Intervention de Yvon Collin

Réunion du 5 mai 2011 à 15h00
Droit de la chasse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, m’exprimer après Jean-Louis Carrère, qui s’est livré à un plaidoyer aussi vibrant que brillant, n’est pas chose aisée !

Nous abordons l’examen tant et très attendu de la proposition de loi visant à moderniser le droit de la chasse, déposée par notre excellent collègue Pierre Martin le 15 mars 2010. Ce texte s’ajoute, cela a été dit et répété, à cinq lois successivement adoptées sur ce thème depuis 2000.

Pour autant, il s’agit d’un texte indispensable, car la chasse est plus qu’un simple loisir : c’est une activité qui participe pleinement à l’identité de notre territoire, plus particulièrement au dynamisme de nombreuses zones rurales. La France – ce n’est d’ailleurs pas le cas dans tous les pays –permet une chasse populaire, c'est-à-dire ouverte à tous ceux qui souhaitent la pratiquer, sous réserve de l’obtention d’un permis, bien entendu. C’est une tradition issue de la Révolution française que d’avoir dans notre pays une chasse démocratique, accessible à tous.

Loisir sportif, pratique ancestrale, la chasse est encore bien plus aujourd’hui.

En effet, depuis la prise de conscience collective de la nécessité de préserver l’environnement et de respecter la nature, la chasse est investie, de plus en plus concrètement, d’une mission de gestion de la biodiversité, ce qui lui impose des responsabilités dans le domaine de la gestion des habitats, de la régulation des espèces et, in fine, de la protection des écosystèmes. Soucieux de répondre aux nouvelles préoccupations de la société, les chasseurs, qui sont des gens intelligents, ont bien compris et très bien accepté cette nouvelle mission.

J’ajouterai que, au-delà de ses effets concrets sur l’équilibre écologique, cette vocation reconnue depuis plusieurs années maintenant contribue à apaiser les tensions avec ceux qui s’opposent à la chasse. C’est en tout cas ce que j’espère…

Il me semble, en effet, important que la chasse ne soit pas stigmatisée, non plus que les défenseurs de la cause animale d’ailleurs.

Madame la ministre, mes chers collègues, si la chasse a su s’adapter aux nouvelles attentes et aux nouveaux besoins de la société, si la chasse a su s’insérer dans des paysages parfois transformés, son cadre législatif n’est pas encore totalement adapté à ses nouvelles missions.

Pourtant, comme je l’ai dit au début de mon propos, le législateur s’est régulièrement penché sur la question de la chasse, en particulier depuis 2003, soit après l’adaptation des statuts types des fédérations de chasseurs auxquelles la loi du 26 juillet 2000 avait confié des responsabilités d’intérêt général.

Lors de l’examen de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, nous avions une nouvelle fois réaffirmé le rôle et la place des chasseurs, en précisant que ces derniers participaient au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. C’était une étape importante, qui a contribué à promouvoir une nouvelle vision de la chasse. Il était d’ailleurs temps de changer le regard que l’on portait sur nos chasseurs.

Enfin, nous avons ajouté une nouvelle pierre à l’édifice avec l’adoption à la fin de l’année 2008 de la loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse. Il s’agissait, notamment, de renforcer la portée juridique du plan de schéma départemental de gestion cynégétique. Le Tarn-et-Garonne – mon collègue Jean-Michel Baylet et moi-même en sommes particulièrement fiers – a été le premier département à conclure ce schéma en 2006.

Il s’agissait également d’encourager la pratique de la chasse, notamment auprès des jeunes, car l’activité connaît une décrue de ses effectifs déjà préjudiciable, dans certaines zones, à la maîtrise de la prolifération du gibier. Nous avions, par ailleurs, revu la gouvernance de la chasse en permettant, notamment, aux fédérations nationales et aux fédérations départementales d’être éligibles à l’agrément au titre de la protection de la nature. Je n’oublie pas de dire que nous avions également allégé les procédures administratives. C’était important, car la chasse est une activité de proximité, qui a besoin de souplesse dans son fonctionnement quotidien.

Aujourd’hui, si la proposition de loi est adoptée comme je l’espère, nous franchirons une nouvelle étape législative. Très attendu par les fédérations de chasseurs, le texte vise, d’une part, à poursuivre le mouvement de simplification que je viens d’exposer et, d’autre part, à renforcer encore et encore le rôle des chasseurs dans la préservation de la biodiversité. Je m’en réjouis.

Je ne vous cacherai pas que la fédération départementale des chasseurs de Tarn-et-Garonne, qui s’est réunie très récemment dans une excellente ambiance, approuve cette démarche sénatoriale, qu’elle préfère à la soudaine initiative des députés. (Les quatre parlementaires de mon département, au-delà des clivages partisans, ont également adopté cette position.

Il existe donc un consensus très large sur la proposition de loi de Pierre Martin. Vous l’avez souligné, mon cher collègue rapporteur, elle est le fruit d’une véritable concertation entre les principaux acteurs de la chasse, la Fédération nationale des chasseurs, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, et les associations communales de chasse agréées.

Je suis, pour ma part, satisfait de constater que si la commission de l’économie, présidée avec talent par notre collègue Jean-Paul Emorine, a amendé la plupart des articles, elle a conservé le fond des dispositions et respecté, c’est important, l’esprit du texte. C’est pourquoi je vous indique d’ores et déjà que l’ensemble des membres du RDSE voteront la proposition de loi.

L’article 1er tend à reconnaître la compétence des fédérations départementales de chasseurs en matière d’information et d’éducation au développement durable, ainsi qu’en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage. C’est déjà le cas pour la pêche, et il est donc logique de le faire également pour la chasse.

L’article 2 de la proposition de loi vise à introduire une disposition fiscale non discriminatoire pour pouvoir continuer à entretenir les zones humides, les zones maintenues en bon état par les chasseurs étant des zones privilégiées pour toutes les espèces aviaires, chassables ou non. Cette mesure, peu coûteuse pour l’État – ce point mérite d’être souligné, car il ne manquera pas de réjouir Mme la ministre ! – s’inscrit encore dans la perspective de préservation de la biodiversité.

Dans l’esprit de l’article 1er, l’article 3 vise à moderniser le code de l’environnement en précisant que la chasse peut contribuer à « une gestion équilibrée de la biodiversité ». C’est ici l’efficacité et donc l’utilité des chasseurs qui est reconnue, ce qui est aussi important.

L’article 4 énonce, me semble-t-il, la bonne formule pour mettre en place un outil juridique destiné à traiter les espaces non chassés ou sous-chassés, où prolifèrent certaines espèces au détriment des récoltes et des autres espèces, comme l’a rappelé Jean-Louis Carrère. La mesure est équilibrée, car elle respecte le droit à l’opposition cynégétique.

Quant aux articles 5 et 6, qui ont pour objet, d’une part, de promouvoir l’intercommunalité cynégétique et, d’autre part, d’assouplir les modalités d’adhésion à une ACCA, ils étaient très attendus. Il est en effet nécessaire de créer les conditions de la continuité de la gestion cynégétique, qui pourrait être à terme perturbée par la désertification rurale.

Enfin, la proposition de loi vise à apporter une réponse à l’ambiguïté créée par la rédaction du dispositif de diminution du coût du permis pour les jeunes chasseurs issu de la loi du 31 décembre 2008. L’article L. 423-21-1 du code de l’environnement a conduit à une déperdition importante de personnes qui ont réussi l’examen, mais qui n’ont pas validé leur permis. Il fallait remédier à cette difficulté, ce qui sera fait grâce à l’article 7 judicieusement complété lors de son examen en commission.

Mes chers collègues, toutes ces mesures, il n’est pas inutile de le répéter, vont dans le bon sens. Elles consacrent le rôle des chasseurs en tant que fins connaisseurs – on ne le rappelle jamais assez –, mais aussi en tant que protecteurs de la nature.

Comme l’a indiqué le Conseil de l’Europe en 2008, la chasse est essentielle à la préservation de la biodiversité et à l’équilibre des espaces ruraux. J’ajouterai que, dans un monde qui s’urbanise et se déshumanise un peu trop à mon sens, les chasseurs sont aussi les gardiens de l’identité des territoires menacés. Il faut non pas les décourager, mais plutôt les encourager dans leur pratique, dans le respect naturellement des convictions des uns et des autres. C’est bien le sens de cette proposition de loi, qui est tout à fait dans l’esprit de la très célèbre loi Verdeille. Tous les sénateurs radicaux de gauche et l’ensemble des membres du RDSE dans sa diversité l’approuveront donc.

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