Intervention de François Autain

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Adoption d'une proposition de loi

Photo de François AutainFrançois Autain :

C’est la première fois que nous sommes saisis. Attentif à ces questions relatives à la santé, je m’en félicite.

Venons-en au texte lui-même avec une première remarque d’ordre général.

On peut comprendre que l’organisation de cette première année soit déterminée par voie réglementaire, mais, comme nous le demandons de manière récurrente et comme l’a également demandé M. le rapporteur pour avis, nous aurions aimé connaître au moins les grandes lignes des arrêtés d’application, en cours d’élaboration ou peut-être, pour certains d’entre eux, déjà prêts. Cela permettrait de répondre à certaines interrogations et de calmer des inquiétudes éventuellement injustifiées.

Cela dit, je ne pense pas que ce texte a minima soit suffisant pour réduire le taux d’échec au concours de fin de première année, qui avoisine les 80 %. Les chances de remédier à ce gâchis humain auraient sans doute été plus grandes si les auteurs de cette proposition de loi avaient suivi les recommandations du rapport Debouzie qui préconisait – je le répète – une première année d’études commune aux quatorze professions de santé.

Il aurait été à tout le moins sage de l’ouvrir aux masseurs-kinésithérapeutes, qui le réclament et qui ont d’ailleurs lancé une pétition en ce sens, et sans doute aussi aux infirmiers. Nous aurions ainsi eu davantage de chances d’atteindre l’un des objectifs de cette réforme qui vise à garantir et à développer une culture commune aux métiers de santé afin de rapprocher leurs pratiques.

Je m’étonne d’ailleurs que l’on n’ait pas profité de l’intégration de la maïeutique dans la première année des études de santé pour accorder enfin à cette discipline la reconnaissance universitaire qu’elle mérite et qu’elle attend depuis plusieurs années. Nous avions déposé un amendement en ce sens, qui a malheureusement été écarté par la commission des finances en vertu de l’article 40 de la Constitution. Si le Gouvernement proposait une telle disposition, l’irrecevabilité financière ne pourrait lui être opposée. Nous attendons donc avec impatience que le Gouvernement fasse une proposition.

Il serait par ailleurs temps de songer au remplacement du terme « sage-femme » par une appellation qui tienne compte du fait que cette profession est exercée par de plus en plus d’hommes. Le terme de maïeuticien, reconnu par l’Académie française, me semblerait particulièrement bien adapté. J’ai d’ailleurs déposé un amendement qui, sans aller jusque-là, procède de cet esprit.

Les conditions dans lesquelles les étudiants peuvent être réorientés à l’issue du premier semestre de la première année sont un autre sujet d’inquiétude.

Je ferai tout d’abord observer que rien ne permet d’affirmer qu’une réorientation précoce est préférable à un redoublement, d’autant que, dans l’hypothèse d’une réussite au concours, le redoublement fait gagner un à deux ans par rapport à la réorientation précoce. Tant que n’auront pas été effectuées des études comparatives entre les résultats du premier semestre d’un étudiant n’ayant pas encore redoublé et ceux qu’il obtient au concours en tant que redoublant, le doute est permis.

De même, il n’est pas fondé de prétendre que les étudiants ayant une moyenne de moins de 7 sur 20 à l’issue du premier semestre ou de la première année n’ont qu’une très faible chance de réussir au concours, même à l’issue d’un redoublement. Il nous manque, sur ce sujet également, des études statistiques.

Ensuite, la réorientation précoce suscite des interprétations divergentes. D’un côté, la circulaire du 1er août 2008 présente la mesure comme « obligatoire, tant à l’issue du premier semestre que de la première année ». De l’autre, le coauteur et rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale indique le 10 décembre 2008 que cette réorientation précoce n’est qu’« une simple faculté ».

Il nous a semblé qu’une disposition pouvant donner lieu à des interprétations aussi radicalement contradictoires devait être supprimée. C’est l’objet de deux de nos amendements.

Permettez-moi ensuite de douter de la faisabilité de cette possibilité de réinscription en première année d’études de santé offerte aux étudiants exclus précocement du système. En effet cette mesure, considérée comme une seconde chance de réussite, est un miroir aux alouettes.

Les étudiants réorientés au premier semestre étant les plus mauvais, leur chance de valider une première année de licence est minime. Il leur faudrait donc attendre deux ans et demi avant de se réinscrire en première année d’études de santé, avec une chance de réussite nettement moindre que les redoublants classiques. Je crains que cette deuxième chance ne s’apparente à une impasse.

L’un des effets de cette réforme est qu’elle va augmenter le nombre d’étudiants en première année, aggravant ainsi le gigantisme ou la massification auxquels les doyens doivent faire face dans l’organisation de l’enseignement. Pour améliorer la pédagogie, une université doit avoir le droit de fragmenter le numerus clausus entre plusieurs unités de formation et de recherche, afin que chacune d’entre elles organise un concours, comme c’est déjà le cas dans certains de ces établissements.

Les priver de cette possibilité serait les affaiblir face à des cours privés particulièrement dynamiques et onéreux et pourrait porter atteinte à l’égalité des chances en pénalisant les étudiants les plus démunis qui ne peuvent pas y accéder. À cet égard, on peut regretter qu’aucune enveloppe financière spécifique n’ait été affectée à la première année de licence dans le cadre de la loi de finances.

Mais il n’est peut-être pas trop tard pour rectifier le tir. Si j’en crois le nombre d’amendements déposés et les déclarations de nos deux rapporteurs, le report d’un an de l’application de cette réforme a toutes les chances d’être adopté par notre Haute Assemblée, ce dont nous nous félicitons.

Madame la ministre, ce délai pourrait vous permettre d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2010 les crédits nécessaires au financement de la réforme.

Telles sont les observations qu’appelle cette proposition de loi, que nous aurions aimée plus ambitieuse et moins discriminatoire. La position du groupe CRC-SPG au moment du vote dépendra du sort qui aura été réservé à nos amendements.

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