Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 23 janvier 2008 à 15h00
Pouvoir d'achat — Article 2

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

L'article 2 du projet de loi vise à permettre le déblocage des sommes attribuées au titre des régimes de participation dans les entreprises qui les appliquent. Pour les autres entreprises, le versement d'une prime exceptionnelle est prévu par l'article 3. Comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi, « la synchronisation des deux mesures (...) au premier semestre 2008 vise à garantir leur lisibilité optimale et un effet rapide et massif sur le pouvoir d'achat des salariés ». Or, de cela nous doutons fortement, monsieur le ministre !

C'est désormais un grand classique des périodes de ralentissement de l'activité : pour faire repartir l'économie, les trois gouvernements auxquels vous avez appartenu ont tous joué régulièrement aux éclusiers et ouvert en grand les vannes de l'épargne salariale. En effet, il ne s'agit ni plus ni moins que de la troisième vague de déblocage en quatre ans.

Ainsi la mesure que nous examinons maintenant est-elle identique à celle qu'avait fait voter M. Sarkozy en 2005, alors qu'il était ministre des finances du gouvernement Villepin. Il me semble donc judicieux d'observer les résultats d'hier pour avoir une idée de son impact demain. Hélas, force est de constater que le résultat de la mesure de 2005 est loin d'être probant.

En effet, son effet sur le plan économique a été limité puisque, sur les 7 milliards d'euros débloqués, seulement 1, 3 milliard à 1, 5 milliard d'euros ont alimenté le circuit de la consommation. Le reste, les salariés l'ont placé sur des plans d'épargne logement ou des livrets d'épargne. Les incertitudes économiques et financières conduisent effectivement les particuliers à mettre l'accent sur l'épargne plus que sur la consommation. Le taux d'épargne des ménages français reste à un niveau particulièrement élevé : il a atteint 16 % l'an dernier. Or, tous les économistes sont d'accord pour le dire, les incertitudes de la conjoncture militent en faveur d'une épargne de précaution. Cette propension des Français à l'épargne ne risque donc pas de changer dans le contexte actuel !

Incontestablement, le « choc de croissance » attendu par le Président de la République n'a pas eu lieu et les prévisions pour 2008 laissent peu de place à l'optimisme ; à titre d'exemple, selon l'INSEE, l'évolution du pouvoir d'achat ralentirait au premier semestre 2008, jusqu'à atteindre 1, 2 % en rythme annuel, et le regain d'inflation, avec un pic de 2, 8 % en février, y serait pour beaucoup.

De surcroît, monsieur le ministre, le dispositif que vous nous proposez est terriblement inégalitaire, le nombre des salariés qui relèvent d'accords de participation étant estimé entre 10 millions et 12 millions. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir qu'un certain nombre d'entreprises ayant récemment franchi le cap des cinquante salariés ne verse toujours pas de participation et que, dans certaines PME disposant de peu de fonds propres, la réserve de participation n'est pas liquide et ne peut donc pas être ponctionnée pour être distribuée de manière exceptionnelle.

En fait, vous faites une erreur fondamentale en traitant la participation comme une cagnotte. Cela me surprend toujours de devoir rappeler à ceux qui sont censés être les héritiers du gaullisme les fondements de la participation et de l'intéressement, à savoir encourager une certaine collaboration entre capital et travail.

Dans cette optique, l'épargne salariale a une valeur inestimable pour la cohésion sociale au sein des entreprises qui la pratiquent. En effet, elle repose sur une conception de la société où le salarié est considéré comme un partenaire - si tel pouvait être le cas partout ! - avec lequel l'entreprise s'efforce de bâtir une relation de partage : partage du savoir avec la formation ; partage du pouvoir, afin de lui permettre de prendre des initiatives et de mettre en pratique ses « bonnes idées » ; partage de l'avoir, car la participation récompense la contribution au résultat de l'entreprise et s'ajoute au salaire, qui rémunère le travail.

Loin de cette idée originelle, vous vous servez aujourd'hui de la participation et de l'intéressement comme d'un palliatif pour ne pas répondre à la vraie question, celle des salaires ; c'est une question qui exigeait, il est vrai, une conférence salariale, laquelle aurait dû être la priorité au lendemain de l'élection présidentielle.

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