Intervention de Rachida Dati

Réunion du 7 février 2008 à 9h30
Rétention de sûreté — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer le travail accompli par le Sénat et l'Assemblée nationale au sein de la commission mixte paritaire.

Je voudrais en particulier remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest. Il a cerné tous les enjeux de ce texte. Il a su y sensibiliser ses collègues de la commission des lois.

Je tiens également à saluer le travail accompli par Jean-René Lecerf, votre rapporteur.

Le texte qui vous est proposé aujourd'hui est un texte équilibré et consensuel.

Les dispositions relatives à la nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental n'ont pas fait l'objet de modifications substantielles.

De même, votre commission mixte paritaire a repris pour l'essentiel le texte que vous aviez adopté sur le volet sanitaire. Je n'y reviendrai donc pas.

Vous le savez, l'essentiel de nos débats a porté sur la rétention de sûreté. Cette mesure existe depuis de longues années dans d'autres démocraties, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique ou le Canada. Elle a été très longuement débattue dans cet hémicycle. Je crois que le texte issu de la commission mixte paritaire répond aux préoccupations qui ont été exprimées.

Le texte qui vous est soumis reprend la volonté de l'Assemblée nationale de bien préciser que les personnes visées sont les personnes qui présentent une grande dangerosité parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité. Les faits pour lesquels elles ont été condamnées démontrent leur dangerosité et la nécessité de suivre des soins.

Le texte reprend les nouvelles garanties que le Sénat a apportées afin que ce dispositif reste un dispositif d'exception.

Vous avez souhaité que les soins soient assurés dès le début de la détention. Le texte issu de la commission mixte paritaire reprend le principe d'un examen systématique dans le Centre national d'observation afin de définir un parcours adapté.

Vous avez souhaité que l'examen de dangerosité à la fin de la peine soit renforcé. C'est l'objet de l'examen de six semaines qui sera réalisé dans ce Centre national d'observation.

Sur toutes les travées de votre Haute Assemblée, on a exprimé la préoccupation que la rétention de sûreté ne soit pas un simple enfermement, une relégation sociale. Le texte issu de la commission mixte paritaire traduit parfaitement cette exigence.

Il reprend votre volonté qu'un suivi médical et psychologique adapté soit mis en place dans le centre socio-médico-judiciaire. II insiste sur la prise en charge des personnes retenues en matière de formation et d'éducation.

Le rôle des centres socio-médico-judiciaires de sûreté est de donner le plus de chances possible aux personnes concernées de remédier à leurs troubles, et donc de réduire leur dangerosité. Les personnes retenues bénéficieront d'offres de soins individualisées et adaptées à leur profil : prise en charge médico-sociale renforcée, traitement antihormonal avec le consentement de l'intéressé, psychothérapie individuelle ou de groupe, structuration sociale par le travail et la formation et accompagnement socio-éducatif.

M. Portelli a appelé de ses voeux la création d'un véritable centre Pinel en France, sur le modèle de ce centre qui existe au Canada. Le centre socio-médico-judiciaire qui sera installé dans l'hôpital de Fresnes doit nous permettre de mieux traiter cette dangerosité particulière des criminels dangereux qui souffrent de troubles graves de la personnalité.

Les garanties prévues par le Sénat pour l'application de la rétention de sûreté aux tueurs et aux violeurs en série qui sortiront de prison dans les années à venir ont été reprises.

Nous avons eu de longs débats sur ce sujet. Soyons clairs : les Français ne pourraient pas comprendre que l'on attende quinze ans avant que ce dispositif puisse s'appliquer à des psychopathes qui refusent de se soigner.

Nous l'avons dit, la rétention de sûreté est une mesure de sûreté, ce n'est pas une peine. Elle est donc immédiatement applicable. La Cour constitutionnelle allemande l'a expressément jugé dans une décision du 5 février 2004.

Vous avez souhaité renforcer le caractère exceptionnel et subsidiaire de ce dispositif transitoire en posant deux conditions : la première prévoit qu'une rétention de sûreté ne pourrait être envisagée que si une assignation à domicile sous surveillance électronique mobile était insuffisante ; la seconde condition est que les personnes incarcérées au moment de l'entrée en vigueur de la loi devront être averties par la chambre de l'instruction que la dangerosité révélée par leur condamnation pourra justifier un placement en rétention de sûreté à la fin de leur peine. Les personnes pourront ainsi s'engager dans une démarche de soins pendant leur détention en connaissant son enjeu.

Cet amendement a été repris par la commission mixte paritaire.

Après cet important travail préparatoire, nous sommes parvenus aujourd'hui, j'en ai la conviction, à un texte qui respecte nos principes constitutionnels fondamentaux et les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le Gouvernement veillera avec une vigilance toute particulière à ce que la mise en oeuvre de ce dispositif respecte toutes les garanties que le Sénat a souhaité mettre en place.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est un texte de protection. II vise à protéger nos concitoyens de criminels particulièrement dangereux. Il est attendu par tous. Je vous demande de l'adopter dans l'intérêt des Français.

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