Le développement forcené de l’épargne retraite est un aveu d’échec. Les experts, dont certains sont proches du Gouvernement, estiment que le déséquilibre démographique ne pourra pas être corrigé par le seul recul de l’âge de départ à la retraite. Ainsi, cette réforme est non seulement détestable socialement – nous l’avons maintes fois souligné ces derniers jours – mais elle est aussi mauvaise, inefficace sur le plan économique.
M. Woerth nous expliquait tout à l’heure qu’il faut savoir entrer dans le détail pour comprendre les choses. Eh bien voici un détail, un peu oublié, qui permet de mieux comprendre la situation : dans notre économie, les revenus financiers ont été multipliés par dix en quarante ans et ils pèsent aujourd’hui quelque 230 milliards d’euros.
L’inefficacité du système des retraites qui nous est proposé conduit naturellement le Gouvernement à stimuler l’épargne retraite pour contrebalancer le recul programmé du régime de base. Cette démarche soulève deux problèmes majeurs.
Le premier est que l’on joue la carte de la spéculation plutôt que celle de la sécurité.
Sous couvert de nous inspirer de la modernité des régimes anglo-saxons, d’une nécessité de rupture avec un modèle obsolète des retraites, on se prépare à faire un grand saut dans l’inconnu.
En termes de sécurité, la retraite par répartition est la plus efficace puisque ce sont les actifs d’aujourd’hui qui financent en temps réel, sur l’ensemble de leurs revenus, ceux du travail et ceux du capital – il ne faut pas l’oublier – la retraite des inactifs. Il n’y a donc pas de perte en ligne.
Pour défendre un tel système, il faut trouver un point d’équilibre en tenant compte des disparités démographiques, ce qui est politiquement délicat, j’en conviens. Il ne faut pas trop solliciter les actifs qui ne souhaitent pas subir des prélèvements trop importants tout en maintenant des niveaux de pension satisfaisants. Pour réussir, il faut du temps. Or, plutôt que de se donner du temps, le Gouvernement a décidé de passer en force.
Ensuite, et c’est le second problème, la spéculation sur l’épargne retraite est une réalité. Les responsables politiques bottent en touche : épargnez aujourd’hui, on verra plus tard. Ce refus de prendre ses responsabilités présente des risques inconsidérés.
Le développement des fonds de pension conduit à la catastrophe, nous le savons. Il suffit d’observer ce qui s’est passé dans une entreprise comme Enron, mais aussi dans un pays comme la Grande-Bretagne, qui a vu son système de retraite mis en difficulté par la crise financière de 2008, ou encore lors de la catastrophe générale de 1929.
C’est une très mauvaise opération que de troquer la solidarité et la sécurité contre la spéculation, avec tous les risques qu’elle recèle.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons tous les amendements de suppression des articles qui tendent à développer cette détestable retraite par capitalisation.