Intervention de Georges Patient

Réunion du 5 novembre 2009 à 22h00
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 2

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des missions de service public de La Poste se pose aussi avec une très grande acuité dans les outre-mer du fait de leur configuration géographique, de leur situation économique, d’un marché restreint et de leur éloignement par rapport au territoire métropolitain. C’est un fait reconnu. C’est d’ailleurs pourquoi les départements d’outre-mer ont été inscrits en tant que « zones prioritaires » au titre de la mission d’aménagement du territoire de La Poste. Pourtant, la situation de La Poste est loin d’être satisfaisante au regard des différents critères listés.

Hier, en réponse aux différentes interventions sur la motion référendaire, M. Estrosi a cité la Guyane pour illustrer son souci d’élargir le maillage territorial de La Poste dans toutes les zones du territoire français, surtout dans les zones les plus isolées, comme celles qui se situent à la frontière amazonienne.

La Guyane se singularise, il est vrai, par sa configuration géographique : un territoire continental immense avec beaucoup de zones enclavées, accessibles soit par le fleuve, soit par avion.

En dépit des déclarations de M. le ministre, force est de constater que la Guyane accuse un sérieux retard structurel en matière postale. Les chiffres sont parlants et saisissants : environ un bureau de poste pour 7 000 habitants, contre un pour 4 000 habitants en métropole.

Depuis plusieurs années, La Poste tient en Guyane un discours fondé sur l’ouverture à la concurrence, les directives européennes, la mondialisation et les réorganisations nécessaires liées à cet environnement. Sa logique d’intervention ou d’implantation est celle de n’importe quelle entreprise qui vise la rentabilité financière.

Il va donc sans dire qu’aucune des quatre missions de service public figurant dans ce texte, à savoir le service universel postal, le service public du transport et de distribution de la presse, la mission d’accessibilité bancaire et la mission d’aménagement du territoire, n’est remplie dans ce département. Je vais le démontrer à travers quelques exemples.

Le service universel postal et le service public du transport et de distribution de la presse, qui sont des services de base, déjà en difficulté, tendent à s’affaiblir de plus en plus en raison de la mutualisation forcée et non logique des moyens, de l’ouverture de relais-poste en lieu et place d’agences postales. Tous ces changements ne font que détériorer un service qui est loin d’être de qualité.

La mutualisation de communes éloignées conduit à accepter une offre postale de moindre niveau et oblige de fait les administrés à effectuer de nombreux kilomètres sur les routes et les fleuves. Ce sont les usagers qui sont les premières victimes de cette politique : beaucoup de files d’attente, un courrier à J+8, et encore… En conséquence, la grogne monte, et de plus en plus d’habitants dénoncent ces insuffisances de La Poste, comme ce fut le cas récemment en matière de distribution postale à Apatou, commune enclavée le long du fleuve Maroni.

Concernant la mission d’accessibilité bancaire, la Banque postale reste souvent, pour les plus démunis, la seule banque où ouvrir un compte. Je rappelle que les prestataires de minima sociaux sont pour la plupart détenteurs d’un compte à La Poste.

Cependant, des questions se posent actuellement quant à la pérennisation de la Banque postale en raison de la mutualisation, une fois de plus très fréquente, de certaines activités avec les Antilles, voire la métropole.

Au centre financier de la Guyane, c’est le cas pour le traitement des dossiers financiers, qui dure plusieurs semaines.

En outre, il n’y a toujours pas de réelle accessibilité bancaire, et les problèmes relatifs à l’alimentation de fonds sont récurrents. Cette situation a d’ailleurs déclenché un mouvement de contestation en septembre dernier à Apatou, commune du fleuve Maroni.

J’en viens, enfin, à la mission d’aménagement du territoire, une mission qui prend tout son sens dans les zones fragilisées connaissant des problèmes d’isolement, d’enclavement.

En Guyane, pour les raisons que j’ai énoncées précédemment, cette mission est particulièrement importante. En effet, le nombre insuffisant de « points poste » par rapport à la configuration géographique rend difficiles les conditions de travail des agents, qui parcourent de nombreux kilomètres en voiture, à pied ou en pirogue. Récemment, deux facteurs âgés de quarante ans sont décédés d’une crise cardiaque, dont l’un durant son service. Sans émettre de conclusions hâtives, on peut toutefois s’interroger sur ces événements.

Aussi, je suis certain que la privatisation de La Poste, avec son corollaire, la recherche de la rentabilité financière, ne fera qu’aggraver une situation qui est déjà très fragile et pénalisera une fois de plus les ultramarins. Nous connaissons l’attachement fort des populations d’outre-mer à l’un des derniers services publics garantissant à chacun, quelle que soit sa situation sociale ou géographique, un accès égalitaire à un bureau de poste, à la distribution du courrier ou encore à l’accessibilité bancaire.

Alors, au nom des principes d’égalité et d’équité, principes figurant dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de 1995, et tout particulièrement des principes « d’unité de la nation, de solidarité entre citoyens et d’intégration des populations », nous devons être certains que La Poste continuera à assurer ses missions de service public sur l’ensemble du territoire français et que l’État se portera garant de leur financement.

C’est le sens des amendements que je vous proposerai.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion