... à la condition de ne pas cumuler le système de sanction et le système de traitement de la dangerosité. Ce cumul est impossible.
Pour ces criminels, il faut commencer, au stade de l'instruction, qui est longue, par procéder à une mise en observation dans des centres spécialisés multidisciplinaires, comme il en existe aux Pays-Bas.
Ainsi, pendant huit semaines, cinquante spécialistes observent trente sujets et établissent dès le départ le diagnostic. À ce moment-là, si certains d'entre eux présentent des troubles graves, il faut choisir entre deux voies, celle qui convient le mieux à chacun.
Pour ceux qui sont atteints des troubles les plus graves de la personnalité susceptibles de mettre en danger la sécurité des autres et la leur, s'impose la voie du traitement et de l'enfermement, comme en Belgique, avec des médecins hospitaliers spécialisés et leurs assistants multidisciplinaires.
La durée ne peut pas en être fixée puisqu'il s'agit de la voie thérapeutique, avec ses exigences que l'on ne peut abolir, et non de la voie judiciaire, et qu'elle est fonction de l'évolution de la personnalité du sujet.
La deuxième voie qui s'ouvre pour tous les autres est la voie judiciaire, qui ne doit pas être un temps perdu de détention.
Le drame de notre justice pénale - ce n'est pas à vous, madame la ministre, que je l'imputerai, car vous êtes depuis peu garde des sceaux - c'est la situation pénitentiaire. La priorité absolue, c'est la loi pénitentiaire !
Il fallait commencer par là et ne pas mettre la charrue devant les boeufs, à la faveur de l'émotion du public.
Nous ne devons pas concevoir l'enfermement et l'établissement pénitentiaire comme un temps mort. La peine ne doit jamais être, comme elle l'est trop souvent, un temps mort.
Pour avoir visité plusieurs maisons centrales et centres de détention, madame la garde des sceaux, vous savez parfaitement que nous n'avons pas les moyens en personnels, ô combien dévoués, pour procéder à un traitement sélectif de malades mentaux, qui se comptent par milliers, dès le départ, après la mise en observation.
Le point le plus positif de ce triste débat est la disposition, adoptée par voie d'amendement, selon laquelle il convient de procéder dès le début de la peine à l'établissement du projet individualisé. Ce n'est pas à la dix-septième année que, soudainement, un homme comme Évrard s'en trouvera amélioré !
La responsabilité première est donc là. Il faut, à partir de la période de diagnostic à la hollandaise, avoir à disposition les deux voies : le traitement - dispositif d'ordre purement psychologique, social, psychiatrique, pour ceux auxquels on a diagnostiqué les troubles les plus graves de personnalité, avec les risques que cela comporte - et la solution judiciaire, qui n'est pas un temps perdu.
À l'issue de ce processus, si la surveillance demeure encore nécessaire, à quoi servent les dispositions que nous votons presque tous les ans ?
À quoi bon la surveillance qui suit, avec injonction de soins ? À quoi bon le prononcé de la peine dans le cadre du suivi socio-judiciaire, avec toutes les sanctions en cas de violation ? À quoi bon tous les dispositifs que nous avons adoptés à mesure qu'on nous présentait des textes pour combattre la récidive ? À quoi bon le fichier avec la présentation devant les instances de police ? À quoi bon la surveillance judiciaire et même, monsieur le rapporteur, la surveillance de sûreté si ces procédures ne bénéficient pas des moyens nécessaires ?
Nous ne manquons pas de textes. Je pense également au perfectionnement que vous avez apporté, par l'amendement sur la rétention à domicile, une sorte de mise aux arrêts de rigueur, chez soi. Mais ces pas n'ont de sens et ne peuvent répondre à la finalité qui leur est assignée que si les moyens nécessaires sont donnés. Sinon, ces textes ne sont que des cache-misère législatifs. Voilà ce que nous faisons !
Le moment, à mon sens, le plus saisissant de tout le débat - en dehors de l'invention remarquable de l'usine à gaz que nous devons à l'éminent talent créateur de M. Portelli, mais il appartiendra au Conseil constitutionnel de l'apprécier - fut celui où le président Nicolas About nous a rappelé en termes sensibles mais précis ce qu'est réellement la situation de détresse extrême de notre institution pénitentiaire.
Il a rappelé le terrible manque de psychiatres dans le secteur public, l'insuffisance de personnels compétents à tous les niveaux de ces instances pénitentiaires. Il a souligné que le suivi socio-judiciaire, pourtant voté depuis 1998, ne fonctionnait pas, faute de médecins coordinateurs ; je pourrais énumérer d'autres exemples cités par M. About.
En définitive, et ce sera ma conclusion, pour répondre à une violente émotion publique, née d'une affaire odieuse, vous avez à la hâte bâti un texte, déclaré l'urgence, sans que nous ayons eu le temps, dans le cadre de la commission parlementaire que nous aurions dû créer, d'examiner les causes précises du mal dans la circonstance et les réponses à apporter en profondeur.
Une législation conçue de cette façon entraîne - sans peut-être que vous en mesuriez toutes les conséquences - une profonde et dangereuse révolution de notre justice pénale. Je plains les magistrats qui auront à la mettre en oeuvre et ceux qui en seront l'objet.
Je demeure convaincu que c'est dans la voie qu'avait adoptée notre rapporteur, sans qu'il soit besoin de rétention de sûreté, qu'il fallait aller et peut-être même plus loin. Mais il faut toujours veiller, car là est la sauvegarde nécessaire, à ce que, dans notre justice de liberté, ce soit l'acte précis de celui qui viole la loi, ou une obligation juridictionnelle pesant sur lui, qui entraîne aussitôt et avec fermeté l'application des sanctions prévues.
Nous manquons à l'une des nombreuses obligations, si aisées à mettre en oeuvre pourvu qu'on en ait les moyens, qui sont déjà dans les lois, encore améliorées par les propositions du rapporteur ; cela permettait de faire face aux situations que nous avons évoquées. Je déplore la voie que vous avez choisie et je sais que nous n'avons pas fini d'en payer les conséquences.