Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 23 novembre 2004 à 16h00
Création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité — Division et articles additionnels après l'article 17, amendement 83

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Sur le fond, à présent, je tiens à dire que je ne suis pas du tout choqué par les trois amendements déposés par le Gouvernement. En effet, ces textes visent à combler une lacune de notre droit.

Nous pourrions, certes, considérer que les dispositions actuelles du code pénal ou de la loi sur la presse de 1881 englobent le sexisme et l'homophobie. En effet, le racisme a de multiples formes : il peut s'agir, notamment, de racisme sexuel, de racisme en fonction de la taille ou de la couleur des cheveux. Le terme de « race » n'a d'ailleurs aucune signification, comme chacun le sait : nous sommes tous de la même race, la race humaine ; il n'empêche qu'il existe des différences et que, en fin de compte, la condamnation du racisme, c'est la condamnation du refus des différences.

Par ailleurs, il est, dans le catalogue de nos droits et libertés, un manque, que nous comblons, dans le code pénal, par des dispositions existant d'ailleurs dans un certain nombre de déclarations de droits de pays étrangers : je veux parler du droit à la dignité, qui est justement la contrepartie logique de ce respect du droit à la différence.

C'est la raison pour laquelle les trois amendements que propose le Gouvernement sont, selon moi, des amendements mesurés, sages et non révolutionnaires.

Ils ne révolutionnent ni notre droit pénal ni notre droit de la presse. Nul n'ignore, d'ailleurs, qu'il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de toucher à la loi de 1881, au point que l'on peut même se demander si elle n'a pas une valeur supralégislative, du moins aux yeux de certains.

Dans ce domaine, qui touche profondément aux libertés publiques, agir trop rapidement n'est pas possible. C'est ce que je répondrais à ceux qui s'étonneraient que rien n'ait été fait entre 2000 et 2002 et qu'il ait fallu attendre 2004.

Le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale a suscité de vives réactions des associations, de la presse, des églises, d'un certain nombre de partenaires institutionnels, de l'Etat et, bien sûr, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Le Gouvernement en a tenu compte ; il a retiré ce texte critiquable, mais qui, dans une certaine mesure, reprenait les propositions de loi socialistes antérieures et répondait tout de même à un objectif qui, lui, était défendable et devait être défendu : lutter contre les comportements scandaleux que la définition trop étroite du racisme ne permettait pas, visiblement, de focaliser pour l'ensemble du grand public, et les condamner. M. Badinter l'a très bien expliqué tout à l'heure.

Je félicite Mme Ameline d'avoir souligné l'absolue nécessité de condamner tout comportement sexiste et, par conséquent, le sexisme et l'homophobie, deux formes de racisme qu'il fallait préciser en tant que telles, au sein de la loi sur la liberté de la presse.

L'amendement n° 83 vise donc à créer non pas un délit nouveau, car le délit de racisme existait déjà, mais simplement un mécanisme permettant d'élargir un peu le délit de racisme au sexisme et à l'homophobie.

L'amendement n° 84 est la suite logique de l'amendement n° 83 : il a pour objet de permettre la répression des diffamations et des injures homophobes et sexistes, alors que le texte en vigueur ne visait les diffamations et les injures que lorsqu'elles revêtaient un caractère raciste, dans sa forme la plus classique.

S'agissant de l'amendement n° 85, j'ai noté un petit oubli de votre part, monsieur le garde des sceaux : les associations auront le droit de saisir les tribunaux, à la condition, toutefois, que l'injure ou la diffamation touche une catégorie tout entière, c'est-à-dire, par exemple, l'ensemble des femmes ou l'ensemble des homosexuels. C'est simplement la reprise de dispositions existant déjà en matière de racisme :

Je rappelle que les associations ont déjà le droit d'agir dans tous les autres domaines de la même façon. Lorsque le MRAP, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, ou la LICRA, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, interviennent, c'est, justement, en réponse à une attaque globale.

En cas d'attaques individuelles, d'injures individuelles ou de diffamations individuelles, l'association ne peut intervenir que si la victime est consentante.

Il s'agit là d'un élément tout à fait capital que je tenais à souligner et à rappeler.

En d'autres termes, que ceux qui sont timides, qui ont peur que cette loi ne bouleverse le mariage, l'adoption, ou encore le droit d'expression, soient rassurés : ces amendements sont dans la logique normale des dispositions pénales en vigueur en matière de discrimination et de celles qui concernent la presse.

C'est la raison pour laquelle, loin de constituer des cavaliers, ils ont toute leur place dans le texte que nous examinons aujourd'hui, puisque, depuis ce matin, nous débattons de la lutte contre les discriminations.

Le journal télévisé rapportant, chaque soir, un nombre sans cesse croissant de scandales intervenus dans la vie quotidienne, qui sont autant d'atteintes à la dignité de l'être humain et qui touchent soit des femmes, soit des homosexuels, des personnes soit trop petites, soit trop grandes, il est de notre devoir d'élus de faire en sorte que ces discriminations cessent et que, grâce à un projet de loi mieux rédigé que les textes en vigueur, qui définissaient de façon trop étroite le racisme, toutes ces atteintes soient plus fermement condamnées.

C'est la raison pour laquelle, avec un nombre non négligeable de membres de ma formation, ...

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