence totale dans les activités postales.

Le fonds de compensation, dont le principe a été posé dans la loi relative à la régulation des activités postales, n’est toujours pas institué. À ce titre, des doutes subsistent sur sa capacité éventuelle à assurer un financement suffisant des obligations liées à la fourniture du service universel. En Italie, la création d’un tel fonds s’est révélée un échec.

Un fonds finance également la mission d’aménagement du territoire. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il n’est pas suffisamment abondé pour faire face au défi de la présence postale. Chaque année, plus de 100 millions d’euros restent à la charge de La Poste pour le financement de cette mission. Qu’en sera-t-il lorsque la taxe professionnelle aura été supprimée par votre majorité puisque, je le rappelle, ce fonds est abondé par l’exonération de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste ?

Continuons cette liste, fort intéressante. L’aide à la presse va décroître de manière conséquente à partir de 2015. Et je ne parlerai pas de la fameuse accessibilité bancaire, dont les objectifs ont été laminés par la loi de 2005, qui prévoit l’obligation pour l’opérateur public d’offrir des services bancaires au plus grand nombre et non plus à tous, comme c’était le cas précédemment.

Nous le voyons bien, il manque à La Poste des financements pérennes pour remplir ses missions de service public. De cela, il n’est point question dans le projet de loi. En effet, au-delà de l’ouverture du capital, rien n’est prévu de manière durable. C’est donc juste une aide ponctuelle qui est envisagée par ce gouvernement.

L’État prévoit certes d’investir 1, 2 milliard d’euros dans La Poste, mais cette somme correspond uniquement au manque à gagner qu’il lui inflige depuis des décennies.

De plus, comment ne pas deviner, notamment à la lecture du rapport de la commission Ailleret, que les missions de service public vont décliner puisque La Poste sera incitée à être en équilibre sur ces prestations ? Cet équilibre ne pourra être obtenu qu’au détriment de l’aménagement du territoire, de la présence postale, de l’accessibilité bancaire et de l’aide à la presse.

Ne nous racontons pas d’histoires ! La transformation en société anonyme et l’ouverture à la concurrence vont priver l’opérateur en charge de missions de service public des moyens de les assumer. Nous ne pouvons donc croire à vos bonnes intentions.

Vous rappelez également dans cet article que La Poste est un groupe public. Soit, mais jusqu’à quand ? On connaît dorénavant la chanson… De plus, par « groupe public », on entend simplement signifier que la part détenue par des personnes publiques doit rester supérieure à 50 %. Dès lors, quelle garantie cette disposition offre-t-elle pour l’avenir de La Poste, qui est aujourd’hui détenue à 100 % par l’État ?

Les sénateurs du groupe CRC-SPG ne peuvent cautionner un tel recul pour La Poste et ses missions de service public. C’est pourquoi ils ont déposé des amendements visant à préciser les missions de service public, notamment concernant le réseau des points de contact.

Cela ne les empêche pas de rester opposés sur le fond à cet article, qui entérine la fin du service public à la française tel qu’il est assuré par La Poste aujourd’hui.

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