Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 17 janvier 2006 à 16h00
Convention internationale pour la protection des obtentions végétales — Adoption d'un projet de loi

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est demandé au Parlement d'autoriser la ratification de l'acte de révision de la convention de 1961, acte signé le 19 mars 1991. Un autre projet de loi venant traduire dans l'ordre interne nos engagements internationaux sera ensuite examiné le 2 février 2006 par le Sénat.

Notons, d'ores et déjà, que la France est liée par le règlement CE n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, qui reprend les dispositions de la convention de l'Union pour la protection des obtentions végétales, ou UPOV, révisée en 1991. Ce règlement a été discuté loin de cette assemblée mais n'a pas manqué de susciter de nombreuses réactions critiques de la part de plusieurs organisations professionnelles et syndicats intervenant dans le secteur agricole.

L'examen du projet de loi n° 144 autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales est donc l'occasion pour notre assemblée de débattre enfin des enjeux liés à la réglementation de la propriété des espèces végétales.

Cette réglementation, même si elle a été améliorée à la marge grâce à la vigilance et à la lutte de professionnels du secteur, soulève encore un certain nombre de problèmes.

L'un des enjeux majeurs concerne la question des semences de ferme. Je tiens dès à présent à dire quelques mots à ce sujet car, contrairement au rapporteur, notre collègue Jean Puech, nous ne pensons pas que la question soit réglée ni par l'accord interprofessionnel sur le blé tendre signé en 2001 ni par la « cotisation volontaire obligatoire », dont l'appellation même reflète justement les incohérences.

Rappelons que, dès 1991, les obtenteurs et les multiplicateurs, lors de la conférence diplomatique de l'UPOV, ont cherché à interdire l'utilisation de semences fermières.

L'UPOV prévoyait, jusqu'en 1991, deux exceptions au système des droits de propriété intellectuelle spécifique aux semences : la recherche - un obtenteur ne peut pas demander de redevance si on utilise sa semence pour créer une nouvelle variété - et les fermiers, autorisés à utiliser leur semence. Depuis 1991, l'exception agricole est laissée à la discrétion des États et a d'ailleurs failli disparaître. Son caractère facultatif l'expose à nouveau à ce risque. Vous venez d'ailleurs de le reconnaître, madame la ministre, en précisant que la France « pourra ».

En réalité, en présentant la recherche comme le seul moyen de résister à la concurrence extérieure, les lobbies des obtenteurs et des organismes qui se trouvent derrière eux espèrent la mise en place d'un marché national de semences certifiées pour établir un monopole profitable à eux seuls et entraîner notre agriculture vers les hybrides et les organismes génétiquement modifiés, les OGM.

Or, le risque réel de ce mouvement est un recul de la diversité génétique, un financement qui pourrait être exclusivement orienté vers les OGM, avec toutes les dérives que l'on connaît, comme le contrôle de la reproduction des semences par des procédés tels que la technologie « Terminator ».

Plus généralement, le texte de 1991, en renforçant les droits de l'obtenteur et en diminuant parallèlement ceux des exploitants, vient renforcer nos craintes relatives à un système déjà problématique.

En effet, ce texte étend notablement les droits de l'obtenteur, la protection concernant la variété transformable en elle-même, entendue de manière très large, avec la notion de « variétés essentiellement dérivées de la variété protégée ».

À ce titre, on ne peut pas nier la prise en compte par le texte des modifications génétiques des espèces végétales. Il est donc important que cette question soit abordée dans les débats à venir, sans attendre le projet de loi spécifique aux OGM.

Ensuite, les champs matériels et temporels de la protection sont sensiblement étendus. Ainsi, c'est la totalité des genres ou espèces végétaux qui peuvent être concernés, et ce pour des délais minimaux de vingt à vingt-cinq ans. Tout laisse à penser que l'on cherche à instaurer des rentes au profit des obtenteurs, rentes largement déconnectées des efforts de recherche, comme en témoigne d'ailleurs le secteur de la pomme de terre.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, et nous attendons énormément des débats à venir sur cette question intrinsèque. Le monde végétal constitue une part essentielle du monde vivant. Les modifications et améliorations que l'homme peut y apporter par la science et la recherche ne peuvent souffrir de comparaison avec la recherche industrielle. En un mot, ce qui est vital pour l'homme ne peut être soumis à la marchandisation.

Compte tenu de ces remarques, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra par précaution sur ce projet de loi, en attendant le débat du 2 février 2006.

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