Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 17 mai 2011 à 22h15
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 1er

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Contrairement à ce qui a pu être dit tout à l’heure, je souhaite que la justice s’ouvre, qu’elle n’enferme pas dans une tour d’ivoire une caste de gens qui sauraient tout. Les citoyens doivent pouvoir participer à l’œuvre de justice, laquelle est rendue en leur nom – je remarque d’ailleurs que nombre d’entre eux y participent déjà –, mais pas n’importe comment, pas comme vous souhaitez le faire.

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale « assure que les décisions juridictionnelles ne sont pas déconnectées des évolutions de la société ». Voilà qui est aimable pour les magistrats ! Comme si les juges étaient complètement déconnectés des évolutions sociétales et rendaient leurs décisions n’importe comment ! Ils sont tout à fait ancrés dans la société, contrairement à ce que l’on reproche trop souvent à ces professionnels et à leurs organisations syndicales.

Je le répète, je suis pour la participation des citoyens à la justice, mais d’une autre façon. Ainsi, le système de l’échevinage me paraît bien meilleur. Les citoyens seraient également tirés au sort, mais ils participeraient aux juridictions de façon permanente, pendant un certain temps. Ils apprendraient ainsi à les connaître, ils verraient en quoi consiste l’action de juger et ils auraient préalablement accès aux dossiers. Ils ne seraient pas comme ces citoyens, arrivés d’on ne sait où, qui vont siéger, tenez-vous bien, huit jours par an seulement – encore heureux que la commission des lois ait prévu de leur interdire de siéger à la fois dans les tribunaux correctionnels et les juridictions de l’application des peines –, et pour qui il est prévu une procédure d’une lourdeur extraordinaire !

Tout cela pose de graves problèmes.

Le premier est celui de leur formation.

Vous parlez juste d’information. Un amendement déposé par le groupe centriste, sans doute par amabilité pour le Gouvernement et son ancien président de groupe, tentera de vous éviter de subir les foudres du Conseil constitutionnel en introduisant la question de la formation. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que les juges de proximité doivent être formés.

Comment va-t-on former des gens qui siégeront huit jours par an ? Seront-ce huit jours consécutifs ou alternatifs ? Nul ne le sait !

Le deuxième problème concerne leur serment.

Les citoyens assesseurs seront censés prêter un serment ad hoc, qui n’est pas encore prévu par le code de procédure pénale. Il ne s’agira ni du serment des magistrats professionnels – ils sont donc en dessous d’eux ! – ni du serment assez long prévu par le code de procédure pénale pour les jurés, qui rappelle leurs exigences par rapport à la société, aux inculpés et aux victimes. Ce sera un serment ad hoc très court. Il nous a été répondu qu’un serment plus long aurait pris trop de temps sur le déroulement de l’audience correctionnelle.

Enfin, se pose le problème du mode de désignation de ces assesseurs, sur lequel nous reviendrons peut-être tout à l’heure si notre amendement est examiné.

Tous nos collègues qui sont également maires savent que la liste des jurés d’assises est tirée au sort, chaque année au mois de juin, dans les mairies. Quelques noms sont retirés – même si on ne devrait pas le faire –, et le maire transmet une liste triple à la commission départementale, qui fait un tri objectif par rapport à la loi. Ces citoyens peuvent alors devenir jurés d’assises.

Mais pour juger les délits, il faudra présenter beaucoup plus de garanties que pour juger les crimes, car, en plus du tirage au sort, ces personnes devront encore faire l’objet d’une enquête. Sur quoi portera-t-elle ? Sur leur bonne moralité ? Tout cela n’a aucun sens ! Votre procédure est totalement boiteuse.

Pourquoi ne pas avoir prévu une procédure de récusation, comme en cour d’assises ? À en croire la fameuse étude d’impact, qui n’étudie rien du tout d’ailleurs, c’est parce que le fait de permettre, dans chaque affaire, aux avocats ou au procureur de récuser tel ou tel citoyen assesseur en fonction de son sexe ou de tout autre critère prendrait trop de temps.

À défaut de récuser, on trie. Mais de quelle manière ? Selon quels critères ? Faut-il conserver les notables, ceux qui sont « bien », et écarter ceux qui sont « mal » ? Tout cela n’est pas sérieux !

C’est en définitive une très mauvaise loi, qui, de la façon dont elle a été conçue, gâche totalement la grande idée qui consistait à permettre aux citoyens de participer plus nombreux, et de manière plus satisfaisante, aux jugements rendus et à l’œuvre de justice. Nous sommes en effet un certain nombre, y compris dans les rangs de l’opposition, à penser qu’il s’agissait d’une bonne idée. Il me semble malheureusement que ce texte handicapera sérieusement à l’avenir tout nouveau projet d’ouverture de la justice aux citoyens.

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