Intervention de Béatrice Descamps

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Béatrice DescampsBéatrice Descamps :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous étudions aujourd’hui est très attendu et représente une étape importante dans la réforme des études de médecine.

L’accès aux études de santé, et surtout à la seconde année de médecine, est extrêmement difficile. Or, malgré la difficulté du concours, les étudiants sont toujours plus nombreux à s’inscrire.

Comme vous l’avez souligné tout à l’heure, madame le ministre, la probabilité de réussite pour les étudiants qui s’engagent dans des études médicales est de 27 % seulement sur deux ans. Ce chiffre est éloquent. Il révèle un gâchis humain considérable.

Le principe même d’un numerus clausus n’est pas à remettre en cause, car il est le prix de l’excellence – vous l’avez dit tout à l’heure. Chacun le sait, s’engager dans des études médicales est un choix risqué. Plusieurs générations de jeunes se sont inscrites dans des études de santé en se résignant à cette situation. Mais ce risque est malheureusement dissuasif pour beaucoup d’élèves, qui n’oseront jamais prendre cette voie.

L’échec est difficile à supporter pour les jeunes concernés, qui sont bien souvent de bons élèves. De plus, lorsqu’ils redoublent et se voient recaler de nouveau, ils doivent repartir de zéro, car les possibilités de réorientation sont très limitées. Oui, quel gâchis et quelle perte de temps !

Depuis plusieurs années, des réflexions approfondies ont été menées, sur l’initiative des pouvoirs publics. Aussi, je me réjouis que les propositions de réforme formulées dans le rapport de M. Jean-François Bach soient aujourd’hui mises en œuvre.

La création d’une première année commune aux études médicales, odontologiques, de sages-femmes et, dorénavant, pharmaceutiques permettra d’élargir les débouchés ouverts aux étudiants, ce qui va dans le sens d’une réduction du taux d’échec et du nombre de redoublements en première année.

Les possibilités de réorientation constituent un autre apport de la proposition de loi. La fin de première année doit être sélective, puisque la sélection n’existe pas à l’entrée de cette première année. Mais est-il utile d’attendre un an lorsque les premiers mois sont souvent décisifs et révèlent déjà pour certains un retard important ? La réorientation en cours d’année me semble être une disposition de bon sens, qui permettra à l’étudiant de gagner du temps.

Il y a également trop de cas de jeunes qui redoublent pour se retrouver finalement sans diplôme au bout de deux ans. La proposition de loi tend à éviter cette situation en permettant à l’étudiant de rejoindre une autre formation et de se former dans les matières scientifiques pour revenir ultérieurement tenter le concours d’entrée en médecine, avec des chances renforcées. Bien des situations d’échec pourront être évitées grâce à cette mesure. L’étudiant devra alors être accompagné et bénéficier de l’aide de conseillers d’orientation.

Je soulignerai en outre l’importance des mesures permettant la diversification des profils des étudiants dans les études de santé. Il semble qu’il n’y ait point de salut dans ces branches pour les étudiants n’ayant pas un baccalauréat scientifique. Les connaissances scientifiques sont importantes, mais est-il normal que les étudiants aient tous le même profil ? Les élèves qui ont d’autres centres d’intérêt ne sont-ils pas dissuadés par avance de s’engager dans une profession de santé ? Pourtant, parmi eux, il y a des talents et des vocations qui ne demandent qu’à se révéler. Je trouve donc intéressante l’idée de passerelles pour des jeunes qui auraient découvert leur vocation « sur le tard ».

Par ailleurs, madame le ministre, je crois que vous avez l’intention d’introduire de nouveaux programmes en première année, concernant les sciences humaines et sociales, et également l’anglais, ce qui ne peut qu’être bénéfique pour de futurs professionnels de la santé.

Je souhaiterais maintenant évoquer les questions ou les craintes liées à cette réforme.

Je comprends l’inquiétude des étudiants qui connaîtront la première année de mise en application de la réforme.

À la lecture de la proposition de loi, je constate que la situation des étudiants qui connaîtront l’année de réforme a bien été prise en considération et qu’une certaine souplesse est introduite : l’article 2 prévoit que la procédure de réorientation des étudiants à l’issue de la première année, ou dès le terme du premier semestre, pourra être différée jusqu’à la rentrée universitaire 2011-2012.

Nous avons également reçu des courriers d’étudiants en pharmacie estimant que leur première année d’études est bien organisée et craignant de ne pas retrouver dans l’année commune ces bonnes conditions d’étude, notamment les enseignements dirigés suivis en effectifs restreints.

Ce serait regrettable, car il me semble que les étudiants en pharmacie subissent également un taux d’échec important en première année. La réforme devrait donc leur être profitable. Je souhaiterais que vous nous confirmiez, madame le ministre, qu’ils ne seront pas dorénavant perdus dans de grands amphithéâtres et qu’ils garderont en première année la spécificité de leurs enseignements.

D’une manière plus générale, la réforme paraît difficilement applicable dans certaines universités, et ce pour des raisons matérielles tenant à la configuration des locaux. Comment ces problèmes seront-ils résolus ?

Par ailleurs, je souhaiterais profiter de ce débat pour rappeler combien il est important de promouvoir l’exercice de la médecine générale. Vous travaillez en ce sens, madame le ministre, et nous avons adopté en février 2008 une proposition de loi de notre ancien collègue Francis Giraud tendant à créer de nouveaux corps d’enseignants pour cette discipline.

Certaines régions manquent de médecins. On parle même de « désertification médicale ». La répartition du numerus clausus par faculté ne tient pas assez compte des besoins de santé des territoires. Cette répartition est souvent établie en fonction du nombre de bacheliers reçus et des capacités de formation existantes. Madame le ministre, souhaitez-vous moduler plus fortement le numerus clausus d’un point de vue géographique ? Pourriez-vous évoquer les mesures que vous comptez prendre pour inciter les étudiants à se diriger vers la médecine générale et s’établir dans des régions manquant de praticiens ?

Je vous remercie de nous éclairer sur ces quelques points.

Par ailleurs, je tiens à saluer votre détermination à mener une politique de réduction du taux d’échec à l’université, notamment au moyen du plan « Réussir en licence ».

Je souhaite également remercier nos rapporteurs, ainsi que M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, de la qualité de leurs travaux et de leurs analyses.

Bien évidemment, le groupe UMP votera cette proposition de loi, qui engage l’indispensable et urgente réforme des études de santé.

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