Nous pensons, comme M. le rapporteur, qu'il faut allonger les délais de recours devant la Commission des recours des réfugiés. La raison essentielle, comme l'a dit ma collègue Mme Borvo, est que, sur les 13 000 personnes qui se sont vu octroyer la qualité de réfugié en 2005, moins d'un tiers d'entre elles, soit 4 184 personnes, l'ont obtenue en première instance. Cela signifie que les deux autres tiers ont dû recourir à la Commission des recours des réfugiés.
La question des délais est donc essentielle dans l'effectivité du recours. Je rappelle que l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine les décisions de l'OFPRA qui peuvent faire l'objet d'un recours devant la CRR, sans préciser la durée du délai dans lequel ces recours doivent être introduits.
Depuis 2003, cette durée ne figure plus dans la loi, mais relève de l'article 19 du décret du 14 août 2004, qui fixe le délai de un mois pour l'exercice des recours devant la CRR. C'est le délai auquel la commission entend revenir.
Or le comité interministériel de contrôle de l'immigration a annoncé, pour sa part, la réduction de ce délai d'un mois à quinze jours.
Il importe d'envisager les conséquences pratiques d'une telle réduction.
Si le délai de recours est réduit à quinze jours, le délai effectif pour la rédaction et l'envoi du recours sera plus court dans la mesure où, aux termes de la jurisprudence du Conseil d'État, le recours doit être enregistré au greffe de la CRR avant l'expiration du dernier jour du délai de recours. En fonction du délai d'acheminement postal, le demandeur doit donc envoyer son recours plusieurs jours avant cette expiration.
La réduction du délai interdira donc tout recours effectif aux demandeurs d'asile qui n'ont pas eu connaissance à temps de la décision de rejet de l'OFPRA.
Comme vous le savez, la plupart des demandeurs d'asile sont contraints d'avoir recours à une domiciliation associative, ou chez un tiers, et n'ont donc pas un accès quotidien à leur courrier. Or la décision de l'OFPRA est envoyée par lettre recommandée, lettre qui est retournée à l'Office si le demandeur n'a pu la retirer à la poste sous quinze jours. Le délai de recours, fixé à quinze jours, sera alors expiré.
Vous le voyez, tout simplement pour des raisons de délai d'acheminement postal, le recours effectif disparaîtra.
Cette situation risque d'aboutir au rejet des recours hors délai, pour saisine tardive de la commission. En effet, les recours doivent être rédigés en français : or, nombre de demandeurs d'asile ne sont pas francophones et aucune aide pour la traduction des dossiers n'est prévue. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement prévoyant l'assistance gratuite d'un interprète pour la rédaction de la demande. Actuellement, ce sont les associations qui assurent cette tâche, dans la majeure partie des cas.
Enfin, pour des raisons de bon sens, la réduction du délai de recours favorisera le rejet « par ordonnance », par le président de la commission, des recours considérés comme dépourvus « d'élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA », conformément à la réforme de 2003 sur l'asile. Le demandeur n'est alors ni convoqué à une audience, ni entendu par la formation collégiale.
Si le délai est trop réduit, les demandeurs n'auront pas le temps de construire une argumentation suffisante à l'appui des recours, car ils ne peuvent se contenter de reprendre leur demande telle qu'ils l'avaient présentée devant l'OFPRA ; ils doivent la reprendre à la lumière de la décision de l'Office, afin d'en contester les objections. La commission étant une juridiction de plein contentieux, elle examine l'ensemble de la demande : le recours doit donc, à la fois, reprendre la demande initiale et développer un argumentaire remettant en cause le bien-fondé de la décision de rejet de l'OFPRA.
On le voit, raccourcir ce délai crée inévitablement des obstacles en chaîne pour les demandeurs d'asile, dont beaucoup ne parviennent déjà pas à se défendre convenablement dans le cadre du droit existant.
A l'appui de sa recommandation n° 28, la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine qui, malheureusement, ne va pas au bout de la logique de son constat, estime qu'il serait « souhaitable de renoncer à faire peser sur les demandeurs d'asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe et qui leur est, somme toute, sans doute moins favorable que ceux qui font une plus large place à l'oralité ».
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons nous satisfaire de l'amendement n° 65 de la commission, même s'il va dans le bon sens, car il ne prend pas la mesure réelle de la situation.
Compte tenu de l'importance de ce délai, nous proposons, d'une part, de lui donner un caractère législatif en l'inscrivant à nouveau dans la loi - comme le fait la commission des lois - et, d'autre part, de le fixer à deux mois, délai correspondant à la durée de droit commun en matière administrative.