Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec un grand plaisir que je viens ce soir devant vous soutenir la proposition de loi portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants.
C’est un plaisir à plusieurs titres et, tout d’abord, en vertu de l’amitié qui me lie à la fois au rapporteur Jean-Claude Etienne, éminent professeur avec qui nous avons toujours travaillé en parfaite intelligence, et au président Jacques Legendre, dont les avis judicieux sur notre système d’enseignement éclairent toujours utilement l’action du Gouvernement, singulièrement de la ministre de l’enseignement supérieur.
Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, je tenais dès à présent à vous remercier sincèrement du travail que vous avez effectué pour faire avancer la cause des étudiants en santé.
C’est un sujet que vous connaissez particulièrement bien, monsieur le rapporteur, puisque, déjà en 1997, vous cosigniez avec Jean-François Mattéi et Jean-Michel Chabot un ouvrage plaidant pour la réforme de la première année des études de santé.
Je tiens aussi à remercier le président Nicolas About et le rapporteur pour avis Gérard Dériot d’avoir mis leurs compétences au service du bon avancement de cette réforme.
Monsieur Dériot, vous avez en la matière, de par votre profession de pharmacien, une expérience incontestable ; je vous remercie de vous être saisi du sujet pour nous apporter votre éclairage.
C’est aussi un plaisir pour moi de venir soutenir une initiative parlementaire commune au Sénat et à l’Assemblée nationale afin de combattre résolument l’échec en première année d’études de santé.
Enfin, c’est un plaisir de venir débattre avec vous tous d’un sujet qui, vous le savez, me tient particulièrement à cœur.
En effet, ainsi que MM. Etienne et Dériot l’ont souligné dans leur rapport respectif, chaque année ce sont 57 000 jeunes qui s’engouffrent en première année de médecine et de pharmacie, avec, le plus souvent, une très faible de chance de « décrocher » un concours : pour 80 % d’entre eux en médecine et 72, 4 % d’entre eux en pharmacie, cette première année est synonyme d’échec et, parfois, de vocation brisée. J’ajouterai même que, pour la majorité d’entre eux, cela signifie au mieux une nouvelle année de travail, de sacrifices et d’efforts qui aboutiront au même résultat, l’échec.
Ainsi, un très bon étudiant peut, à l’aube de sa vie professionnelle, perdre deux ans en première année de pharmacie, puis perdre deux nouvelles années en première année de médecine, ou l’inverse, c’est-à-dire perdre en tout quatre ans d’études supérieures pour aboutir à un échec, sans équivalence et sans voie de réorientation.
Ce gâchis de temps, d’énergie, d’espoirs et de rêves n’est pas acceptable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous nous proposez d’agir. Je réponds à votre appel.
Vous savez ma volonté déterminée de faire de la licence une chance pour nos enfants : renforcer les socles de connaissances, ouvrir aux langues et au monde de l’entreprise tous les cursus pour faciliter les réorientations, l’insertion professionnelle et combattre l’échec.
Alors que toutes les composantes de l’Université - je dis bien « toutes » - ont pris le chemin de la réforme de leur première année de licence et bénéficient à ce titre du plan « réussir en licence », il serait incohérent de laisser les formations en santé de côté. C’est la chance des étudiants, et les présidents d’universités et directeurs d’unités de formation et de recherche – UFR - de santé ne s’y sont pas trompés puisqu’ils soutiennent tous votre initiative.
Qu’est-ce que le plan « Réussir en licence » ? C’est tout simplement relever le défi d’amener 50 % d’une classe d’âge vers son chemin de réussite. On en est loin en études de santé, n’est-il pas temps de s’y acheminer ?
Le plan « Réussir en licence » signifierait, pour les études de santé, entrer dans le système licence-master-doctorat et le processus de Bologne. Cela signifierait aussi mettre fin à la sélection par défaut du concours unique pour organiser une première année d’études commune aux quatre professions de médecins, pharmaciens, dentistes et sages-femmes.
Tous ces professionnels de santé seront amenés à travailler ensemble et de façon coordonnée tout au long de leur carrière. Le moment est bien choisi pour souligner ce point, à la veille du vote à l’Assemblée nationale de la réforme conduite par ma collègue Roselyne Bachelot, qui met en place les agences régionales de santé chargées de coordonner tous les acteurs de santé d’un même territoire.
À l’évidence, cette coopération doit commencer dès la première année d’études. Outre la richesse incontestable de l’ouverture à l’autre, des bénéfices en termes d’informations sur les différentes carrières et les métiers de santé, la collaboration de toutes les filières est le gage, je le crois, d’un meilleur fonctionnement de notre système de santé et d’une meilleure prise en charge des patients.
Une année commune sanctionnée par quatre concours distincts, cela permettra à chaque étudiant de construire son parcours de réussite en fonction de ses motivations, et donc de sa vocation. C’est lui qui choisira la carrière qu’il souhaite embrasser.
Alors, bien sûr, cela ne signifie pas la fin du numerus clausus ni de la sélection. Celle-ci est et restera sévère, comme dans toutes les filières d’exigence et d’excellence. Elle est nécessaire. Mais aujourd’hui, c’est un effet de couperet sans appel pour de trop nombreux étudiants. C’est cela que nous devons combattre. Dans toutes les autres filières d’excellence, les étudiants échouant aux concours se voient reconnaître les crédits équivalant à leurs années de préparation. Des garanties du même ordre doivent être offertes aux étudiants de PCEM 1 et de première année de pharmacie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui permet de corriger ce défaut rédhibitoire, tout simplement en créant une année commune aux quatre professions de santé concernées. Pour que cette année commune soit orientée non plus seulement vers le concours mais aussi vers d’autres parcours de formation, une nouvelle maquette est élaborée par des équipes pédagogiques engagées depuis de longs mois dans cette réforme. C’est la meilleure façon de donner à chacun sa chance de réussir. Poser des bases solides en sciences fondamentales tout en ouvrant l’enseignement aux matières plus littéraires permettra à ceux qui se réorienteront de réussir dans d’autres cursus.
Mais cette proposition de loi n’oublie pas ceux qui auront eu le cheminement inverse, c’est-à-dire ceux qui auront commencé leur formation dans une autre filière avant de découvrir leur vocation de professionnel de santé. Pour ceux-là, il semblait absolument indispensable d’ouvrir de nouvelles passerelles, parce qu’on ne sait pas toujours à dix-huit ans ce que l’on voudra faire toute sa vie, parce qu’il est extrêmement enrichissant pour un professionnel de santé d’avoir des connaissances dans d’autres domaines, et notamment en sciences humaines et sociales. La diversification des profils de nos futurs professionnels de santé est un atout supplémentaire et un gage de meilleure prise en charge des patients.
Ces passerelles, nombreuses, viendront s’ajouter à celle qui existe déjà. Elles permettront de donner leur chance aux vocations tardives, mais aussi d’accorder une deuxième chance à ceux qui auront échoué à dix-huit ans et qui voudraient renouer avec leur première vocation. C’est encore une façon de réduire la pression et la tension qui règnent actuellement en première année.
L’objectif de cette réforme est donc double. Elle vise à réduire le taux d’échec mais, surtout, à mieux orienter chacun de nos étudiants pour leur donner, à eux aussi, les moyens de s’épanouir dans leurs études.
C’est pourquoi je me réjouis, monsieur Jean-Claude Etienne, que votre proposition de loi prévoie la mise en place d’un « droit au remords » pour les étudiants qui, après avoir réussi plusieurs concours, reviendraient sur leur choix initial pour rejoindre une autre filière à laquelle ils pourraient prétendre.
Associer les pharmaciens à cette année commune prend alors tout son sens. Comment concevoir que ces derniers, qui ont un rôle de conseil auprès de la population, qui sont les experts des médicaments et les vigiles des médecins prescripteurs, ne partagent pas avec eux les bases de l’enseignement initial, fondement d’une culture commune ? Cela ne se fera pas en un jour, je le sais. Mais je sais aussi que les autorités représentatives des pharmaciens y tiennent vraiment. Ils me l’ont dit. J’ai confiance dans leur engagement moderne, sincère et résolu.
Toutes les autorités représentatives des quatre professions concernées se sont beaucoup engagées pour faire avancer cette réforme. Elles ont participé, dès octobre 2007, à la mission orchestrée par le professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, que j’avais moi-même chargé de réfléchir aux améliorations qu’il est possible d’apporter à l’actuel PCEM 1. Elles ont participé à la concertation menée sur les dix recommandations du professeur Bach, avec tous les partenaires concernés, pour définir les grands principes de la réforme. Elles ont collaboré, avec la direction générale de l’enseignement supérieur, à l’élaboration d’une véritable feuille de route de la réforme dès le mois de juillet 2008, diffusée depuis lors à toutes les universités. Enfin, elles ont commencé à mettre en place, dans les universités, les outils et les équipes indispensables à la mise en œuvre concrète de la réforme le plus tôt possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre vote est très attendu puisqu’il conditionne la mise en place d’une réforme que l’on retardait depuis vingt ans, une réforme qui vise à améliorer l’organisation de la première année au bénéfice des étudiants.
Nous partageons le même constat – celui du gâchis de ces jeunes vocations –, alors donnons-nous les moyens d’agir, et c’est ce que nous propose aujourd’hui Jean-Claude Etienne. Si je sais que beaucoup d’entre vous partagent mon analyse, je sais aussi que certains ont fait entendre des doutes, voire des craintes. Aussi, je voudrais insister sur deux points.
D’abord, toutes les conditions matérielles sont réunies afin que l’État accompagne les universités et les étudiants pour le plus grand succès de la réforme. Vous avez voté en novembre dernier les moyens financiers du plan « Réussir en licence », qui ont été élargis, pour la première fois depuis janvier 2009, aux unités de formation et de recherche de santé. Cela représente jusqu’à 25 % d’augmentation de leurs moyens ! Ces crédits seront en partie utilisés pour renforcer le tutorat, car il nous semble que c’est le meilleur outil pour encourager les bons étudiants à persévérer et pour mener les plus fragiles vers la réussite.
Ensuite, je souhaite insister sur ma volonté d’associer, au plus vite, tous les acteurs au travail de réflexion et de rédaction que nous menons actuellement sur les textes d’application. Depuis l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi commune déposée par le député Jacques Domergue et par le sénateur Jean-Claude Etienne, mes services travaillent activement à la rédaction de projets d’arrêtés d’application, afin de pouvoir amorcer dès que possible la concertation sur les modalités de mise en œuvre de la réforme.
Vous l’aurez compris, cette réforme est faite au bénéfice des étudiants. Il est bien évident qu’ils seront invités, comme les autres parties, à réfléchir avec nous aux modalités de sa mise en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, c’est l’intérêt des étudiants qui guide mon action et qui a présidé à l’initiative des parlementaires Jean-Claude Etienne et Jacques Domergue, ce qui ne vous étonnera pas venant de leur part !
Au nom du Gouvernement, j’émets donc un avis très favorable sur ce texte qui rejoint et poursuit l’action politique que je mène depuis mon arrivée au ministère.