Nous abordons à présent l'examen de l'article 3, qui concerne les périmètres d'isolement.
Même s'il n'appartient pas au législateur de fixer aujourd'hui ces fameux périmètres, il s'agit, me semble-t-il, d'un sujet essentiel. En effet, pour les semenciers, la question est stratégique du point de vue non seulement de la protection des cultures, mais également de la diffusion des OGM dans l'environnement.
À cet égard, je souhaite m'exprimer à la fois sur le fond et sur la méthode.
S'agissant d'abord du fond, en tant qu'ingénieur agronome, je reste perplexe quant aux fameux 50 mètres de périmètre d'isolement, qui sont systématiquement martelés par l'Association générale des producteurs de maïs, l'AGPM, et qui figurent dans les textes réglementaires adoptés en 2006.
Premièrement, un tel chiffre est contradictoire avec les pratiques en vigueur chez nos voisins européens, où les périmètres d'isolation atteignent 200 mètres ou 300 mètres. En optant pour un périmètre de 50 mètres, la France apparaîtrait comme l'un des pays les plus laxistes de l'Union européenne, après les Pays-Bas.
Deuxièmement, la réglementation relative aux essais en plein champ de nouvelles variétés de maïs OGM fixe les périmètres d'isolation à 400 mètres. Dans ces conditions, je m'interroge : alors qu'un maïs OGM à l'essai est isolé à 400 mètres d'un autre maïs, le périmètre d'isolation tomberait à 50 mètres pour les maïs OGM cultivés en plein champ. C'est totalement incohérent !
Troisièmement, je constate que les études internationales sur le sujet sont beaucoup plus prudentes. Ainsi, celle qui a été menée par l'unité de recherche de Worcester aboutissait aux conclusions suivantes : « Il est clair que le pollen de maïs se propage bien au-delà du périmètre de 200 mètres, cité dans quelques études comme susceptible de prévenir la pollinisation croisée. »
En d'autres termes, avec le chiffrage de 50 mètres qui circule actuellement, nous sommes totalement hors-sujet.
Quatrièmement, aujourd'hui, les producteurs de semences s'imposent des périmètres de 300 mètres à 400 mètres. Aussi, j'aimerais bien qu'il y ait un minimum de cohérence. Si le maïs hybride certifié exige des périmètres de protection de 300 mètres à 400 mètres, il est hors de question que les périmètres d'isolement d'OGM soient de 50 mètres.
J'en viens à présent à mes observations sur la méthode.
Étant de culture scientifique, lorsque je suis en présence de chiffres aussi hétérogènes que ceux que je viens d'évoquer, j'aime bien disposer d'un nouveau regard.
C'est pourquoi j'avais proposé l'audition par la commission des affaires économiques de trois chercheurs, en l'occurrence MM. Méssean et Brunet, de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, et Mme Jarosz, qui a travaillé avec ce dernier. Ces auditions ont été refusées.
Certes, il n'est pas dans les habitudes de la Haute Assemblée qu'un « sénateur lambda » organise le débat. Mais, compte tenu des incohérences que j'ai évoquées, le minimum serait tout de même que nous puissions avoir un débat serein sur le sujet, avec l'éclairage de scientifiques de l'INRA.
On m'a expliqué que cela n'était pas possible. Ainsi, M. le rapporteur a déclaré : « Il est hors de question d'envisager des périmètres d'isolement de plus de 50 mètres pour les cultures de maïs OGM, en raison des structures agricoles trop petites ».
Qu'est-ce que cela signifie ? Que des périmètres supérieurs à 50 mètres empêcheraient la diffusion souhaitée des OGM en France ? Mais, que je sache, les périmètres d'isolement ont pour objet non pas d'organiser la diffusion maximale des OGM en France, mais de protéger les structures qui ne souhaitent pas d'OGM dans leur produit.
En conclusion, je présenterai des amendements afin que la question des périmètres soit abordée de la manière la plus sérieuse possible par le futur Haut conseil. Il est hors de question que les périmètres soient définis par arrêté ministériel ou par décret, en catimini, comme ils l'ont été jusqu'à présent.