Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 28 octobre 2010 à 15h00
Indépendance du président de la république et des membres du gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, préoccupation constante des responsables politiques, la volonté d’écarter tout soupçon d’enrichissement par une sujétion à la sphère économique a fait l’objet de plusieurs évolutions législatives.

La loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est une concrétisation de cette volonté. Un candidat à une élection ou un parti politique ne peuvent plus recevoir de dons de la part d’une personne morale. De plus, afin de démontrer que leur fonction n’a pas été source d’enrichissement personnel, les élus sont soumis à une obligation de déclaration de leur patrimoine au début et à la fin de leur mandat. Ce mécanisme de contrôle est même renforcé à l’égard des candidats à la présidence de la République. En effet, à peine de nullité de leur candidature, les candidats sont tenus de remettre au Conseil constitutionnel une déclaration de leur situation patrimoniale.

Par la suite, la loi du 8 février 1995 a étendu cette obligation de déclaration aux membres du Gouvernement et aux titulaires de certaines fonctions. Comme l’affirmait récemment le Président de la République : « Il ne suffit pas que la République soit irréprochable. Il faut encore qu’elle ne puisse même être suspectée de ne pas l’être ».

À cet égard, le texte présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et plusieurs membres du groupe CRC-SPG vise à renforcer la transparence entre le monde politique et le monde des affaires.

Compte tenu de la rectification apportée par ses auteurs pour transformer la proposition de loi en proposition de loi constitutionnelle, deux dispositions sont proposées en un article unique : la première vise à interdire au Président de la République et aux membres du Gouvernement, pendant toute la durée de leur mandat, de recevoir des dons de personnes morales ; la seconde a pour objet de soumettre les dons des personnes physiques au régime de déclaration obligatoire.

Comme l’a souligné notre rapporteur, Patrice Gélard, si cette proposition de loi constitutionnelle se fixe l’objectif légitime d’encadrer des cadeaux et des avantages en nature dont le Président de la République et les membres du Gouvernement pourraient être les destinataires, son dispositif comporte d’importantes lacunes.

Le texte qui est soumis à notre examen comporte deux limites majeures, d’une part, quant à son opportunité, d’autre part, quant à l’efficacité de son dispositif.

Tout d’abord, ce texte semble prématuré. Sur l’initiative du Président de la République, une commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été mise en place en vue de traiter la question de la régulation des relations entre les responsables politiques et le milieu des affaires. Présidée par M. Jean-Marc Sauvé, la commission doit rendre ses conclusions avant le 31 décembre 2010. Il serait donc peu opportun de légiférer sur cette question avant même que la commission n’ait achevé ses travaux.

Par ailleurs, le mécanisme que ce texte prévoit serait inopérant. En effet, il présente une profonde vacuité en proposant de soumettre les membres de l’exécutif à l’interdiction de percevoir des dons sans qu’il ait été prévu de sanctions pour les cas où ce dispositif ne serait pas respecté.

De plus, la notion d’« avantages en nature » ne saurait fonder juridiquement une telle interdiction, tant ses acceptions sont floues et pourraient faire l’objet d’une interprétation extensive. Comme l’a présenté notre rapporteur à titre d’exemple, avec un tel mécanisme, « il serait interdit [aux membres de l’exécutif] de se rendre en vacances chez des amis si ceux-ci ont acheté leur maison sous la forme d’une société civile immobilière : les SCI étant des personnes morales, le fait de jouir d’une habitation ainsi constituée tomberait en effet sous le coup de l’interdiction de recevoir des avantages en nature procurés par des personnes morales ».

Nous voyons bien ici que les faiblesses de cette proposition de loi constitutionnelle pourraient conduire à des situations absurdes et induire des sanctions totalement disproportionnées, d’autant plus que ce texte se heurte à la nécessaire protection de la vie privée des membres de l’exécutif.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi constitutionnelle.

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