Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Jacques Legendre, madame le rapporteur, chère Colette Mélot, mesdames, messieurs les sénateurs, trente ans après la loi Lang relative au prix du livre, la proposition de loi soumise aujourd’hui à votre approbation, après son passage en commission mixte paritaire, constitue une avancée historique pour toute la filière du livre, et une loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles à l’ère numérique.
Cette régulation, appelée de ses vœux par M. le Président de la République le 7 janvier 2010, est l’aboutissement d’un long processus de réflexion collective.
Je tiens à saluer la contribution essentielle de la Haute Assemblée à une telle réflexion, ainsi que l’attention et le travail du rapporteur de la proposition de loi, Mme Colette Mélot, et bien entendu de Mme Catherine Dumas et du président Jacques Legendre, qui ont eu l’initiative du dépôt de ce texte.
Au terme des discussions interprofessionnelles qui se sont tenues sous l’égide de mon ministère, je tiens aussi à rendre hommage à la capacité de l’ensemble de la filière – auteurs, éditeurs, libraires – à se retrouver sur ce qui va dans le sens du bien commun.
Je tiens enfin à saluer le consensus remarquable que vous avez su trouver au terme de l’examen de cette proposition de loi. Je me réjouis qu’à l’image de la loi Lang qui, depuis 1981, n’a cessé de recueillir l’adhésion des gouvernements successifs, cette loi de civilisation numérique qui nous réunit aujourd’hui bénéficie à son tour d’un soutien politique unique en son genre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis persuadé que nous avons eu raison de ne pas attendre pour définir un cadre de régulation adapté à la réalité de ce nouveau marché qu’est le livre numérique, marché dont la progression formidable aux États-Unis se confirme jour après jour. Une intervention précoce constitue en effet la meilleure garantie que le développement de ce marché s’effectue dans des conditions harmonieuses, sans captation de la valeur par des acteurs dominants.
Nous avons eu également raison, j’en suis fermement convaincu, de mettre l’éditeur en mesure de contrôler la valeur du livre, quel que soit le lieu d’implantation du diffuseur. Je me réjouis donc que la solution équilibrée retenue par la commission mixte paritaire permette aux distributeurs établis en France de jouer à armes égales avec ceux qui sont établis hors de nos frontières.
Il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu’elles s’adressent à des lecteurs français. Compte tenu de son objet, la loi sur le prix du livre numérique revêt ainsi le caractère d’une disposition impérative, cruciale pour la sauvegarde d’un intérêt public et devant par conséquent s’appliquer à toute situation entrant dans son champ.
Cette loi historique est un aboutissement, mais c’est aussi un point de départ pour la filière du livre : loin de créer les conditions d’une économie de rente pour certains acteurs, ce texte contribuera, je n’en doute pas, au développement d’une offre légale abondante, attractive pour le lecteur, tout en préservant une assiette stable de rémunération pour les ayants droit, en particulier les auteurs.
Je salue, à ce titre, l’attention portée par le texte à la juste et équitable rémunération des auteurs, afin que celle-ci soit garantie dans le cadre du contrat d’édition.
Cette loi doit également être le point de départ d’une mobilisation renouvelée pour promouvoir la diversité culturelle à l’ère numérique.
Soyez à cet égard assurés de la détermination du Gouvernement et du Président de la République à poursuivre le travail de conviction entamé auprès des institutions européennes et de nos partenaires des autres États membres de l’Union européenne.
Dans sa réponse aux avis motivés de la Commission européenne, le Gouvernement fait ainsi valoir combien, au regard des caractéristiques microéconomiques du marché du livre, la proposition de loi répond à un impérieux motif d’intérêt général : la protection de la diversité culturelle, consacrée par la convention de l’UNESCO ainsi que par les traités et la jurisprudence européenne.
Nous y démontrons pourquoi ce principe cardinal doit faire l’objet d’une attention accrue à l’heure numérique, en veillant à ce que la structuration du marché du livre numérique ne porte pas préjudice à la diversité de la création éditoriale et à la diversité des réseaux de distribution, qui en est indissociable.
À la concentration de la distribution, à la réduction de l’offre à un choix standardisé, limité à quelques best-sellers, il nous faut en effet opposer, sans jamais faiblir, « la propension archipélique à soutenir le divers du monde », pour reprendre les si beaux mots d’Édouard Glissant.
Le consensus remarquable que vous avez su trouver lors de l’examen de cette proposition de loi, mais aussi le soutien et les initiatives qui pourront être les vôtres à l’avenir, constitueront d’évidence un appui précieux dans ces démarches, comme d’ailleurs dans le combat pour l’application d’un taux de TVA réduit au livre numérique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu’elle constitue une contribution essentielle à la construction civilisée du marché du livre numérique, cette loi de développement durable de la filière du livre, telle qu’elle est adoptée par la commission mixte paritaire, recueille évidemment le plein soutien du Gouvernement.