La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse, présentée par M. Pierre Martin (proposition n° 355, texte de la commission n° 444, rapport n° 443).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Martin, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il y a plus d’un an, le 15 mars 2010, je déposais, sur le bureau de notre Haute Assemblée, une proposition de loi que j’ai aujourd’hui l’honneur de vous présenter. Je suis très heureux, vous vous en doutez, que ce texte puisse enfin être examiné.
Cette proposition de loi comporte huit articles et vise, d’une part, à promouvoir une gestion plus efficace de la biodiversité et, d’autre part, à moderniser la législation pour permettre aux chasseurs de mieux accomplir leur mission d’intérêt général.
Lorsque je déposais cette proposition, mes chers collègues, l’année 2010 avait justement été consacrée « année internationale de la biodiversité » et il m’était alors apparu nécessaire de rappeler la contribution de la chasse à la gestion des espèces et des espaces.
Quelles que soient nos sensibilités au sein de cet hémicycle, je crois que nous avons tous le souci d’une gestion équilibrée des espaces naturels et d’une responsabilisation toujours plus grande de l’ensemble des acteurs intervenant dans la préservation de la biodiversité.
Avant de détailler le texte qui est soumis à notre examen aujourd’hui, je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles il a été élaboré.
Le premier élément sur lequel je voudrais insister est la diminution croissante du nombre de chasseurs, qui a été divisé par deux en moins de trente ans. Si la France reste le premier pays de chasseurs en Europe, devant l’Espagne et l’Italie, elle a toutefois vu le nombre de pratiquants passer de 2, 4 millions au milieu des années soixante-dix à environ 1, 3 million en 2008. Cet élément doit être pris en compte pour rénover la pratique de la chasse : il est impératif de trouver des moyens de la rendre plus attractive et plus accessible, aux jeunes notamment.
Par ailleurs, les deux années qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 2008 pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, dite « loi Poniatowski », ont permis de mettre en lumière certaines insuffisances en matière de pratique de la chasse et l’inadaptation de certaines dispositions en vigueur, faiblesses auxquelles nous pouvons aujourd’hui remédier.
Je suis intimement persuadé que le législateur doit avoir une approche pragmatique, avec le souci constant d’améliorer des dispositifs qui, une fois entrés en application sur le terrain, font apparaître un certain nombre de difficultés. Nous sommes des élus locaux, nous devons être attentifs à la bonne application des normes générales sur nos territoires.
C’est dans cet esprit que j’ai entrepris, notamment en tant que président du groupe d’études Chasse et pêche au Sénat, d’apporter des réponses aux difficultés rencontrées sur le terrain par les chasseurs. Ma démarche a privilégié la concertation. J’insiste sur ce point, car il me semble absolument indispensable, sur un sujet comme la chasse, de consulter l’ensemble des acteurs concernés et de recueillir leurs observations concrètes pour faire avancer les choses dans le bon sens…
… sans éveiller de polémiques inutiles et surtout contreproductives. J’ai donc travaillé avec les chasseurs, les associations communales de chasse agréées, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et l’ensemble des acteurs contribuant sur le terrain à une gestion équilibrée de la biodiversité.
Le texte issu de ce long travail de concertation ne révolutionne pas l’exercice de la chasse. Il n’en a pas l’ambition. Il prétend, au contraire, contribuer modestement, mais efficacement, à une amélioration de sa pratique et à une mise en valeur du rôle des chasseurs en matière de biodiversité. C’est un texte court, précis et pragmatique. Il n’entend rallumer aucune polémique, ni revenir sur des équilibres acquis. Il vise simplement à adapter ce droit séculaire qu’est le droit cynégétique aux évolutions contemporaines, à le simplifier pour permettre une pratique de la chasse démocratique, apaisée et responsable.
Venons-en maintenant au détail de la proposition de loi. Ses huit articles s’articulent autour de trois objectifs principaux.
Le premier objectif est une gestion plus efficace de la biodiversité, qui reconnaît le rôle essentiel des chasseurs, notamment dans la préservation et la gestion des zones humides ; le deuxième objectif est d’améliorer le fonctionnement institutionnel par le biais d’une réforme des modalités d’adhésion aux associations communales de chasse agréées, confrontées à une baisse constante de leurs membres qui pourrait aboutir à priver des pans entiers de territoires de gestion cynégétique ; le troisième objectif, enfin, plus concret et pragmatique, est de poursuivre la simplification du droit de la chasse.
Sur les huit articles initiaux, seul un a été supprimé en commission de l’économie, à l’initiative du rapporteur Ladislas Poniatowski : il s’agit de l’article 8 prévoyant que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les modalités que pourraient prendre un suivi des exactions commises en matière d’obstruction des activités de chasse par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
Le Gouvernement s’était fortement engagé devant notre assemblée en 2008 à créer par décret un délit d’entrave à la chasse afin de pouvoir apporter une réponse juridique à cette difficulté. Au moment où j’ai rédigé cet article, il n’avait toujours pas publié ce décret. C’est chose faite depuis, avec la parution du décret du 4 juin 2010, ce dont je me réjouis, tout en espérant qu’il fasse l’objet d’une application sans complaisance.
C’est donc avec mon approbation que le rapporteur a proposé de supprimer cet article devenu inutile en la forme, même si les exactions commises par les extrémistes des droits de l’animal n’ont pas cessé en dehors du cadre de la chasse.
Un article additionnel a également été introduit lors du passage en commission : il s’agit d’une simple précision, à laquelle je suis tout à fait favorable, concernant l’article L. 141-1 du code de l’environnement, qui ne mentionnait pas explicitement les fédérations régionales et interdépartementales de chasseurs au titre de l’éligibilité à l’agrément de protection de l’environnement, alors que c’était le cas de la fédération nationale et des fédérations départementales.
Quant aux autres articles, je me félicite aujourd’hui que l’esprit et les objectifs qui étaient les leurs dans ma proposition initiale aient été préservés, et même confortés, par la commission de l’économie.
Les articles 1er et 3 visent à reconnaître le rôle essentiel des chasseurs en matière de préservation de la biodiversité. À ce sujet, j’insiste sur le rôle éminent joué par les fédérations en matière d’information et d’éducation au développement durable, comme en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage. C’est un fait, sur le terrain, en 2010, quatre-vingts fédérations départementales et régionales ont été sollicitées localement sur l’éducation à l’environnement.
L’article 2, relatif à l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties situées en zone humide, a été précisé pour davantage d’efficacité pratique, et je m’en réjouis. L’objectif demeure : il s’agit de garantir sur le terrain la possibilité pour les installations de chasse situées dans une zone humide – de type tonne, gabion ou hutte – de bénéficier de l’exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties, la TFNB. Au contraire, aujourd’hui, ces dernières en sont a priori exclues au motif que le fait de pouvoir y chasser serait incompatible avec l’engagement de préservation de l’avifaune, qui fait figure de condition essentielle pour pouvoir en bénéficier.
Cet article, mes chers collègues, est très important : il répond à une réelle demande de la part des chasseurs, qui, dans de nombreux départements, vous le savez sûrement, ont été des précurseurs dans l’entretien et la restauration des zones humides. Pensez aux platières du nord de la France, aux marais de la Charente-Maritime ou du Médoc, ou encore aux lagunes des Landes !
Ce serait assurément un signal très fort et positif à envoyer aux chasseurs afin de les inciter à préserver ces zones humides, aujourd’hui menacées et dont on constate pourtant à quel point elles constituent des lieux privilégiés de préservation de la biodiversité en général, et pas seulement de la faune chassable – il faut insister sur ce point.
L’article 4, quant à lui, prévoit de régler enfin la question de l’accumulation du grand gibier dans les territoires non chassés, où celui-ci se réfugie avant de provoquer des dégâts matériels dans les champs voisins. La commission de l’économie a fort justement relevé lors de l’examen de cet article que cette accumulation occasionnait, outre des dégâts agricoles, de nombreux accidents de circulation.
Le préfet pourra désormais imposer, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux au propriétaire d’un territoire qui ne procède pas ou ne fait pas procéder à la régulation des espèces sur son fonds, lorsque ces dernières causent des dégâts.
Si ce prélèvement n’est pas fait, la responsabilité financière du propriétaire pourra être engagée. Il n’est pas possible de laisser les fédérations continuer de supporter seules le poids financier de l’indemnisation des dégâts. Par ailleurs, j’approuve le remplacement de la notion de « plan de tir » par celle de « prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux » effectué par la commission de l’économie.
Ce problème récurrent est, je le rappelle, très important : les dégâts financiers et humains causés par cette accumulation de gibier peuvent être considérables. Je tiens également à être tout à fait clair : cette mesure ne remet nullement en cause le droit à l’opposition cynégétique puisque le propriétaire peut refuser d’exécuter ou de faire exécuter son prélèvement. Dans ce cas, il est tenu d’assumer sa responsabilité environnementale et d’indemniser les dégâts agricoles commis par les animaux provenant de son fonds.
Les articles 5 et 6 permettent une meilleure organisation institutionnelle des associations communales de chasse agréées, les ACCA. L’article 5 autorise leur fusion en une seule association intercommunale. L’article 6 assouplit les modalités d’adhésion dans le cas de l’acquisition d’une propriété ou d’une fraction de propriété ayant fait l’objet d’un apport à la date de création de l’ACCA. Dans le cas où l’acquisition porte sur la totalité de ce territoire, le nouveau propriétaire sera membre de droit de l’ACCA s’il le demande. Dans le cas où ce dernier n’est acquéreur que d’une fraction de ce même territoire, il ne sera automatiquement membre de droit que si cette portion est supérieure au seuil d’opposition en vigueur dans le département. Dans le cas contraire, les modalités de son éventuelle adhésion sont déterminées par le règlement intérieur de l’ACCA.
Cette solution, qui va un peu plus loin que ma proposition initiale, est très satisfaisante, d’autant qu’elle émane des ACCA elles-mêmes. Ces dernières se sont saisies – et il faut s’en féliciter – du problème de la baisse du nombre d’adhérents, faisant ainsi preuve de leur capacité à s’adapter pour garantir une bonne gestion cynégétique dans la durée.
L’article 7, enfin, améliore la rédaction du dispositif introduit par la loi de 2008 sur la réfaction appliquée à la redevance cynégétique pour les nouveaux chasseurs. En outre, sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, la commission de l’économie a introduit à cet article la possibilité pour un chasseur détenteur d’un permis départemental validé pour un an d’obtenir une validation d’un jour valable dans un autre département.
Cette mesure, réclamée par les jeunes chasseurs notamment, va dans le sens d’une plus grande attractivité de la pratique de la chasse. J’y suis personnellement favorable dans son principe, sous réserve de prévoir un encadrement du dispositif. En effet, pour éviter le nomadisme des chasseurs et pour mettre en œuvre une organisation rationnelle de la délivrance de ces validations, il faudra déterminer précisément quelle fédération les délivre – s’agit-il de la fédération d’origine ou de la fédération d’accueil ? –, selon quelles modalités, etc. Au total, je juge cet ajout sympathique, mais assez difficilement applicable. Il existait déjà le permis de neuf jours et celui de trois jours. Nous inventons aujourd’hui le permis d’un jour sans avoir mesuré toutes ses implications.
Voilà rapidement brossé le détail de la proposition de loi que je suis heureux de voir arriver en discussion devant vous aujourd’hui. Elle ne transformera pas en profondeur le droit de la chasse – elle n’y a pas vocation –, mais, par petites touches, elle s’attache à atteindre l’objectif énoncé par Victor Scherrer dans le rapport intitulé Réinventer la chasse au 21 e siècle qu’il a rédigé pour le Conseil économique, social et environnemental : « la chasse, réinventée pour le 21e siècle, contribue à la restauration de la qualité écologique des territoires ruraux et au rétablissement de liens sociaux harmonieux ». Cet objectif doit être aujourd’hui le nôtre.
Mes chers collègues, je souhaite que votre vote soit identique à celui de la commission de l’économie afin de démontrer, une fois de plus, que le Sénat est une réelle force de proposition, d’adaptation et de modernisation, aujourd'hui au service de la chasse et du monde rural.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Joseph Kergueris applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 avril dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté à l’unanimité des présents la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse de notre collègue Pierre Martin.
Je me réjouis de voir notre collègue de retour dans notre hémicycle après une interruption de plusieurs semaines pour des raisons de santé : je le vois d’attaque, non pas pour chasser en l’occurrence
sourires
Je tiens à saluer le travail que Pierre Martin a effectué et à le féliciter d’avoir été à l’initiative d’un texte qui, comme il vient de nous l’exposer, vise, d’une part, à rappeler le rôle essentiel des chasseurs en matière de préservation de la biodiversité et, d’autre part, de manière plus concrète, à améliorer la pratique de la chasse.
Ce texte, élaboré un peu plus d’un an après la dernière loi relative à la chasse, la loi du 31 décembre 2008, dont j’étais à l’origine, constitue le sixième texte relatif à la chasse en un peu plus de dix ans. Est-il vraiment utile ? Ma réponse est clairement oui, car le monde de la chasse est confronté à un double contexte que vous connaissez tous, mes chers collègues, et que vient d’évoquer Pierre Martin.
En premier lieu, on assiste à une diminution constante du nombre de chasseurs, qui a été divisé de moitié en à peine une génération. Les pratiquants sont en effet moins de 1, 3 million aujourd’hui, alors qu’ils étaient le double dans les années 1970. Il n’y a qu’un seul moyen d’agir face à cela : il faut rendre la chasse toujours plus accessible et toujours plus attractive.
En second lieu, le rôle et la place des chasseurs en tant qu’acteurs de la préservation de la biodiversité ont évolué, cette évolution étant inextricablement liée à la baisse de leur nombre.
Des états généraux de la chasse se sont tenus à Paris en février dernier. Plusieurs d’entre nous y ont d’ailleurs assisté et votre intervention, madame la ministre, y a été très appréciée. Ces états généraux ont été l’occasion de débattre du rôle et de la place de la chasse dans la société d’aujourd’hui et de demain, et d’analyser, en toute logique, l’évolution majeure qui a caractérisé le début du XXIe siècle : l’émergence du concept même de biodiversité.
Au cours de ces dernières années, les acteurs concernés sont parvenus à trouver un équilibre agro-sylvo-cynégétique, qui s’est traduit par une volonté de protéger et de restaurer les zones humides, d’indemniser les dégâts de gibier et, enfin, d’améliorer et de moderniser la gestion de la pratique de la chasse. Ce serait une erreur de le remettre en cause.
Dans ce double contexte, cette proposition de loi courte et efficace a le mérite de remédier aux insuffisances de la législation en vigueur et de conforter le rôle des chasseurs.
J’apporterai deux précisions avant d’examiner ce texte.
Tout d’abord, l’élaboration de ce texte a fait l’objet, cher Pierre Martin, d’une réelle concertation en amont. J’ai eu, en tant que rapporteur, l’occasion de m’en rendre compte au fil des auditions – une vingtaine – que j’ai effectuées.
Ensuite, comme vous le savez sans doute, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a inscrit à son ordre du jour une proposition de loi déposée près d’un an après celle que nous examinons aujourd’hui et qui reprend l’essentiel de ses dispositions. Ce procédé, qui n’est pas très élégant, ne doit pas nous empêcher d’examiner sereinement et sérieusement notre texte.
Pierre Martin ayant très bien exposé les enjeux de sa proposition de loi, je serai bref et me concentrerai sur les modifications apportées par la commission de l’économie.
La proposition de loi initiale comportait huit articles. Elle en comporte toujours huit : en effet, la commission de l’économie a supprimé un article, mais elle en a inséré un nouveau.
Sur mon initiative, la commission de l’économie a étendu le champ d’application de l’article 1er aux fédérations régionales des chasseurs. En effet, ces dernières mènent, au même titre que les fédérations départementales et interdépartementales, des actions d’information et de sensibilisation en matière d’environnement : il est donc nécessaire de l’inscrire dans le code de l’environnement.
La commission a également adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction de l’article 2 visant à faire bénéficier les installations de chasse situées en zone humide de l’exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés non bâties prévue par le code général des impôts afin d’inciter à la préservation des zones humides. Aujourd’hui, ces territoires ne peuvent en bénéficier par principe, dans la mesure où la condition de préservation de l’avifaune est réputée incompatible avec la pratique de la chasse, ce qui est surprenant. L’article 2, tel qu’il a été rédigé par la commission, précise donc clairement que cet engagement de gestion n’exclut pas, par principe, la pratique de la chasse.
L’article 3, sur lequel est longuement intervenu l’auteur de la proposition de loi, remplace la notion d’ « écosystème » par celle de « biodiversité ». Il a été adopté sans modification.
L’article 4 traitant d’un sujet particulièrement important, permettez-moi de m’y arrêter un instant.
Il existe en France entre 700 et 800 territoires non chassés, territoires privés et publics, communaux ou appartenant à l’État. Certains de ces territoires sont très étendus, comme les terrains militaires. Ces zones posent le problème, soulevé depuis plusieurs années déjà, des dégâts provoqués par le gibier qui s’y accumule. Ces dégâts représentent environ 1, 5 million d’euros à la charge des fédérations départementales, soit 5 % de leur facture annuelle. En outre, le gibier qui s’accumule sur ces territoires non chassés provoque non seulement des dégâts agricoles, mais également des dégâts matériels et humains en raison des nombreux accidents qui en découlent, comme l’a fort justement souligné François Patriat lors de la réunion de la commission.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors de la discussion des articles, mais l’article 4 règle un problème important. Il prévoit que le préfet peut, à la demande de la fédération de chasse, imposer le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux au propriétaire de l’un de ces territoires qui ne régule pas ou ne procède pas à la régulation des animaux présents sur son territoire alors que ceux-ci causent des dégâts. En cas de refus du propriétaire, le préfet pourra exiger une indemnisation financière.
L’article 5 apporte de la souplesse au dispositif de regroupement des associations communales de chasse agréées en une seule association intercommunale. Ces associations ont aujourd’hui la possibilité de se regrouper, mais en gardant chacune leur personnalité propre. Cet article leur permettra de fusionner si elles le souhaitent.
Quant à l’article 6, qui vise à assouplir les modalités d’adhésion aux ACCA, la commission de l’économie en a adopté, à l’unanimité, une nouvelle rédaction, fondée sur une proposition, que je qualifierai de très responsable, des ACCA elles-mêmes. Il s’agit d’éviter les effets néfastes de la désertification humaine dans certaines communes. En effet, des pans entiers du territoire pourraient se trouver privés de toute forme de gestion cynégétique.
Aujourd’hui, lorsque vous achetez un terrain soumis à l’action d’une ACCA, le droit de chasser est transféré à l’ACCA et vous ne pouvez en disposer. Le nombre de membres des ACCA ne cesse donc de diminuer. Tel qu’il est désormais rédigé, l’article 6 prévoit deux cas de figure. Si l’acquéreur achète l’intégralité de la propriété, il est alors reconnu membre de droit de l’ACCA, s’il en fait la demande. Si l’acquéreur achète une partie de cette propriété, et si cette fraction est supérieure à 10 % du seuil d’opposition en vigueur pour le département – taux suggéré par les ACCA elles-mêmes et non imposé par le Parlement –, il est reconnu membre de droit de l’ACCA. Même si le taux est inférieur à 10 % – cerise sur le gâteau ! –, l’ACCA peut, dans ses statuts, prévoir que le nouvel acquéreur pourra devenir membre de l’association.
À l’article 7, qui prévoit de rectifier une erreur matérielle concernant la réfaction sur la redevance cynégétique pour les nouveaux chasseurs, la commission de l’économie a introduit, sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, la possibilité pour tout détenteur d’une validation départementale de son permis de chasser d’obtenir une validation d’un jour valable dans un autre département.
Cette mesure est un petit clin d’œil aux chasseurs qui n’est pas inutile. La chasse se pratique en effet en grande convivialité. Très souvent, on est invité et on renvoie l’invitation. Grâce à cette mesure, on peut obtenir l’autorisation d’aller chasser dans un département voisin pour une journée.
L’article 8 initial de la proposition de loi, qui prévoyait un rapport du Gouvernement sur les modalités d’un éventuel suivi par l’Observatoire national de la délinquance des exactions commises par les extrémistes lors des chasses et des réponses pénales, a été unanimement rejeté par la commission, en accord avec Pierre Martin – que j’avais auditionné par téléphone dans la période difficile qu’il a traversée –, dans la mesure où le décret prévoyant le délit d’entrave à la chasse a enfin – et je vous en remercie, madame le ministre – été publié le 4 juin 2010.
Il a été inséré, à mon initiative, un article additionnel visant à combler une lacune à l’article L. 141-1 du code de l’environnement. Ce nouvel article précise que les fédérations régionales et interdépartementales des chasseurs sont, comme les fédérations départementales, éligibles à l’agrément au titre de la protection de l’environnement.
Voilà en quelques mots, mes chers collègues, l’essentiel des propositions de la commission, qui modifient ou entérinent les articles du texte initial présenté par notre collègue Pierre Martin.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Joseph Kergueris applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, monsieur le président du groupe d’études Chasse et pêche et auteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, la production législative sur le sujet de la chasse est dense.
Au cours des dix dernières années, ce ne sont pas moins de cinq lois qui lui ont été consacrées : deux lois « chasse » en 2000 et 2003, la loi relative au développement des territoires ruraux en 2005, une nouvelle loi « chasse » en 2008 – sur votre initiative, monsieur le rapporteur – suivies enfin en 2009 de mesures prises à l’occasion de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.
Cette abondance législative prouve, à elle seule, l’importance que le Parlement reconnaît à cette activité, qui recouvre de multiples facettes.
La chasse contribue à la gestion de la biodiversité. Par ailleurs, et cela participe du même mouvement, elle est de première importance pour les hommes et les femmes qui s’y adonnent et qui sont attachés, de ce fait, à leur territoire. Cette activité, enfin, est majeure du fait de son importance sociale et de son poids économique. La chasse générerait – même si c’est toujours difficile à mesurer – 23 000 emplois et 2, 3 milliards d’euros de flux financiers.
Le législateur pourrait s’inquiéter, comme il le fait sur d’autres sujets, de l’abondance législative dont je viens de faire état.
Après tout, cinq lois en dix ans, n’était-ce pas suffisant pour améliorer le corpus législatif, pour faire en sorte que les chasseurs puissent exercer leur passion dans les meilleures conditions, pour adapter la chasse française aux dispositifs communautaires et internationaux ?
Comme l’a rappelé M. Martin, la chasse est une activité vivante. S’il ne s’agit pas aujourd’hui de révolutionner le droit de la chasse, un certain nombre d’adaptations intéressantes et importantes peuvent être apportées à ce droit, notamment pour tenir compte du souhait accru, que nous partageons tous, de préserver notre environnement.
Je voudrais tout d’abord rappeler que les chasseurs sont des acteurs et des défenseurs de la biodiversité, comme je l’ai souligné, ainsi que M. le rapporteur, lors des états généraux de la chasse le 16 février dernier. Et ce rappel n’est pas que symbolique ou déclaratoire.
Il convenait de mieux l’expliciter dans la loi. Il s’agit d’une évidence pour les acteurs du monde de la chasse, mais pas forcément pour les autres, qui ne le connaissent pas nécessairement bien.
Cette loi est ainsi l’occasion de reconnaître l’action de toutes les fédérations de chasseurs en faveur de la conservation de la biodiversité, y compris celle des fédérations régionales et interdépartementales.
Tel est le sens des articles 1er, 3 et 8 bis de la présente proposition de loi, ce dernier article ayant d’ailleurs été ajouté en commission à l’initiative du rapporteur.
Cette démarche va, me semble-t-il, dans le bon sens. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai signé le 3 mars 2011 l’arrêté qui accorde à la Fédération nationale des chasseurs, la FNC, son agrément la reconnaissant comme association de protection de l’environnement.
L’article 2, relatif à l’exonération de la taxe foncière concernant les territoires aménagés pour la chasse en zones humides, poursuit le même objectif.
Permettez-moi de m’arrêter un instant sur cet article, qui est certes assez technique, mais qui mérite d’être explicité. La loi de 2005 visait à soutenir les terrains humides qui ne bénéficient pas de rémunération importante, comme par exemple les prairies humides, alors que les installations situées en milieux humides chassés, comme les tonnes, les gabions et les huttes, peuvent bénéficier de tarifs de locations élevés.
Il subsistait peut-être une certaine d’ambiguïté, car il n’était pas dans l’esprit de la loi de 2005 d’exclure ces terrains de l’exonération de la TFNB. Mon prédécesseur l’a confirmé en 2009 à votre rapporteur dans la réponse à une question écrite qu’il lui avait adressée.
Pourtant, je considère que ces milieux, parmi les plus menacés et souvent les plus dégradés de France, en raison de leur grande fragilité, peuvent utilement accueillir les chasseurs qui jouent un rôle important en matière de protection, d’entretien et parfois de restauration.
Il convient donc d’encourager leurs pratiques en ce sens. C’est l’objet de cet article que je soutiendrai avec, toutefois, un amendement de précision que je vous soumettrai.
Par ailleurs, il faut faciliter le fonctionnement institutionnel tout autant que l’accueil des nouveaux chasseurs. L’importance de ce mouvement a été soulignée par M. Martin, dans un contexte de diminution constante du nombre de chasseurs.
Il faut être cohérent. Si l’on considère – et c’est le cas ! – que les chasseurs participent d’une forme de protection de la biodiversité, la diminution de leur nombre, avec à terme le risque de disparition de cette activité, est un problème que nous voulons combattre.
Le monde cynégétique en milieu rural a beaucoup évolué. Il faut répondre à cette évolution et chercher de nouvelles dynamiques. Les propositions relatives au fonctionnement des associations communales de chasse agréées, que vous proposez aux articles 5 et 6, vont dans ce sens.
La proposition de loi rend également opérationnelle, dans son article 7, une disposition déjà adoptée dans la précédente loi « chasse » de 2008, visant à diminuer le coût du permis pour les jeunes chasseurs.
Je suis en revanche plus réservée sur l’ajout à cet article de la validation du permis d’un jour. Ni la FNC ni l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, me semble-t-il, ne sont demandeurs d’une telle disposition. Elle risque d’être administrativement assez compliquée à mettre en œuvre, alors qu’existe déjà la validation du permis dans un autre département pour trois jours à un coût très accessible, même pour les jeunes chasseurs. Il me semble donc que cette mesure est superfétatoire.
Enfin, MM. Martin et Poniatowski ont tous deux souligné la question, malheureusement récurrente, de l’indemnisation des dégâts de gibier. Je souhaite vous proposer un amendement à l’article 4, qui traite, à juste raison, de cette question, en complétant la responsabilité, déjà inscrite dans la loi, du titulaire d’un plan de chasse et d’une personne ayant marqué son opposition à la chasse par la responsabilité du détenteur du droit de chasse quand il ne chasse pas. Il sera ainsi plus facile de faire appel à sa responsabilité financière parce qu’il est effectivement injuste que les fédérations de chasse soient responsables financièrement de dégâts d’animaux qui prospèrent sur des terrains non chassés.
C’est déjà scandaleux qu’elles soient responsables des dégâts de gibier !
Enfin, vous avez relevé, monsieur le rapporteur et monsieur Martin, la suppression en commission de l’article 8.
Il s’agissait, me semble-t-il, d’un article d’appel, auquel le Gouvernement a d’ailleurs répondu en publiant le décret du 4 juin 2010 sur l’obstruction à la chasse. Je tiens à souligner que ce dispositif a été efficace : les chasses à courre, principales victimes de ce mouvement, qui souffraient d’une dizaine d’actes d’obstruction à la chasse il y a trois ans, n’ont été victimes lors de la dernière saison que d’une seule tentative d’obstruction.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble de ces dispositions nouvelles facilitera une contribution accrue de la chasse aux trois piliers du développement rural, tant il est vrai qu’au-delà de leur attachement profond à la nature et de leur contribution à une activité économique importante, les chasseurs jouent un rôle déterminant en matière de lien social.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on n’a jamais autant légiféré sur la chasse que durant ces dix dernières années, comme l’a fait remarquer Mme Kosciusko-Morizet.
Ceci procède d’un certain nombre de causes qui tiennent à l’évolution de nos territoires, de leur environnement, de leur démographie et du système juridique qui les régit. Elles tiennent aussi au fait que les chasseurs changent et qu’ils deviennent moins nombreux.
Ces évolutions obligent le droit à s’adapter pour favoriser la pérennité de cette pratique fortement ancrée dans la culture de nos territoires.
Le texte que nous nous apprêtons à examiner répond justement – et de manière pragmatique – à ce besoin d’adapter le droit de la chasse à cette évolution.
En premier lieu, je souhaiterais souligner qu’au-delà de son aspect social, culturel et de son statut de divertissement, la chasse contribue de manière singulière, sur nos territoires, à la gestion des espèces et des espaces naturels qui les abritent.
La pratique de ces dernières années a montré qu’un grand nombre de conventions ont été passées pour encadrer les pratiques de chasse, au regard de son impact tant sur l’environnement que sur la sécurité. Ceci a eu – je me plais à le constater, alors que je ne suis pas chasseur ! – des résultats tout à fait heureux en termes non seulement de sécurité, mais également de pacification de la relation avec ceux qui ne sont pas chasseurs.
Nous pouvons nous féliciter que ces bonnes pratiques, encadrées par les schémas départementaux cynégétiques, se soient ainsi généralisées chez les chasseurs. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en est l’aboutissement heureux. Je salue donc l’initiative de Pierre Martin de sceller et de reconnaître dans la loi la responsabilité des chasseurs dans leur contribution à l’entretien de l’environnement et au maintien de la biodiversité.
Pour entrer dans le détail, il nous faut souligner que depuis quelques années, et notamment à l’occasion du Grenelle de l’environnement, la gestion de la biodiversité est devenue une composante essentielle du développement durable, ce dont nous nous réjouissons tous.
Cette biodiversité s’apprécie naturellement en considérant la diversité des écosystèmes, des espèces et des populations, dans l’espace et dans le temps, ainsi que leur organisation et leur répartition.
Les chasseurs jouent un rôle indéniable, en permettant la régulation de certaines espèces, qui, si elles n’étaient pas tirées, pourraient porter atteinte à l’équilibre des écosystèmes. Je pense notamment aux sangliers. Bien sûr, cette régulation est encadrée, pour permettre à ces espèces de se reproduire.
Par ailleurs, les chasseurs participent à la préservation de la biodiversité par l’entretien qu’ils font des zones qu’ils parcourent, notamment, cela a été évoqué tout à l’heure, les zones humides.
La loi doit les encourager dans cette démarche par une fiscalité non discriminatoire des installations de chasse dans les zones humides.
L’impact au niveau fiscal est, de plus, peu déterminant au vu de l’importance de l’action des chasseurs dans la préservation et l’entretien des zones humides. Cette proposition va donc également dans le bon sens.
Enfin, toujours sur le rôle des chasseurs dans la régulation de la gestion des espèces, je souhaite revenir sur l’indemnisation, que vous avez évoquée, madame la ministre, des dégâts du grand gibier dans les territoires non chassés, aujourd’hui à la seule charge des fédérations départementales des chasseurs, ce qui ne peut durer.
L’attribution d’un plan de tir – ou devrais-je plutôt dire d’un plan de « prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux » au propriétaire de terrains non chassés – me semble une disposition nécessaire et permet de répartir les responsabilités des dégâts causés par le gibier de manière plus équitable.
En outre, les dispositions de la proposition de loi qui affectent directement la communauté des chasseurs, dont l’effectif est malheureusement en diminution, vont dans le bon sens. Nous le savons, la France a perdu plus d’un million de chasseurs entre 1974 et 2008. Il est donc indispensable d’adapter les modalités d’adhésion aux associations de chasse, afin de favoriser les nouvelles adhésions ou, du moins, d’en lever les obstacles potentiels.
À cette fin, il est indispensable de permettre, voire de suggérer, le regroupement au niveau intercommunal des associations de chasse communales. Ce mouvement va de pair avec la réalité de « l’intercommunalisation » de nos territoires ruraux. Les associations de chasse intercommunales permettent ainsi de promouvoir le rôle « social » de l’intercommunalité, au-delà de ses fonctions économiques et d’aménagement du territoire.
Par ailleurs, l’automaticité de l’adhésion à l’ACCA pour l’acquéreur d’un terrain situé sur le territoire de cette association me semble une évolution souhaitable dès lors que les micro-parcelles sont exclues de ce droit. Là encore, il s’agit d’une modernisation attendue du droit de la chasse.
Vous l’aurez compris, tout ce qui peut permettre de promouvoir de nouvelles adhésions et de développer ces associations, qui assurent un lien social important dans nos territoires et sont fortement ancrées dans la culture populaire, est pour moi une source de satisfaction.
Enfin, je me félicite de la suppression de l’article 8 par la commission. À mes yeux, un tel article, dont la rédaction pouvait se comprendre, avait l’inconvénient de raviver des conflits potentiels dans un texte pourtant empreint d’une belle sérénité. La commission a eu la sagesse de supprimer cette disposition à l’unanimité, ce dont je me réjouis. Au demeurant, madame la ministre, un décret de juin 2010 permet déjà de résoudre les problèmes que sont susceptibles de créer certaines pratiques des activistes de la cause animale.
Cela étant, le groupe de l’Union centriste votera en faveur de la proposition de loi, qui constitue un ensemble cohérent et garantit des pratiques respectueuses de l’environnement et des droits de chacun.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – M. Yvon Collin applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, monsieur le président du groupe d’études sur la chasse et la pêche, mes chers collègues, comme cela a déjà été souligné, un certain nombre de dispositions législatives portant sur la chasse ont été adoptées au cours de la dernière décennie.
Je pourrais ainsi mentionner des textes issus de projets de loi, comme la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, dite « loi Voynet », la loi du 30 juillet 2003 relative à la chasse ou la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dont l’objet est plus large.
Mais les évolutions les plus récentes du droit de la chasse sont effectivement d’origine parlementaire, à chaque fois sous couvert de « simplification ». C’est le cas de la proposition de loi n° 269 du sénateur Ladislas Poniatowski pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, qui a fait l’objet d’un vote conforme à l’Assemblée nationale en décembre 2008, ou de la proposition de loi n° 1085 de Jean-Luc Warsmann de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, qui a été adoptée en avril 2009.
Cette tendance se confirme avec la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse, que notre collègue Pierre Martin, sénateur de la Somme et successeur de Ladislas Poniatowski à la présidence du groupe d’études Chasse et pêche du Sénat, a présentée voilà plus d’un an. Si ce texte est adopté, ce sera la sixième loi relative à la chasse en onze ans ! Même si le sujet m’intéresse au plus haut point, je trouve que cela commence à faire beaucoup…
Notons d’ailleurs qu’une proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique a été récemment déposée à l’Assemblée nationale par Jérôme Bignon, lui aussi élu de la Somme et président du groupe d’études sur la chasse et le territoire, ainsi que par plusieurs de ses collègues. Le texte a été renvoyé à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et devrait être examiné par l’Assemblée nationale le 10 mai, c'est-à-dire après l’examen de la présente proposition de loi par le Sénat !
Comme la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale est plus récente que celle de M. Martin et comporte une dizaine d’articles en plus, nous pourrions croire que ses auteurs se sont inspirés des suggestions formulées lors des états généraux de la chasse du mois de février dernier. Apparemment, il n’en est rien. Cherchez l’erreur !
À présent, je souhaiterais évoquer les tables rondes qui ont été organisées sur la chasse, car elles ont soulevé quelques inquiétudes de notre part. Lors d’un précédent débat parlementaire, je m’étais quelque peu étonné de la représentation quasi monopolistique des formations politiques de la majorité de l’Assemblée nationale et du Sénat au sein de ces groupes de travail. Il m’avait alors été répondu – je vous renvoie aux comptes rendus de nos débats – que j’y serai associé ou, à tout le moins, que la famille politique à laquelle j’appartiens y serait représentée. Que je sache, en France, il n’est pas encore interdit aux socialistes de pratiquer la chasse !
Sourires
Nouveaux sourires.
Mêmes mouvements.
Au demeurant, d’après ce que j’avais pu comprendre, je devais normalement pouvoir compter sur le soutien d’un certain nombre de parlementaires de la majorité. Il n’en a rien été…
Pis encore, la plus récente des sept tables rondes qui se sont réunies a tenu ses travaux – je vous le donne en mille ! – en plein cœur de la campagne des élections régionales ! Elle n’a concerné essentiellement que deux territoires : la Picardie et les Landes. Et comme les perspectives de victoire électorale dans les Landes étaient quasi nulles pour la majorité présidentielle, autant « charger » ce département en y interdisant certaines pratiques cynégétiques ! Honnêtement, était-il vraiment indispensable de s’en prendre aux Landes pour autoriser ailleurs des prélèvements d’oies tout à fait compatibles avec la conservation de l’espèce et l’évolution des populations ?
C’est alors que j’ai compris toute la vilénie de la démarche : voilà pourquoi nous étions exclus de ces tables rondes ! Mes chers collègues, il ne faut pas utiliser ces réunions sur la chasse ou d’autres artifices de même nature pour pénaliser des territoires et en privilégier d’autres. D’aussi basses manœuvres politiciennes, qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général de la pratique de cet art dans notre pays, disqualifient ceux qui s’y livrent ! Au moment où le Sénat, et je rends hommage à mes collègues sur ce point, fait tout pour démontrer, s’il en était besoin, que la chasse est une pratique responsable, honorable et en pleine évolution, de telles méthodes nuisent profondément à son image. C’est très regrettable !
Cela étant, la proposition de loi de notre ami président du groupe d’études Chasse et pêche correspond tout à fait à la description qu’il en a faite avec le rapporteur : ce texte, qui n’a pas la prétention de révolutionner la pratique de la chasse en France, permettra tout de même d’en améliorer par petites touches la pratique, après concertation avec les ACCA. Nous devons rendre la chasse plus attractive auprès des jeunes, qu’elle séduit – il faut bien le reconnaître – de moins en moins.
La diminution drastique du nombre de chasseurs, qui a été évoquée, est un problème qui nous préoccupe et qui devrait aussi préoccuper le Gouvernement ; d’ailleurs, je vous ai bien entendue, madame la ministre. En effet, les chasseurs assurent bénévolement une mission de service public : la régulation des espèces. Qui s’en chargera quand il n’y aura plus de chasseurs ? Le Gouvernement, qui fera des battues administratives ? Avouez qu’il y a là un véritable problème.
Mais ce texte me paraît malgré tout important, car il rend possibles les fusions d’ACCA et introduit un certain nombre de clarifications.
Pour ma part, j’étais relativement proche de la position du Gouvernement sur la possibilité du permis d’un jour. Mais comme le permis de trois jours était peu coûteux, je me demande s’il n’aurait pas été préférable de le rendre encore plus accessible au lieu de lui substituer le permis d’un jour. Mais je suis convaincu que si nous avons la volonté d’aboutir, nous parviendrons à un accord.
Madame la ministre, permettez-moi de profiter de ce débat pour vous faire part de deux préoccupations majeures.
D’abord, j’ai été alerté par au moins une quarantaine de fédérations de chasseurs – je tiens la liste à votre disposition – sur les dégâts de gibier.
Un effet de ciseaux est à l’œuvre. D’un côté, nous avons une diminution drastique du nombre de chasseurs. De l’autre, nous avons un accroissement du gros gibier, doublé d’une augmentation des surfaces cultivées. Si l’on ajoute à cela l’évolution du prix des céréales, qui servent de référence au calcul de l’indemnisation, les fédérations, qui vivent du bénévolat et de la cotisation d’hommes et de femmes de condition modeste, n’ont plus la possibilité de faire face à la situation.
À cet égard, je souhaite vous faire part d’éléments objectifs.
Aujourd'hui, l’indemnisation des dégâts de grand gibier est un problème financier préoccupant pour les fédérations de chasse. Le budget dégâts est alimenté uniquement par les recettes du plan de chasse, par des ventes de bracelets et, au cas par cas, par un « timbre sanglier ». De plus en plus de fédérations sont contraintes d’appeler en plus une taxe territoriale pour équilibrer leur budget. L’augmentation des populations de sangliers partout en France provoque un accroissement des dégâts, et aucun signe ne laisse à penser que les populations de sangliers retrouveront leur niveau des années quatre-vingt.
Parallèlement, la population de chasseurs continue de baisser à un rythme stable, hélas ! de 2 % par an. Madame la ministre, il devient donc urgent de réfléchir à une réforme du système d’indemnisation des dégâts de grand gibier, faute de quoi les fédérations ne pourront plus assumer une telle mission de service public et certaines d’entre elles pourraient déposer le bilan.
S’il n’est pas question de revenir sur le principe de la loi, peut-être conviendrait-il en revanche de réexaminer le décret du 30 août 2006, qui fixe à soixante-seize euros le seuil au-dessous duquel un exploitant agricole ne peut prétendre à une indemnisation équivalente à une franchise.
En moyenne, l’ensemble des fédérations déboursent chaque année 22 millions d’euros d’indemnisation en plus de leur frais, soit un total supérieur à 40 millions d’euros.
L’idée serait de revenir à un système plus juste et plus en adéquation avec la réalité, en partant du postulat que la franchise de soixante-seize euros est anormalement basse. D’ailleurs, la caisse est alimentée seulement par les chasseurs bénévoles. Cela revient à fournir une assurance gratuite au monde agricole, madame la ministre.
Loin de moi l’idée d’engager une polémique ou un conflit entre le monde agricole et celui de la chasse. Ce sont deux mondes qui vivent étroitement imbriqués. Il est absolument nécessaire que nous trouvions une solution : il en va de la survie de nos pratiques et de nos passions.
Je dirai un mot des dérogations. Qu’il me soit permis de « zoomer » sur le Sud-Ouest, notamment sur l’Aquitaine et plus précisément sur les Landes. Madame la ministre, est-il scandaleux que des chasseurs vous réclament une étude scientifique pour mesurer l’évolution de certaines espèces ? Est-il scandaleux qu’ils vous demandent, comme je le fais moi-même à cette tribune, que le conseil régional d’Aquitaine et le conseil général des Landes, qui participeront au financement des frais de l’étude que vous avez décidée, puissent également choisir, comme vous, des experts à leur convenance afin que les résultats de ce travail soient parfaitement acceptés ?
Madame la ministre, faire voter 800 chasseurs à main levée pour qu’ils acceptent de suspendre définitivement des pratiques déclarées illicites à Paris – et elles le sont – ou à Bruxelles, parce qu’une espèce est en danger, n’est pas chose aisée ! Je vous invite à m’accompagner dans ces réunions, qui – vous le verrez – se déroulent dans la plus grande courtoisie, pour vous en convaincre. Une telle décision est en soi une grande évolution, car nous contestons, y compris de façon scientifique, les chiffrages qui permettent aux uns et aux autres d’affirmer que ces populations sont en diminution et en danger.
Nous aimerions notamment soumettre ces chiffrages à la méthode des isotopes.
Vous ne saviez peut-être pas que cette méthode était applicable en l’espèce, madame la ministre ! Nous sommes en mesure de prouver que les populations chassées ne correspondent pas à celles qui sont en danger. Je ne vous demande rien d’extraordinaire. J’attends simplement, s’agissant du pinson et du bruant, que des études nous permettent de régler au mieux le problème.
Je dirai un mot, en conclusion, sur les représentants de la chasse en France. J’éprouve beaucoup d’estime pour les défenseurs de la chasse et j’ai quelquefois une certaine confiance en eux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cet hémicycle. Néanmoins, la chasse ne se limite pas dans notre pays au seul département de la Somme, pas plus qu’elle ne se limite, sur le plan politique, à l’UMP !
Je suis donc un peu marri de constater que la chasse en France est représentée par cette seule formation politique, pour laquelle j’ai le plus grand respect, même si je la combats, et par ce seul département, pour lequel j’ai de l’affection, mais qui ne représente pas notre pays tout entier. Cela vaut également dans les instances représentatives de la chasse, mais c’est un autre débat…
Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste, après discussion des différents articles, apportera certainement son soutien à cette proposition de loi qui, malgré tout, va dans le bon sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi qu’au banc de la commission. – M. Joseph Kergueris applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, m’exprimer après Jean-Louis Carrère, qui s’est livré à un plaidoyer aussi vibrant que brillant, n’est pas chose aisée !
Nous abordons l’examen tant et très attendu de la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse, déposée par notre excellent collègue Pierre Martin le 15 mars 2010. Ce texte s’ajoute, cela a été dit et répété, à cinq lois successivement adoptées sur ce thème depuis 2000.
Pour autant, il s’agit d’un texte indispensable, car la chasse est plus qu’un simple loisir : c’est une activité qui participe pleinement à l’identité de notre territoire, plus particulièrement au dynamisme de nombreuses zones rurales. La France – ce n’est d’ailleurs pas le cas dans tous les pays –permet une chasse populaire, c'est-à-dire ouverte à tous ceux qui souhaitent la pratiquer, sous réserve de l’obtention d’un permis, bien entendu. C’est une tradition issue de la Révolution française que d’avoir dans notre pays une chasse démocratique, accessible à tous.
Loisir sportif, pratique ancestrale, la chasse est encore bien plus aujourd’hui.
En effet, depuis la prise de conscience collective de la nécessité de préserver l’environnement et de respecter la nature, la chasse est investie, de plus en plus concrètement, d’une mission de gestion de la biodiversité, ce qui lui impose des responsabilités dans le domaine de la gestion des habitats, de la régulation des espèces et, in fine, de la protection des écosystèmes. Soucieux de répondre aux nouvelles préoccupations de la société, les chasseurs, qui sont des gens intelligents, ont bien compris et très bien accepté cette nouvelle mission.
J’ajouterai que, au-delà de ses effets concrets sur l’équilibre écologique, cette vocation reconnue depuis plusieurs années maintenant contribue à apaiser les tensions avec ceux qui s’opposent à la chasse. C’est en tout cas ce que j’espère…
Il me semble, en effet, important que la chasse ne soit pas stigmatisée, non plus que les défenseurs de la cause animale d’ailleurs.
Madame la ministre, mes chers collègues, si la chasse a su s’adapter aux nouvelles attentes et aux nouveaux besoins de la société, si la chasse a su s’insérer dans des paysages parfois transformés, son cadre législatif n’est pas encore totalement adapté à ses nouvelles missions.
Pourtant, comme je l’ai dit au début de mon propos, le législateur s’est régulièrement penché sur la question de la chasse, en particulier depuis 2003, soit après l’adaptation des statuts types des fédérations de chasseurs auxquelles la loi du 26 juillet 2000 avait confié des responsabilités d’intérêt général.
Lors de l’examen de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, nous avions une nouvelle fois réaffirmé le rôle et la place des chasseurs, en précisant que ces derniers participaient au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. C’était une étape importante, qui a contribué à promouvoir une nouvelle vision de la chasse. Il était d’ailleurs temps de changer le regard que l’on portait sur nos chasseurs.
Enfin, nous avons ajouté une nouvelle pierre à l’édifice avec l’adoption à la fin de l’année 2008 de la loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse. Il s’agissait, notamment, de renforcer la portée juridique du plan de schéma départemental de gestion cynégétique. Le Tarn-et-Garonne – mon collègue Jean-Michel Baylet et moi-même en sommes particulièrement fiers – a été le premier département à conclure ce schéma en 2006.
Il s’agissait également d’encourager la pratique de la chasse, notamment auprès des jeunes, car l’activité connaît une décrue de ses effectifs déjà préjudiciable, dans certaines zones, à la maîtrise de la prolifération du gibier. Nous avions, par ailleurs, revu la gouvernance de la chasse en permettant, notamment, aux fédérations nationales et aux fédérations départementales d’être éligibles à l’agrément au titre de la protection de la nature. Je n’oublie pas de dire que nous avions également allégé les procédures administratives. C’était important, car la chasse est une activité de proximité, qui a besoin de souplesse dans son fonctionnement quotidien.
Aujourd’hui, si la proposition de loi est adoptée comme je l’espère, nous franchirons une nouvelle étape législative. Très attendu par les fédérations de chasseurs, le texte vise, d’une part, à poursuivre le mouvement de simplification que je viens d’exposer et, d’autre part, à renforcer encore et encore le rôle des chasseurs dans la préservation de la biodiversité. Je m’en réjouis.
Je ne vous cacherai pas que la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne, qui s’est réunie très récemment dans une excellente ambiance, approuve cette démarche sénatoriale, qu’elle préfère à la soudaine initiative des députés. (Les quatre parlementaires de mon département, au-delà des clivages partisans, ont également adopté cette position.
Il existe donc un consensus très large sur la proposition de loi de Pierre Martin. Vous l’avez souligné, mon cher collègue rapporteur, elle est le fruit d’une véritable concertation entre les principaux acteurs de la chasse, la Fédération nationale des chasseurs, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, et les associations communales de chasse agréées.
Je suis, pour ma part, satisfait de constater que si la commission de l’économie, présidée avec talent par notre collègue Jean-Paul Emorine, a amendé la plupart des articles, elle a conservé le fond des dispositions et respecté, c’est important, l’esprit du texte. C’est pourquoi je vous indique d’ores et déjà que l’ensemble des membres du RDSE voteront la proposition de loi.
L’article 1er tend à reconnaître la compétence des fédérations départementales de chasseurs en matière d’information et d’éducation au développement durable, ainsi qu’en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage. C’est déjà le cas pour la pêche, et il est donc logique de le faire également pour la chasse.
L’article 2 de la proposition de loi vise à introduire une disposition fiscale non discriminatoire pour pouvoir continuer à entretenir les zones humides, les zones maintenues en bon état par les chasseurs étant des zones privilégiées pour toutes les espèces aviaires, chassables ou non. Cette mesure, peu coûteuse pour l’État – ce point mérite d’être souligné, car il ne manquera pas de réjouir Mme la ministre ! – s’inscrit encore dans la perspective de préservation de la biodiversité.
Dans l’esprit de l’article 1er, l’article 3 vise à moderniser le code de l’environnement en précisant que la chasse peut contribuer à « une gestion équilibrée de la biodiversité ». C’est ici l’efficacité et donc l’utilité des chasseurs qui est reconnue, ce qui est aussi important.
L’article 4 énonce, me semble-t-il, la bonne formule pour mettre en place un outil juridique destiné à traiter les espaces non chassés ou sous-chassés, où prolifèrent certaines espèces au détriment des récoltes et des autres espèces, comme l’a rappelé Jean-Louis Carrère. La mesure est équilibrée, car elle respecte le droit à l’opposition cynégétique.
Quant aux articles 5 et 6, qui ont pour objet, d’une part, de promouvoir l’intercommunalité cynégétique et, d’autre part, d’assouplir les modalités d’adhésion à une ACCA, ils étaient très attendus. Il est en effet nécessaire de créer les conditions de la continuité de la gestion cynégétique, qui pourrait être à terme perturbée par la désertification rurale.
Enfin, la proposition de loi vise à apporter une réponse à l’ambiguïté créée par la rédaction du dispositif de diminution du coût du permis pour les jeunes chasseurs issu de la loi du 31 décembre 2008. L’article L. 423-21-1 du code de l’environnement a conduit à une déperdition importante de personnes qui ont réussi l’examen, mais qui n’ont pas validé leur permis. Il fallait remédier à cette difficulté, ce qui sera fait grâce à l’article 7 judicieusement complété lors de son examen en commission.
Mes chers collègues, toutes ces mesures, il n’est pas inutile de le répéter, vont dans le bon sens. Elles consacrent le rôle des chasseurs en tant que fins connaisseurs – on ne le rappelle jamais assez –, mais aussi en tant que protecteurs de la nature.
Comme l’a indiqué le Conseil de l’Europe en 2008, la chasse est essentielle à la préservation de la biodiversité et à l’équilibre des espaces ruraux. J’ajouterai que, dans un monde qui s’urbanise et se déshumanise un peu trop à mon sens, les chasseurs sont aussi les gardiens de l’identité des territoires menacés. Il faut non pas les décourager, mais plutôt les encourager dans leur pratique, dans le respect naturellement des convictions des uns et des autres. C’est bien le sens de cette proposition de loi, qui est tout à fait dans l’esprit de la très célèbre loi Verdeille. Tous les sénateurs radicaux de gauche et l’ensemble des membres du RDSE dans sa diversité l’approuveront donc.
Applaudissements
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble utile de préciser en propos liminaire que la chasse est un sujet si controversé que, parfois, nous sommes amenés à penser que moins on en parle et mieux on se porte !
Le sujet réveille chaque fois les passions des amoureux de la chasse, comme celles des anti-chasse de tout poil, toujours prêts à nous plumer.
Sourires
La proposition de loi de notre collègue Pierre Martin, président du groupe Chasse et pêche au Sénat, s’inscrit dans un paysage plutôt apaisé, ce qui ne signifie pas qu’il soit exempt de dangers.
L’article 1er du texte inscrit dans la loi les missions « d’information et d’éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu’en matière de gestion de la biodiversité ».
Ces missions, conduites par les fédérations départementales, sont réelles et ne demandent qu’à croître. Au-delà de la formation au permis de chasser, des interventions auprès des scolaires, des conventions avec le monde agricole, des millions de nos concitoyens utilisent la nature dans le cadre de leurs loisirs, tout en ignorant la diversité qu’elle recèle en matière de faune et de flore.
Sans prétention, et avec d’autres organisations, les fédérations de chasseurs sont particulièrement performantes pour le volet diversité faunistique et l’entretien des milieux où vit la faune sauvage.
Qui mieux qu’un technicien cynégétique pourra vous expliquer quelles espèces vivent cachées dans la nature, quelles sont leurs mœurs, quels indices de présence permettent de les détecter ? Au même titre qu’un mycologue pour les champignons ou qu’un ornithologue pour les oiseaux, leur rôle est essentiel pour une bonne connaissance et une protection intelligente des milieux naturels.
L’article 3 vient compléter ces missions par la reconnaissance du rôle de la chasse en matière de « gestion équilibrée des écosystèmes et de la biodiversité ». Tout se tient dans le mot équilibre et aucun chasseur n’a intérêt à déséquilibrer une espèce en faveur d’une autre, un espace au détriment d’un autre. À ce titre, l’équilibre agro-sylvo-cynégétique illustre bien ce qui doit être fait pour permettre à chacun des chasseurs, agriculteurs et forestiers de cohabiter en bonne intelligence.
Le milieu naturel est constamment façonné par l’homme, par les pratiques agricoles et forestières, modifié par l’évolution de l’urbanisme, restructuré par les différents modes de propriété. Les chasseurs doivent donc à la fois s’adapter à ces évolutions et collaborer avec les différents acteurs pour préserver la biodiversité et la possibilité de pratiquer leur loisir favori.
Chacun le sait, les principaux dégâts causés à la biodiversité ne sont pas liés à la chasse. Les pesticides, les broyages, certaines pratiques culturales, la myxomatose ont tué bien plus que la chasse elle-même.
Les migrateurs, quant à eux, sont souvent victimes des conditions climatiques et de la modification par l’homme de biotopes qui leur étaient favorables.
Cette reconnaissance de la chasse comme instrument efficace de gestion de la biodiversité encouragera à poursuivre les multiples actions déjà engagées dans les zones humides, pour les différents biotopes, les haies, les cultures à gibier, les jachères fleuries...
L’article 4 précise les responsabilités des différents propriétaires de zones non chassées ou sous-chassées, qui abritent parfois des populations conséquentes de sangliers. Ces derniers provoquent des dégâts importants et coûteux sur des territoires voisins qui sont chassés. Il n’est pas inutile de rappeler que ce sont les chasseurs, via leurs fédérations, qui paient les dégâts de gibier aux agriculteurs dont les cultures sont parfois ravagées.
Les articles 5 et 6 concernent les associations communales de chasse agréées, afin, d’une part, de leur permettre de se regrouper en associations intercommunales de chasse agréées et, d’autre part, d’assouplir les modalités d’adhésion.
Ces deux articles témoignent des difficultés que rencontre le monde de la chasse, dont les effectifs se réduisent. Serons-nous suffisamment nombreux, demain, pour maintenir les équilibres de la biodiversité, pour financer les dégâts de gibier, pour réguler les nuisibles ? C’est une véritable question, un véritable problème pour demain, qui ne doit réjouir personne, dans la mesure où tout ce qui se fait naturellement, aujourd’hui, par les chasseurs pourrait être, demain, à la charge de la société, donc sur notre feuille d’impôt.
Enfin, l’article 7 précise les conditions d’attribution de la diminution de moitié des redevances à régler par les chasseurs prenant leur premier permis.
Cet article permet d’évoquer le manque d’engouement des nouvelles générations pour la chasse. Sans aucun doute faudra-t-il trouver d’autres moyens pour sensibiliser les jeunes à ce sport-loisir, qui en vaut bien d’autres.
La chasse en France aura certainement toujours à imaginer et à créer pour assurer son avenir. La fonte des effectifs de chasseurs est un danger réel ; le rapport qu’a la chasse vis-à-vis de la société évoluera-t-il ou non en sa faveur ?
C’est donc dès aujourd’hui qu’il nous faut anticiper ce que sera la chasse de demain. Nous avons pour l’instant la force du nombre et celle de l’ancrage populaire au sein de nos collectivités locales. Ce texte conforte notamment le rôle de la chasse en faveur de la biodiversité et de l’environnement. C’est dans cette voie qu’il faut poursuivre, en maintenant les équilibres, en réintroduisant des souches naturelles et résistantes pour le petit gibier, en consacrant encore davantage de temps et de moyens à l’entretien des espaces naturels. Une nature morte, c’est très beau sur un tableau, mais une nature vivante dans une ruralité vivante, c’est encore plus beau.
Le groupe CRC-SPG votera cette proposition de loi qui vise à moderniser la chasse. Il reste vigilant, avec son réseau d’élus locaux, pour que la chasse populaire continue d’être accessible et attractive pour tous.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Joseph Kergueris applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi qui vise à moderniser le droit de la chasse est constituée de propositions apparues nécessaires pour permettre aux chasseurs l’accomplissement de leur passion dans les meilleures conditions tout en leur reconnaissant une contribution importante à la préservation des territoires.
L’image de la chasse est souvent malmenée, et après les États généraux de la chasse organisés en février dernier par la Fédération nationale des chasseurs, qui ont été un grand succès, la discussion de cette proposition de loi, déposée il y a près d’un an par notre collègue et ami Pierre Martin, contribuera utilement à la rectifier.
En commission, vous l’avez rappelé tout à l’heure monsieur le rapporteur, on se demandait s’il était bien indispensable de soumettre au Parlement pratiquement un texte par an. Je répondrais facilement oui, ne serait-ce que pour dissiper l’image caricaturée qui s’applique trop souvent à la chasse.
Il faut dire et redire l’implication des chasseurs dans l’environnement, et leur importance primordiale dans la gestion de la biodiversité. L’image de l’acteur de la protection de l’environnement et de la régulation des espèces doit s’imposer sur celle du prédateur. La cristallisation de l’opposition entre ruraux et urbains ou entre chasseurs et « protecteurs » n’est pas une solution républicaine.
Il faut donc rappeler sans cesse l’implication des chasseurs dans l’environnement, et c’est l’un des objets de ce texte qui vise, dans un souci pédagogique, à faire reconnaître le rôle de la chasse comme instrument efficace de gestion de la biodiversité.
La chasse est un atout pour la protection de la biodiversité. La présence du petit gibier est par exemple indispensable à la préservation de la chasse dans de nombreux départements. Il est donc nécessaire de disposer d’habitats respectant ce gibier en lui permettant de se reproduire dans de bonnes conditions. Les premiers à défendre le développement et l’agriculture durable dans le respect de la faune sauvage sont les chasseurs.
Je rappelle d’ailleurs que le rôle de régulation des espèces tenu par la chasse est indispensable à la biodiversité.
Une traduction essentielle de cette reconnaissance concerne l’action des chasseurs dans les zones humides. Les chasseurs contribuent incontestablement au maintien et à la gestion de zones humides très importantes pour la préservation de la biodiversité, comme le rappelle dans son rapport notre collègue Ladislas Poniatowski. C’est une réalité trop méconnue. Il était donc souhaitable de favoriser leur action par une exonération de taxe foncière pour les aménagements de chasse, comme c’est le cas pour la gestion d’autres territoires. L’extension de l’exonération de taxe foncière prévue dans le texte est une mesure positive.
Plus généralement, un travail de pédagogie sur le terrain doit être constamment réalisé. La reconnaissance dans ce texte de la mission d’éducation au développement durable et de sensibilisation à la protection de l’environnement confiée aux fédérations départementales de chasseurs est évidemment positive.
La loi était muette sur cette compétence, alors que 81 fédérations sont des associations agréées de protection de l’environnement, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les fédérations de pêcheurs. Cette précision législative nouvelle est d’abord une reconnaissance du travail réalisé sur le terrain par de nombreux bénévoles, en interne dans l’accueil des nouveaux chasseurs et auprès des écoles comme du grand public.
Sur le fond, pour mieux gérer la biodiversité, le texte prévoit des mesures visant à gérer les espaces non chassés ou sous-chassés où certaines espèces se multiplient au détriment des récoltes et d’autres espèces.
L’article 4, qui vise l’indemnisation des dégâts provoqués par le gros gibier dans les territoires non chassés, était d'ailleurs au cœur des discussions de l’assemblée générale des chasseurs du Cher à laquelle j’ai participé samedi dernier ; nous y avons consacré les trois quarts de la réunion.
Ces dégâts liés au grand gibier constituent, vous le savez, un sujet sensible, qui souvent fâche. Je ne le dis pas seulement du haut de cette tribune, mais aussi les deux pieds dans la terre du Berry que je connais bien. Ces dégâts ont tendance à augmenter avec la prolifération du gros gibier, notamment des sangliers ; il suffit de se rendre dans un champ traversé et labouré par des sangliers pour le comprendre.
Jusqu’à présent, les chasseurs étaient les seuls à mettre la main au portefeuille pour indemniser ces dégâts. Ils ne peuvent, ni leurs fédérations, continuer à supporter seuls de tels coûts.
Il y avait donc urgence à réfléchir aux mesures complémentaires de nature à réduire les dégâts subis par les agriculteurs et à alléger la facture croissante supportée par les chasseurs. La solution ne passe évidemment que par une coopération entre chasseurs, agriculteurs et propriétaires.
La solution proposée ici, consistant à confier au préfet, à la demande de la fédération des chasseurs, le pouvoir d’imposer un plan de tir aux propriétaires de territoires non chassés sous peine de sanctions financières appliquées au propriétaire me semble équilibrée, quoique légèrement ambiguë : qu’en est-il des propriétés de l’État ?
Quelle est l’étendue exacte des pouvoirs du préfet ? Même si un amendement du rapporteur a été adopté en commission remplaçant l’expression « plan de tir » par celle, un peu plus précise, de « prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux », la pratique montrera si cela fonctionne, et comment.
Dans le Cher, il existe un polygone de tir, destiné non pas à la chasse mais à des essais d’armement. Ces 13 000 hectares, qui appartiennent au ministère de la défense, constituent, certes, une véritable réserve naturelle mais surtout une réserve de sangliers, lesquels occasionnent des dégâts sur une large partie du département. Pourtant, il est très difficile de trouver des solutions pour réguler le nombre de ces sangliers.
Il était donc pour le moins urgent de transférer sur les propriétaires qui ne font pas le travail de régulation une responsabilité financière en cas de dégâts. Les chasseurs n’auront plus à assumer cette charge, qui est devenue de plus en plus lourde compte tenu de l’augmentation des produits agricoles, comme l’a souligné Jean-Louis Carrère.
Par ailleurs, il faut souligner que nous avons assisté à une augmentation vertigineuse du nombre d’accidents de la circulation dus au grand gibier, coûteux parfois en vies humaines mais aussi pour les automobilistes et les assurances.
Moderniser le droit de la chasse, c’est évidemment favoriser sa pratique, alors que l’on assiste à une baisse constante du nombre des chasseurs, divisé par deux en moins de trente ans, comme l’a dit notre rapporteur.
Pour y remédier, le texte sécurise la diminution du coût du permis pour les nouveaux chasseurs, ce qui, bien sûr, va dans le bon sens.
J’affirme que le prix du permis de chasser est aujourd’hui prohibitif. Nous devons trouver des formules permettant aux nouveaux chasseurs d’accéder à notre activité dans de meilleures conditions. Il faut que la chasse soit plus attractive et plus accessible, notamment pour les jeunes, sinon nous n’aurons plus de chasseurs dans les années à venir.
L’ouverture aux jeunes doit être favorisée. J’avais déposé en commission un amendement selon lequel la validation du permis de chasser départemental pourrait ouvrir droit à une validation d’une journée valable dans un autre département. Il s’agit ainsi de répondre à une demande constante des jeunes qui vont chasser à titre familial dans un département, une fois par an. Ces jeunes n’utilisent pas la validation de trois jours, car elle est chère, et ils utilisent encore moins celle de neuf jours. Cet amendement, dont j’avais discuté avec la fédération des chasseurs de mon département, a été adopté en commission après une discussion serrée ; il figure désormais dans le texte et est étendu à tous les chasseurs, ce qui accroît ma satisfaction, que je tenais de nouveau à souligner.
Je rappelle que cette ouverture correspond à une réelle demande. Notre rapporteur ayant déposé pour examen en séance un amendement encadrant son application, nous aurons l’occasion d’en reparler.
Enfin, permettez-moi quelques mots sur l’article 8 de ce texte déposé en mars 2010, qui créait un observatoire national de la délinquance et pour la défense de la « cause animale », et qui est devenu sans objet depuis la parution du décret très attendu du 4 juin 2010, qui sanctionne tous les actes délibérés et concertés d’obstruction à une activité en relation avec la chasse.
En effet, une des actions les plus fréquentes des extrémistes dans ce registre consiste à perturber le déroulement de différents types de chasse, et notamment de la chasse à courre. Entre janvier 2007 et mars 2009, 18 opérations de sabotage ont ainsi été recensées. Si de telles exactions ne sont pas très républicaines, le rapporteur et la commission n’ont pas souhaité rouvrir ce dossier, dans un souci d’apaisement et dans un esprit constructif et non sectaire.
Pour terminer, madame la ministre, je serais heureux que vous m’indiquiez si le décret du 4 juin 2010 a bien été appliqué depuis sa parution, et dans quelles conditions il l’a été. Pour ma part, j’espère que son application s’est faite sans complaisance.
Au total, si, comme cela a été dit, ce texte est ciblé et n’entend pas tout bouleverser, il remplit son objectif qui est d’apporter des solutions équilibrées, de reconnaître le chasseur comme un acteur et un défenseur de la biodiversité ainsi que l’investissement des nombreux bénévoles dans la pédagogie – nécessaire – d’une pratique ancrée dans la culture française et qu’il faut s’attacher à préserver. Parmi ces bénévoles, je pense aux lieutenants de louveterie dont l’énorme travail n’est ni rémunéré ni indemnisé. Il faudra, je pense, trouver un jour une solution pour les indemniser, afin de ne pas décourager les vocations.
Pour conclure, chaque fois que les chasseurs montrent leurs talents en matière de pédagogie – et il en faut beaucoup ! –, …
… leur savoir-faire, leur capacité à gérer leur territoire, chaque fois qu’ils font preuve d’humanité, ils réussissent à convaincre non seulement l’ensemble du monde rural, mais aussi parfois les urbains ou les rurbains, voire les opposants à la chasse.
J’espère que ce texte permettra un nouveau pas en avant vers ceux qui doutent encore du rôle déterminant de la chasse, en matière de lien social comme sur le plan économique, comme cela a été si bien dit par Mme la ministre voilà quelques instants.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui fait écho, par sa tonalité, au rapport que j’avais rédigé à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, il y a un peu plus de dix ans, « pour une chasse responsable et apaisée ».
Les débats organisés alors sur le rôle de la chasse, son utilité, ses excès parfois, mais aussi ses grandeurs, ont abouti à la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, que j’estime être un texte équilibré, renvoyant chacun à ses responsabilités et permettant de faire entrer la chasse dans le droit positif en France, alors qu’elle n’existait auparavant que dans le droit « négatif ».
Avec ce texte, le monde de la chasse a obtenu de nombreuses avancées : la reconnaissance des fédérations, le rôle des schémas de gestion cynégétique, l’autorisation de chasser accompagné, l’octroi du permis par les fédérations… Dans le même temps, ce texte, voté à l’Assemblée nationale au matin, à sept heures, après une nuit de discussion, avec 350 députés en séance et des tribunes pleines, était respectueux à l’égard des opposants à la chasse, ou en tout cas de ceux qui défendent davantage l’environnement.
Les choses sont aujourd'hui très différentes. Elles ont avancé dans le bon sens. Nous avons progressé. Je me souviens d’ailleurs que M. Poniatowski, qui voulait apporter des améliorations à la loi, m’avait proposé de participer à ses auditions au Sénat, de la même manière que j’avais participé avec lui aux états généraux de la chasse.
Sommes-nous dans l’urgence ? Non. Sommes-nous dans l’essentiel ? Sans doute pas non plus. Nous sommes, comme l’a dit Mme la ministre, à la marge. Permettez-moi un petit trait d’humour : si une expression populaire parle de « pêche aux voix », j’ai un peu le sentiment, comme l’a affirmé précédemment M. Carrère, que nous sommes ici à la « chasse aux voix ».
Faut-il toujours parfaire ?
Certes, les chasseurs qui se sont réunis à la Maison de la Chimie il y a quelques semaines ont manifesté leur souhait de participer à l’aménagement et à l’attractivité du territoire, ainsi qu’à l’activité économique de la France. Ils sont aujourd’hui face à de nouveaux défis. Mais j’appelle le monde de la chasse, madame la ministre, à assumer aujourd’hui les responsabilités qu’il a voulues naguère. Certes, ce n’est pas si facile. Les articles de la proposition de loi, que nous allons voter en les encadrant, tendent à cet égard à faciliter le rôle de la chasse et même à lui apporter un surcroît d’efficacité, notamment dans les zones humides, dans la gestion par les ACCA, ou dans l’accompagnement à l’éducation, autour de la faune, de la flore et de la gestion des espaces et des espèces.
Mais les deux vrais problèmes qui se posent aujourd’hui au monde de la chasse, comme l’a dit en particulier Jean-Louis Carrère, sont les dégâts de gibier et les surpopulations.
Ces deux problèmes sont liés. Le problème des surpopulations n’est toutefois pas seulement à considérer sous l’angle économique ou accidentel. Il a aujourd’hui également des conséquences sanitaires. Le vétérinaire que je suis sait qu’il y a, un peu partout sur notre territoire, que ce soit dans la courbe de la Seine, dans la forêt de Bretagne ou dans l’est de la France, des problèmes graves de maladie, notamment de tuberculose, …
… qui créent des affrontements entre les mondes agricole et cynégétique, parce que les responsabilités ne sont pas déterminées. Je crois que nous pouvons y remédier ensemble.
Sans revenir sur le gibier d’eau, dont Jean-Louis Carrère a parlé dans des propos excellents auxquels je souscris tant sur le plan politique que sur les questions de chasse et des prélèvements, quand je dis « responsabilité », je pense aux fédérations responsables des schémas cynégétiques ainsi qu’au problème des surpopulations, lié à la volonté – naturelle – du monde de la chasse de protéger les populations et de les développer. Je rappelle qu’on a ainsi transporté des cerfs de Chambord dans toutes les régions de France, en Italie et ailleurs !
Les plans de gestion et de tir ont fait croître les populations, jusqu’à aboutir à une surpopulation. La presse s’en fait l’écho chaque semaine, avec la présence de sangliers dans les piscines ou au bord de la mer, un peu partout en France, notamment dans le Luberon. Ce problème doit aujourd’hui être réglé. Les lieutenants de louveterie, dont je salue le bénévolat, ne sont pas à même de le régler seuls.
Chacun doit donc prendre ses responsabilités : les chasseurs, leurs fédérations, ainsi que, bien entendu, l’État. Comme la proposition de loi le prévoit, pour des raisons louables, ou du moins tout à fait compréhensibles, ce dernier doit éviter que ne se créent, sur les territoires non chassés, des refuges à gibier ayant pour conséquences une dissémination de population potentiellement dangereuse et surtout la création de réservoirs à problèmes sanitaires importants.
La responsabilité s’exerce aussi vis-à-vis de la société. Nous devons aujourd’hui légitimement offrir des solutions de simplification aux problèmes que rencontrent les chasseurs.
Ce texte est-il urgent ? Non ! Est-il utile ? Sans doute ! Je pense toutefois que nous aurons encore, au cours des prochaines années, à revenir sur ce sujet, en abordant les vrais problèmes que j’évoquais à l’instant. Mais il faut que, dans le même temps, les chasseurs poursuivent leurs efforts, au-delà de l’image qu’ils cherchent à donner d’eux-mêmes, comme responsables de la nature et comme gestionnaires. Et il est vrai que c’est grâce à eux qu’existent tant le tourisme cynégétique que les populations actuelles de cervidés, notamment de chevreuils, ou d’autres animaux.
Enfin, de même qu’il y a, comme je l’ai toujours dénoncé, une « ultra-chasse », un excès de chasse dans certains endroits, il y a aussi parfois des excès de la part des défenseurs.
Défendre à tout prix le renard ou le cormoran en période de surpopulation ne paraît pas approprié à quelqu’un qui, comme moi, a connu la rage, en France, dans le cadre ses responsabilités professionnelles.
En conclusion, si ce texte nous permet de nous écouter un peu plus les uns les autres pour résoudre ensemble des problèmes qui sont à la fois sociétaux, économiques et environnementaux, ce que nous souhaitons, nous aurons, je crois, avancé et fait œuvre salutaire.
Dès lors, sous réserve que certains de ses articles soient encadrés, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Elle permettra d’avancer sur un sujet qui n’est sans doute pas essentiel, mais qui est ô combien épidermique. La chasse n’est certes plus un sujet d’affrontement, mais l’irrationnel y a encore sa place. Il nous faut y apporter un peu plus de raison. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’apporterai ma contribution à la biodiversité sénatoriale par des propos quelque peu décalés dans cette ambiance assez unanime.
Avant d’aborder le texte sur le fond, je voudrais attirer votre attention sur son occurrence. Des salariés et des agriculteurs se suicident, des écoles ferment, il n’y a plus de médecins dans les campagnes, la sécurité sanitaire vacille sous la pression des influences, mais, environ tous les trois ans, et de préférence avant les élections, il faut que nous occupions le Parlement avec la chasse.
Mme Marie-Christine Blandin. Ni les artisans, ni les universités, ni les PME, ni les chômeurs n’ont cette chance. Sur les travées, les groupes ont délégué les plus fervents et les meilleurs de leurs orateurs.
Sourires.
L’unanimité, vous l’obtiendrez sur des articles utiles et raisonnables, comme l’article 5 relatif aux fusions d’associations communales de chasse agréées, ou sur des actes de bon sens, comme l’article 7 qui a trait au permis de chasser.
Mais ce qui relève de l’inutile, comme le remplacement du terme « écosystèmes » par le terme « biodiversité », du prosélytisme, comme le renforcement du droit d’intervention dans les écoles, ou de la tentative de privation de liberté des non-chasseurs sera combattu par les écologistes.
L’article 1er sur les actions d’éducation n’apporte rien. Un de vos représentants, M. Ettori, vice-président de la Fédération nationale des chasseurs, n’a-t-il pas obtenu du Gouvernement la convention, dite « du 4 mars », autorisant cet entrisme pédagogique ? Et n’a t-il pas d’ailleurs déclaré : « Une fédération a le droit de proposer des animations auprès des jeunes, que l’inspecteur d’académie le veuille ou non ? » Et, même si je le regrette, les faits sont là. Dès 2008, 50 fédérations départementales étaient intervenues à l’école, et 14 avaient participé à la formation des enseignants, alors même que 62 % des Français désapprouvent ce type d’actions.
Alors, pourquoi vouloir encombrer le code ? Imaginerait-on les boulangers qui viennent en classe montrer l’eau, la farine…
… et le pâton qui gonfle sous l’effet de la levure exiger que cette bonne action soit inscrite dans la loi ?
C’est ridicule ! Vous aurez beau prétendre que vous n’y parlerez que de nature, pour les enfants, le chasseur, c’est un homme armé, et rapprocher de l’école l’imaginaire des armes n’est pas une bonne chose. Il en est de même de l’emploi du terme « nuisibles », à l’heure ou la biodiversité bien comprise identifie comme une mosaïque de rôles complémentaires les actes de chaque espèce et les effets de chaque variété de plante, quand bien même certains d’entre eux nous dérangent.
Eh oui, dans la biodiversité, il y a aussi la fouine, le renard, …
… même s’il apporte l’échinococcose, le lynx, le loup, l’ours… Je ne crois pas pourtant que vous allez dans les écoles en vanter les mérites.
Au-delà de la volonté des chasseurs de montrer régulièrement qu’ils existent, que la loi leur donne des droits et même qu’ils s’occupent, à leur façon, de la nature, il y a tout de même tentative et récidive de priver les autres de leur liberté : convoitise sur les terrains non chassés, injonction de payer à destination des propriétaires qui ne se prêtent pas aux activités cynégétiques, et même, mais ceci a heureusement disparu grâce à la commission, essai d’intimidation… Je veux parler du dernier article du texte initial de la proposition de loi.
Je connais et je partage le plaisir de partir au petit matin en campagne ou en forêt. J’apprécie la sensation des bottes qui se mouillent, le soleil qui commence lentement à chauffer, la brume qui monte, l’odeur de feuilles mortes et de champignon, le silence, la patience, l’aguet et, soudain, un vol de perdrix ou le saut vertical du renard au-dessus d’un petit rongeur.
Sourires sur les travées de l ’ UMP. – M. Yvon Collin s’exclame.
Mais je ne tue pas ! Et j’entends que soient respectés ceux qui ne veulent pas tuer et qui ne veulent pas que l’on tue sur leur terrain.
À l’heure des fermetures de postes d’enseignants, alors que le Gouvernement a supprimé l’année de formation pédagogique des maîtres, il ne me semble vraiment pas opportun de conforter la légitimité des chasseurs à venir parler à l’école de biodiversité.
Mme Évelyne Didier sourit et applaudit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de passer à l’examen des articles, permettez-moi, sans reprendre mon propos introductif, de faire écho à quelques-unes de vos interventions.
Monsieur Pointereau, vous avez défendu l’introduction d’une validation du permis de chasser pour une journée. Le code de l’environnement instaure le principe de la validation annuelle du permis de chasser, en contrepartie du versement d’une redevance. Un article du même code prévoit que le permis de chasser peut également être validé pour une durée de neufs jours ou de trois jours, moyennant l’acquittement d’une redevance.
Compte tenu de ces éléments, je ne pense pas que l’introduction d’une validation pour une durée d’un jour soit intéressante, car elle entraînerait en fait des coûts fixes de gestion supérieurs au coût de la validation pour une durée de trois jours, …
… soit un peu plus de quinze euros. Cette dépense serait mise à la charge de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, des fédérations départementales de chasseurs ; elle me semble disproportionnée par rapport au gain en termes d’attractivité. Je le répète, le coût de quelque 16 euros ne représente pas un frein pour les jeunes chasseurs et je pense que l’origine du problème doit être cherchée ailleurs, mais je reconnais bien évidemment que les problèmes de la perte d’attractivité de la chasse et de la baisse du nombre de chasseurs se posent réellement.
Monsieur Kergueris, à propos de l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour les zones humides, vous suggérez de passer, grâce à l’article 2, à une fiscalité non discriminatoire des installations de chasse. Je tiens à rappeler qu’il n’était pas dans l’esprit de la loi de 2005 de discriminer ces territoires de chasse. Les chasseurs participent, par exemple, par le faucardage, le curage, le maintien en eau aux périodes de présence des oiseaux, au bon entretien de ces milieux. Puisque les dispositions actuelles ne semblent pas suffisamment claires, je défendrai un amendement en ce sens à l’article 2.
Vous avez aussi parlé de l’indemnisation des dégâts de gibier. L’amendement que vous présenterez tout à l’heure tendra à compléter la responsabilité déjà inscrite dans la loi. Cette démarche me semble positive.
M. Collin a rappelé l’importance des schémas départementaux de gestion cynégétique : je tiens à vous dire, monsieur le sénateur, que j’ai appelé par circulaire l’attention des préfets sur ces schémas et sur leur révision. Ce sujet est fondamental et j’ai besoin de la mobilisation de tous les préfets.
MM. Le Cam et Carrère se sont inquiétés, avec d’autres, de la diminution du nombre des chasseurs et se sont réjouis de la simplification du droit des associations communales de chasse agréées. Je crois en effet que cette simplification est une bonne mesure. Nous pouvons avoir des appréciations différentes sur ce point, mais il faut reconnaître que la régulation des populations d’ongulés qui provoquent des dégâts importants, que nous sommes amenés à qualifier de véritables « points noirs », nécessite la présence de chasseurs en nombre suffisant sur les territoires ruraux. Sinon, il faudra trouver une autre solution, …
Sourires.
… ce qui ne sera pas forcément simple !
En revanche, je ne partage pas du tout le point de vue exprimé par M. Carrère sur la table ronde. Cette belle initiative a permis d’avancer dans la compréhension mutuelle, même si elle n’a pas permis de faire converger tous les points de vue. En janvier 2010, la table ronde a insisté sur le fait que la chasse devait être pratiquée dans le respect de la législation en vigueur, y compris en ce qui concerne les ortolans. Je crois qu’aucun parlementaire ne doit pouvoir dire le contraire : la chasse doit être pratiquée dans le respect de la réglementation ! Quel parlementaire pourrait s’y opposer ?
Monsieur le sénateur, reconnaissez que cela pose tout de même un problème !
Si la fédération départementale souhaite procéder à une étude sur les ortolans, elle peut le faire.
Qu’elle associe sa fédération de chasse ou les associations de protection de la nature, soit ! Mais, je le répète, les ortolans sont classés « espèce protégée » depuis le 5 mars 1999 : leur chasse est interdite, elle le reste à ce jour et je crois bien qu’elle le restera !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. C’est très clair !
Sourires.
Monsieur Patriat, vous avez souligné l’importante production législative en matière de chasse de ces dernières années. Vous y avez contribué, en d’autres temps, même si vous mettez en doute l’importance de l’évolution qui intervient aujourd’hui. Cependant, je comprends votre point de vue.
Vous évoquez aussi des problèmes sanitaires, notamment le rapport entre la tuberculose bovine et la tuberculose des blaireaux. Je crois que votre département est particulièrement touché : sachez que mes services travaillent avec les services du ministère de l’agriculture pour limiter les conséquences économiques importantes de cette zoonose. Nous sommes très sensibles à ce problème.
Madame Marie-Christine Blandin, vous ne souhaitez pas que le rôle de la chasse et des fédérations départementales de chasseurs dans la gestion des écosystèmes soit inscrit dans la loi. Je salue, comme vous-même, votre participation à la biodiversité de cette assemblée, par ailleurs extrêmement virile, dans laquelle les femmes se sont peu exprimées aujourd’hui !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Néanmoins, je crois que nous pouvons tous tomber d’accord sur le fait que les chasseurs participent, à leur manière, à l’entretien des écosystèmes, notamment des milieux humides, grâce aux réserves de chasse et de faune sauvage. Tel a été le cas, par exemple, avec la création, en 1981, de la Fondation pour la protection des habitats de la faune sauvage ou, depuis 2006, avec le programme Agrifaune qui réunit l’ONCFS, la Fédération nationale des chasseurs, la FNC, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA. Les chasseurs montrent leur implication ; il est vrai qu’elle est inégale selon les départements et que j’aimerais parfois moi-même qu’elle aille un peu plus loin. Mais ce mouvement existe bien et cette proposition de loi nous donne l’occasion de le saluer !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte élaboré par la commission.
Le deuxième alinéa de l’article L. 421–5 et le premier alinéa de l’article L. 421–13 du code de l’environnement sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Elles mènent des actions d’information et d’éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu’en matière de gestion de la biodiversité. »
L’amendement n° 12, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, les chasseurs disposent déjà d’une convention qui les autorise à participer à des actions d’information. Cette convention ne comporte d’ailleurs pas assez de précautions et, en particulier, elle n’encadre pas suffisamment les messages.
Le gradient de l’impossible au possible – je commence par l’impossible – va du fusil, du treillis, du gibier mort et des animaux empaillés, en passant par la notion contestable de « nuisibles », à la connaissance de la faune locale ou à une simple initiation à l’environnement. Ce gradient n’est pas suffisamment balisé.
C’est ainsi que, dans un petit collège du Ternois, dans le Pas-de-Calais, une classe de sixième a bénéficié, il y a quelques années, d’une action éducative intitulée « Initiation au piégeage des petits puants ». Après la description apocalyptique des monstres sanguinaires que sont ces carnivores et la pose des pièges par les élèves, ces enfants de sixième et de cinquième ont découvert, une semaine plus tard, les petites fourrures sanguinolentes. Heureusement, des parents s’en sont émus et cette initiative a pris fin. Heureusement aussi, si j’en crois vos propos, telles ne sont plus vos méthodes ni vos intentions…
Beaucoup ici plaident en faveur de cette sensibilisation pour remédier à la baisse du nombre des chasseurs. Il me semble utile de placer les chiffres en perspective : si la France compte 1 300 000 chasseurs, l’Espagne en compte 980 000, le Royaume-Uni 880 000 et l’Italie 750 000. Vous n’êtes donc pas les plus mal lotis !
La commission a rendu un avis défavorable, mais j’aimerais vous informer de ce qui se passe vraiment sur le terrain, madame Blandin !
Comme nos autres collègues, j’ai appris, en vous écoutant, ce qui s’était passé dans ce collège du Pas-de-Calais. Mais cet exemple ne correspond pas à la réalité !
En matière d’éducation et d’information, les fédérations de chasse réalisent un travail extraordinaire. Plus de quatre-vingts d’entre elles – autrement dit, les huit dixièmes des départements – invitent des publics scolaires à visiter leurs réserves de chasse. Dans mon département, une réserve a été créée dans le marais Vernier, avec un observatoire. Les enfants des écoles primaires viennent à tour de rôle observer aussi bien le gibier d’eau que les oiseaux protégés ; ils repartent avec des images, de l’information et sont assez enthousiastes ! Même des enseignants au départ un peu réticents n’hésitent pas à revenir dans cette réserve. Voilà pour le travail d’information réalisé à l’intention des écoles primaires !
Le travail de formation va beaucoup plus loin. Dans de nombreux lycées agricoles, les formations qui ont un lien avec la gestion des territoires bénéficient de l’intervention des fédérations. Il ne faut pas tomber dans la caricature des chasseurs en treillis avec leur fusil : je n’ai entendu parler d’aucune formation, dans aucun collège, aucune école, aucun lycée, où l’on apprendrait à des jeunes à manier les armes ! Ce maniement s’apprend plus tard et ailleurs, lors du passage du permis de chasser et ne concerne que ceux qui veulent entrer dans cette démarche.
En revanche, dans les lycées agricoles, grâce à ce que montrent les fédérations de chasse, les élèves apprennent énormément sur la biodiversité, sur les espèces, sur la flore, sur la faune... Ce travail est assez extraordinaire ! Mme la ministre va peut-être vous le rappeler, la convention passée le 4 mars 2010 avec le ministère de l’éducation nationale a pris acte de ces interventions de manière très positive.
Je souhaite donc, premièrement, que nous évitions de tomber dans la caricature et, deuxièmement, que cet article 1er soit préservé. Aussi, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
L’exemple que vous citez, madame Blandin, est absolument scandaleux, mais ce n’est pas parce qu’une telle pratique déviante a pu être observée que le système lui-même est mauvais. Le droit de participer à cette sensibilisation à l’environnement est reconnu aux fédérations de pêcheurs ; il est assez naturel qu’il soit également reconnu aux fédérations de chasseurs.
Cela dit, je partage votre insatisfaction quant à l’emploi du terme « nuisibles ». Je serais preneuse d’une meilleure formulation, sous réserve que l’on ne s’oriente pas vers une appellation comme celle de « petits puants »
Mme Marie-Christine Blandin sourit.
Je regrette également que l’on puisse rencontrer, dans certains départements, des caricatures du type de celle qui a été évoquée par Mme Blandin.
Le département des Landes abrite deux réserves naturelles, l’une à Pontonx-sur-l’Adour, où je l’invite, et l’autre sur le marais d’Orx. Je puis attester que ces réserves sont extrêmement bien entretenues par la fédération des chasseurs, avec l’appui des collectivités locales. Les enfants des écoles s’y rendent aussi pour observer la faune au moment des migrations et cette activité, très formatrice, s’avère extrêmement intéressante.
L’effort pédagogique des fédérations de chasseurs en direction des enfants de nos zones sera bénéfique pour l’image de la chasse et pour des pratiques encore améliorées, qui réduiront à néant ce que nous décrivait Mme Blandin.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Elles mènent des actions d’information en matière de connaissance de la faune sauvage et de ses habitats. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer simplement la fin de la dernière phrase de l’article, soit les termes « ainsi qu’en matière de gestion de la biodiversité ».
Vous le savez, mes chers collègues, les déséquilibres causant la prolifération de certaines espèces, que vous avez tous évoqués, sont souvent d’origine humaine : apport d’espèces invasives ou éradication d’un prédateur dont on mesure a posteriori l’action régulatrice, agrainage, ou encore pratique qui consiste à enduire d’asphalte les troncs d’arbre pour inciter les sangliers à venir s’y gratter et pour qu’ils soient plus nombreux sur un territoire. Puis, lorsque les dégâts dont ils sont à l’origine commencent à gêner, on regrette leur présence !
Au demeurant, la biodiversité, globalement, n’a pas besoin d’être gérée : elle se porte nettement mieux quand on la laisse tranquille ! Mais la place de l’homme et de ses activités provoque des perturbations, qui ne sont pas « naturelles ». Cependant, il s’agit de notre vie, de notre raison d’être. Il convient simplement d’agir avec précaution, ce que ne font pas forcément les chasseurs.
Ainsi, la pédagogie que vous mettez aujourd’hui en avant n’a pas toujours bénéficié de connaissances justes.
À cet égard, permettez-moi de vous rappeler qu’un numéro du Chasseur français proposait la description du croisement de la belette et de l’hermine. L’« herminette », phénomène inédit, était censée regrouper toutes les férocités de ses géniteurs. Le seul problème, c’est que ces deux espèces ne sont pas interfécondes ! Pourtant, un joli dessin illustrait l’article en question…
Aujourd’hui encore, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales relève dans sa rubrique « atteinte à la protection de la faune et de la flore » 9 000 infractions concernant la chasse et seulement 2 000 relatives à la pêche. Par conséquent, comme vous pouvez le constater, il existe un décalage entre vos affirmations et la réalité. Comme en matière de gestion, il faut beaucoup de temps pour faire cesser les transgressions.
Je pense notamment à la réserve naturelle du Platier d’Oye, classée en 1987, mitée de huttes illégales déplacées sur fonds publics, puis réinstallées clandestinement. Ces abris furent ensuite condamnés à l’enlèvement par le tribunal correctionnel de Saint-Omer, puis par la cour d’appel de Douai, enfin, en 2004, par le Cour de cassation. Toutefois, l’enlèvement ne fut mis en œuvre qu’en 2007 ! Il aura donc fallu vingt ans pour appliquer la loi et épargner, outre le site, des migrateurs protégés, qui payaient là un très lourd tribut aux chasseurs.
Il serait bon que ces acteurs-là ne deviennent pas pédagogues de la biodiversité. Aussi convient-il de supprimer, par modestie, la fin de la phrase proposée à l’article 1er.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Carrère et Patriat, Mme Herviaux, M. Mirassou et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
Elles
par les mots :
Les Fédérations départementales des chasseurs agréées associations de protection de l’environnement au titre de l’article L. 141–1
La parole est à M. François Patriat.
Au travers de cet amendement, nous cherchons justement à encadrer quelque peu le texte, afin que les choses soient plus claires, ce qui permettra d’ailleurs de répondre pour partie aux préoccupations de Mme Blandin.
J’ai pu en être le témoin, les fédérations départementales de chasseurs participent à la mise en valeur du patrimoine, notamment cynégétique. Elles assurent, dans les écoles, la promotion et la défense de la chasse, même s’il ne s’agit pas là de leur mission essentielle. Elles conduisent également des actions d’information, d’éducation et d’appui technique à l’intention des gestionnaires des territoires et des chasseurs et, le cas échéant, des gardes-chasse particuliers.
Dans cette proposition de loi, il est proposé de reconnaître que ces fédérations départementales peuvent mener des « actions d’information et d’éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu’en matière de gestion de la biodiversité ».
Il s’agit d’une avancée, sur laquelle nous n’avons pas d’opposition notoire. Nous souhaitons par conséquent prévoir certains encadrements en la matière.
Dans la pratique, il faut le reconnaître, de nombreuses fédérations mènent d’ores et déjà de telles actions, notamment auprès des élèves à la demande des chefs d’établissement. Or leurs interventions ne se limitent pas au domaine de la faune sauvage, elles abordent aussi, M. le rapporteur l’a dit tout à l’heure, la problématique de la préservation de l’habitat des espèces et de leur milieu naturel. Elles relèvent donc, de manière plus générale, du champ du développement durable.
Cette pratique a d’ailleurs déjà été formalisée, cela vient d’être rappelé, le 4 mars 2010, dans une convention de partenariat pour l’éducation au développement durable conclue entre la Fédération nationale des chasseurs, le ministre de l’éducation nationale et le ministre de l’écologie.
Permettez-moi de citer l’article 7 de cette convention, laquelle précise que la fédération nationale et les fédérations départementales « tiennent à la disposition des écoles et des établissements scolaires qui en font la demande les structures, territoires et personnels dédiés à l’éducation et au développement durable, à la biodiversité et au respect de la nature ».
Vous le savez aussi, mes chers collègues, nous reconnaissons explicitement, depuis plusieurs années, le rôle pédagogique des associations agréées de pêche.
Notre groupe pourrait donc soutenir la disposition qui nous est proposée, à condition qu’une précision, à laquelle nous tenons, soit introduite à l’article 1er.
Vous vous en souvenez certainement, lors de l’examen, en 2008, de la proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse de M. Poniatowski, nous avions eu une longue discussion relative à l’agrément des associations de protection de l’environnement.
Nous nous étions mis d’accord sur le fait que la Fédération nationale des chasseurs et les fédérations départementales des chasseurs étaient éligibles à l’agrément « association de protection de l’environnement ».
Il était important pour notre groupe que cette reconnaissance ne soit pas automatique, pour les raisons évoquées à l’instant par Mme Blandin. Vous aviez bien voulu soutenir notre amendement, qui fait désormais l’objet de l’article L. 141–1 du code de l’environnement.
Il ne suffit pas qu’une association ait pour objectif la gestion de la faune sauvage pour recevoir l’agrément. Il faut remplir d’autres conditions, notamment mener des activités de protection de la nature, de l’eau, des sites et des paysages.
Nous estimons en effet que les fédérations de chasseurs peuvent tout à fait prétendre à cet agrément, dans la mesure où est entreprise la démarche nécessaire pour l’obtenir. Nous vous proposons donc de préciser dans cet article que seules les fédérations ayant reçu l’agrément « association de protection de l’environnement » peuvent mener des actions d’information et d’éducation au développement durable.
L’amendement n° 13 est un amendement de repli, comme vient de le dire Mme Blandin elle-même, sur lequel la commission a émis un avis défavorable. Son objet, en effet, est loin d’être innocent !
Madame Blandin, je vous invite à découvrir des choses plus intéressantes que celles que vous rapportez, des endroits où les activités des fédérations sont extraordinaires, qu’il s’agisse de la gestion des espèces ou des espaces. Vous seriez bluffée !
Votre vision me fait penser à celle que présente à loisir la presse, laquelle n’évoque que trains en retard et catastrophes diverses. Ce qui fonctionne bien, en revanche, ne fait jamais l’objet d’un article.
Or, je vous l’assure, de très nombreuses fédérations mènent une action tout à fait satisfaisante. Mon invitation n’est pas un effet de manche : j’aimerais vraiment vous montrer le travail de certaines fédérations.
Quant à l’amendement n° 9 rectifié, je souhaiterais convaincre ses auteurs de le retirer.
Tout d’abord, je tiens à rappeler que 80 fédérations sur 94 mènent des actions d’information et d’éducation. Beaucoup s’impliquent, d’une manière intelligente, dans ce domaine, pour montrer des choses susceptibles d’intéresser un public.
Monsieur Patriat, vous proposez d’encadrer le dispositif et d’interdire aux fédérations qui ne sont pas agréées de mener ces actions d’information et d’éducation. Or, aujourd’hui, en France, seules deux fédérations – la fédération départementale de Seine-et-Marne et la FICEVY, fédération interdépartementale – n’ont pas encore reçu cet agrément ! Mes chers collègues, en tant que législateur, aussi bien en 2005 qu’en 2008, nous avions souhaité que les fédérations de chasse soient agréées. Je pense donc qu’il ne serait pas très adroit de montrer du doigt les deux dernières fédérations dont les demandes d’agrément sont en cours d’instruction.
Par ailleurs, nous en avons parlé en commission, certaines associations écologistes s’emploient à faire en sorte que cet agrément soit retiré aux fédérations. Une telle tentative a été menée contre la fédération départementale de la Manche, en raison d’une incompréhension relative aux motifs pour lesquels le Parlement avait créé cette possibilité d’agrément. À la surprise générale, un premier jugement avait retiré l’agrément à cette fédération départementale. Fort heureusement, cette décision a été annulée en appel.
Selon moi, il convient de ne pas affaiblir les fédérations de chasse, notamment les deux dont la demande d’agrément est en cours d’instruction. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, je me verrais obligé de confirmer les propos que j’ai tenus en commission et d’émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement de Mme Blandin, pour les raisons qui ont déjà été évoquées.
Sur l’amendement n° 9 rectifié de MM. Carrère, Patriat and Co, je partage complètement l’argumentaire de M. le rapporteur, ce qui me conduit à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. François Patriat. Madame la ministre, ce n’est pas « Carrère, Patriat and Co », c’est Carrère, Patriat and so !
Sourires.
Quoi qu’il en soit, j’ai bien entendu ce que vient de dire M. le rapporteur. Puisque ces fédérations disposent déjà de cet agrément, en quoi le fait d’indiquer qu’il est nécessaire pour mettre en œuvre ces actions d’information et d’éducation leur serait-il préjudiciable ?
Dans le cadre des dérives qui ont pu être observées, il s’agit simplement de souligner que cet agrément, n’étant pas automatique, peut être retiré par l’autorité publique. Les fédérations devront donc veiller à le conserver.
Toutefois, compte tenu des explications que pourra nous apporter Mme la ministre sur ce point, je retire cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
I. – Le premier alinéa du I de l’article 1395 D du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. – Les propriétés non bâties classées dans les deuxième et sixième catégories définies à l’article 18 de l’instruction ministérielle du 31 décembre 1908 et situées dans les zones humides définies au 1° du I de l’article L. 211–1 du code de l’environnement sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue au profit des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale à concurrence de 50 % lorsqu’elles figurent sur une liste dressée par le maire sur proposition de la commission communale des impôts directs et qu’elles font l’objet d’un engagement de gestion pendant cinq ans portant notamment sur le non-retournement des parcelles et la préservation de l’avifaune, sans exclure la pratique de la chasse. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 14, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’article 2 de la présente proposition de loi est le symbole même d’un nouveau cadeau fiscal accordé à une certaine catégorie de la population.
Vous souhaitez en effet mettre en place des exonérations de taxe foncière sur le non-bâti qui bénéficieront aux propriétaires d’installations de chasse situées dans les zones humides. Étant donné l’état actuel des finances publiques, dont on ne cesse de nous parler, il serait sûrement plus judicieux de s’abstenir de voter une telle mesure.
À dire vrai, j’ai parfois du mal à comprendre les intentions du Gouvernement. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué en commission que le Gouvernement est favorable à cet article et qu’il lèvera le gage, alors que, le 19 avril dernier, Mme Lagarde et M. Baroin affirmaient devant la commission des finances de l’Assemblée nationale leur volonté de « poursuivre l’effort de réduction des niches fiscales et sociales », dans le cadre de la politique de réduction des déficits publics. M. Arthuis a indiqué ne pas comprendre qu’on puisse prendre, le matin, l’engagement de supprimer des niches fiscales et en instituer de nouvelles l’après-midi...
J’aurais d’ailleurs aimé connaître le montant total que représenteront ces exonérations.
Par ailleurs, pour justifier cette nouvelle exonération, vous évoquez, pour ces zones humides, un entretien respectueux de l’équilibre de la biodiversité, auquel seraient ainsi incités les propriétaires. Il aurait peut-être été plus judicieux d’utiliser cet argent pour nettoyer ces zones et restaurer les habitats, qui ont subi durant de trop longues années et subissent toujours les conséquences de l’utilisation, malgré son interdiction, de la grenaille de plomb, qui modifie gravement le milieu aquatique et provoque, si elle est ingérée, des cas de saturnisme
M. Jean-Louis Carrère est dubitatif.
En effet, les 250 millions de cartouches tirées par an, dont 6 000 tonnes dans le cadre de la chasse, ont laissé des traces. Il s’agit d’une drôle de gestion de la biodiversité !
Les plans d’eau et les zones humides dans lesquelles se trouvent des installations fixes de chasse représentent pour leurs propriétaires une manne financière importante. On trouve sur Internet des offres de location de couchettes dans des huttes et des gabions à des prix impressionnants !
La rigueur budgétaire souhaitée par le Gouvernement ne saurait être à deux vitesses : d’un côté, vous « soignez » les chasseurs et de l’autre, madame la ministre, vous supprimez des niches fiscales vertes, je pense notamment au photovoltaïque. De tels sacrifices doivent être étendus à toute la population : si la rigueur doit tomber, elle ne peut épargner personne.
Je voudrais tout de même vous rappeler certaines réalités, madame Blandin.
L’objet de cet article est à des années-lumière de votre interprétation : il ne s’agit pas ici de créer une niche fiscale.
La mesure dont il est question avait été adoptée – je crois d’ailleurs me souvenir que vous aviez voté le texte – dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux, et plus particulièrement son volet « zones humides ».
Madame la ministre, vous nous l’avez rappelé tout à l’heure, il est important de protéger et préserver ces zones.
Au moment de la discussion de la loi relative au développement des territoires ruraux, une mesure est apparue – je ne sais d’ailleurs plus comment – qui introduisait une exonération de la taxe foncière au bénéfice des zones humides.
Un amendement avait été adopté précisant que, lorsque sur ces zones humides sont installés des équipements cynégétiques, il n’est pas possible de bénéficier de l’exonération.
En tout état de cause, de quoi s’agit-il ? D’une mesure qui coûte au budget de l’État 30 000 euros ! Je dis bien « 30 000 euros », madame Blandin ! On ajoutera quelques zones humides, qui coûteront quelques centaines d’euros supplémentaires. Mais ne faisons pas de comparaisons avec des niches fiscales qui représentent des dizaines ou des centaines de millions d’euros !
Il s’agit de traiter des zones humides. Veut-on, oui ou non, les protéger ? Prévoyons-nous, oui ou non, les moyens de le faire ? Dans l’affirmative, il est absurde de considérer que de méchants individus viennent chasser sur ces zones et que, pour eux, cette petite exonération de taxe foncière, c’est non !
C’est pour ces raisons que, madame Blandin, nous ne vous avons pas suivie et que, en commission, nous avons émis un avis défavorable.
S’il fallait envisager la question du coût de ce dispositif, je regretterais plutôt qu’il ne soit pas plus élevé ! En effet, cela prouverait que les zones humides sont correctement protégées.
Sur le principe, surtout, je ne crois pas que ce dispositif, dans son esprit, modifie les textes qui existent. Ceux-ci, à vrai dire, étaient peu explicites, ce qui a causé des problèmes, des tensions et des malentendus. Aujourd’hui, notre objectif est de préciser les textes, et de séparer clairement ce qui pourra donner droit à l’exonération, et ce qui ne le pourra pas.
En réponse à votre intervention, madame Blandin, je veux redire que la grenaille de plomb est interdite dans les zones humides. La dernière dérogation, qui concernait la régulation du cormoran, a même été supprimée. Aussi ces sujets, qui ont existé, appartiennent-ils heureusement au passé.
S’agissant du photovoltaïque, j’aurais préféré vous entendre parler des plus de 10 milliards d’euros qui vont être consacrés à l’éolien offshore 3 gigawatts ; il s’agira d’équipements produits en France, et qui permettront la création d’emplois pour nos compatriotes, ce qui, vous le savez, n’était pas toujours le cas des équipements importés dans le domaine de l’énergie photovoltaïque.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve que celle-ci soit associée à la préservation et à l’entretien des habitats
La parole est à Mme la ministre.
Comme je l’ai dit, il n’est pas nécessaire de modifier l’esprit du dispositif ; il faut seulement le préciser, en indiquant ce qui donne lieu à exonération, et ce qui n’y donne pas lieu.
L’esprit de l’exonération consiste à préserver l’environnement. Cet objectif n’exclut pas que l’on puisse chasser sur les terrains en cause, mais les dispositifs doivent concourir à la préservation et à l’entretien de l’environnement.
Avec cet amendement, il n’y a plus d’ambiguïté : il s’agit d’un dispositif destiné à préserver l’environnement ; on ne considère pas que la préservation de l’environnement et la chasse soient exclusives l’une de l’autre.
Il me semble que cet amendement pourrait réconcilier les différentes positions qui ont été exprimées dans votre hémicycle.
Je vois d’autant moins d’inconvénients à l’adoption de cet amendement qu’il nous permet de rappeler avec force le rôle essentiel que jouent les chasseurs dans les zones humides.
Je voudrais simplement, madame la ministre, que vous nous donniez l’assurance que le gage sur cet article sera levé. Peut-être ne vous est-il pas facile de le lever tout de suite, mais il faut que vous preniez l’engagement qu’il le sera avant l’adoption définitive du texte…
Madame la ministre, je crois que M. le rapporteur sera heureux de vous entendre…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Nous sommes en zone humide !
Sourires.
Comme Mme Blandin l’a rappelé, les finances de l’État, en ce moment, sont quelque peu contraintes…
À propos de la levée des gages, des arbitrages sont nécessaires pour chaque amendement. La question sera naturellement examinée au cours de la procédure, qui comporte encore plusieurs étapes.
Vous pouvez, monsieur le rapporteur, être rassuré.
En commission de l’économie, le groupe socialiste avait proposé plusieurs amendements modifiant cet article, afin de donner des garanties accrues sur la nature des terrains concernés par l’extension de l’exonération de taxe foncière, ainsi que sur leur gestion.
La proposition de rédaction faite par M. le rapporteur en commission offrait à mes collègues des garanties suffisantes sur leur bonne gestion. Celle que présente le Gouvernement est encore plus précise ; elle nous satisfait donc.
Il s’agit en effet de préciser que la chasse pratiquée sur ces terrains doit être associée à la préservation et à l’entretien des habitats, ce qui nous paraît tout à fait cohérent.
Je veux d’ailleurs rappeler que, selon l’article L. 424–5 du code de l’environnement, les chasseurs propriétaires de postes fixes pour la chasse au gibier d’eau de nuit sont obligés de participer à l’entretien des plans d’eau et des parcelles attenantes de marais et de prairies humides.
C’est le schéma départemental de mise en valeur cynégétique qui fixe les modalités de cette participation, ce qui nous donne quelques garanties sur les engagements de gestion dont j’ai parlé précédemment.
Il nous faut absolument protéger ces zones humides, qui remplissent des fonctions hydrographiques et biologiques importantes. L’amendement proposé par le Gouvernement va dans ce sens ; nous le soutenons par conséquent.
L'amendement est adopté.
L'article 2 est adopté.
(non modifié)
À la fin de la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 420–1 du code de l’environnement, les mots : « la gestion équilibrée des écosystèmes » sont remplacés par les mots : « une gestion équilibrée de la biodiversité ».
L'amendement n° 15, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 16, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, et qui est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 420-1 du code de l’environnement est supprimée.
II. - En conséquence, au début de la troisième phrase du second du même article, le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Les chasseurs ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Concernant l’amendement n° 15, qui est un amendement de suppression, j’attire votre attention sur l’état actuel de la biodiversité en France, et sur la nécessité de s’interroger sur l’impact des activités de chasse.
Les chasseurs se flattent d’être les premiers gestionnaires de la biodiversité. Mais c’est une gestion qu’ils effectuent au profit de leur propre activité ! De sorte qu’elle ne prend en compte qu’une partie des écosystèmes : c’est seulement certaines espèces que l’on prélève, que l’on introduit et que l’on nourrit. Il s’agit d’une démarche anthropocentrique, et à courte vue.
La gestion de la biodiversité ne peut se réduire à une distinction – pour prendre cet exemple – entre gibiers et nuisibles ; elle le peut d’autant moins que certaines espèces de gibiers sont privilégiées au détriment de certaines autres, et que certains prédateurs sont finalement considérés comme des concurrents, se retrouvant en voie d’extermination pour cette raison.
Un sondage réalisé par la Fédération nationale des chasseurs nous apprend que 80 % d’entre eux sont favorables à des lâchers de repeuplement de petit gibier.
Il ne s’agit pas là d’une gestion équilibrée. Le monde vivant s’équilibre avec le temps, s’autorégulant en fonction des territoires disponibles et des ressources des milieux, dès lors que l’homme respecte ses mécanismes naturels.
Les activités humaines ont assurément un impact : c’est le cas de l’agriculture, du bétonnage, de la construction de routes. Mais la chasse exerce elle aussi une pression, directe et immédiate, sur les équilibres naturels : elle demeure prédatrice dans l’espace de la biodiversité.
Plus de 48 % des espèces d’oiseaux chassables en France sont classées par l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, parmi les vulnérables, celles qui sont en état défavorable ou celles qui sont en danger : la chasse vient accentuer la régression de ces espèces.
Qu’apporte donc la chasse à la biodiversité lorsque, au cours de chasses nocturnes au gibier d’eau, plus de 6 mois dans l’année et 7 jours sur 7, des oiseaux difficilement identifiables, souvent rares et protégés, sont tués en grand nombre ?
J’ajoute également que certains oiseaux ont besoin, particulièrement lors des migrations et de l’hivernage, de pouvoir se nourrir et se reposer. Or, précisément, les zones humides sont occupées par des gabions et des huttes.
La création d’environnements artificiels et la pratique de lâchers d’animaux ne sont pas favorables au respect de la biodiversité.
Enfin, madame la ministre, que penser d’une proposition de loi qui supprime des missions de la chasse – parmi lesquelles elle figure aujourd’hui aux termes du code de l’environnement – la « gestion équilibrée des écosystèmes », pour lui substituer une « gestion équilibrée de la biodiversité », alors que vous me reprochiez tout à l’heure de vouloir ôter des missions de la chasse la gestion des écosystèmes ?
S’il s’agit, en introduisant la « biodiversité », de satisfaire à un effet de mode « année de la biodiversité », vous avez un an retard… S’il s’agit de parler de la variété des espèces, il y a longtemps que le concept de biodiversité recouvre davantage que le simple inventaire des espèces, pour s’étendre aux habitats et aux interactions entre espèces ; aux fonctionnalités qu’elles assurent entre elles et avec leur milieu et aux services rendus ; bref, à tout ce que désigne le mot « écosystème ».
L’amendement n° 16, de repli, supprime seulement une partie médiane de cet article, particulièrement axée sur la reconnaissance d’activités favorables à la gestion de la biodiversité.
J’ai, pour ma part, le souvenir des chasseurs s’opposant à la création de parcs naturels, à Natura 2000, à la réintroduction de l’ours… Je pense que ce n’est pas être caricatural que de rappeler les choses qui se sont produites.
Je vous suis reconnaissante, monsieur le rapporteur, pour votre invitation
Sourires.
Ces deux amendements ont le même objet.
Le débat qu’ils soulèvent est ancien : il s’agit de nier l’utilité de la chasse dans la régulation de la biodiversité.
Les chasseurs n’ont pas la prétention d’être des pionniers en matière de préservation de la biodiversité ; ils ont simplement celle d’être l’un de ses acteurs, voilà tout.
Vouloir aujourd’hui le nier, c’est chercher à rouvrir des combats menés en 2000, 2003 ou 2005. Je pensais que tout cela était révolu, mais je vois qu’il n’en est rien.
Pour finir, madame Blandin, je voudrais vous rappeler qu’en 2008 la charte européenne de la chasse et de la biodiversité a été votée, je crois, par vos collègues Verts du Parlement européen. Elle l’a été dans son ensemble : tout ce qu’elle contient a donc, en principe, été approuvé par eux.
Or cette charte prévoit tout simplement – je me permets de vous le rappeler – que « les chasseurs peuvent contribuer à la sauvegarde de la vie sauvage et du milieu naturel, en régulant les populations de gibier et en prenant soin de leurs habitats, en soutenant le savoir et la recherche et en sensibilisant le public aux problèmes de conservation de la nature ». Autrement dit, ils sont, comme d’autres, des acteurs de la biodiversité.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Je comprends l’argumentaire avancé, mais je ne le partage pas dans tous ses développements.
Je ne considère pas que la dynamique naturelle des populations aboutisse nécessairement à un équilibre dans le contexte, où nous vivons, d’une nature très travaillée par l’homme.
Par ailleurs, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un sujet absolument majeur, sur lequel nous devions nous étendre pendant des heures…
La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote sur l’amendement n° 15.
Madame la ministre, mes chers collègues, je prends très brièvement la parole pour dire à ma collègue Mme Blandin qu’il est nécessaire, sur ces sujets, d’être très prudent.
Il ne s’agit pas simplement de vouloir protéger la biodiversité ; il faut encore la connaître.
Or s’il y a une donnée incontestable, c’est que les chasseurs sont certainement, avec les agriculteurs, ceux qui connaissent le mieux le milieu naturel : si on ne connaît pas le milieu naturel, on ne peut pas attraper de gibier…
Je vais prendre un exemple qui vous montrera que le mieux peut être l’ennemi du bien.
Que se passe-t-il lorsqu’une espèce n’est pas chassée dans un parc naturel ? Prenons l’exemple d’un oiseau à mes yeux particulièrement mythique, à savoir le coq de bruyère. Celui-ci ne pouvant faire l’objet d’un élevage, cela signifie que, le jour où il aura disparu d’un territoire, il ne pourra y être réintroduit. Or cet oiseau a presque entièrement disparu du parc national des Pyrénées, qu’aucun chasseur, pourtant, ne fréquente.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Comment cette quasi-disparition s’explique-t-elle ? La polygamie de cet oiseau est bien connue : le mâle a l’habitude de s’accoupler avec trois femelles. De fait, les couvées comptant autant de poussins mâles que de poussins femelles, cet oiseau disparaîtrait si les mâles n’étaient pas chassés, faute de renouvellement de l’espèce. Ainsi, la chasse des mâles, la seule autorisée, permet justement cette régulation.
En réalité, les prédateurs du coq de bruyère sont non pas les chasseurs, mais, sans qu’ils le sachent, les skieurs de randonnée.
Cet oiseau passe tout l'hiver perché immobile sur une branche de sapin à y dorer ses plumes au soleil, se nourrissant de quelques bourgeons de sapin. S'il est dérangé, il tombe et n’a d’autre choix que de s’efforcer de regagner péniblement une branche basse, faute de pouvoir voler plus haut que quelques mètres. C’est ce parcours dans une neige molle de fin d'hiver qui, en l’affaiblissant, peut entraîner sa mort.
Cela étant, des scientifiques de renom nous ont assuré que la cause principale de la disparition des coqs de bruyère était les câbles des remontées mécaniques, auxquels ces oiseaux se heurtent en confondant les trouées réalisées pour leur installation avec des clairières naturelles.
Cette explication de vote a peut-être été un peu longue, mais il me semblait nécessaire de démontrer que la protection de certaines espèces requiert une parfaite connaissance de la nature.
J'ai écouté notre collègue François Fortassin avec beaucoup d'attention. Certains éléments naturels expliquent aussi la disparition prématurée des coqs de bruyère : c'est la prolifération de l'aulne vert, qui empêche ces oiseaux de prendre leur envol. Là encore, quand les chasseurs rouvrent les milieux, ils permettent à des espèces de se maintenir.
Madame Blandin, vouloir protéger les blaireaux ou les cormorans en surnombre, c’est bien. Mais on peut aussi se demander pourquoi il n'y a plus de perdrix, plus de cailles, …
… autant d’espèces qui ont fait le bonheur de nombreuses générations et qui ont, elles aussi, le droit de se maintenir. Vous voulez supprimer l’article 3, qui a pour objet de remplacer, à l’article L. 420–1 du code de l’environnement, le mot « écosystèmes » par le mot « biodiversité ». Or ce dernier terme est celui qui est désormais habituellement usité. Ainsi, le Gouvernement s’est engagé à mettre en place une stratégie nationale pour la biodiversité. Le mot écosystème, quant à lui, est tombé en désuétude, ce que l’on peut regretter. En effet, il paraît plus complet et sous-tend la notion d'équilibre entre la faune et l'habitat.
Même si cette évolution lexicale ne changera pas grand-chose pour les chasseurs, nous devons cependant adapter le vocabulaire au contexte.
Pour ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Après l’article L. 425–12 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 425–12–1 ainsi rédigé :
« Art. L. 425–12–1. – Le préfet, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, peut imposer le prélèvement d’un nombre déterminé d’animaux au propriétaire d’un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces, présentes sur son fonds, qui causent des dégâts agricoles.
« Si le nombre d’animaux attribués n’est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l’article L. 425-11. »
L'amendement n° 17, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Préalablement, je voudrais faire remarquer à notre collègue François Fortassin que, si les chasseurs sont indispensables à la reproduction du coq de bruyère, il est alors permis de se demander comment faisait cet oiseau auparavant, avant l’apparition de l'espèce humaine…
Sourires.
L’article 4 de la présente proposition de loi est une remise en cause du droit pour tout propriétaire de s’opposer à la chasse sur son territoire. Or ce droit a été reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme en 1999.
Ce sont donc bien les opposants à la chasse qui sont visés.
Il ne serait donc plus possible de s’opposer, par principe, par éthique ou par confort, à cette activité. Les chasseurs voudraient avoir accès à tous les territoires. Heureusement, les amateurs de motocross n'ont pas les mêmes demandes !
Le droit actuel est pourtant respectueux du choix de chacun. Ainsi, en cas de dégâts sur les cultures, le propriétaire voit déjà sa responsabilité financière engagée ou bien est obligé d’accepter des battues lorsque l’administration l’estime nécessaire.
Si l’article 4 est adopté, il sera mis fin aux pressions qu’exerçaient souvent sur les propriétaires les chasseurs qui se voyaient refuser l’accès à certains territoires. Néanmoins, ceux-ci prendront la main sur le dispositif : ce seraient désormais les fédérations qui proposeraient au préfet d’imposer un prélèvement.
De plus, en cas de défaillance dans un prélèvement consécutif à un plan de tir proposé par le préfet, la responsabilité financière du propriétaire serait quand même engagée.
Enfin, comment prouver que des animaux responsables de dégâts appartiennent à tel ou tel fonds ?
Plutôt que d’accuser systématiquement les propriétaires, ne vaudrait-il pas mieux essayer de comprendre pourquoi tant de dégâts sont causés à des surfaces agricoles ?
Quand le magazine Le chasseur français titre en une « Sangliers : gardez-les chez vous pour mieux les chasser demain », est-ce la faute des propriétaires ?
J'ai évoqué tout à l'heure la pratique de l’agrainage ou celle qui consiste à enduire d'asphalte les troncs d’arbre pour inciter les sangliers à venir s’y gratter. Si les populations de sangliers, principaux responsables des dégâts causés aux cultures, se développent à ce point, c’est aussi en raison de la complaisance de certains chasseurs, qui veulent être sûrs de ne pas rentrer bredouille.
Appliquons les textes en vigueur, examinons les pratiques et nous devrions pouvoir réguler les populations de sangliers et limiter les dégâts dont ils sont la cause.
L'article 4 constitue le cœur de cette proposition de loi puisqu'il traite de la question des territoires non chassés, question sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir dans la suite de la discussion des amendements. Aussi, la commission émet un avis très défavorable sur cet amendement visant à le supprimer.
Ma chère collègue, si vous craignez sincèrement que ne soit remis en cause le droit à l'opposition cynégétique, alors vous vous trompez. Il n'est aucunement question de remettre en cause ce droit. Cet article dispose simplement que, si le propriétaire d’un territoire ne procède pas ou, n’étant pas chasseur lui-même – il en a parfaitement le droit s’il n’aime pas cette activité –, refuse de faire procéder à la régulation des espèces, présentes sur son fonds, responsables de dégâts agricoles, alors il pourra voir engagée sa responsabilité financière.
Même si je ne suis pas certain que cette crainte était l’unique raison motivant votre proposition de suppression de l'article, je ne peux que vous inviter, ma chère collègue, à retirer votre amendement. À défaut, je le répète, la commission émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement. Son amendement n° 27, tel qu’il est rédigé, devrait mettre tout le monde d'accord. Il me semble nécessaire de préciser une nouvelle fois que le droit d'opposition cynégétique n'est absolument pas remis en cause. Il n’en demeure pas moins qu’il n'est pas légitime de faire supporter par les seules fédérations de chasse les dégâts causés par des animaux en surnombre. C'est pourquoi il nous paraît indispensable, pour des raisons de justice, de trouver une réponse à un problème source de tensions dans certains milieux ruraux.
Comme M. le rapporteur, je considère que cet article ne remet aucunement en cause le droit d'opposition cynégétique.
Je profite de cette occasion pour évoquer, brièvement et sans d’inutiles et longs développements, la situation du camp d'entraînement militaire au tir des avions de la base de Mont-de-Marsan, situé à Captieux.
En journée, les populations de sangliers se réfugient dans ce camp, propriété de l’État, avant d’en ressortir la nuit pour aller largement se repaître dans les magnifiques champs de maïs situés au sud de celui-ci, ce qui nous pose d’énormes problèmes.
Lors d’entretiens que nous avions eus avec elle, nous avions expliqué à l’ancienne ministre de la défense qu’enfermer les sangliers dans ce camp n’était pas une solution appropriée dans la mesure où ils n’avaient nulle possibilité d’y trouver de la nourriture. C’est pourquoi nous lui avions demandé de revoir le système de clôtures et, puisque nous sommes des gens responsables, de nous autoriser au moins à réguler ces populations de sangliers.
Supprimer cet article reviendrait ipso facto à transférer sur les chasseurs, sur leur mouvement associatif, des charges croissantes qu’ils ne parviennent pas, d’ores et déjà, à supporter. En outre, la question des dégâts causés par les gibiers ne serait pas réglée.
Je conclurai en disant un mot sur l’agrainage.
Madame Blandin, lorsque nous pratiquons l’agrainage, c'est à des fins de régulation des populations et non à des fins de conservation des espèces pour des raisons cynégétiques ou je ne sais quel autre motif égoïste. Notre objectif est bien de réduire autant que possible les dégâts du gibier sur les cultures.
Cela se discute ; ce n’est pas le cas partout !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 2 du chapitre V du titre II du livre IV du même code est complétée par un article L. 425-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 425–5–1. – Lorsque le détenteur du droit de chasse d’un territoire ne procède pas ou ne fait pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds et qui causent des dégâts de gibier, il peut voir sa responsabilité financière engagée pour la prise en charge de tout ou partie des frais liés à l'indemnisation mentionnée à l'article L. 426–1 et la prévention des dégâts de gibier mentionnée à l'article L. 421–5.
« Lorsque l'équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de ce territoire, le représentant de l’État dans le département, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, après avis de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d’animaux non prélevés dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée à l’alinéa précédent. »
La parole est à Mme la ministre.
M. le président de la commission, avec qui je m’en entretenais à l’instant, et moi-même avons, sur la pratique de l’agrainage, un point de vue quelque peu différent de celui de M. Carrère.
Cet amendement devrait pouvoir réconcilier tout le monde : il ne supprime pas le droit d'opposition cynégétique ; en revanche, il introduit une mesure de justice, équilibrée, qui devrait permettre à certains coins de campagne, dans lesquels ces questions d'indemnisation créent des tensions aussi fortes qu’inutiles, de retrouver de la sérénité.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter massivement cet amendement.
Le sous-amendement n° 28, présenté par M. Poniatowski, est ainsi libellé :
Amendement n° 27, alinéa 4
Après les mots :
faune sauvage
insérer les mots :
réunie dans sa formation spécialisée pour l’indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
Je précise au préalable que, l'amendement du Gouvernement visant à proposer une nouvelle rédaction pour l'article 4, son adoption rendrait sans objet les amendements suivants.
D’abord, non seulement le Gouvernement accepte la logique d'une responsabilité financière des détenteurs du droit de chasse qui ne procèdent pas à la régulation de leurs fonds, mais il fait même de celle-ci un principe.
Nous approuvons cette disposition, d’autant que tel était l'objet initial de l'article 4 et des amendements que nous avions déposés en commission.
Ensuite, l’amendement du Gouvernement vise à remplacer la notion de propriétaire par la notion de détenteur du droit de chasse, afin de prendre en compte les cas où ce droit de chasse est loué par le propriétaire à une association. C’est également une bonne chose.
En outre, l’imposition d’un nombre d’animaux à prélever est remplacée par la simple notification d’un nombre d’animaux qu’il aurait fallu prélever et qui servirait de référence pour calculer la hauteur de la responsabilité financière. Cela me convient également.
Enfin, le Gouvernement intègre dans cette nouvelle rédaction l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, ajout que nous avions tous souhaité en commission. Moi-même ainsi que nos collègues Verts et socialistes avons déposé, sur cet article, un amendement en ce sens.
Mais la commission départementale doit être consultée dans des cas précis. Comme l’a rappelé M. Carrère à l’instant, cet article traite des dégâts provoqués par le gibier qui se concentre sur les territoires non chassés.
Bien entendu !
Madame la ministre, la commission a émis un avis de sagesse sur votre amendement…
… parce que vous l’avez déposé seulement un quart d’heure avant qu’elle se réunisse ! Nous n’avons donc pas eu le temps d’en mesurer les conséquences. Sur le principe, je n’y étais pas hostile et c’est pourquoi j’ai proposé à la commission d’émettre un avis de sagesse. J’ai bien fait de vouloir prendre le temps de procéder à un examen détaillé de cet amendement, puisqu’il m’a paru souhaitable d’y préciser que la commission départementale est réunie dans sa formation spécialisée pour « l’indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles », ce qui est bien l’objet du dispositif. Ainsi, cela ne concernera pas tous les cas de figure.
Compte tenu des délais auxquels nous étions soumis, j’ai déposé ce sous-amendement à titre personnel. Madame la ministre, si vous l’acceptez, je serai ravi, si M. le président de la commission m’y autorise, de transformer en avis favorable l’avis de sagesse que j’avais préconisé en commission.
Le sous-amendement n° 28 n’a pas été examiné en commission. Toutefois, eu égard au nombre de membres de la commission présents dans cet hémicycle, c’est sans inquiétude que je soutiens ce sous-amendement. Si vous l’acceptez, madame la ministre, la commission sera alors favorable à votre amendement n° 27 ainsi modifié.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par MM. Carrère et Patriat, Mme Herviaux, M. Mirassou et les membres du groupe Socialiste.
L'amendement n° 18 est présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Après le mot :
chasseurs
insérer les mots :
et après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage
Vous avez la parole pour présenter l’amendement n° 6, monsieur le rapporteur, mais, compte tenu du débat, peut-être renoncez-vous à le défendre…
Non, monsieur Patriat, puisque le sous-amendement n° 28 et l’amendement du Gouvernement n’ont pas encore été adoptés.
L’amendement n° 6 étant identique aux amendements n° 11 rectifié et 18, je laisse à M. Carrère et à Mme Blandin le soin de le présenter.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour présenter l'amendement n° 11 rectifié.
Cet amendement porte sur la consultation de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage.
L’article 4 vise à intégrer un nouvel article à la section sur les plans de chasse du code de l’environnement visant à préserver l’équilibre agro-sylvo-cynégétique, en mettant en place des plans de prélèvements d’un nombre déterminé d’animaux dans les espaces manifestement sous-chassés ou non chassés et en prévoyant un dispositif d’indemnisation financière des dégâts causés par ce gibier.
En fait, il s’agit d’une extension du principe d’engagement de la responsabilité financière déjà établie dans l’article L. 425-11 qui impose pour l’instant la prise en charge de l’indemnisation des dégâts provoqués aux bénéficiaires d’un plan de chasse ne prélevant pas le nombre minimum d’animaux, aux personnes ayant formé l’opposition prévue au 5° de l’article L. 422–10 et qui n’ont pas procédé sur leur fonds à la régulation des espèces de grands gibiers.
Ce principe de responsabilité financière des propriétaires de terrains manifestement non chassés ou sous-chassés serait donc étendu à l’ensemble du territoire national : camps militaires, biens communaux, propriétés privées hors territoire des ACCA.
Aujourd'hui, il est largement admis que, face à l’accroissement des dégâts causés par les gibiers en surpopulation aux cultures ou aux récoltes agricoles, la charge financière liée à leur indemnisation est difficilement supportable par les fédérations départementales de chasseurs.
Il s’agit donc de faire en sorte que les propriétaires, notamment l’État, soient obligés de réguler les espèces présentes sur leur fonds ou, par défaut, de prendre en charge les indemnités versées aux agriculteurs ou d’organiser au mieux les battues de régulation.
Alors, bien sûr, il faudra veiller à ce que, localement, le droit des propriétaires opposants de conscience à la chasse soit respecté, étant entendu que ce droit est déjà assorti de l’obligation de procéder ou de faire procéder à la destruction des animaux nuisibles et à la régulation des espèces présentes sur le fonds.
Pour cela, il nous semble indispensable que ce dispositif soit activable sur proposition de la fédération départementale des chasseurs, mais aussi après que la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, qui rassemble toutes les parties prenantes, a donné un avis. Et je rejoins tout à fait le bémol, ou plutôt le sous-amendement de M. Poniatowski : seule la structure ad hoc de la commission départementale doit être consultée.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 18.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, tout à l’heure, vous avez évoqué mes motivations. Vous m’avez rassurée sur la première, le maintien du droit à l’opposition cynégétique, et l’amendement du Gouvernement répond à la seconde, la sortie du huis clos comminatoire entre l’administration et les chasseurs.
M. Jean-Louis Carrère acquiesce.
Le sous-amendement n° 28 précise que seule la formation spécialisée pour l’indemnisation des dégâts du gibier sera consultée. J’espère que cette disposition n’a pas d’effet restrictif, que la composition de cette formation sera aussi diverse que celle de la commission. Si tel n’était pas le cas, nous perdrions tout l’intérêt que représente cette ouverture.
Sous cette réserve, l’amendement n° 27 du Gouvernement, modifié par le sous-amendement n° 28 de M. Poniatowski, convient très bien.
L'amendement n° 3, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
territoire
insérer les mots :
, y compris à l'État,
L'amendement n° 4, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
procéder
insérer le mot :
suffisamment
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter ces deux amendements.
Il s’agit d’amendements de précision.
Au travers de l’amendement n° 3, qui reprend un point ayant été évoqué voilà quelques instants par M. Carrère, je souhaite qu’il soit mentionné que l’État est bien visé par les dispositions de l’article 4.
Dans certaines propriétés de l’État, – je pense au camp militaire des Landes que M. Carrère évoquait tout à l’heure, mais aussi à un terrain de plus de 10 000 hectares situé dans le Cher et sur lequel il est procédé à des essais de tir – on constate une prolifération de sangliers. Des associations de chasse dépendant de l’État interviennent sur ces terrains, mais la régulation est parfois difficile.
Il convient d’être précis. L’État doit faire procéder à des battues de régulation. Si besoin est, il devra indemniser les agriculteurs, ce qui suppose qu’il s’en donne les moyens en prévoyant des lignes budgétaires ad hoc.
L’État, qui possède de nombreuses propriétés sur l’ensemble du territoire national, se doit d’être exemplaire. C'est pourquoi il me paraît utile de préciser qu’il est visé par les dispositions de l’article 4.
La commission ne peut accepter les amendements n° 3 et 4. En commission, à la suite des explications que je lui avais données, M. Pointereau avait retiré ses amendements, en précisant qu’il déposerait de nouveau un amendement en séance publique afin que Mme la ministre lui confirme que les territoires de l’État sont inclus dans le dispositif.
Mon cher collègue, je le réaffirme – Mme la ministre pourrait également le faire –, tous les territoires non chassés sont concernés, qu’ils appartiennent à l’État – et aient, ou non, une vocation militaire –, à des communes ou à des particuliers. Vous ayant ainsi rassuré, je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer l’amendement n° 3.
Par ailleurs, l’introduction de l’adverbe « suffisamment »…
… ne me paraît pas utile. À l’heure où nous nous efforçons tous de clarifier et de simplifier les textes, il serait dommage que ce soit lors d’une proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse que l’on complexifie la loi. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer également votre amendement n° 4.
L’avis est fait de compromis. Je dois à la vérité de reconnaître – je le dis en particulier pour Mme Blandin qui s’interrogeait sur ce point – que la composition de la formation spécialisée prévue dans le sous-amendement n° 28 est moins ouverte que celle qui avait été envisagée par le Gouvernement. Toutefois, j’ai bien compris que M. Poniatowski était très attaché à son sous-amendement. Aussi, je suis favorable à ce sous-amendement.
Je défends fortement mon amendement. Monsieur Carrère, s’il est adopté, …
… votre amendement deviendra sans objet. Je vous appelle donc à voter en faveur de mon propre amendement.
Monsieur Pointereau, votre amendement n° 3, comme votre amendement n° 4, n’est pas utile, car les terrains de l’État sont visés de plein droit, au même titre que les autres, comme c’est déjà le cas des territoires sur lesquels il existe un plan de chasse qui n’a pas été suffisamment mis en œuvre. Ainsi, dans le cas du camp militaire de Captieux, qu’évoquait tout à l’heure M. Carrère, l’État a été condamné à indemniser les agriculteurs pour les dégâts aux cultures dus à la prolifération du gibier du fait de la non-réalisation du plan de tir.
L’État est donc bien concerné.
M. Rémy Pointereau. Rassuré par les propos de Mme la ministre, et espérant que l’État aura les moyens d’indemniser les agriculteurs
Sourires.
Après avoir entendu les explications de M. le rapporteur, nous voterons le sous-amendement n° 28.
Mme la ministre ayant affirmé avec insistance que tous les territoires sont concernés, y compris ceux qui appartiennent à l’État, et ayant accepté le sous-amendement n° 28, nous voterons avec presque beaucoup d’enthousiasme l’amendement n° 27, ainsi modifié.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'article 4 est ainsi rédigé et les amendements n° 6, 11 rectifié et 18 n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Carrère, est ainsi libellé :
Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du premier alinéa de l’article L. 426-3 du code de l’environnement, les mots : « à un minimum fixé par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « à 3 % de la surface des cultures ou récoltes agricoles, par îlot ou partie de l’îlot concerné par la même culture et par campagne cynégétique. Ce seuil peut être réévalué, par arrêté du ministre chargé de la chasse »
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
Je me suis attardé, lors de la discussion générale, sur la problématique que pose cet amendement, relatif aux dégâts de gros gibier. Je voudrais apporter quelques précisions, car Mme la ministre ne m’a pas alors paru encline à admettre la validité de mes arguments en ce qui concerne les techniques d’agrainage.
Nous disposons de plusieurs méthodes pour réguler les populations de gibier. Mais lorsque le nombre de chasseurs décroît et que leur âge s’accroît, … lorsque l’intérêt de ces chasseurs pour certaines pratiques cynégétiques décroît et que le nombre de gros gibiers s’accroît
Sourires.
Mme la ministre s’exclame.
C’est la raison pour laquelle, madame la ministre – votre cabinet doit le savoir –, la Fédération départementale des chasseurs des Landes a demandé une dérogation pour utiliser la chevrotine et pour faire des tirs sur les points d’agrainage, afin de réguler les populations de sangliers.
Donc, je maintiens que, dans le sud de la France et notamment dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, on recourt à l’agrainage non pour maintenir ou protéger le gibier, en prenant le risque d’accroître les populations, mais bien pour le réguler.
S’agissant du présent amendement, j’ai parfaitement compris qu’il était très difficile de l’introduire dans le corps de cette proposition de loi dont l’esprit me paraît juste.
Aussi, je demande à Mme la ministre, à M. le président de la commission et à M. le rapporteur de prendre l’engagement de créer une structure ou une instance qui travaillerait sur cette question des dégâts de gros gibier et de leur indemnisation.
Je le dis avec beaucoup de solennité : si nous n’y prenons garde, nous allons décourager les pratiquants de la chasse dans nos fédérations, et nous n’aurons plus ni les moyens de réguler ni les moyens d’indemniser. Nous serons donc dans une situation assez catastrophique par rapport à nos amis agriculteurs.
Je conçois que cet amendement ferait peser sur eux une contrainte financière certainement trop lourde, mais j’espère obtenir des garanties qui ne soient pas un chèque en blanc, comme celui qui m’avait été fait pour les tables rondes auxquelles nous n’avions pas été associés. De telles réunions sont utiles, car elles nous permettront de délibérer sur ce sujet.
Si j’ai bien compris, mon cher collègue, outre cet amendement, vous demandez des assurances.
Madame la ministre, je vais demander à notre collègue Jean-Louis Carrère de retirer son amendement, mais je soutiens totalement sa demande, parce que son objet, qui consiste à modifier le seuil de déclenchement des procédures d’indemnisation pour les dégâts de gibier, répond à un problème qui ne se pose pas seulement dans le département des Landes.
Sont également concernés nombre d’autres départements, en tout cas beaucoup de fédérations qui rencontrent des difficultés pour traiter les multiples dossiers concernant des dégâts de gibier minimes ou des petites parcelles. Quand les dégâts sont importants mais que la propriété est toute petite, il faut tout de même trouver une solution.
J’ai apprécié la manière dont Jean-Louis Carrère a défendu son amendement : il a bien dit que ce n’est pas à nous, parlementaires, d’aider le monde de la chasse à régler un problème sur le dos des agriculteurs notamment. Ces derniers doivent être associés à la discussion.
M. Jean-Louis Carrère opine.
C’est la raison pour laquelle notre collègue s’est adressé au Gouvernement et à la commission. Je suis entièrement d’accord avec lui : il faut se mettre autour d’une table pour trouver une solution, parce que ce problème existe dans de nombreux endroits.
Le déclenchement qui est aujourd’hui prévu par un décret, à partir d’un seuil de dégâts de 76 euros, n’est pas une bonne solution. La proposition de notre collègue de déclencher l’examen lorsque 3 % de la surface a été abimée n’est pas non plus satisfaisante. Mais il faut trouver une solution.
C’est pourquoi je lui demande de retirer son amendement, tout en précisant que je soutiens la demande qu’il a formulée à l’intention de Mme la ministre.
Je partage totalement le point de vue de M. le rapporteur : 76 euros, c’est peu pour une exploitation de plus de 200 hectares, mais c’est beaucoup pour une exploitation de 50 hectares ou une exploitation d’élevage.
Par conséquent, je m’engage ici à conduire une réflexion avec tous les acteurs concernés. Mais vous comprenez bien que « le dispositif à 3 % » est un peu compliqué.
Je profite de cette occasion pour dire que j’invite M. Carrère à lire la circulaire dont je parlais tout à l’heure. On y distingue deux types d’agrainage : l’agrainage dissuasif pour les cultures – son fonctionnement est expliqué en annexe – et l’agrainage de nourrissage, qui, lui, est problématique – j’insiste sur ce point.
M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, je vous remercie vraiment d’aller dans le bon sens, mais j’ai été tellement échaudé… Si l’on se réfère au compte rendu des débats et au Bulletin Quotidien, on peut tout à fait vérifier qu’un membre du Gouvernement, l’un de vos prédécesseurs, s’était engagé à ce que la représentation au sein de la table ronde sur la chasse soit équilibrée. Elle ne l’a pas été. Moi, je considère que c’est une parole non tenue !
Mme la ministre s’exclame.
Si j’ai l’assurance que tout le monde va dans le même sens – je l’ai de votre part et de la part de M. le rapporteur –, que cette question pourra être débattue à l’Assemblée nationale lors de l’examen de ce texte, je suis prêt à retirer mon amendement.
J’ai tout à fait conscience que le dispositif des 3 % que je propose est un peu artificiel et ne peut pas constituer une solution. Donc, je le répète, je suis prêt à retirer mon amendement.
Dans le même temps, je tiens tout de même à vous dire que c’est une assurance bénévole, gratuite, payée par des gens qui sont parmi les moins aisés de toutes les zones rurales. Pour les assureurs, on fait preuve d’un peu plus de mansuétude quand il s’agit de dégâts occasionnés sur les véhicules, puisqu’ils appliquent des franchises.
Il faut arrêter de prendre les chasseurs très populaires pour des vaches à lait. Il faut que nous trouvions une vraie solution !
En tout état de cause, je remercie M. le rapporteur et vous-même, madame la ministre. Cela étant, j’espère que nous allons dans la bonne direction et que la mise en place de cette structure de réflexion sera assez rapide.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement.
(non modifié)
À l’article L. 422–24 du code de l’environnement, après les mots : « peuvent constituer », sont insérés les mots : «, y compris par la fusion, ». –
Adopté.
L’article L. 422–21 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Soit acquéreurs de l’intégralité d’un terrain soumis à l’action de l’association ayant fait l’objet d’un apport à la date de création de l’association. » ;
2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – L’acquéreur d’une fraction de propriété ayant fait l’objet d’un apport à la date de création de l’association et dont la surface est supérieure à 10 % du seuil d’opposition en vigueur dans le département prévu à l’article L. 422–13 peut prétendre à la qualité de membre de droit de l’association.
« Les statuts de chaque association déterminent les conditions et les modalités de l’adhésion de l’acquéreur d’une fraction de propriété ayant fait l’objet d’un apport à la date de création de l’association et dont la surface est inférieure à 10 % du seuil d’opposition. » –
Adopté.
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 423–19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette validation peut ouvrir droit à une validation de un jour dans un autre département. » ;
2° Le huitième alinéa de l'article L. 423–21–1 est ainsi rédigé :
« Lorsqu'un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser, le montant de ces redevances est diminué de moitié si cette validation intervient moins d'un an après l'obtention de son titre permanent. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Patriat et Carrère, Mme Herviaux, M. Mirassou et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. François Patriat.
En commission de l’économie, notre groupe s’est opposé – d’ailleurs, comme notre rapporteur – à l’adoption de l’amendement qui a modifié l’article 7 de la proposition de loi.
Nous vous proposons donc aujourd’hui un amendement visant à supprimer les alinéas adoptés en commission qui ouvrent la possibilité de chasser une journée dans un autre département – j’ai entendu les interventions des uns et des autres à ce sujet.
En effet, la validation du permis de chasser départemental prévue à l’article L. 423–19 du code de l’environnement est déjà possible pour trois jours, deux fois par campagne cynégétique ou neuf jours consécutifs, une seule fois. Ces validations de courte durée donnent lieu au paiement d’une redevance cynégétique et d’une cotisation fédérale, et il est prévu qu’elles ne soient pas cumulables : il s’agit de 15, 30 euros pour trois jours, …
… et de 23, 40 pour neuf jours.
En revanche, la nouvelle disposition n’a pas du tout été encadrée, et les conséquences sur les fédérations d’une pratique « nomade » de la chasse – si je puis m’exprimer ainsi – n’ont pas été évaluées : en effet, dans l’état actuel, le coût ne serait pas compensé pour les fédérations, et ce droit pourrait être utilisé plusieurs fois pendant la même campagne ou dans plusieurs départements différents.
Au travers de l’amendement n° 5, la commission semble proposer des encadrements. Donc, nous serons peut-être amenés à retirer notre amendement. Mais nous souhaitons d’abord obtenir des précisions sur ce sujet, monsieur le rapporteur.
L’amendement n° 5, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le titulaire d’une validation départementale de son permis de chasser peut obtenir de sa fédération, une seule fois dans l’année et dans des conditions fixées par voie réglementaire, une validation de un jour valable dans un autre département. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 10 rectifié.
Je ferai tout d’abord une petite explication chronologique.
Cet amendement que Rémy Pointereau a déposé était un amendement « pratique », qui tendait à permettre à tout chasseur – lors de sa présentation, notre collègue avait parlé seulement des jeunes chasseurs, mais ce dispositif est valable pour tous les chasseurs –, dès lors qu’un permis lui a été délivré dans un département, de pouvoir, sans coût supplémentaire, chasser un jour – et une fois – dans un autre département. Logiquement, la chasse aura lieu dans le département voisin et ne visera pas seulement le gros gibier.
Des gabions existent sur ma commune, en bordure du Calvados. Les gabionneurs appartiennent à une famille de gens modestes, je tiens à le dire, qui, depuis plusieurs générations, se saignent aux quatre veines et dépensent tout ce qu’ils ont afin de pouvoir louer un gabion et, parfois, je les juge sévèrement, au point de ne pas emmener leur famille en vacances.
Les gabions sont situés le long de la Seine, dans l’Eure et dans le Calvados, et sont très souvent occupés par des chasseurs qui s’invitent mutuellement, ne serait-ce qu’une fois de temps à autre, parce que la chasse est une activité conviviale.
Nous avons tous été sensibles au fait de permettre, comme le souhaitait Rémy Pointereau au travers de son amendement, à tout chasseur de chasser un jour de plus. Mais le groupe socialiste, à travers votre intervention, monsieur Patriat, et moi-même avons estimé que, tel qu’il était rédigé, cet amendement n’était pas satisfaisant et qu’il fallait absolument encadrer différemment ce droit de chasse.
Voilà pourquoi hier matin, en commission, j’ai proposé un encadrement très simple. Vous le voyez, madame la ministre, je vous ai bien entendue. La demande devra être formulée à un seul endroit – ce sera la seule condition –, sa fédération de chasse, afin d’éviter le nomadisme que dénonçait à juste titre François Patriat.
L’objectif est d’éviter que des petits malins ne se rendent dans cinq ou six endroits et parviennent à chasser partout en payant une seule fois pour un permis départemental. Le chasseur ne pourra obtenir le droit de chasser qu’en s’adressant à sa fédération.
Le système est simple et ne coûte pas grand-chose. Dans la mesure où tous les chasseurs sont inscrits sur le site informatique de la fédération qui leur délivre leur permis, ils ne pourront pas user de ce nouveau droit plus d’une fois. Cet encadrement est facile à contrôler et permettra à tout chasseur d’aller chasser au moins une fois en dehors de son département.
Cela n’a rien à voir avec la mesure que nous avions adoptée dans la loi de 2003, le fameux permis de trois jours, qui, souvenez-vous, avait été créé pour aider notamment les expatriés qui reviennent occasionnellement en France, en leur permettant de chasser trois jours. Il ne s’agit donc pas du même problème ni des mêmes chasseurs.
En l’occurrence, nous faisons un petit clin d’œil chaleureux – mais c’est un petit plus – au monde de la chasse.
Voilà pourquoi je vous propose d’adopter l’amendement n° 5. Ainsi, l’amendement n° 10 rectifié serait satisfait.
Le Gouvernement n’est pas enthousiaste sur cette proposition, qui entraînera des frais de dossiers et compliquera la situation.
Certes, la rédaction de la commission simplifie le dispositif. Cela dit, dans ce cas-là, il vaudrait mieux remplacer les termes « une seule fois dans l’année » par les termes « une seule fois par campagne cynégétique », parce que c’est la formule qui est reprise pour le permis de trois jours et le permis de neuf jours. Sinon, nous serons confrontés à des difficultés de recoupement entre les deux dispositifs.
Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de Mme la ministre ?
Je rectifie volontiers mon amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre, monsieur le président.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le titulaire d’une validation départementale de son permis de chasser peut obtenir de sa fédération, une seule fois par campagne cynégétique et dans des conditions fixées par voie réglementaire, une validation de un jour valable dans un autre département. » ;
Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je suis sensible à l’argument de Mme la ministre, selon lequel nous allons vers une complexification administrative.
C’est pourquoi je me demande si nous n’aurions pas pu, de manière un peu plus réaliste, minorer le prix du permis de trois jours. Qui peut le plus peut le moins ! Celui qui ne chasse qu’une journée paierait tout de même les trois jours si le prix est inférieur. Ainsi, les choses ne seraient pas plus complexes, me semble-t-il…
Si cette suggestion n’est pas retenue, je me range à l’avis de la commission sans aucun problème.
L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote sur l’amendement n° 5 rectifié.
Il faut savoir ce que l’on veut ! On se plaint d’avoir de moins en moins de chasseurs, mais aujourd’hui, à moins d’être fils d’agriculteur, de chasseur ou de propriétaire forestier, un jeune qui a peu de moyens ne peut pas aller à la chasse, à moins de participer à des chasses communales.
L’amendement qui a été déposé est très bien, mais il nous faut encourager encore plus les jeunes, parce que, compte tenu du prix d’une action de chasse et de tous les frais annexes, demain nous n’aurons plus de jeunes ! Il faut donc donner un signal fort à ces derniers.
C’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur cette disposition permettant aux chasseurs de pouvoir aller chasser une journée dans un autre département de notre pays, où les jeunes sont souvent invités par leur famille ou leurs amis. Cela me paraît important. Le coût pour trois jours, c’est non pas 15 euros, mais 50 euros ; et pour neuf jours, c’est 90 euros.
Il faut parler des bons chiffres.
Si l’on pouvait octroyer deux ou trois jours avec le permis départemental, ce serait parfait, mais je ne sais pas si nous pourrons aller jusque-là.
À défaut de pouvoir accorder ce droit à tous nos chasseurs, essayons au moins d’en faire bénéficier les plus jeunes d’entre eux, qui se font de plus en plus rares.
L'encadrement prévu par M. le rapporteur est sans doute positif, mais il nous faut persévérer dans la voie de la diminution du prix du permis de chasser, afin de faciliter l'accès des jeunes à cette activité.
L'amendement est adopté.
L'article 7 est adopté.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Houpert et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 423-6 du code de l'environnement, les mots : « un certificat médical attestant que son état de santé physique et psychique est compatible avec la détention d'une arme. Il doit en outre présenter » sont supprimés.
La parole est à M. Alain Houpert.
Cet amendement de bon sens, sans être révolutionnaire, tend à supprimer l'exigence de présenter un certificat médical pour l'obtention du permis de chasser.
En effet, cette formalité est déjà satisfaite à l’occasion de l'acquisition d'une arme, ainsi que le rappellent nos collègues Jean-Patrick Courtois et Ladislas Poniatowski dans la proposition de loi n° 369 relative à la classification, l'acquisition, la détention et le transport des armes, actuellement examinée par la commission des lois du Sénat.
Avec cet amendement, nous voulons aussi épargner des dépenses supplémentaires aux jeunes qui passent le permis de chasser.
Une personne qui achète une arme doit, en effet, fournir un certificat médical. Nous ne devons pas remettre en cause ce principe, au risque pour le Parlement de donner une image catastrophique – je vous renvoie, mes chers collègues, au débat important que nous avons eu sur cette question en 2003.
Toutefois, parmi les chasseurs qui passent leur permis, certains ne sont pas propriétaires d’une arme, et ils doivent aussi être couverts. C’est pourquoi un certificat est également exigé à cette occasion.
Ceux qui ont déjà demandé un certificat médical à l’occasion de l’achat d’une arme pourront utiliser le même document. Quant aux autres, on exige qu’ils fournissent un certificat médical une fois dans leur vie, au moment de passer le permis. Ce système fonctionne parfaitement depuis cinq ans, et personne ne songe à le remettre en cause.
En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par M. Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les fédérations départementales des chasseurs ne peuvent obliger, directement ou indirectement, les candidats à adhérer à la fédération qui a organisé l'examen du permis de chasser à l'issue de l'examen. »
La parole est à M. Alain Houpert.
Certaines fédérations obligent aujourd’hui les candidats au permis de chasser à adhérer à l’issue de l’examen, ou à passer l’examen dans un certain délai, à travers des mécanismes de caution. Ce comportement excède la mission de service public qui leur incombe et contribue à diminuer le nombre de jeunes chasseurs, en imposant à ces derniers des formalités ou des surcoûts.
Les jeunes passent souvent le permis de chasser là où ils travaillent ou font leurs études. Mais il leur arrive ensuite fréquemment d’aller chasser dans un autre département, là où réside leur famille. Nous voulons donc, à travers cet amendement, leur faire réaliser des économies.
Vous avez raison sur un point, mon cher collègue : faute d’inspecteurs, le nombre de sessions de permis est insuffisant.
Les futurs chasseurs s’inscrivent donc dans plusieurs fédérations et, lorsque celles-ci organisent les épreuves, elles ont la désagréable surprise de constater qu’une partie seulement des candidats inscrits se présentent, les autres ayant entre-temps passé leur examen dans d’autres départements. Les fédérations dépensent par conséquent du temps et des moyens pour rien.
Il faudrait tenter de remédier à ce nomadisme. Mais ce n'est pas à la loi de régler ce problème. Il s'agit d'abord d'un problème interne aux fédérations départementales, et c’est à la Fédération nationale des chasseurs qu’il revient en premier lieu de prendre des initiatives.
Je signale d’ailleurs à mon collègue Alain Houpert que sa fédération de la Côte-d'Or a résolu le problème, en augmentant le nombre de sessions, tout simplement. C’est l’une des solutions possibles. Une autre consisterait pour la Fédération nationale des chasseurs à faire la police parmi les différentes fédérations départementales de chasseurs. Quoi qu'il en soit, les parlementaires n’ont pas à régler ce problème.
En conséquence, mon cher collègue, je vous invite à retirer votre amendement.
(Supprimé)
Au deuxième alinéa de l’article L. 141–1 du code de l’environnement, après les mots : « nationale des chasseurs », sont insérés les mots : «, les fédérations régionales des chasseurs, les fédérations interdépartementales des chasseurs » –
Adopté.
L'amendement n° 20, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 424-2 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La pratique de la chasse à tir est interdite le mercredi. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
M’autorisez-vous à présenter simultanément l'amendement n° 21, monsieur le président ?
Certainement, ma chère collègue.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 21, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 424-2 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La pratique de la chasse à tir est interdite un dimanche par mois. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
L'amendement n° 20 tente de réintroduire un jour sans chasse, en l'occurrence le mercredi.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la loi votée en 2000 avait instauré une telle journée, mais la majorité n'avait pas laissé à cette mesure le temps nécessaire pour être acceptée.
La chasse reste pourtant un loisir dangereux et, en période de chasse, c'est aux promeneurs, aux enfants et aux non-chasseurs de s'adapter.
Le partage des usages s’apparente pourtant à une exigence sociale. Il appartient à chacun de savoir se limiter, de ne pas toujours demander plus de droits, et d'accepter certaines restrictions. La réglementation de la chasse devrait tout de même pouvoir prendre en compte les promeneurs, les botanistes, les ornithologues, les poètes, les épicuriens, les esthètes, mais aussi les sorties pédagogiques effectuées par des associations ou des écoles, bref, les autres usagers des milieux naturels…
En 2000, tandis que des divergences existaient sur le choix de la journée sans chasse, le Parlement s'en était remis à la sagesse locale. Au final, le Conseil constitutionnel avait imposé le mercredi.
Les motivations de l'amendement n° 21 sont similaires. Seul le jour change ! Si vous n'avez pas été sensibles à la protection du mercredi – vous souhaitez sans doute, dans l'esprit de l’article 1er du texte, que les pères chasseurs conservent l'opportunité d'initier leurs enfants ! –, peut-être serez-vous sensibles au fait de préserver un dimanche par mois pour les familles ?
En votant cet amendement, vous pourriez jouer gagnant, mes chers collègues. En effet, ce n'est pas une bonne image de la chasse qui est donnée lorsque le projet de pique-nique dans la clairière se transforme en repli précipité au bruit des tirs…
Sourires.
Un dimanche par mois, ce ne serait pas encore un partage équitable, mais l'affirmation que l'exercice de la chasse ne porte pas en lui la condamnation des activités ludiques des autres.
J’avancerai trois arguments pour justifier l'avis défavorable de la commission.
Premièrement, je vous rappelle, madame Blandin, que le Conseil constitutionnel lui-même avait émis des réserves sur le choix d’un jour précis dans la loi Voynet de 2000. Il s'était prononcé en faveur d’une plage horaire de vingt-quatre heures, sans autre précision.
Deuxièmement, je ne vois pas l’intérêt de rouvrir cette guerre. C’est inutile ! Mercredi ou dimanche sans chasse : nous avons déjà eu ce débat !
En effet, mais il s’agit de votre amendement de repli.
Cela me surprend d’ailleurs de votre part, ma chère collègue, car vous n’êtes pas d’ordinaire une adepte de la provocation.
Enfin, troisièmement, plus de la moitié des départements français ont déjà instauré au moins un jour sans chasse, quand ce n’est pas davantage – je pense à la Charente-Maritime, à la Loire ou au Tarn, ce dernier en étant à cinq jours !
La loi et le schéma cynégétique départemental laissent chaque fédération libre de sa décision. Les chasseurs ont montré leur sens des responsabilités en décidant eux-mêmes de ne pas chasser tel ou tel jour. Parfois, de manière plus intelligente encore, les fédérations ont décidé d'instaurer des jours sans chasse dans les forêts dites « périurbaines », situées à proximité des villes, en décrétant par exemple qu'il est interdit de chasser le mercredi, le samedi et le dimanche dans ces massifs forestiers, en contrepartie d'une autorisation de chasser tous les jours dans les autres massifs où il n'existe aucun danger.
Ces schémas départementaux constituent de bons instruments et les chasseurs en font un bon usage, témoignant de leur sens des responsabilités.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je pense avant tout au problème des accidents de chasse, qui sont encore trop nombreux.
Le meilleur moyen de lutter contre ces accidents est encore d'appliquer, au plus près du terrain, des mesures correspondant à la fréquentation des lieux. C'est ce que l'on commence à faire aujourd'hui. Dans de nombreux endroits, on ne chasse que le week-end et les jours fériés ; dans d'autres, au contraire, on ne chasse pas le week-end, mais seulement en semaine. Il est important que ce calendrier puisse être décliné localement. Dans certains endroits, il convient d'aller plus loin, mais il faut le faire en fonction des circonstances locales, plutôt que d'imposer un jour au niveau national.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai été très vexée par les propos de M. le rapporteur, qui a parlé de provocation… Je retire seulement l'amendement n° 20, qui tendait à instaurer le mercredi comme jour non chassé.
M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Martin, de Montesquiou et Milon, Mme Sittler et MM. Mayet, Pinton et Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa (II) de l’article L. 424-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles L. 425–3 et L. 425–15 ne s’appliquent pas à la pratique de la chasse dans les établissements de chasse à caractère commercial. »
La parole est à M. Pierre Martin.
Cet amendement concerne les établissements de chasse à caractère commercial.
Je rappelle qu’il existe actuellement environ 400 établissements de chasse à caractère commercial, qui accueillent 600 000 chasseurs, et qui créent près de 5 000 emplois directs, sans compter les emplois indirects – hôtellerie, restauration, armuriers…
Un contrôle total de leurs activités, avec le contrôle de la garderie, même en enclos, doit être mis en œuvre.
Ces établissements doivent aussi pouvoir exercer leur activité économique de l’ouverture à la fermeture générale de la chasse, mais, bien entendu, exclusivement sur gibier d’élevage. Je signale au passage que, lorsqu'il s’agit de volatiles, parfois ces volatiles sont manqués et ils servent de reproducteurs dans des chasses voisines.
Il serait judicieux que cela se fasse indépendamment des opérations de gestion du gibier naturel, qui sont mises en place sur les territoires des sociétés communales de chasse.
Le but de cet amendement est de rendre possible cette activité.
Sans cette modification, indispensable pour la validation du projet de décret par le Conseil d’État, l’article prévu dans la loi relative au développement des territoires ruraux, ou loi DTR, ne pourra pas être appliqué.
La commission a émis un avis favorable, mais à la condition, non négligeable, que cet amendement soit rectifié. Bien qu’il soit actuellement à l’étranger, Alain Vasselle, qui a rédigé cet amendement pendant votre absence, monsieur Martin, m’a donné oralement son accord pour opérer cette modification.
Le fait de chasser dans une chasse commerciale ne doit pas dispenser de respecter les règles en vigueur, notamment en matière de sécurité. Un organisateur de chasse commerciale se doit ainsi de respecter le schéma cynégétique départemental, qui contient toutes les règles de sécurité.
Je suis d'accord sur un seul point : le fait que les dispositions de l’article L. 425–15 du code de l’environnement relatives au plan de gestion cynégétique ne s'appliquent pas, pour les raisons que vous avez évoquées, à ces chasses commerciales, parce qu’il s’agit de petit gibier d’élevage.
Je ne vois donc pas d’inconvénient à ce que cet amendement soit adopté, à condition que la référence à l'article L. 425–3 soit supprimée. Alain Vasselle n'ayant pas eu le temps d’effectuer par écrit cette modification, je vous demande de bien vouloir opérer vous-même cette rectification, monsieur Martin.
Nous avons toujours été ici des défenseurs du schéma cynégétique départemental. Il ne faut en aucun cas le remettre en cause pour des chasses commerciales pas plus que pour toutes les autres chasses.
Monsieur Martin, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Monsieur le président, cette proposition de rectification m’agrée totalement, dans le respect du schéma cynégétique départemental, cela va de soi, et je remercie M. le rapporteur de sa suggestion.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Martin, de Montesquiou et Milon, Mme Sittler et MM. Mayet, Pinton et Lardeux, et ainsi libellé :
Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa (II) de l’article L. 424-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 425-15 ne s’appliquent pas à la pratique de la chasse dans les établissements de chasse à caractère commercial. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
J’étais moi aussi gênée par la référence faite à l’article L. 425-3, à cause des dispositifs de sécurité. L’article L. 425-15 est beaucoup moins gênant, compte tenu de ce type de chasse.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement ainsi rectifié bis.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8 bis.
L'amendement n° 19, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 424-15 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les règles de sécurité s’imposant sur l’ensemble du territoire national. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’article L.424-15 du code de l’environnement dispose : « Des règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tirs dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d’animaux nuisibles doivent être observées, particulièrement lorsqu’il est recouru au tir à balles. »
Or les seules règles encadrant les activités sont fixées par les chasseurs eux-mêmes dans le cadre de schémas départementaux. Les règles sont souvent différentes d’un département à l’autre et elles visent principalement à garantir la sécurité des chasseurs.
La subsidiarité que vous évoquiez comme pertinente pour les jours non chassés ne porte pas ici d’effets positifs, des accidents de chasse arrivant très régulièrement. On estime que près de 95 % des accidents interviennent en action de chasse ; le reste correspond à des opérations de nettoyage ou de braconnage.
Parmi ces accidents, 86 % concernent les chasseurs ou les accompagnateurs, ce qui veut dire que 14 % impliquent des non-chasseurs.
Dans 75 % des cas, c’est la chasse en groupe, dont la battue au sanglier, qui est incriminée. Au début du mois de janvier, c’est un enfant de onze ans qui a perdu la vie en participant à une battue au sanglier avec son père. Même en tant qu’observateur, ce n’était pas sa place.
Sur la saison 2009-2010, on a dénombré 174 accidents, dont dix-neuf mortels. En période de chasse au tir, cela correspond à environ un mort par semaine et une personne blessée par jour…
Je propose simplement que quelques règles claires et précises soient communes et donc édictées, notamment quant à la présence d’enfants lors des parties de chasse.
Madame la sénatrice, je voudrais vous convaincre qu’il n’est pas nécessaire d’instaurer des règles de sécurité nationales, puisque les règles sont prévues dans le schéma cynégétique départemental qui, je le souligne, une fois qu’il a été élaboré par les chasseurs, doit obligatoirement être validé par le préfet.
Si le préfet considère que les mesures sont insuffisantes, lacunaires ou qu’elles ne tiennent pas compte de la réalité de la pratique de la chasse dans ce département, il peut refuser le schéma et demander telle ou telle modification.
Par ailleurs, les problèmes de sécurité ne sont pas les mêmes pour le tir à balles en zone de montagne ou pour la chasse au gibier d’eau en zone marécageuse. C’est la raison pour laquelle la possibilité d’adapter les mesures de sécurité dans chacun des schémas départementaux est une souplesse judicieuse. Je crains même que des mesures nationales ne soient difficiles à appliquer.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je serais obligé de confirmer l’avis défavorable que j’avais émis en commission.
Sur le fond, je ne serais pas opposée à des règles de sécurité nationales avec, par ailleurs, des dispositifs à décliner localement.
Cela dit, vous le savez, un dispositif de ce type a existé entre 2000 et 2008, mais, en fait, il n’a jamais été mis en œuvre parce que nous n’avons jamais pu nous mettre d’accord.
Telle est la raison pour laquelle j’ai préféré une approche plus pragmatique. Dans la lettre que j’ai adressée à tous les préfets sur les schémas départementaux, j’insiste beaucoup sur les dispositifs de sécurité, auxquels les préfets doivent attacher une importance particulière.
Il faut faire reculer le nombre d’accidents de chasse, mais la déclinaison départementale semble être aujourd’hui le meilleur moyen d’y parvenir.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
J’entends bien la pertinence de la déclinaison des dispositifs de sécurité à l’échelon local, mais mon amendement visait surtout à réglementer la présence des enfants et, là, il n’y a pas de particularité des zones de montagne ou des zones humides.
Je maintiens donc mon amendement, uniquement pour cette raison.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 23, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 6 du chapitre IV du titre II du livre IV du code de l’environnement est complétée par deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 424 -16. – Même en l’absence de tout signe d’ivresse manifeste, le fait de pratiquer une activité de chasse sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0, 80 gramme par litre ou par une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0, 40 milligramme par litre est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.
« Le fait de pratiquer une activité de chasse en état d’ivresse manifeste est puni des mêmes peines. »
« Art L. 424 -17. – I. – Toute personne coupable de l’un des délits prévus à l’article L. 424-16 encourt également les peines complémentaires suivantes :
« 1º la suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de chasser ;
« 2º l’annulation du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« 3º la peine de travail d’intérêt général selon des modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;
« 4º la peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal.
« II. – La suspension du permis de chasse prévue au présent article ne peut être assortie du sursis, même partiellement. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Il s’agit du principe de précaution, monsieur le rapporteur, et ce n’est pas de la provocation.
Sourires
Non, monsieur le rapporteur, car si la consommation d’alcool est un problème aussi connu pour les chasseurs en période de chasse que pour les automobilistes, j’observe que le législateur s’est préoccupé des seconds et pas encore des premiers. C’est tout l’objet de cet amendement, ni plus ni moins.
Un conducteur est légitimement contrôlé lorsqu’il est au volant de son véhicule parce qu’il y a un risque d’accident supplémentaire.
Or un chasseur armé qui, par ailleurs, a pu, durant la chasse, à l’occasion de moments de « convivialité », boire quelques verres dans la journée, parfois au-delà de la limite du raisonnable, présente aussi un danger.
Qu’il s’agisse d’un fusil ou d’une carabine, le risque d’accident est bien trop grand lorsque la personne se trouve en état plus ou moins grave d’ébriété. Chacun le sait, l’alcool altère la vigilance, peut pousser à commettre une erreur d’évaluation, une négligence, une faute de sécurité.
Au début du mois de janvier, un chasseur a été contrôlé en voiture à son retour de la chasse avec un taux de 1, 32 milligramme d’alcool par litre d’air expiré. S’il a été condamné à de la prison avec sursis et à une suspension de son permis de conduire, aucune mesure n’a été prise quant à l’annulation de son permis de chasser. Attend-on le prochain accident ? On se le demande !
Le garde champêtre ou le garde de l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ne peut que constater l’infraction d’ivresse publique et manifeste, mais cette infraction sanctionne non pas le taux d’alcool, mais un état alcoolique qui représente un risque pour d’autres personnes ou pour l’individu ivre lui-même, qui crée un trouble à l’ordre public.
C’est pourquoi il convient de mettre en place des taux maximums de concentration d’alcool dans le sang pour ces personnes armées, sur la même base que pour les conducteurs de véhicules, ainsi que des sanctions allant, pour certains cas, jusqu’à l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de chasser.
Bien entendu, je le précise, tous les automobilistes et tous les chasseurs ne sont pas des alcooliques, mais il s’agit ici de sécurité.
Sourires
La provocation, ma chère collègue, c’est non pas de traiter du problème de l’alcool, qui est réel – je suis d’accord avec vous –, mais de revenir sur un débat qui a déjà eu lieu et de pointer du doigt les chasseurs en disant que ce sont des alcooliques !
Il y a des chasseurs vertueux et des chasseurs qui ne le sont pas, comme il y a des conducteurs vertueux et d’autres qui ne le sont pas. Dans certains cas, un volant peut être une arme mortelle, et nous en avons eu récemment un exemple dramatique.
Il est interdit de conduire après avoir bu de l’alcool !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il y a des élus vertueux et d’autres qui ne le sont pas. Il y a des ministres vertueux et d’autres qui ne le sont pas…
Sourires
Le problème du taux d’alcoolémie est traité dans le code de la santé publique. Des chasseurs ont été sanctionnés, on leur a retiré leur permis de chasser en appliquant l’article L. 3354-3 du code de la santé publique. On a fait payer des amendes à des chasseurs lorsqu’ils ont récidivé.
Le code de la santé publique existe et il traite ce sujet. Ne commençons pas à introduire les mêmes dispositions dans chacun des codes !
Quant à l’alcoolémie, vous trouverez des gens qui boivent de l’alcool dans toutes sortes d’occasions, et pas seulement à la chasse. Que le chasseur soit armé ne fait pas de lui le risque absolu : il y a d’autres armes tout aussi dangereuses, et des accidents mortels partout.
Le sujet est donc déjà traité et c’est la raison pour laquelle montrer du doigt les chasseurs était, à mon sens, de la provocation, madame Blandin.
Je suis hostile à cet amendement, et la commission a émis un avis défavorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Le Gouvernement n’a rien bu...
Sourires
Je ne pensais pas à vous, madame la ministre, en parlant de ministres non vertueux !
Il a entendu les arguments des uns et des autres et il s’en remet à la sagesse du rapporteur, qui invoque le code de la santé publique.
Néanmoins, le Gouvernement espère que cette voix portera au-delà de cet hémicycle pour faire comprendre à chacun que chasser – c’est-à-dire porter une arme – en ayant bu, c’est prendre une très lourde responsabilité.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 22, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 427-8 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 427 -8 -1. – L’utilisation du grand duc artificiel est autorisée pour la destruction des animaux déclarés nuisibles par arrêté préfectoral. »
II. - L’article 18 de la loi n° 2008-1545 du 31 décembre 2008 pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse est abrogé.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cette disposition avait été introduite dans la loi du 31 décembre 2008 pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, mais sa rédaction n’était pas satisfaisante.
L’article 18 se lit ainsi : « L’utilisation du grand duc artificiel pour la chasse et la destruction des animaux nuisibles est autorisée. »
Par cet article, le législateur souhaitait autoriser l’utilisation du grand duc artificiel pour attirer les animaux nuisibles, à la fois durant la période de destruction des oiseaux nuisibles mais aussi durant les périodes de chasse, afin de réduire la gêne occasionnée par certains oiseaux.
Malheureusement, la rédaction de cet article a conduit à des interprétations qui s’écartaient beaucoup de l’esprit originel du texte. Ainsi, elle a permis la reprise de la chasse avec le grand duc artificiel et a mis en danger de nombreuses espèces fragiles, au lieu de ne servir qu’à chasser les corbeaux quand ils gênaient des chasses autorisées.
Il convient donc de clarifier la rédaction de cet article.
Le sous-amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l’amendement n° 22
Remplacer les mots :
la destruction des animaux déclarés nuisibles par arrêté préfectoral
par les mots :
la chasse des animaux nuisibles ainsi que pour leur destruction
La parole est à Mme la ministre.
L’article 18 de la loi de 2008 manque de clarté, quand il dispose que l’utilisation du grand duc artificiel est autorisée « pour la chasse et la destruction des animaux nuisibles. » Certains ont compris pour la chasse, d’un côté, et la destruction des animaux nuisibles, de l’autre.
J’entends les arguments de Mme Blandin. Cependant, son amendement ne me semble pas assez précis. Le Gouvernement propose donc un sous-amendement visant à préciser que la chasse des animaux nuisibles ainsi que leur destruction avec le grand duc artificiel est autorisée.
On retrouve là l’esprit et ce qui aurait dû être la lettre de la loi de 2008.
Sourires
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je demande qu’il soit noté au compte rendu intégral que M. le rapporteur nous invite à venir voir son grand duc artificiel, avec plein de sous-entendus !
Nouveaux sourires.
Madame la ministre, madame la sénatrice, avez-vous déjà vu un grand duc artificiel ?
Mais savez-vous à quoi ils servent ? On les utilise uniquement, en période de chasse, pour chasser le corbeau, parce que c’est un nuisible, et, en période de non-chasse, là où ces oiseaux sont trop nombreux.
On s’en sert essentiellement durant les mois d’avril et de mai, une période pendant laquelle les corbeaux sont particulièrement nombreux et agressifs, car ils défendent leurs nids et leurs œufs. Dans une moindre mesure, on les utilise aussi en juin et en juillet, lorsque les corbeaux sont encore jeunes.
Il s’agit soit de grands ducs artificiels en plastique, d’une taille comprise entre soixante et soixante-dix centimètres et d’un poids variant entre deux et trois kilos, soit de grands ducs artificiels à plumes – ils sont d’ailleurs assez beaux – d’une taille identique, mais pesant cinq à six kilos.
Madame la ministre, je vais vous expliquer comment fonctionne le dispositif. §Le grand duc artificiel n’agite pas les ailes, madame la ministre, il bouge simplement la tête, et cela suffit.
Il regarde à droite et à gauche, ce qui met les corbeaux hors d’eux : ils arrivent, et il ne reste qu’à les tirer !
Mais le débat ne porte pas sur le grand duc artificiel. Surtout, conservons dans la loi les termes tels que nous les avons adoptés en 2008. Il faut pouvoir utiliser le grand duc artificiel en période de chasse ainsi qu’en période de non-chasse pour la destruction des nuisibles, à l’instar du renard, dont nous avons parlé tout à l'heure.
Mais c’est ce que prévoit le sous-amendement du Gouvernement !
Certains veulent protéger tous les animaux, y compris les nuisibles, mais le corbeau est le plus grand destructeur de petits œufs notamment de perdreau, de faisan…
… ou encore de canard, effectivement. C’est un redoutable nuisible.
Madame Blandin, une grande partie de votre département est rural. Quittez donc la ville et allez vous promener à la campagne, où vous pourrez constater que la prolifération des corbeaux pose problème dans certaines zones, à certaines périodes. Il nous faut donc continuer à traiter ces oiseaux comme des nuisibles pour tenter de réguler leur population.
Telle est la raison pour laquelle il est impératif, je le répète, de maintenir la rédaction de la loi en vigueur. Et cessons de remettre en cause à chaque occasion des décisions qui datent de quelques mois !
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement et sur l’amendement.
Je crois que nous ne nous sommes pas bien compris, monsieur le rapporteur.
Avec le sous-amendement que je propose, les choses sont très claires : vous pourrez utiliser votre grand duc artificiel à tout moment de l’année pour chasser les corbeaux, et uniquement à cette fin.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 26.
J’approuve le sous-amendement du Gouvernement, qui clarifie ma rédaction.
Madame la ministre, si j’ai utilisé l’expression « déclarés nuisibles » dans mon amendement, c’est uniquement pour ne pas cautionner le terme « nuisibles », qui figure dans la loi et que je me devais de reprendre dans mon dispositif.
Quant à l’action du grand duc artificiel sur les corbeaux, je la connais et je l’approuve, mon cher collègue, et je n’ai nul besoin de vos conseils pour aller me promener à la campagne ! Je puis même vous dire qu’il est parfois extrêmement difficile de manger un cornet de frites quand les corbeaux sont déchaînés !
Sourires
Le sous-amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Je constate que cette proposition de loi ne change pas grand-chose à l’état des lieux actuel, et c’est essentiellement ce que je lui reproche.
Certes, deux ou trois articles sont bienvenus, mais ce sont des ajustements quasi administratifs. Pour le reste, vous aurez fait force moulinets pour dire que vous existez et qu’il ne faut pas vous ennuyer, avec la prétention de gagner toujours plus.
Voilà pourquoi je voterai contre ce texte inutile.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je viens de passer un après-midi intéressant. En effet, même si je n’appartiens pas à la noble fédération des chasseurs, je suis susceptible de passer l’examen du permis de chasser !
Je vous ai beaucoup écoutés, et la longue expérience d’élu local qui est la mienne m’apporte chaque jour la preuve que les textes que vous proposez les uns et les autres ont pacifié les relations, …
… et ont créé dans de nombreux endroits où la chasse n’est pas un élément essentiel de l’activité locale une autre forme de relation sociale, et chacun en apprécie la qualité.
Ce texte est empreint de sérénité, et les amendements que vous avez proposés, madame la ministre, vont en ce sens. Ils permettront, me semble-t-il, une meilleure cohabitation des chasseurs et des non-chasseurs et, ce faisant, une meilleure prise en compte de tout ce qui a été dit et décidé en matière d’environnement avec les lois Grenelle 1 et 2.
D’ailleurs, et nous devons réfléchir à cet aspect des choses, il ne s’agit pas de faire un plaidoyer pour l’objet ou pour la cause. Derrière l’objet de cette loi, il faut rechercher la cause, et j’ai l’intime conviction que c’est celle que vous défendez ici, les uns et les autres, ce dont je vous remercie.
Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l ’ UMP.
Le groupe socialiste votera cette proposition de loi ainsi amendée.
Toutefois, permettez-moi, mes chers collègues, de réitérer, une dernière fois, la demande que j’ai formulée tout à l'heure et qui a reçu un accueil favorable de la part tant de la commission que du Gouvernement, ce dont je les remercie.
En effet, je tiens à ce que figure dans le compte rendu intégral de nos débats l’engagement qui a été pris de travailler à trouver une solution objectivement plus favorable et plus équitable pour l’indemnisation des dégâts causés par le gros gibier.
Mes chers collègues, vous ne doutez pas bien entendu du sens de mon vote.
Nos travaux vont, j’en suis sûr, connaître une issue positive, et je tiens à en remercier le président de la commission et le rapporteur. Je veux vous dire combien je suis heureux que notre débat ait été apaisé, alors que le sujet est ô combien passionnel.
Madame la ministre, je veux revenir sur la question de la sécurité, car celle-ci doit figurer au premier rang de nos objectifs.
Les schémas cynégétiques vont être reconduits dans les fédérations. Or je souhaiterais que vous insistiez auprès des préfets pour faire cesser la chasse à la rattente – elle se pratique dans mon département, mais elle doit aussi exister ailleurs ! – là où il y a chasse à balles. Cette chasse est très dangereuse dans la mesure où des personnes se camouflent là où elles en ont envie pour attendre le gibier, et nul ne sait où elles sont postées.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 5 mai 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-148 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, avant de passer à la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au prix du livre numérique (texte de la commission n° 485, rapport n° 484).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous arrivons à la fin d’une navette législative qui a permis à nos deux assemblées, dans d’assez brefs délais, d’approfondir et d’enrichir ce texte très attendu par l’ensemble des professionnels de la filière du livre.
Je tiens tout d’abord à vous rappeler les principaux objectifs de cette proposition de loi, dont nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre sont les auteurs pour le Sénat.
Il s’agit d’accompagner les mutations en cours du marché du livre – caractérisé par l’émergence du livre numérique –, au moins pour ce que l’on appelle les livres homothétiques, et non pas de freiner ces évolutions, mais de les réguler.
Donner valeur législative au rôle central des éditeurs dans la détermination des prix des livres numériques diffusés auprès des lecteurs français doit nous aider à satisfaire nos trois objectifs, que je rappelle.
Le premier objectif est la promotion de la diversité culturelle, qui recouvre à la fois la diversité de la production, de la diffusion et de la « consommation » de livres.
Le deuxième objectif est le respect de la propriété intellectuelle.
Enfin, le troisième objectif est le maintien du maillage culturel sur notre territoire, auquel contribuent les libraires. Cela suppose que les libraires puissent, eux aussi, s’adapter à l’ère numérique dans des conditions économiquement viables.
À cet égard, il est important d’insister, notamment auprès de la Commission européenne, sur le fait que le marché du livre physique et celui du livre numérique ne sont pas déconnectés, mais qu’ils sont bien complémentaires, ce qui contribue à justifier la nécessité et la proportionnalité du texte adopté par la commission mixte paritaire qui s’est réunie le mardi 3 mai dernier.
En effet, il serait très théorique, et donc illusoire, de penser que le lecteur bénéficie nécessairement de la diversité éditoriale, au motif que les livres seraient stockés sur une plateforme numérique. Une telle démarche me semblerait même très élitiste, car elle présuppose que le lecteur connaît en réalité déjà ce qu’il cherche. Or bien des clients des libraires ne connaissent par avance ni l’auteur, ni le titre du livre qui fera pourtant leur bonheur et leur permettra, grâce aux conseils du libraire ou après avoir feuilleté des ouvrages que ce dernier aura décidé de mettre en exergue, de découvrir la richesse du patrimoine écrit et de la création éditoriale, et non de se contenter des best-sellers.
Par ailleurs, n’oublions pas qu’une partie importante de la population ne peut pas accéder à Internet, soit en raison de la fracture numérique, soit pour des motifs d’ordre culturel, économique ou liés à l’âge.
Les élus que nous sommes doivent donc veiller à ce que ceux qui souhaitent fréquenter des librairies, par nécessité ou par plaisir, en aient la possibilité. Or leur rentabilité étant faible, les librairies doivent pouvoir développer leurs activités sur les deux marchés complémentaires.
Sur les dix articles de la proposition de loi, seuls quatre restaient en discussion. Je me réjouis que députés et sénateurs aient pu trouver un accord consensuel, le texte qui vous est proposé aujourd’hui ayant été adopté à l’unanimité par la commission mixte paritaire.
L’article 2, relatif au principe de fixation du prix de vente par l’éditeur, a été adopté dans la rédaction de l’Assemblée nationale, la disposition régissant le commerce transfrontière concernant les éditeurs ne s’imposant pas en définitive. Nous tenons ainsi compte des avis circonstanciés de la Commission européenne et répondons aux impératifs de nécessité et de proportionnalité des mesures retenues afin d’atteindre nos objectifs.
En revanche, l’article 3, qui impose au libraire de respecter le prix de vente fixé par l’éditeur, a été adopté dans la rédaction du Sénat, c’est-à-dire qu’il s’imposera à l’ensemble des libraires exerçant leur activité sur le territoire national. Je vous rappelle que, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Leleux, nous avions estimé qu’une disposition de cette nature était indispensable à la pleine efficacité du dispositif.
Nous nous sommes ralliés à la rédaction consensuelle à laquelle étaient parvenus nos collègues députés à l’article 5 bis, en vue de garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable en cas d’exploitation numérique de leur œuvre, à une importante réserve près : sur la proposition que nous avons tous soutenue de notre collègue David Assouline, cette disposition sera codifiée. L’article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle a été complété en ce sens.
Enfin, s’agissant du rapport annuel que le Gouvernement devra présenter au Parlement, l’article 7 a été adopté dans la rédaction de l’Assemblée nationale. Son dernier alinéa comporte des précisions très utiles faisant référence au développement de l’offre légale, à la rémunération des auteurs et soulignant son objectif premier de diversité culturelle.
La présente proposition de loi me paraît donc très équilibrée.
Le caractère de « loi de police », dont on peut la qualifier en application du règlement européen dit « Rome I » du 22 décembre 2000, devrait permettre son application à tous. Je vous rappelle qu’aux termes de son article 9.1, une loi de police est « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement. ».
Cette qualification, qui, certes, ressortit à la compétence du juge au regard des travaux préparatoires du Parlement, nous semble clairement résulter des engagements internationaux de la France, et de l’Union européenne, au titre de la convention de 2005 de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
À ce titre, la proposition de loi apparaît impérative pour la sauvegarde de cette diversité culturelle, qui représente un intérêt public majeur. Il me semblait important de souligner ce point.
Au terme de cette navette législative très constructive, la France fait, comme souvent dans le domaine de la culture, figure de pionnière.
La force de l’unanimité montre notre conviction partagée de la nécessité de poursuivre ensemble notre combat politique, et de convaincre de son bien-fondé la Commission européenne ainsi que les États membres de l’Union européenne. Car, outre les enjeux économiques et liés à l’emploi, il s’agit bien d’un combat culturel et de société que nous menons. La question est e savoir quelle société nous voulons construire pour demain, au bénéfice des citoyens européens.
Certes, la rapidité des évolutions nous conduira sans doute à remettre l’ouvrage sur le métier. Le comité de suivi prévu à l’article 7 de la loi aura un rôle crucial à jouer à cet égard.
Au moins avons-nous la satisfaction de tenter de réguler au mieux la transition entre deux mondes, qui doivent non pas s’exclure mais se compléter et se stimuler mutuellement le plus harmonieusement possible.
Mes chers collègues, je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste. – M. le président de la commission de la culture applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Jacques Legendre, madame le rapporteur, chère Colette Mélot, mesdames, messieurs les sénateurs, trente ans après la loi Lang relative au prix du livre, la proposition de loi soumise aujourd’hui à votre approbation, après son passage en commission mixte paritaire, constitue une avancée historique pour toute la filière du livre, et une loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles à l’ère numérique.
Cette régulation, appelée de ses vœux par M. le Président de la République le 7 janvier 2010, est l’aboutissement d’un long processus de réflexion collective.
Je tiens à saluer la contribution essentielle de la Haute Assemblée à une telle réflexion, ainsi que l’attention et le travail du rapporteur de la proposition de loi, Mme Colette Mélot, et bien entendu de Mme Catherine Dumas et du président Jacques Legendre, qui ont eu l’initiative du dépôt de ce texte.
Au terme des discussions interprofessionnelles qui se sont tenues sous l’égide de mon ministère, je tiens aussi à rendre hommage à la capacité de l’ensemble de la filière – auteurs, éditeurs, libraires – à se retrouver sur ce qui va dans le sens du bien commun.
Je tiens enfin à saluer le consensus remarquable que vous avez su trouver au terme de l’examen de cette proposition de loi. Je me réjouis qu’à l’image de la loi Lang qui, depuis 1981, n’a cessé de recueillir l’adhésion des gouvernements successifs, cette loi de civilisation numérique qui nous réunit aujourd’hui bénéficie à son tour d’un soutien politique unique en son genre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis persuadé que nous avons eu raison de ne pas attendre pour définir un cadre de régulation adapté à la réalité de ce nouveau marché qu’est le livre numérique, marché dont la progression formidable aux États-Unis se confirme jour après jour. Une intervention précoce constitue en effet la meilleure garantie que le développement de ce marché s’effectue dans des conditions harmonieuses, sans captation de la valeur par des acteurs dominants.
Nous avons eu également raison, j’en suis fermement convaincu, de mettre l’éditeur en mesure de contrôler la valeur du livre, quel que soit le lieu d’implantation du diffuseur. Je me réjouis donc que la solution équilibrée retenue par la commission mixte paritaire permette aux distributeurs établis en France de jouer à armes égales avec ceux qui sont établis hors de nos frontières.
Il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu’elles s’adressent à des lecteurs français. Compte tenu de son objet, la loi sur le prix du livre numérique revêt ainsi le caractère d’une disposition impérative, cruciale pour la sauvegarde d’un intérêt public et devant par conséquent s’appliquer à toute situation entrant dans son champ.
Cette loi historique est un aboutissement, mais c’est aussi un point de départ pour la filière du livre : loin de créer les conditions d’une économie de rente pour certains acteurs, ce texte contribuera, je n’en doute pas, au développement d’une offre légale abondante, attractive pour le lecteur, tout en préservant une assiette stable de rémunération pour les ayants droit, en particulier les auteurs.
Je salue, à ce titre, l’attention portée par le texte à la juste et équitable rémunération des auteurs, afin que celle-ci soit garantie dans le cadre du contrat d’édition.
Cette loi doit également être le point de départ d’une mobilisation renouvelée pour promouvoir la diversité culturelle à l’ère numérique.
Soyez à cet égard assurés de la détermination du Gouvernement et du Président de la République à poursuivre le travail de conviction entamé auprès des institutions européennes et de nos partenaires des autres États membres de l’Union européenne.
Dans sa réponse aux avis motivés de la Commission européenne, le Gouvernement fait ainsi valoir combien, au regard des caractéristiques microéconomiques du marché du livre, la proposition de loi répond à un impérieux motif d’intérêt général : la protection de la diversité culturelle, consacrée par la convention de l’UNESCO ainsi que par les traités et la jurisprudence européenne.
Nous y démontrons pourquoi ce principe cardinal doit faire l’objet d’une attention accrue à l’heure numérique, en veillant à ce que la structuration du marché du livre numérique ne porte pas préjudice à la diversité de la création éditoriale et à la diversité des réseaux de distribution, qui en est indissociable.
À la concentration de la distribution, à la réduction de l’offre à un choix standardisé, limité à quelques best-sellers, il nous faut en effet opposer, sans jamais faiblir, « la propension archipélique à soutenir le divers du monde », pour reprendre les si beaux mots d’Édouard Glissant.
Le consensus remarquable que vous avez su trouver lors de l’examen de cette proposition de loi, mais aussi le soutien et les initiatives qui pourront être les vôtres à l’avenir, constitueront d’évidence un appui précieux dans ces démarches, comme d’ailleurs dans le combat pour l’application d’un taux de TVA réduit au livre numérique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu’elle constitue une contribution essentielle à la construction civilisée du marché du livre numérique, cette loi de développement durable de la filière du livre, telle qu’elle est adoptée par la commission mixte paritaire, recueille évidemment le plein soutien du Gouvernement.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après de nombreux et passionnants débats sur le livre numérique, nous sommes aujourd’hui réunis pour adopter définitivement un texte proposé par le président de notre commission, Jaques Legendre, et par notre collègue Catherine Dumas, que je tiens à féliciter pour tout le travail accompli. Je tiens également à souligner l’important investissement de notre collègue Colette Mélot, rapporteur de ce texte, qui a ardemment défendu les positions de notre assemblée tout au long de la navette parlementaire.
Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion d’exprimer notre position sur le livre numérique, les enjeux qu’il représente et les nouveaux défis qu’il nous impose de relever. C’est vrai pour les acteurs du secteur, mais pas seulement. C’est vrai pour tous ceux qui, comme un certain nombre d’entre nous, défendent une certaine idée de la culture – j’y reviendrai tout à l’heure.
Je voudrais tout d’abord, à mon tour, exprimer ma satisfaction de voir qu’à l’issue du travail des assemblées nous avons trouvé un compromis satisfaisant pour tous les acteurs de la chaîne du livre.
Par ce texte, auteurs comme éditeurs se voient assurés d’une rémunération juste et équitable, en toute transparence sur les coûts supportés dans l’univers du numérique. Les libraires, auxquels il reste notamment un gros effort d’adaptation à faire pour la mise en place de plateformes collectives, voient leur rôle réaffirmé. Enfin, les lecteurs se voient garantir le maintien d’une offre riche, diversifiée et raisonnable grâce au principe du prix unique du livre appliqué à la version numérique des œuvres.
Ensuite, je me réjouis que nos arguments aient été entendus par nos collègues députés, qui se sont ralliés à notre volonté d’imposer le même prix de vente, en France comme à l’étranger, pour un livre numérique édité dans l’Hexagone, avec l’adoption de la fameuse clause d’extraterritorialité figurant à l’article 3 de la présente proposition de loi. C’est évidemment, monsieur le ministre, un signal fort que nous adressons tant aux professionnels qu’à Bruxelles. Il en est de même, d'ailleurs, de l’adoption d’une TVA à 5, 5 % pour la version informatique de l’œuvre comme pour la version papier.
À vous, monsieur le ministre, qui à juste raison avez défendu lors d’une réunion avec les ministres européens de la culture à Budapest, le 28 mars dernier, ce même taux de TVA réduit sur l’ensemble des biens culturels et des services culturels, quel que soit leur mode de distribution, je me permets de rappeler que, chez nous, cela n’a pas été une mince affaire, le Gouvernement y étant dans un premier temps opposé. Ce fut une discussion âpre et argumentée – je parle en connaissance de cause – qu’il fallut mener en loi de finances pour le seul livre numérique !
Cela étant dit, quelle que soit notre satisfaction ce soir, il nous reste à mener une vraie bataille de convictions au niveau communautaire. Ce ne sera pas facile, si l’on considère que le cadre fiscal européen actuel n’est guère propice à l’adaptation au nouvel environnement numérique des dispositions par ailleurs favorables au secteur culturel.
À vrai dire, si l’on y songe, il est complètement absurde que les États membres puissent appliquer des taux de TVA réduits à certains biens culturels mais doivent appliquer le taux normal aux mêmes biens sous une autre forme. C’est le cas des livres ou des journaux électroniques dans leur version dématérialisée, qui, subitement, répondent à la notion non plus d’œuvre mais de service !
On voudrait encourager le piratage que l’on ne s’y prendrait pas autrement ! Et tout cela sans doute en pensant protéger les commerces traditionnels…
Il est donc urgent de mettre en place des taux de TVA réduits pour la mise à disposition des biens culturels sur tous les supports, afin de ne pas pénaliser la distribution numérique en devenir et, au contraire, d’encourager le développement des offres légales.
De la même manière, l’Europe doit mettre un terme à une situation aberrante de dumping qui permet à des entreprises, notamment extracommunautaires – vous savez à qui je fais allusion –, de délocaliser leurs services au cœur même de l’Europe pour échapper à la fiscalité de certains États et aux obligations de soutien à la création, contrairement aux principes de la directive sur les services de médias audiovisuels.
Ne pas se battre au niveau communautaire pour exiger cette harmonisation nous conduit en désespoir de cause à imaginer, à l’échelle nationale, des solutions aussi inefficaces que dangereuses d’un point de vue économique. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la fameuse « taxe Google » que notre assemblée a cru bon de voter au mois de décembre dernier répond certes à une bonne question, mais apporte une très mauvaise réponse.
Ainsi, alors que nous vivons un développement sans précédent de l’industrie du numérique, une adaptation harmonisée du taux de TVA favoriserait la compétitivité des acteurs européens face aux géants américains et éviterait que les professionnels français ne paient une charge fiscale supplémentaire par rapport à leurs voisins.
Il y va de l’avenir de la création et des industries culturelles, mais vous en êtes tous convaincus.
Cette harmonisation permettrait d’ailleurs d’afficher une réelle politique culturelle européenne, incarnation de la richesse et de la diversité des vingt-sept États membres. Pour ce faire, revendiquons bien sûr, madame le rapporteur, la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Rappelons enfin que notre vote de ce soir intervient alors que la Commission européenne mène une réflexion, dans le cadre de sa « stratégie numérique pour l’Europe », sur une possible révision de sa politique fiscale. Un Livre vert sur l’avenir de la TVA a été publié en décembre dernier. C’est donc bien le moment pour notre gouvernement, dont Jacques Toubon est l’ambassadeur en la circonstance, de faire entendre la voix de ce qui semble être le bon sens.
J’en viens à la dernière remarque que je tenais à faire à l’occasion de cet ultime débat.
Mes chers collègues, nous tentons aujourd’hui d’apporter une réponse adaptée à un secteur en développement qui dépasse d’ailleurs la seule filière du livre. Celle-ci ne sera peut-être que transitoire. On mesure en effet à quel point, dans le domaine du numérique, les choses sont complexes, car extraordinairement évolutives. C’est toute une nouvelle économie émergente dont il convient d’accompagner – à défaut d’imaginer – les nouveaux modèles, tout en respectant la chaîne des valeurs pour les créateurs, quels qu’ils soient.
Ces dernières années ont été l’occasion de débats au Parlement au cours desquels se sont souvent affrontés les acteurs de ce nouvel univers, dont les intérêts sont à première vue divergents, notamment, pour faire simple, sur les tuyaux et sur les contenus. Or l’expérience nous montre progressivement que c’est de manière transversale et globale, et non sectorielle, qu’il nous faut penser.
À cet égard, monsieur le ministre, j’ai apprécié que vous nous annonciez, lors du récent colloque du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la télévision connectée, avoir confié, en lien avec votre collègue Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, à cinq professionnels représentatifs du secteur la mission « d’identifier les enjeux de régulation et de compétitivité liés à la TV connectée et d’en prévenir les effets sur les équilibres de la production et de la diffusion audiovisuelle ».
En revanche, comme plusieurs de mes collègues, j’ai beaucoup moins apprécié, et je ne m’en suis pas cachée, la disparition du Forum des droits sur l’internet, instance dont les missions méritaient certes d’être développées, mais qui présentait l’avantage de porter un regard global sur ce qui est aujourd’hui un véritable écosystème.
Je m’étais d’abord inquiétée de cette disparition auprès d’Éric Besson lors de l’examen du projet de loi de finances. À l’époque, il m’avait garanti qu’une structure plus performante lui serait substituée. Je l’avais ensuite interrogé lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement – il s’était alors montré rassurant – sur le rôle, les missions et les outils du fameux conseil, ainsi que sur sa composition.
En vérité, le Conseil national du numérique, dont on a appris l’installation la semaine dernière, n’est qu’un club de chefs d’entreprise du Net, ni plus, ni moins. Il n’est pas la structure de référence dont nous avons grandement besoin pour faire face aux bouleversements d’ordre économique, culturel, juridique, éthique et financier provoqués par l’internet. Il faut une structure qui associe l’ensemble des acteurs du secteur au lieu d’en évincer un certain nombre, dont les créateurs ou, tout simplement, les consommateurs.
Dès lors, comment cette instance qui, par ailleurs, je n’en doute pas, compte tenu de la qualité de ses membres, apportera des idées utiles, pourrait-elle être représentative des enjeux qui sont ceux du numérique ? On l’a vu concernant le livre, les enjeux sont tout autant économiques que culturels, techniques, juridiques ou encore financiers. Demain, toute notre vie, ou presque, passera par Internet, que ce soit en matière d’éducation, d’information, d’accès aux services publics ou à l’emploi. Il me semble donc regrettable que cette institution, censée aiguiller les politiques publiques, ne puisse avoir, du fait de sa composition, qu’un point de vue parcellaire et non transversal.
Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, relayer cette préoccupation ? Je la formule après en avoir longuement discuté avec plusieurs de mes collègues qui connaissent bien ce secteur si pointu et appartiennent au groupe d’études Médias et nouvelles technologies que j’ai l’honneur de présider. Il nous semble d’ailleurs étonnant que le Parlement ne soit pas beaucoup associé à ces questions dont on ne cesse pourtant de débattre.
Je conclurai sur une note plus positive : le groupe de l’Union centriste votera, bien sûr, les conclusions de la commission mixte paritaire, comme il a voté en première lecture ce texte fondateur pour l’industrie culturelle à l’heure du numérique, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la culture, madame le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite, très sincèrement et avec enthousiasme, que le texte élaboré par la commission mixte paritaire ait été adopté à l’unanimité. Le texte issu de travaux du Sénat avait déjà fait l’objet d’un consensus. Mes chers collègues, vous le voyez, quand le Sénat est uni, il est en mesure de peser sur la commission mixte paritaire !
Nous avons finalement réussi à convaincre ceux de nos collègues députés qu’il restait encore à convaincre que les questions abordées dans ce texte étaient fondamentales et qu’il était important de faire une loi qui ne soit pas simplement déclamatoire, mais une loi qui résiste à l’épreuve du réel dès sa promulgation.
La loi que nous allons voter en adoptant les conclusions de la commission mixte paritaire est importante pour le livre numérique. Il était urgent de légiférer pour accompagner et encadrer l’évolution dans ce secteur, car nous savons d’expérience que, lorsque le législateur ne réagit pas à temps face à des mutations dans l’économie de la culture, c’est dos au mur qu’il est ensuite contraint d’intervenir, souvent dans la division et de manière inefficace.
La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », qui a permis de préserver le livre en France, mais aussi de lui donner une vitalité surprenante selon certains observateurs, est encore saluée aujourd'hui par tous les acteurs du secteur, comme on l’a vu récemment à l’occasion du Salon du livre.
Certes, le livre numérique ne représente en France que 1 % du marché, contre 10 % aux États-Unis, mais les ventes connaissent une expansion considérable en Grande-Bretagne, par exemple. Néanmoins, il était important de légiférer dès à présent, même si nous avons beaucoup de travail sur d’autres sujets. Il n’y a en effet aucune raison, si les acteurs se concertent et si nous continuons dans cet état d’esprit, sans remettre en cause le livre papier, que le secteur du livre numérique ne se développe pas de façon très importante dans notre pays comme cela se passe à l’étranger.
Il nous fallait donc absolument adapter la loi Lang, dont nous allons fêter le trentième anniversaire, afin qu’elle trouve son prolongement dans la modernité contemporaine.
En agissant ainsi, nous évitons de répéter les erreurs commises face à la révolution numérique dans les domaines de la musique et du cinéma avec les lois DADVSI et HADOPI, respectivement la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information et la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
En intervenant trop tard, le législateur a en effet été contraint d’opter essentiellement pour la répression – l’opposition était contre – face à une déferlante de pratiques qui auraient pu être endiguées s’il avait réagi plus tôt et si les entreprises du secteur avaient proposé des offres commerciales adaptées. Alors que la gratuité était devenue un réflexe quotidien pour les jeunes, le Parlement a voté des textes dont nous avions dit, notamment lors des débats sur les lois dites HADOPI 1 et 2, qu’ils ne pourraient pas être appliqués.
Aujourd’hui, je suis très content que le Président de la République fasse à peu près le même constat que nous et annonce une « HADOPI 3 ». J’espère qu’en nous penchant de nouveau sur ces questions nous pourrons être réellement efficaces et justes.
Par ailleurs, si je me réjouis de l’évolution du Président de la République, je m’insurge contre la forme, la composition et la finalité du Conseil national du numérique, qui n’est effectivement rien d’autre qu’un club de chefs d’entreprise. J’adhère totalement aux propos de Mme Catherine Morin-Desailly sur ce point.
Et pourtant, la commission de la culture avait multiplié les mises en garde contre la tentation de toujours sacrifier les contenus : il n’y a pas que les tuyaux qui comptent, il y a aussi les contenus ; il faut bien que les tuyaux aient quelque chose à transporter !
J’avais moi-même rédigé un rapport, qui a fait l’unanimité de la commission, traitant des effets de la révolution numérique sur les jeunes et sur leurs pratiques. À cette occasion, j’avais essayé de comprendre le point de vue des consommateurs, que nous avons absolument besoin de connaître si nous voulons que l’économie numérique se développe tout en préservant les libertés individuelles. Une régulation est nécessaire, on le voit tous les jours sur les réseaux sociaux.
Mais quel dépit aujourd’hui ! Je pense qu’il s’agit là d’un recul. J’espère que le Gouvernement s’en rendra très vite compte et prendra des initiatives. Vous avez là une mission importante, monsieur le ministre, car, ne nous y trompons pas, il s’agit aussi de la culture et de la défense de cette culture.
Telles sont les généralités dont je souhaitais vous faire part avant d’aborder le fond du texte.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a déjà été dit en première et en deuxième lecture sur ce texte spécifique. Je rappellerai simplement que le Sénat et l’Assemblée nationale s’opposaient sur deux points.
Le premier point portait sur l’extraterritorialité. Nous avons finalement réussi à convaincre nos collègues députés de la majorité – l’opposition partageait notre position – qu’il n’était pas possible d’adopter une loi qui, dès sa promulgation, aurait été battue en brèche par des entreprises étrangères non soumises sur le territoire national aux mêmes lois que les éditeurs français.
Une telle loi, au lieu d’être une arme pour l’édition et pour le livre en France, aurait été un véritable cheval de Troie. Alors que les éditeurs français auraient été soumis à un prix unique, les grandes plateformes étrangères, acteurs essentiels sur le marché international, auraient pu faire ce qu’elles voulaient…
Nous sommes donc parvenus à un compromis : dès lors que l’article 3 de la proposition de loi était adopté dans la rédaction proposée par le Sénat, nous pouvions concéder l’article 2.
Le second point de divergence portait sur la rémunération juste et équitable des auteurs, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Je suis content que nous ayons convaincu nos collègues de l’Assemblée nationale sur ce sujet.
C’est une tautologie, mais il n’y a pas de lecteurs, pas d’éditeurs sans créateurs, en l’occurrence sans auteurs. Mais la révolution numérique place les auteurs en général dans une situation difficile, alors qu’il était légitime d’attendre du livre numérique, et des économies de coûts qu’il permet, une amélioration.
Les auteurs ont pu considérer qu’ils allaient gagner davantage et que leurs œuvres allaient être mieux considérées. Or, au contraire, ils se sont sentis en difficulté parce que la révolution numérique pouvait entraîner une remise en cause des droits qu’ils avaient acquis dans les négociations et les conventions avec les éditeurs.
Nous avons, là encore, réussi à convaincre nos collègues députés de souscrire à notre point de vue sur cette question, malgré les déclarations aventureuses d’Hervé Gaymard – « la proposition de loi porte sur la fixation du prix du livre numérique et n’emporte pas réforme de la loi de 1957 sur le droit d’auteur. Elle n’a pas vocation à légiférer sur les relations contractuelles entre les éditeurs et les auteurs ». Hervé Gaymard dit aujourd’hui l’inverse et considère désormais qu’il est bon de légiférer. Je suis plutôt heureux qu’il ait pu être convaincu.
Cependant, nous avons dû préciser ce qui ne figurait pas dans la version de l’Assemblée nationale, à savoir que les dispositions relatives à la rémunération juste et équitable seraient intégrées dans le code de la propriété intellectuelle. J’y ai particulièrement tenu et nos collègues de l’Assemblée nationale y ont consenti sans problème.
Je ne peux, encore une fois, que me réjouir de ce consensus politique, car, et ce sera ma conclusion, la révolution numérique va continuer, et elle va continuer à tout chambouler. Nous légiférons aujourd’hui, mais nous devrons probablement encore accompagner le mouvement.
La situation actuelle est telle que nous ne faisons pas la loi pour de nombreuses années. Nous le savons très bien, il est des évolutions que l’on peut prévoir sans pouvoir encore légiférer, et d’autres que l’on ne peut pas encore prévoir mais qui vont avoir lieu et sur lesquelles il faudra légiférer.
Dans ce chamboulement que j’évoquais, il y aura certes des occasions à saisir, une créativité nouvelle, toujours possible quand les choses changent, mais il y aura aussi bien des dangers à affronter.
Il était donc important que cette loi s’appuie sur un consensus pour avoir assez de force dans cette économie mouvante, mais aussi pour nous permettre de mener à bien les négociations à engager dès demain à Bruxelles afin d’être confortés dans nos intentions, cette fois au niveau européen.
C’est donc avec plaisir que le groupe socialiste s’apprête à voter en faveur de ce compromis, auquel il a œuvré de façon active, de même que Mme Colette Mélot, dont je tiens à saluer le travail.
Je salue aussi, en la personne du président de la commission de la culture, l’auteur de cette proposition de loi, parce qu’il a voulu construire pas à pas – cela ne s’improvise pas ! – ce consensus politique qui, je l’espère, se retrouvera sur d’autres textes.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de contrecarrer les conséquences de la révolution numérique sur le secteur du livre papier, la représentation nationale se devait d’agir au plus vite pour fixer un cadre légal à ce nouveau mode de diffusion de la culture et, ainsi, adapter notre législation aux nouveaux outils numériques.
L’objectif de la loi est de ne pas pénaliser les principaux acteurs, à savoir les auteurs, les éditeurs ou encore les libraires, tout en bénéficiant à l’ensemble des lecteurs : usagers des bibliothèques publiques ou universitaires, institutions culturelles et enseignement.
Car le livre numérique n’est pas seulement un outil, il est bel et bien une création littéraire à part entière.
Je tiens à féliciter chaleureusement le président de la commission de la culture, M. Jacques Legendre, ainsi que notre collègue Catherine Dumas d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi. Je tiens aussi à remercier notre rapporteur, Mme Colette Mélot, pour le travail qu’elle a accompli sur cette proposition de loi.
Vous nous avez donné, chers collègues, l’occasion de légiférer en amont, alors que le numérique ne concerne encore qu’un très faible pourcentage du marché du livre. On ne pourra pas nous accuser de ne pas avoir anticipé les effets de ce bouleversement technologique majeur !
Face à la montée en puissance du livre numérique, il fallait réagir vite si nous voulions préserver un équilibre déjà fragile en ce domaine.
Le texte que nous allons adopter est le fruit attendu de longues réflexions et concertations.
L’arrivée du numérique bouscule l’économie du livre. Le marché doit s’adapter à de nouvelles contraintes. La numérisation massive pose non seulement la question de la protection des droits d’auteur, mais aussi celle de la protection de l’ensemble des acteurs traditionnels de la filière du livre, comme, par exemple, l’imprimerie mais aussi le papier.
C’est toute la chaîne de production qui est déstabilisée, voire en grand danger.
Notre combat est avant tout celui de l’exception culturelle, de la culture, partie intégrante de l’identité française, ici et dans le monde entier. La protection de cette identité est entre nos mains. Il nous appartient de la défendre, notamment à Bruxelles. J’y vois un impératif d’intérêt général.
J’espère à cet effet que les engagements pris tout au long de nos débats seront tenus et que nous réussirons à plaider auprès de l’Europe l’alignement du taux de la TVA du livre numérique sur celui du livre papier.
Nous savons combien la loi Lang, votée il y a trente ans, en fixant le prix unique du livre a favorisé et préservé la diversité culturelle et la créativité éditoriale. Cette loi a joué en son temps un rôle fondamental pour la protection de l’ensemble de la chaîne du livre, notamment en faveur des librairies indépendantes.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui dans sa version finale s’inspire largement du modèle de cette fameuse loi Lang.
Le texte repose sur une définition du livre numérique circonscrite au livre imprimé ou imprimable. Sont ainsi exclus les produits multimédias hybrides, qui à ce jour sont encore moins développés.
L’éditeur conservera la maîtrise du prix de vente des livres numériques, tout comme il la détient sur le livre papier. Ce prix imposé aux revendeurs empêchera toute politique de dumping qui exclurait du marché les acteurs les plus faibles. Il permettra par ailleurs aux auteurs de mieux contrôler la perception de leurs droits et ainsi de maintenir la richesse et la diversité des publications.
Le champ d’application de cette loi reste cependant limité à la version homothétique du livre numérique.
Cependant, l’offre numérique étant appelée à se diversifier rapidement, comme c’est déjà le cas à l’étranger, une définition trop restreinte excluant pour l’instant les produits multimédias, par exemple, devra nécessairement faire l’objet d’ajustements dans un futur proche.
Les évolutions technologiques sont telles qu’il faudra suivre, semaine après semaine, l’applicabilité de la loi. Nous devrons rester réactifs et très vite apporter les précisions qui s’imposeront.
À cet effet, l’article 7, fixant une clause de rendez-vous législatif annuel, nous permettra d’observer l’évolution des pratiques du marché et d’étudier leur impact sur l’ensemble de la filière.
Le comité de suivi, composé de parlementaires, aura un rôle majeur à jouer.
Cette loi spécifique propre au livre numérique a été l’occasion de prendre en compte de nombreuses problématiques dont deux, particulièrement importantes, ont fait l’objet de discussions nourries entre les deux assemblées. Je pense, évidemment, à l’extraterritorialité et à la reconnaissance d’une rémunération équitable pour les auteurs.
Ces deux points sont fondamentaux et ont été particulièrement discutés. Le désaccord entre les deux assemblées a permis, au fur et à mesure de la navette parlementaire, d’améliorer la rédaction du texte et la commission mixte paritaire a finalement réussi à trouver un point d’accord qui me semble satisfaisant.
Tout d’abord, concernant l’extraterritorialité, je tiens à rappeler que, face à l’effacement virtuel des frontières, une loi qui ne toucherait que la France mettrait en danger nos chaînes de distribution et nos maisons d’édition.
Il serait donc impensable que nous imposions des contraintes particulières aux entreprises françaises sans y soumettre les géants étrangers du secteur.
L’objectif de promotion de la diversité culturelle et linguistique est prévu par le droit communautaire. C’est pourquoi il nous semblait essentiel d’étendre l’application de cette proposition de loi aux éditeurs et distributeurs établis hors de France.
Nous ne pouvons donc que regretter la suppression de la clause d’extraterritorialité à l’article 2, pourtant réintroduite par le Sénat en deuxième lecture.
Néanmoins, grâce à la ténacité du Sénat, les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi restent étendues à toutes les personnes, y compris celles qui sont établies hors de France, exerçant une activité de commercialisation de livres numériques à destination d’acheteurs situés sur le territoire national. C’est une victoire qu’il faut saluer.
Par ailleurs, concernant la rémunération des auteurs, nous resterons particulièrement attentifs.
Nous nous réjouissons que la notion de rémunération « juste et équitable » ait été inscrite dans le code de la propriété intellectuelle au travers de l’article 5 bis.
Dans le cadre du suivi de l’application de la future loi, le rapport annuel présenté par le Gouvernement à la représentation nationale permettra de vérifier que l’application du prix unique favorise bien cette bonne rémunération.
Pourtant, il faudra rapidement réfléchir à l’avenir du système français des droits d’auteur à l’ère numérique. Les auteurs doivent évidemment pouvoir bénéficier des retombées économiques de la croissance du secteur du livre numérique.
Je veux profiter de ce débat pour rappeler tout l’intérêt qui s’attache à élaborer la loi au gré d’une navette « classique », et non pas au titre d’une procédure accélérée.
Le texte issu des travaux de la CMP montre l’utilité de ne pas s’enfermer dans des procédures trop rapides et de laisser la place au dialogue parlementaire.
Nous avons finalement réussi à concilier la position de la Haute Assemblée avec celle de l’Assemblée nationale et à réaffirmer le poids de nos convictions.
Par ailleurs, force est de constater qu’il est possible d’adopter une loi complète et complexe en à peine quelques mois, dans le cadre d’une navette classique, quand la volonté politique est là !
De surcroît, la France devient ainsi le premier pays au monde à légiférer sur le prix unique du livre numérique. J’espère que notre exemple sera suivi, non seulement au niveau européen mais aussi dans le monde entier. Car, je le répète, ce sujet n’a pas de frontières.
Dans cette attente, avec l’ensemble des membres du groupe du RDSE, je voterai pour l’adoption de cette proposition de loi.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens du vote à l’UNESCO de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. J’y étais. C’était vraiment un grand, un très grand plaisir. Seuls deux pays s’y étaient opposés : les États-Unis et Israël…
Ce soir, je retrouve au sein de notre assemblée le même climat, et j’en éprouve le même plaisir.
C’est que, mes chers collègues, j’aime, moi, les travaux qui sont menés avec sérieux, avec profondeur, qui laissent toute leur place aux contradictions, tout en sachant en faire la synthèse efficace.
Je crois que c’est ce qui a caractérisé non seulement nos débats, mais aussi, dès le début, la proposition de loi du président de la commission de la culture, M. Jacques Legendre, ainsi que le travail de notre collègue Colette Mélot.
Il vient d’être dit que c’était le premier vote sur ce sujet dans le monde. Je trouve cela très bien. La France donne là l’exemple d’une expérience législative bien préparée et bien pensée pour un texte qui sera donc bien appliqué.
Le vote unanime des deux assemblées est assez rare pour être salué, et encore le mot « unanime » manque-t-il peut-être ici de précision : c’est un geste politique fort, d’autant plus fort qu’il est pluraliste ! Il gagne ainsi en autorité et en ralliement ou, en tout cas, en convergence possible.
En substance, deux grandes questions ont été traitées.
Premièrement, il s’agissait d’empêcher tout contournement par rapport à la diversité culturelle, et de quelque pays que ce soit, même de l’Union européenne, qui a voté en faveur de cette diversité culturelle ; c’est même l’Union européenne qui nous défendait dans les discussions internationales.
Deuxièmement, il fallait faire en sorte que l’on n’oublie jamais que l’audace de la création, sa rencontre avec tous les publics, est à la base de tout ce dont nous discutons. Cette audace a besoin d’être rémunérée, cela a été dit, de manière « juste et équitable ». Il était aussi nécessaire de prendre en compte, y compris dans le code de la propriété intellectuelle, les plus-values que réaliseront les éditeurs à la suite de la baisse du coût de fabrication.
Ce sont ces deux idées fortes qui ont reçu l’aval, collectif et personnel, de tous les parlementaires.
Je tiens à dire que cette qualité politique, ce non-retard d’avenir, nous oblige aujourd’hui, nous, parlementaires et Gouvernement, et nous oblige à regarder plus loin.
En effet, il est impossible de ne pas voir qu’il y a une offensive contre le droit d’auteur, en tout cas une offensive pour le contourner, et que des lobbies puissants sont à l’œuvre dans le monde, singulièrement en Europe.
Il faut donc que notre texte soit suivi d’un acte, de deux actes, voire de trois, dans la foulée. Même s’il est bien aujourd'hui, il sera encore meilleur ainsi. Une loi est un moyen, et non une fin en soi.
Bien entendu, cela, c’est le travail des professionnels. Je pense que, une fois voté, notre texte pourra contribuer à les rassembler, mais le fait est qu’ils sont encore un peu divisés pour le moment, vous l’aurez noté.
Il nous faut donc des actes. Souvenons-nous : à la grande période de la Télévision sans frontières, de l’exception culturelle, de l’Accord multilatéral sur l’investissement, l’AMI, et de la réunion de Seattle, les membres du Parlement français et les autorités gouvernementales, et même les présidents de la République, ont fait tout ce qu’il fallait pour que les choses avancent.
Je me souviens d’un discours du Président de la République François Mitterrand, à Gdansk, et d’un discours du Président de la République Jacques Chirac, au Louvre. Le propos était ferme, poli, mais ferme.
Nous devons nous inscrire dans la même démarche. Peut-être faudrait-il, par exemple, réunir rapidement tous ceux avec qui nous avons travaillé pour montrer comment la substance acquise peut innerver ceux qui n’ont pas tenu l’unité jusqu’au bout et qui ont pourtant grand besoin de réaliser cette unité et de la faire entendre.
J’aimerais aussi que la commission entreprenne des démarches avec le Gouvernement, notamment avec le ministre de la culture, afin de pouvoir affiner les choses. Nous devons emprunter un chemin pour réussir – Aragon parlerait de « venelles », mais, même des venelles débouchent quelque part ! Et je pense qu’une réunion au niveau européen s’impose.
Monsieur le président de la commission de la culture, je crois qu’il faut prendre une initiative, il faut la travailler, la ciseler finement et la faire aboutir !
Je me suis récemment rendu à une réunion organisée par un club animé par notre collègue député Franck Riester. Était présent notre commissaire européen, Michel Barnier. Ce n’était pas brillant, d’abord sur la forme, puis sur le fond, qui n’était pas très clair. Il faut aller voir M. Barnier ; d’ailleurs, il nous y a lui-même invités. À mon sens, il serait très important que la commission, dans sa pluralité, réponde à cette invitation.
Avant de venir ici, j’assistais à la réunion de la Coalition française pour la diversité culturelle, qui s’est tenue à la Société des auteurs. Cet organisme, qui regroupe beaucoup d’acteurs, a décidé à l’unanimité d’envoyer une délégation à Bruxelles au cours d’une journée où quantité de professionnels de la culture, notamment des artistes de toute l’Europe, viendraient dire de quoi ils ont besoin.
Je ne m’étendrai pas, car beaucoup de choses ont déjà été dites. Mais, ce soir, je suis un parlementaire heureux !
Applaudissements
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? …
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
(Texte de l’Assemblée nationale)
Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public.
Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage.
Le premier alinéa ne s’applique pas aux livres numériques, tels que définis à l’article 1er, lorsque ceux-ci sont intégrés dans des offres proposées sous la forme de licences d’utilisation et associant à ces livres numériques des contenus d’une autre nature et des fonctionnalités. Ces licences bénéficiant de l’exception définie au présent alinéa doivent être destinées à un usage collectif et proposées dans un but professionnel, de recherche ou d’enseignement supérieur, dans le strict cadre des institutions publiques ou privées qui en font l’acquisition pour leurs besoins propres, excluant la revente.
Un décret fixe les conditions et modalités d’application du présent article.
(Texte du Sénat)
Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l’article 2, s’impose aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France.
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
L’article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat d’édition garantit aux auteurs, lors de la commercialisation ou de la diffusion d’un livre numérique, que la rémunération résultant de l’exploitation de ce livre est juste et équitable. L’éditeur rend compte à l’auteur du calcul de cette rémunération de façon explicite et transparente. »
(Texte de l’Assemblée nationale)
Un comité de suivi composé de deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions chargées des affaires culturelles auxquelles ils appartiennent, est chargé de suivre la mise en œuvre de la présente loi. Après consultation du comité de suivi et avant le 31 juillet de chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur l’application de la présente loi au vu de l’évolution du marché du livre numérique, comportant une étude d’impact sur l’ensemble de la filière.
Ce rapport vérifie notamment si l’application d’un prix fixe au commerce du livre numérique profite au lecteur en suscitant le développement d’une offre légale abondante, diversifiée et attractive et favorise une rémunération juste et équitable de la création et des auteurs, permettant d’atteindre l’objectif de diversité culturelle poursuivi par la présente loi.
Sur les articles 2, 3, 5 bis et 7, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Lucienne Malovry, pour explication de vote.
Je tiens tout d’abord à remercier M. le ministre de son engagement constant en faveur de la création et de la diversité culturelle. Je remercie également notre rapporteur de la qualité de son travail et de son écoute.
Avec le développement du numérique, le secteur du livre connaît une révolution technologique sans précédent depuis Gutenberg, ce qui l’expose également à des risques. Le législateur se doit d’anticiper certaines dérives qui pourraient se révéler dévastatrices pour l’objet culturel singulier que constitue le livre.
À l’aube du trentième anniversaire de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », qui a instauré le système du prix unique du livre papier, il semblait nécessaire d’adapter le cadre législatif aux évolutions technologiques de notre temps, l’objectif étant, comme à l’époque, de garantir la diversité de l’offre et la protection des droits d’auteur.
Notre groupe se réjouit qu’un cadre législatif sécurisant soit ainsi proposé grâce à une initiative parlementaire.
Réunis en commission mixte paritaire, sénateurs et députés sont parvenus à un accord sur les quelques points de divergence résultant des deux lectures. Cette démarche consensuelle confère d’autant plus de force à ce texte législatif.
Je tiens également à souligner un élément concernant l’extension du champ d’application du texte à l’ensemble des libraires qui exercent leur activité sur le territoire national : le retour à la rédaction proposée par le Sénat doit garantir une concurrence loyale. Il faudra continuer le combat en ce sens, monsieur le ministre.
Comme l’a expliqué notre rapporteur, cette loi devrait être qualifiée de « loi de police » en vertu des engagements internationaux de la France et de l’Union européenne, au titre de la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, de 2005.
Bien évidemment, le groupe UMP votera en faveur de ce texte qui, je le rappelle, est le premier au monde à réguler le commerce du livre numérique.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je voterai évidemment avec enthousiasme cette proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, en félicitant la commission de la culture et le Gouvernement, qui ont permis de la faire aboutir.
Mais je voudrais également relayer la mise en garde de notre collègue Jack Ralite sur les risques de contournement qui existent en Europe.
Avec la commission des finances, nous nous sommes rendus à un séminaire à Bruxelles et nous avons échangé avec la Commission européenne sur plusieurs sujets, dont le livre numérique. Je me souviens avoir entendu M. Barroso lui-même, et vous conviendrez qu’il est un homme important, affirmer que le livre numérique était un service et non un livre !
M. Jack Ralite s’exclame.
Le risque que le livre numérique soit mis en vente non pas par des libraires, mais seulement par des trusts à l’image d’Amazon existe donc bel et bien.
À mon sens, la proposition de loi doit être comme une borne par rapport à certaines erreurs européennes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, je suis comme vous tous heureux, et doublement heureux, en tant qu’auteur de proposition de loi, mais également en tant que président de la commission de la culture !
À l’issue de ces débats, en effet, nous avons pu aboutir à un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat à l’unanimité des forces politiques représentées au sein des deux assemblées !
C’est évidemment un geste politique fort, et il était indispensable pour faire comprendre notre état d’esprit : nous sommes conscients de la menace réelle qui continue à peser et nous avons la volonté de voir la législation en France, mais aussi ailleurs, évoluer pour y faire face.
La loi que nous nous apprêtons à adopter devra préserver le secteur de la librairie des dangers que font peser les grandes plateformes internationales et garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable. Bien entendu, ce n’est qu’une première étape.
Le livre numérique ne doit plus être traité comme un service. Comme vous l’avez rappelé à juste titre, mon cher collègue, le livre numérique est, pour nous, un bien culturel. Nous voulons qu’il soit reconnu comme tel au niveau international.
C’est pourquoi j’apporte mon total soutien à l’action de Jacques Toubon dans sa mission sur l’adaptation de la fiscalité culturelle à l’ère numérique, même si nous sommes bien conscients que la conjoncture économique n’est pas favorable et que les États membres ont parfois d’autres priorités que la culture.
Nous devons rappeler à la Commission européenne son engagement en faveur de la protection et de la promotion de la diversité culturelle, puisqu’elle a ratifié la convention de l’UNESCO de 2005. Le texte que nous allons adopter aujourd’hui en est une traduction concrète. Nous étions un certain nombre à nous être mobilisés jadis pour qu’une telle législation soit adoptée. La convention doit être appliquée, et la Communauté européenne a le devoir de tirer toutes les conséquences de son propre vote.
Mes chers collègues, la commission de la culture vous proposera très bientôt, en liaison avec la commission des affaires européennes, d’adopter une résolution en ce sens. Je suis persuadé que nous serons entendus.
En tout état de cause, il nous restera toujours le plaisir de la lecture. Et, puisque nous parlions tout à l’heure de bonheur, je conclurai par une très belle formule de Montesquieu, disponible sur livre papier comme sur livre numérique et homothétique
Sourires
: « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. » Ce soir, je n’ai pas besoin de lecture : je n’ai pas de chagrin !
Applaudissements
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
La proposition de loi est adoptée.
Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.