Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 7 février 2008 à 9h30
Rétention de sûreté — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental s'est réunie à l'Assemblée nationale, ce lundi 4 février.

Le texte adopté par le Sénat a été très largement repris, sous réserve de quelques modifications que je vais me permettre de vous présenter.

À l'article 1er, constatant que l'élargissement progressif du champ d'application de la rétention de sûreté à la suite des amendements adoptés à l'Assemblée nationale - victimes mineures âgées de quinze ans, de dix-huit ans, victimes majeures en cas de circonstances aggravantes - avait conduit à une formulation complexe n'échappant pas aux redondances, notre assemblée avait réécrit de manière beaucoup plus concise cet article.

Ainsi, dans la mesure où le code pénal prévoit déjà que l'âge de la victime peut être une circonstance aggravante, le Sénat avait jugé suffisant de faire référence dans la loi à la seule nature de l'infraction, sans qu'il soit nécessaire de mentionner explicitement le critère tenant à l'âge de la victime. Cette rédaction s'avérait cohérente avec le code pénal, qui ne distingue pas jusqu'à présent les victimes mineures de plus de quinze ans et les victimes majeures.

La commission mixte paritaire a souhaité rétablir cette distinction et rendre applicable la rétention de sûreté sans qu'aucune circonstance aggravante n'accompagne l'un des crimes visés dans toutes les hypothèses où la victime est mineure, y compris entre quinze et dix-huit ans.

En outre, le rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé de préciser que les personnes concernées par la rétention de sûreté étaient celles qui présentaient une particulière dangerosité, caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité.

Cette modification - « parce qu'elle souffre » - a été adoptée par la commission mixte paritaire après que je me fus interrogé sur son utilité, doutant - et c'est un euphémisme - que cette souffrance à laquelle on va donc tenter de porter remède permette de considérer la présente loi comme une loi pénale plus douce.

Toujours à l'article 1er, la « prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée » qui devra être proposée à la personne placée en rétention de sûreté en centre socio-médico-judiciaire de sûreté a laissé place, de manière plus concise, à une « prise en charge médicale, sociale et psychologique ».

Enfin, dernière modification significative à l'article 1er, notre collègue député Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a proposé de modifier la rédaction de l'article 723-38 du code de procédure pénale afin de tirer la conséquence de l'introduction par le Sénat de la notion de « surveillance de sûreté » et de permettre que le placement sous surveillance électronique mobile puisse être prolongé dans le cadre non seulement de la surveillance judiciaire mais aussi de la surveillance de sûreté.

À l'article 6, qui comporte différentes modifications des dispositions du code de la santé publique relatives à la mise en oeuvre de l'injonction de soins, le Sénat a adopté, contre l'avis du Gouvernement, vous vous en souvenez, deux amendements revenant au droit en vigueur.

D'une part, il a estimé paradoxal, compte tenu des difficultés de recruter des médecins coordonateurs, de se passer d'autres sources de recrutement que les seuls psychiatres, dès lors qu'existent pour les médecins les garanties d'une formation appropriée.

D'autre part, il s'est opposé à la suppression de la faculté de recourir de manière encadrée à un psychologue à la place du médecin traitant, faculté qui constituait l'une des propositions de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale constituée en 2004 et consacrée au traitement de la récidive des infractions pénales, dont le président et le rapporteur étaient respectivement Pascal Clément et Gérard Léonard. Cette possibilité a été consacrée par la loi du 12 décembre 2005 qui précisait que les conditions de diplômes et les missions de ce psychologue traitant seraient précisées par décret.

Ce décret d'application n'ayant jamais été pris, la commission mixte paritaire propose de montrer la voie en ajoutant à l'article 6, dans la rédaction du Sénat, un alinéa précisant que les psychologues devront remplir une condition d'exercice de leur activité depuis au moins cinq ans.

Sur proposition du rapporteur pour l'Assemblée nationale et avec mon approbation, la commission mixte paritaire a disjoint de l'article 12, qui ne concerne que des dispositions transitoires, un paragraphe ajouté par le Sénat prévoyant que la libération conditionnelle d'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne pourrait intervenir qu'après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Cette disposition pourra donc s'appliquer sans limitation de durée.

Enfin, à l'article 12, relatif à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi, et en dehors d'améliorations rédactionnelles, deux modifications ont été apportées. L'une permet au dispositif de la surveillance de sûreté d'être immédiatement applicable lorsqu'il fait suite non seulement à une surveillance judiciaire mais également à un suivi socio-judiciaire ; l'autre rend immédiatement applicable la disposition disjointe de l'article 12 relative aux conditions de libération conditionnelle des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, disposition que j'évoquais il y a un instant.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les principaux apports du Sénat ont donc été intégralement respectés, qu'il s'agisse du caractère juridictionnel de l'instance dont relève la rétention de sûreté, de la définition d'un dispositif spécifique, la surveillance de sûreté, qui désignera les obligations susceptibles de prolonger une surveillance judiciaire, un suivi socio-judiciaire ou celles qui pourront être mises en oeuvre à l'issue d'une rétention de sûreté et, enfin et surtout, de la place éminente faite à l'évaluation.

Je suis convaincu, mes chers collègues, qu'en commençant à imposer une évaluation pluridisciplinaire d'au moins six semaines des personnes condamnées dans l'année qui suit leur condamnation définitive, en permettant au juge de l'application des peines de définir un parcours d'exécution de la peine individualisé, en se préoccupant des soins, de la dangerosité, de la formation, de la capacité à exercer un emploi dès l'entrée en détention, nous donnons à la réinsertion et donc à la lutte contre la récidive des atouts majeurs. De même, l'évaluation pluridisciplinaire en fin de peine, lorsque se posera le problème de l'éventuelle rétention de sûreté, permettra d'appréhender la dangerosité dans des conditions de fiabilité dignes de notre démocratie.

Nous avons ouvert une piste que je crois féconde et qu'il nous reviendra de défricher bien davantage encore lors du prochain examen du projet de loi pénitentiaire.

Enfin, si je n'ai pas abordé, mes chers collègues, la question de la rétroactivité, c'est simplement dans la mesure où, les deux assemblées ayant décidé l'application immédiate de la réforme, le problème ne se posait plus devant la commission mixte paritaire.

Il n'entre pas dans mes intentions, rassurez-vous, de reprendre le débat cent fois abordé de la distinction entre la peine et la mesure de sûreté, celui de la subtilité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui semble assimiler, par exemple, le suivi socio-judiciaire à la première et la surveillance judiciaire à la seconde. Il n'en reste pas moins qu'une clarification s'impose en ce domaine et que nous ne pourrons qu'y être particulièrement attentifs.

Dans cette attente, je vous demande d'adopter le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental dans le texte qui vous est proposé par la commission mixte paritaire.

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