Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 5 mai 2011 à 15h00
Droit de la chasse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Cela étant, la proposition de loi de notre ami président du groupe d’études Chasse et pêche correspond tout à fait à la description qu’il en a faite avec le rapporteur : ce texte, qui n’a pas la prétention de révolutionner la pratique de la chasse en France, permettra tout de même d’en améliorer par petites touches la pratique, après concertation avec les ACCA. Nous devons rendre la chasse plus attractive auprès des jeunes, qu’elle séduit – il faut bien le reconnaître – de moins en moins.

La diminution drastique du nombre de chasseurs, qui a été évoquée, est un problème qui nous préoccupe et qui devrait aussi préoccuper le Gouvernement ; d’ailleurs, je vous ai bien entendue, madame la ministre. En effet, les chasseurs assurent bénévolement une mission de service public : la régulation des espèces. Qui s’en chargera quand il n’y aura plus de chasseurs ? Le Gouvernement, qui fera des battues administratives ? Avouez qu’il y a là un véritable problème.

Mais ce texte me paraît malgré tout important, car il rend possibles les fusions d’ACCA et introduit un certain nombre de clarifications.

Pour ma part, j’étais relativement proche de la position du Gouvernement sur la possibilité du permis d’un jour. Mais comme le permis de trois jours était peu coûteux, je me demande s’il n’aurait pas été préférable de le rendre encore plus accessible au lieu de lui substituer le permis d’un jour. Mais je suis convaincu que si nous avons la volonté d’aboutir, nous parviendrons à un accord.

Madame la ministre, permettez-moi de profiter de ce débat pour vous faire part de deux préoccupations majeures.

D’abord, j’ai été alerté par au moins une quarantaine de fédérations de chasseurs – je tiens la liste à votre disposition – sur les dégâts de gibier.

Un effet de ciseaux est à l’œuvre. D’un côté, nous avons une diminution drastique du nombre de chasseurs. De l’autre, nous avons un accroissement du gros gibier, doublé d’une augmentation des surfaces cultivées. Si l’on ajoute à cela l’évolution du prix des céréales, qui servent de référence au calcul de l’indemnisation, les fédérations, qui vivent du bénévolat et de la cotisation d’hommes et de femmes de condition modeste, n’ont plus la possibilité de faire face à la situation.

À cet égard, je souhaite vous faire part d’éléments objectifs.

Aujourd'hui, l’indemnisation des dégâts de grand gibier est un problème financier préoccupant pour les fédérations de chasse. Le budget dégâts est alimenté uniquement par les recettes du plan de chasse, par des ventes de bracelets et, au cas par cas, par un « timbre sanglier ». De plus en plus de fédérations sont contraintes d’appeler en plus une taxe territoriale pour équilibrer leur budget. L’augmentation des populations de sangliers partout en France provoque un accroissement des dégâts, et aucun signe ne laisse à penser que les populations de sangliers retrouveront leur niveau des années quatre-vingt.

Parallèlement, la population de chasseurs continue de baisser à un rythme stable, hélas ! de 2 % par an. Madame la ministre, il devient donc urgent de réfléchir à une réforme du système d’indemnisation des dégâts de grand gibier, faute de quoi les fédérations ne pourront plus assumer une telle mission de service public et certaines d’entre elles pourraient déposer le bilan.

S’il n’est pas question de revenir sur le principe de la loi, peut-être conviendrait-il en revanche de réexaminer le décret du 30 août 2006, qui fixe à soixante-seize euros le seuil au-dessous duquel un exploitant agricole ne peut prétendre à une indemnisation équivalente à une franchise.

En moyenne, l’ensemble des fédérations déboursent chaque année 22 millions d’euros d’indemnisation en plus de leur frais, soit un total supérieur à 40 millions d’euros.

L’idée serait de revenir à un système plus juste et plus en adéquation avec la réalité, en partant du postulat que la franchise de soixante-seize euros est anormalement basse. D’ailleurs, la caisse est alimentée seulement par les chasseurs bénévoles. Cela revient à fournir une assurance gratuite au monde agricole, madame la ministre.

Loin de moi l’idée d’engager une polémique ou un conflit entre le monde agricole et celui de la chasse. Ce sont deux mondes qui vivent étroitement imbriqués. Il est absolument nécessaire que nous trouvions une solution : il en va de la survie de nos pratiques et de nos passions.

Je dirai un mot des dérogations. Qu’il me soit permis de « zoomer » sur le Sud-Ouest, notamment sur l’Aquitaine et plus précisément sur les Landes. Madame la ministre, est-il scandaleux que des chasseurs vous réclament une étude scientifique pour mesurer l’évolution de certaines espèces ? Est-il scandaleux qu’ils vous demandent, comme je le fais moi-même à cette tribune, que le conseil régional d’Aquitaine et le conseil général des Landes, qui participeront au financement des frais de l’étude que vous avez décidée, puissent également choisir, comme vous, des experts à leur convenance afin que les résultats de ce travail soient parfaitement acceptés ?

Madame la ministre, faire voter 800 chasseurs à main levée pour qu’ils acceptent de suspendre définitivement des pratiques déclarées illicites à Paris – et elles le sont – ou à Bruxelles, parce qu’une espèce est en danger, n’est pas chose aisée ! Je vous invite à m’accompagner dans ces réunions, qui – vous le verrez – se déroulent dans la plus grande courtoisie, pour vous en convaincre. Une telle décision est en soi une grande évolution, car nous contestons, y compris de façon scientifique, les chiffrages qui permettent aux uns et aux autres d’affirmer que ces populations sont en diminution et en danger.

Nous aimerions notamment soumettre ces chiffrages à la méthode des isotopes.

Vous ne saviez peut-être pas que cette méthode était applicable en l’espèce, madame la ministre ! Nous sommes en mesure de prouver que les populations chassées ne correspondent pas à celles qui sont en danger. Je ne vous demande rien d’extraordinaire. J’attends simplement, s’agissant du pinson et du bruant, que des études nous permettent de régler au mieux le problème.

Je dirai un mot, en conclusion, sur les représentants de la chasse en France. J’éprouve beaucoup d’estime pour les défenseurs de la chasse et j’ai quelquefois une certaine confiance en eux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cet hémicycle. Néanmoins, la chasse ne se limite pas dans notre pays au seul département de la Somme, pas plus qu’elle ne se limite, sur le plan politique, à l’UMP !

Je suis donc un peu marri de constater que la chasse en France est représentée par cette seule formation politique, pour laquelle j’ai le plus grand respect, même si je la combats, et par ce seul département, pour lequel j’ai de l’affection, mais qui ne représente pas notre pays tout entier. Cela vaut également dans les instances représentatives de la chasse, mais c’est un autre débat…

Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste, après discussion des différents articles, apportera certainement son soutien à cette proposition de loi qui, malgré tout, va dans le bon sens.

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