Intervention de Muguette Dini

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui présente une réforme attendue de longue date, et positive à plus d’un titre.

Dès 2002, Luc Ferry et Jean-François Mattei, ministres, respectivement, de l’enseignement supérieur et de la santé, indiquaient l’intérêt qu’ils portaient à la création d’une année d’études commune aux professions de santé. Ils suggéraient même que cette création intervînt rapidement.

Ainsi la commission pédagogique nationale de la première année des études de santé a-t-elle été instituée en septembre 2002 pour faire des propositions sur le sujet. Menés par le défunt président de l’université Claude Bernard Lyon 1, Domitien Debouzie, ses travaux ont été fructueux et fort détaillés.

Les propositions faites par ce dernier sont à rapprocher, en grande partie, de celles qui vous ont été remises, madame la ministre, par le professeur Jean-François Bach et qui ont été reprises dans la présente proposition de loi.

Je note que quatre principes fondamentaux sous-tendent la création d’une année commune aux études de médecine, d’odontologie, de maïeutique et de pharmacie.

Le premier principe est l’instauration d’une indispensable culture commune aux différentes professions de santé.

Le professeur Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, a souvent dénoncé le cloisonnement entre ces dernières. Dans son premier rapport de 2002, il indique que l’un des obstacles majeurs à la coopération entre les professionnels de la santé reste le cloisonnement et les contours trop variables de leurs cadres de formation.

Deuxième principe, cette année commune ne doit pas être une année blanche, de bachotage. Elle doit être intégrée dans le cursus global de la formation des professions de santé. Cela implique qu’elle prépare aux concours tout en assurant une formation intégrée à un cursus académique et professionnel. En somme, cette année doit être, selon l’expression du doyen Debouzie, « utile, constructive et apprenante ».

Cela me paraît essentiel, madame la ministre. De nombreux étudiants demandent d’ailleurs des garanties à ce propos – j’y reviendrai.

Le troisième principe est celui de l’absence de hiérarchisation des concours.

L’actuelle première année du premier cycle des études de médecine, ou PCEM 1, induit en effet une hiérarchisation entre les professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme. L’existence d’un classement unique permet effectivement à un étudiant bien classé de choisir sa profession et contraint l’étudiant moins bien classé à un choix par défaut, notamment lorsqu’il se présente au concours pour la deuxième fois.

La mise en place de quatre concours séparés et indépendants, soit un concours par profession, devrait sans nul doute y remédier.

Le dernier principe fondamental est celui de la prévention de l’échec.

Les statistiques montrent que la moitié des étudiants ayant obtenu leur baccalauréat avec la mention « bien » échouent au concours de médecine et d’odontologie, alors qu’un tel taux d’échec n’est jamais observé dans les classes préparatoires des grandes écoles ou dans le premier cycle intégré des écoles d’ingénieur.

Après analyse de données recueillies à l’université Claude Bernard Lyon 1 pendant trois années consécutives, un portrait démographique des étudiants inscrits en PCEM 1 a été esquissé.

En moyenne, environ 30 % d’une cohorte de PCEM 1 intégrera la deuxième année du premier cycle des études médicales, ou PCEM 2, soit en un an, soit – surtout – en deux ans, voire en trois ans. En revanche, la moitié de cette cohorte quitte le PCEM 1 sans aucun diplôme, sans aucune équivalence ou dispense. La proportion d’abandons après une première tentative est élevée.

Des campagnes d’informations auprès des étudiants de PCEM 1 expliquent probablement cette réorientation rapide. Quasiment la moitié des étudiants qui ne sont pas admis en seconde année de médecine ou de pharmacie vont en DEUG sciences et technologies. Une autre part importante, environ 30 %, se dirige vers une profession paramédicale.

Ainsi, la prévention de l’échec par une réorientation des étudiants est l’avancée majeure de ce texte.

Je ne reviendrai pas sur tous les dispositifs proposés. Les deux rapporteurs et vous-même, madame la ministre, les avez fort bien exposés.

J’ai retenu, madame la ministre, une de vos déclarations à la presse : « il n’y aura pas de couperet mais il y aura l’ouverture dans les universités de semestres de rebond ».

Comme vous l’avez donc compris, mon groupe et moi-même saluons cette refonte de la première année d’études de santé.

Toutefois, nous sommes inquiets et demandons des garanties sur la mise en œuvre de cette refonte.

Nous demandons notamment des garanties sur l’organisation pédagogique de cette année commune.

Un nouveau programme commun aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme est à élaborer.

Le défi est de conserver le niveau actuel et les spécificités de chaque filière. Ce sujet nourrit de vives inquiétudes chez les étudiants en pharmacie. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement d’appel relayant leurs interrogations.

Dans son rapport, le professeur Bach propose un programme identique pendant le premier semestre, portant sur les matières fondamentales. Les modules spécifiques à chaque filière seraient introduits au cours du second semestre.

Il préconise surtout que ce programme commun soit établi par les commissions pédagogiques nationales des trois filières et le conseil de perfectionnement des sages-femmes. Quelle est votre position, madame la ministre, sur ce sujet ?

Nous demandons de même des garanties sur l’organisation des quatre concours et la validation des connaissances. Ces concours seront-ils organisés par université ? Chaque étudiant sera-t-il libre de choisir le nombre de concours qu’il présentera ?

Nous demandons des garanties sur la mise en place de moyens et de supports éducatifs suffisants.

L’accueil de tous les étudiants dans les locaux universitaires actuels des UFR médicales et pharmaceutiques paraît déjà problématique. Le recours aux nouvelles technologies et aux supports numériques dans la perspective d’un enseignement à distance est évoqué. L’envisagez-vous, madame la ministre ?

Vous misez également sur une meilleure orientation des futurs bacheliers et sur une information de ces derniers à propos de la difficulté et de la longueur des études de santé. Comment cela s’organisera-t-il concrètement ? Il est question d’entretiens préalables, de journée nationale d’information dans les lycées et d’opérations « portes ouvertes » dans les facultés. Qu’en sera-t-il ?

Enfin, nous demandons des garanties sur les orientations possibles des étudiants en situation d’échec. Vers quelles filières seront-ils orientés ?

Vous avez annoncé une réunion des doyens des universités et des facultés à ce sujet, au début de cette année. Qu’en est-il ressorti ?

Cette réforme nous semble une bonne idée. Toutefois, son entrée en vigueur mérite plus de temps et ses modalités d’application davantage de garanties.

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