Concernant l’amendement n° 15, qui est un amendement de suppression, j’attire votre attention sur l’état actuel de la biodiversité en France, et sur la nécessité de s’interroger sur l’impact des activités de chasse.
Les chasseurs se flattent d’être les premiers gestionnaires de la biodiversité. Mais c’est une gestion qu’ils effectuent au profit de leur propre activité ! De sorte qu’elle ne prend en compte qu’une partie des écosystèmes : c’est seulement certaines espèces que l’on prélève, que l’on introduit et que l’on nourrit. Il s’agit d’une démarche anthropocentrique, et à courte vue.
La gestion de la biodiversité ne peut se réduire à une distinction – pour prendre cet exemple – entre gibiers et nuisibles ; elle le peut d’autant moins que certaines espèces de gibiers sont privilégiées au détriment de certaines autres, et que certains prédateurs sont finalement considérés comme des concurrents, se retrouvant en voie d’extermination pour cette raison.
Un sondage réalisé par la Fédération nationale des chasseurs nous apprend que 80 % d’entre eux sont favorables à des lâchers de repeuplement de petit gibier.
Il ne s’agit pas là d’une gestion équilibrée. Le monde vivant s’équilibre avec le temps, s’autorégulant en fonction des territoires disponibles et des ressources des milieux, dès lors que l’homme respecte ses mécanismes naturels.
Les activités humaines ont assurément un impact : c’est le cas de l’agriculture, du bétonnage, de la construction de routes. Mais la chasse exerce elle aussi une pression, directe et immédiate, sur les équilibres naturels : elle demeure prédatrice dans l’espace de la biodiversité.
Plus de 48 % des espèces d’oiseaux chassables en France sont classées par l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, parmi les vulnérables, celles qui sont en état défavorable ou celles qui sont en danger : la chasse vient accentuer la régression de ces espèces.
Qu’apporte donc la chasse à la biodiversité lorsque, au cours de chasses nocturnes au gibier d’eau, plus de 6 mois dans l’année et 7 jours sur 7, des oiseaux difficilement identifiables, souvent rares et protégés, sont tués en grand nombre ?
J’ajoute également que certains oiseaux ont besoin, particulièrement lors des migrations et de l’hivernage, de pouvoir se nourrir et se reposer. Or, précisément, les zones humides sont occupées par des gabions et des huttes.
La création d’environnements artificiels et la pratique de lâchers d’animaux ne sont pas favorables au respect de la biodiversité.
Enfin, madame la ministre, que penser d’une proposition de loi qui supprime des missions de la chasse – parmi lesquelles elle figure aujourd’hui aux termes du code de l’environnement – la « gestion équilibrée des écosystèmes », pour lui substituer une « gestion équilibrée de la biodiversité », alors que vous me reprochiez tout à l’heure de vouloir ôter des missions de la chasse la gestion des écosystèmes ?
S’il s’agit, en introduisant la « biodiversité », de satisfaire à un effet de mode « année de la biodiversité », vous avez un an retard… S’il s’agit de parler de la variété des espèces, il y a longtemps que le concept de biodiversité recouvre davantage que le simple inventaire des espèces, pour s’étendre aux habitats et aux interactions entre espèces ; aux fonctionnalités qu’elles assurent entre elles et avec leur milieu et aux services rendus ; bref, à tout ce que désigne le mot « écosystème ».
L’amendement n° 16, de repli, supprime seulement une partie médiane de cet article, particulièrement axée sur la reconnaissance d’activités favorables à la gestion de la biodiversité.
J’ai, pour ma part, le souvenir des chasseurs s’opposant à la création de parcs naturels, à Natura 2000, à la réintroduction de l’ours… Je pense que ce n’est pas être caricatural que de rappeler les choses qui se sont produites.
Je vous suis reconnaissante, monsieur le rapporteur, pour votre invitation