Monsieur le ministre, en abordant ce nouveau titre consacré au droit d'asile, nous tenons à récuser la logique qui inspire votre texte et qui tend à confondre demandeur d'asile et étranger en situation irrégulière.
Dans la contribution des sénateurs socialistes aux conclusions de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, nous affirmions : « la suspicion généralisée frappant les demandeurs d'asile doit être dénoncée fermement. Notre pays s'honore d'être une terre de refuge depuis de nombreuses décennies. Des crédits supplémentaires doivent être consacrés pour accompagner les demandeurs d'asile dans leurs démarches (constitution du dossier, accès à un interprète, logement) et les préserver d'une précarité de vie indigne de notre République. » Cela correspond très exactement à ce que demande l'association Emmaüs, qui gère des centres d'accueil des demandeurs d'asile, CADA.
« De même, la réflexion doit aussi se porter sur la remise en cause du droit d'asile telle qu'opérée par le gouvernement actuel. Porter le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés à 15 jours n'est pas acceptable. »
Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que nous n'avons malheureusement pas été entendus. Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration a évoqué l'idée de ramener d'un mois à quinze jours le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés. Dans sa sagesse, le rapporteur de la commission des lois de notre Haute Assemblée propose de réinscrire ce délai dans la loi en le portant à un mois. Ce serait déjà mieux.
Pour notre part, nous proposons de le fixer à deux mois, ce qui est le délai administratif normal. Cela ne nous semble pas de trop lorsque l'on connaît les difficultés matérielles - langue, logement, méconnaissance de leurs droits, etc. - dans lesquelles se débattent beaucoup de demandeurs d'asile sur notre territoire et dont les associations qui les aident font état. Nous y reviendrons sans doute lors de la discussion des articles additionnels après l'article 64.
Pour le reste, sous prétexte d'assurer un meilleur accueil des demandeurs d'asile, les principales dispositions de votre texte conduiraient, si elles étaient adoptées, à durcir les conditions du droit d'asile en France.
Ainsi, à l'article 64, il en est une qui nous paraît inacceptable, à savoir la confirmation d'une liste nationale des pays d'origine sûrs. Lors de l'examen au Sénat de la précédente loi sur l'immigration, en 2003, le groupe socialiste avait rejeté le principe de la définition de pays d'origine sûrs et donc d'une liste, nationale ou communautaire.
Nous estimons que, pour respecter le droit de chaque réfugié, et compte tenu de la diversité des situations, il faut examiner les dossiers au cas par cas, et prévoir un entretien personnalisé. C'est le fondement même du principe de non-refoulement, qui a été établi par la Convention de Genève, principe selon lequel les gouvernements ne peuvent refouler un demandeur si celui-ci n'a pas pu défendre son cas.
Le fait que vous vous abritiez, monsieur le ministre, derrière la directive européenne 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales - seulement - concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ne nous surprend pas. En effet, c'est votre gouvernement qui a demandé l'élaboration d'une telle directive et a largement participé à sa rédaction. Vous portez donc une responsabilité directe sur son contenu. Cette directive n'est pas tombée du ciel par hasard ; elle est le fruit de la volonté d'une majorité de gouvernements de droite en Europe.