Je tiens à saluer le travail que Pierre Martin a effectué et à le féliciter d’avoir été à l’initiative d’un texte qui, comme il vient de nous l’exposer, vise, d’une part, à rappeler le rôle essentiel des chasseurs en matière de préservation de la biodiversité et, d’autre part, de manière plus concrète, à améliorer la pratique de la chasse.
Ce texte, élaboré un peu plus d’un an après la dernière loi relative à la chasse, la loi du 31 décembre 2008, dont j’étais à l’origine, constitue le sixième texte relatif à la chasse en un peu plus de dix ans. Est-il vraiment utile ? Ma réponse est clairement oui, car le monde de la chasse est confronté à un double contexte que vous connaissez tous, mes chers collègues, et que vient d’évoquer Pierre Martin.
En premier lieu, on assiste à une diminution constante du nombre de chasseurs, qui a été divisé de moitié en à peine une génération. Les pratiquants sont en effet moins de 1, 3 million aujourd’hui, alors qu’ils étaient le double dans les années 1970. Il n’y a qu’un seul moyen d’agir face à cela : il faut rendre la chasse toujours plus accessible et toujours plus attractive.
En second lieu, le rôle et la place des chasseurs en tant qu’acteurs de la préservation de la biodiversité ont évolué, cette évolution étant inextricablement liée à la baisse de leur nombre.
Des états généraux de la chasse se sont tenus à Paris en février dernier. Plusieurs d’entre nous y ont d’ailleurs assisté et votre intervention, madame la ministre, y a été très appréciée. Ces états généraux ont été l’occasion de débattre du rôle et de la place de la chasse dans la société d’aujourd’hui et de demain, et d’analyser, en toute logique, l’évolution majeure qui a caractérisé le début du XXIe siècle : l’émergence du concept même de biodiversité.
Au cours de ces dernières années, les acteurs concernés sont parvenus à trouver un équilibre agro-sylvo-cynégétique, qui s’est traduit par une volonté de protéger et de restaurer les zones humides, d’indemniser les dégâts de gibier et, enfin, d’améliorer et de moderniser la gestion de la pratique de la chasse. Ce serait une erreur de le remettre en cause.
Dans ce double contexte, cette proposition de loi courte et efficace a le mérite de remédier aux insuffisances de la législation en vigueur et de conforter le rôle des chasseurs.
J’apporterai deux précisions avant d’examiner ce texte.
Tout d’abord, l’élaboration de ce texte a fait l’objet, cher Pierre Martin, d’une réelle concertation en amont. J’ai eu, en tant que rapporteur, l’occasion de m’en rendre compte au fil des auditions – une vingtaine – que j’ai effectuées.
Ensuite, comme vous le savez sans doute, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a inscrit à son ordre du jour une proposition de loi déposée près d’un an après celle que nous examinons aujourd’hui et qui reprend l’essentiel de ses dispositions. Ce procédé, qui n’est pas très élégant, ne doit pas nous empêcher d’examiner sereinement et sérieusement notre texte.
Pierre Martin ayant très bien exposé les enjeux de sa proposition de loi, je serai bref et me concentrerai sur les modifications apportées par la commission de l’économie.
La proposition de loi initiale comportait huit articles. Elle en comporte toujours huit : en effet, la commission de l’économie a supprimé un article, mais elle en a inséré un nouveau.
Sur mon initiative, la commission de l’économie a étendu le champ d’application de l’article 1er aux fédérations régionales des chasseurs. En effet, ces dernières mènent, au même titre que les fédérations départementales et interdépartementales, des actions d’information et de sensibilisation en matière d’environnement : il est donc nécessaire de l’inscrire dans le code de l’environnement.
La commission a également adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction de l’article 2 visant à faire bénéficier les installations de chasse situées en zone humide de l’exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties prévue par le code général des impôts afin d’inciter à la préservation des zones humides. Aujourd’hui, ces territoires ne peuvent en bénéficier par principe, dans la mesure où la condition de préservation de l’avifaune est réputée incompatible avec la pratique de la chasse, ce qui est surprenant. L’article 2, tel qu’il a été rédigé par la commission, précise donc clairement que cet engagement de gestion n’exclut pas, par principe, la pratique de la chasse.
L’article 3, sur lequel est longuement intervenu l’auteur de la proposition de loi, remplace la notion d’ « écosystème » par celle de « biodiversité ». Il a été adopté sans modification.
L’article 4 traitant d’un sujet particulièrement important, permettez-moi de m’y arrêter un instant.
Il existe en France entre 700 et 800 territoires non chassés, territoires privés et publics, communaux ou appartenant à l’État. Certains de ces territoires sont très étendus, comme les terrains militaires. Ces zones posent le problème, soulevé depuis plusieurs années déjà, des dégâts provoqués par le gibier qui s’y accumule. Ces dégâts représentent environ 1, 5 million d’euros à la charge des fédérations départementales, soit 5 % de leur facture annuelle. En outre, le gibier qui s’accumule sur ces territoires non chassés provoque non seulement des dégâts agricoles, mais également des dégâts matériels et humains en raison des nombreux accidents qui en découlent, comme l’a fort justement souligné François Patriat lors de la réunion de la commission.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors de la discussion des articles, mais l’article 4 règle un problème important. Il prévoit que le préfet peut, à la demande de la fédération de chasse, imposer le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux au propriétaire de l’un de ces territoires qui ne régule pas ou ne procède pas à la régulation des animaux présents sur son territoire alors que ceux-ci causent des dégâts. En cas de refus du propriétaire, le préfet pourra exiger une indemnisation financière.
L’article 5 apporte de la souplesse au dispositif de regroupement des associations communales de chasse agréées en une seule association intercommunale. Ces associations ont aujourd’hui la possibilité de se regrouper, mais en gardant chacune leur personnalité propre. Cet article leur permettra de fusionner si elles le souhaitent.
Quant à l’article 6, qui vise à assouplir les modalités d’adhésion aux ACCA, la commission de l’économie en a adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction, fondée sur une proposition, que je qualifierai de très responsable, des ACCA elles-mêmes. Il s’agit d’éviter les effets néfastes de la désertification humaine dans certaines communes. En effet, des pans entiers du territoire pourraient se trouver privés de toute forme de gestion cynégétique.
Aujourd’hui, lorsque vous achetez un terrain soumis à l’action d’une ACCA, le droit de chasser est transféré à l’ACCA et vous ne pouvez en disposer. Le nombre de membres des ACCA ne cesse donc de diminuer. Tel qu’il est désormais rédigé, l’article 6 prévoit deux cas de figure. Si l’acquéreur achète l’intégralité de la propriété, il est alors reconnu membre de droit de l’ACCA, s’il en fait la demande. Si l’acquéreur achète une partie de cette propriété, et si cette fraction est supérieure à 10 % du seuil d’opposition en vigueur pour le département – taux suggéré par les ACCA elles-mêmes et non imposé par le Parlement –, il est reconnu membre de droit de l’ACCA. Même si le taux est inférieur à 10 % – cerise sur le gâteau ! –, l’ACCA peut, dans ses statuts, prévoir que le nouvel acquéreur pourra devenir membre de l’association.
À l’article 7, qui prévoit de rectifier une erreur matérielle concernant la réfaction sur la redevance cynégétique pour les nouveaux chasseurs, la commission de l’économie a introduit, sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, la possibilité pour tout détenteur d’une validation départementale de son permis de chasser d’obtenir une validation d’un jour valable dans un autre département.
Cette mesure est un petit clin d’œil aux chasseurs qui n’est pas inutile. La chasse se pratique en effet en grande convivialité. Très souvent, on est invité et on renvoie l’invitation. Grâce à cette mesure, on peut obtenir l’autorisation d’aller chasser dans un département voisin pour une journée.
L’article 8 initial de la proposition de loi, qui prévoyait un rapport du Gouvernement sur les modalités d’un éventuel suivi par l’Observatoire national de la délinquance des exactions commises par les extrémistes lors des chasses et des réponses pénales, a été unanimement rejeté par la commission, en accord avec Pierre Martin – que j’avais auditionné par téléphone dans la période difficile qu’il a traversée –, dans la mesure où le décret prévoyant le délit d’entrave à la chasse a enfin – et je vous en remercie, madame le ministre – été publié le 4 juin 2010.
Il a été inséré, à mon initiative, un article additionnel visant à combler une lacune à l’article L. 141-1 du code de l’environnement. Ce nouvel article précise que les fédérations régionales et interdépartementales des chasseurs sont, comme les fédérations départementales, éligibles à l’agrément au titre de la protection de l’environnement.
Voilà en quelques mots, mes chers collègues, l’essentiel des propositions de la commission, qui modifient ou entérinent les articles du texte initial présenté par notre collègue Pierre Martin.